Le permis de conduire reste aujourd’hui un sésame quasi-indispensable pour répondre aux besoins de mobilité sur la Montagne limousine. Mais qui ne connaît pas dans son entourage une personne qui galère pour aller faire ses heures de conduite loin de chez elle, obligée de bloquer des demi-journées entières pour se rendre à l’autre bout du Plateau ? Si tant est que l’on ait les moyens de s’offrir le passage du permis, ce qui pour des publics précaires, jeunes, etc. est loin d’être une évidence. Fort de ce constat, un collectif d’habitant·e a décidé d’apporter une solution nouvelle pour les personnes sans permis, en prenant modèle sur les initiatives lancées ailleurs en France. L’idée : créer une auto-école autogérée, sans moniteur agréé mais avec des bénévoles bien rodés.
Après quelques échanges auprès de personnes impliquées dans des actions similaires à Lyon et Nantes, le duo à l’initiative du projet, épaulé par le salarié du groupe mobilité du Syndicat de la Montagne limousine a décidé de passer la vitesse supérieure. C’est ainsi qu’une petite dizaine de personnes intéressées se sont retrouvées fin octobre à Faux-la-Montagne pour une Assemblée générale qui a vu la création de la « Voiture École Rurale et Solidaire de la Montagne limousine ».
Une auto-école associative
Les échanges ont permis d’y voir plus clair sur les différentes activités possibles et les besoins du territoire : mettre à disposition un véhicule adapté pour simplement faire des heures de conduite en plus de celles effectuées dans une auto-école ? Proposer un accompagnement complet depuis l’apprentissage du code de la route jusqu’à l’examen de conduite ? Proposer des heures de remise en confiance pour des personnes qui n’ont plus conduit depuis longtemps et se retrouvent, de fait, isolées ? Une petite enquête menée quelques mois plus tôt avait permis d’estimer qu’une dizaine de personnes pourrait être intéressée à passer le permis dès la première année. L’association réfléchit donc à une offre similaire à ce que peuvent proposer les auto-écoles, bien que ce soit le modèle le plus compliqué à mettre en œuvre.
Que dit la réglementation ?
Du point de vue réglementaire, rien n’empêche de proposer des cours de code de la route, et les stagiaires peuvent passer l’examen en candidats libres. Pour l’apprentissage de la conduite, le cadre est plus strict : les heures de conduite doivent se dérouler dans un véhicule adapté (double-commande, doubles rétroviseurs, signalétique spécifique), et la personne assise sur le siège passager doit être titulaire du permis de conduire depuis au moins 5 ans. Enfin pour l’examen de conduite, les choses se corsent, puisque la voiture amenée par les candidats libres devra être immatriculée depuis moins de six ans. Or ces voitures sont plus difficiles à trouver sur le marché de l’occasion, les auto-écoles cédant les leurs au bout de 6 ans.
Une solution mixte pourrait être envisagée : les stagiaires effectueraient la majorité de l’apprentissage au sein de l’association, mais l’examen de conduite serait effectué dans la voiture d’auto-écoles ou de moniteurs indépendants partenaires.
Un travail pédagogique
Les échanges lors de l’assemblée générale ont également mis en avant la nécessité d’adapter la pédagogie pour déconstruire les stéréotypes de genre qui sont des freins à la conduite, comme la valorisation de l’audace. Pour ce faire, l’association souhaite créer des liens avec les structures de formation et d’éducation populaire locales, afin que les personnes accompagnantes soient correctement formées sur le volet pédagogique. Elles devront également l’être sur le maniement d’un véhicule à double commande.
Les besoins en accompagnateurs bénévoles sont estimés à une personne pour une apprenante, sans compter l’implication dans la vie associative, où il est souhaité que tout le monde mette du sien. Pour l’entretien du véhicule, les regards se tournent vers un garage solidaire à proximité. Pour apprendre à conduire ainsi que la mécanique dans la même formule ?
En partant sur ce modèle, l’association pense pouvoir proposer des tarifs solidaires bien plus bas que ce qui se pratique ailleurs : autour de 500 € pour passer le permis. De la même manière, les heures de remise à niveau seraient accessibles au plus grand nombre sans que les revenus soient un obstacle.
Ainsi s’exprimerait pleinement l’objet de l’association : renforcer l’autonomie en matière de mobilité des personnes vivant en ruralité sur la Montagne limousine, en s’adressant notamment aux personnes à faibles ressources, aux jeunes en situation de précarité ou aux personnes isolées dans les villages.
Pierre-Éric Letellier
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