A propos de l’article : “Le dépôt de bilan de l’élevage bovin allaitant”. Dans La Creuse agricole et rurale du 28 septembre 2001, Philippe Chazette, président de la section bovine Creuse signait un article sur la situation de sa profession : “Le dépôt de bilan de l’élevage bovin allaitant”. Ses déclarations ont suscité des réactions diverses notamment dans les milieux limousins des migrants. En effet, elles comportent, au milieu d’une présentation très alarmiste de la situation dramatique de “l’élevage bovin allaitant” en France, et en particulier en Creuse, un paragraphe pour le moins étonnant, concernant l’accueil de nouvelles populations rurales : “Et dire que dans quelques semaines les tribunes électorales verront refleurir tous les plus beaux discours sur l’installation des jeunes et la fameuse occupation harmonieuse du territoire alors que tout semble fait pour laminer nos zones rurales où les vrais agriculteurs courent à la disparition, remplacés déjà dans la tête de certains par de nouvelles populations où se retrouveront pêle-mêle baba-cools doux rêveurs inoffensifs et surtout improductifs et dans les coins les plus retirés, des franges de la pègre citadine dont on ne s’étonne même plus qu’en apparence ils ne vivent de rien, le travail étant banni chez ces gens-là”.
Philippe Simon agriculteur installé à Saint-Moreil depuis 17 ans nous fait part de ses commentaires.
Mi-octobre 2001 : 3 associations locales se rencontrent dans une petite ferme creusoise pour organiser une manifestation culturelle sur le thème des chants du monde. Tous les présents sont des “migrants”.
Sur un bout de table, daté du 28 septembre 2001, le journal présent dans quasiment toutes les fermes :
La Creuse agricole et rurale est ouvert à la page : “actualités”. Un article de Philippe Chazette, traite de la crise bovine. Alléchant…
Je jette un œil distrait à cette littérature : ce fameux paragraphe me saute aux yeux… Ambiance xénophobe… sans grand rapport avec le titre.
Le reste est à l’avenant : sans occulter le grave problème voire l’impasse dans lequel est plongée l’agriculture, le discours est corporatiste - représentation agricole oblige - les “bons et vrais” agriculteurs sont face aux multiples méchants, les risques d’une réaction violente incontrôlée sont perceptibles, la faute c’est les autres !...
Article révoltant ? Ecœurant ? Plutôt triste, voire tragique !…
Réagir ? Oui bien sûr!... mais que faire ? Je me sens souvent démuni devant des actes, paroles ou écrits dont j’ai du mal à croire qu’ils peuvent exister tant ils me paraissent étrangers aux valeurs d’une société évoluée.
Comment dépasser ce choc culturel ?
Tout d’abord résister à la facilité de ne pas vouloir connaître l’autre. L’incompréhension mutuelle amènent ceux qui brûlent des pneus devant des préfectures à dénigrer ceux qui brûlent des voitures en banlieue, elle amène ceux qui n’arrivent plus à vivre des fruits de leur travail à ne pas accepter chez d’autres des aspirations différentes.
Ensuite, comprendre les impasses actuelles et dénoncer leurs solutions dérisoires : pour sauver l’agriculture les consommateurs doivent manger plus et notament de la viande mais aussi plus de vin quand les viticulteurs ont des stocks, plus de tomates avant qu’elles ne finissent sur les autoroutes !… (Extrait de l’article de M. Chazette : “…regagner des volumes de consommation est la solution la plus efficace, la plus indolore et la moins coûteuse pour régler une partie de nos problèmes…”).
Enfin, chez nous en Limousin comprendre notre histoire pour rebondir aujourd’hui :
- Qu’en est-il de ce territoire terre de migration au 19ème siècle qui a insufflé en retour les nouvelles valeurs républicaines révélant ainsi la richesse du métissage ?
- Qu’en est-il de ces femmes qui furent déportées en Nouvelle-Calédonie pour leurs engagements révolutionnaires ?
- Qu’en est-il de cette terre de rebelles, de résistants, de libres penseurs qui dans notre histoire souvent encore proche nous signifient que les Limousins portaient les valeurs d’un humanisme moderne ?
N’en reste-t-il plus rien ? Le tout économique et la pensée unique ont-ils tout rasé ?
Aujourd’hui, une nouvelle génération de migrants “en retour” vient s’installer sur la montagne limousine et recréer un brassage, un métissage avec les forces vives du pays qui permettront après un combat contre l’inertie ambiante de construire ensemble une nouvelle ruralité.
L’enjeu : “Limousin terre d’accueil” est bien porté :
- au Conseil Régional qui soutient activement les initiatives et s’engage sur le terrain concrètement,
- au niveau local ou la mise en place des pays est un moment clé de l’évolution de nos structures et mentalités et d’où peut émerger un réel processus de démocratie participative,
- l’ambitieux programme “leader plus” qui peut permettre pendant 5 ans d’initier une dynamique d’accueil et aider la mise en place d’actions concrètes,
- la force de l’action militante du collectif d’associations “100 ans pour agir autrement” qui permet de mettre en réseau, de dynamiser, de solidariser les expériences associatives locales et de faire vivre des actions collectives et décloisonnées : création d’un pôle d’accueil et de formations, création d’IPNS et bien d’autres choses encore,
- le travail quotidien de tous ceux qui s’engagent et mettent en œuvre leurs talents au service de la vie culturelle, sociale et économique.
Alors mettons au placard l’intolérance, le radicalisme et biens d’autres valeurs désuètes et rêvons :
Monsieur Chazette, je vous souhaite bonne route et peut-être qu’un jour, au cours d’une rencontre dans une ferme pour étudier comment sortir de la crise bovine, vous jetterez vous aussi un oeil distrait à la littérature posée au coin de la table, et un paragraphe d’IPNS vous sautera aux yeux : “…amitié, solidarité, responsabilité et réalisme nous permettront de sortir de l’impasse et de progresser ensemble pour gérer notre planète autrement et de manière viable, en nous appuyant sur l’unité qui nous rassemble et la diversité qui nous enrichit. Nous devons apprendre à évoluer et nous organiser dans un cadre complexe. L’enjeu est aujourd’hui de rendre la complexité amicale, de l’apprivoiser avec patience, pas à pas.” (Plate-forme pour un monde solidaire et responsable).
Philippe Simon, agriculteur