Le 30 juillet 2014 le sénateur maire de Mende, Alain Bertrand, remettait à la ministre du Logement et de l’Égalité des territoires, un rapport intitulé “Pour un développement et la mise en capacité des territoires hyper-ruraux“. Quelques semaines auparavant il était venu sur le plateau rencontrer quelques élus et acteurs de terrain qui se sont ainsi découverts une nouvelle identité. Les habitants de la France profonde sont devenus des hypers-ruraux ! Une sacrée promotion qui n’a pas laissé insensible Catherine Moulin, maire de Faux-la-Montagne.
Il y a quelques semaines, la salle du conseil municipal de Faux-la-Montagne accueillait Monsieur Alain Bertrand, sénateur maire de Mende. Il était venu, entouré de son attachée parlementaire et d’un chercheur en géographie. Nous étions cinq du Plateau pour le recevoir.
Diligenté par le Sénat, ce sexagénaire girond, à l’accent rocailleux des montagnes lozériennes, venait prendre le pouls de la ruralité creusoise, et, surtout, nous présenter son concept d’hyper ruralité. Il venait nous annoncer, cartes à l’appui et statistiques en renforts, que nous en étions, que nous y étions ! Hyper ruralité. Qu’est-ce que cela veut dire ?
La carte de l’hyper ruralité (250 bassins de vie sont concernés)
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Hyper-ruraux |
Autres |
Bassins de vie |
250 (15,2%) |
1 394 (84,8%) |
Population |
3 418 364 (5,4%) |
59 346 379 (94,6%) |
Superficie approx. (km2) |
142 535 (26,0%) |
404 853 (74,0%) |
3,5 millions de Français
Habitants de Faux-la-Montagne et du Plateau, j’ai une nouvelle d’importance à vous communiquer : comme trois millions et demi d’autres français, nous sommes, vous êtes, des hyper ruraux ! Cela mérite quelques explications... L’hyper rural, c’est le rural du rural, la Creuse profonde-profonde, le bout du bout, le plus pauvre, le plus désert, le plus éloigné, plus, plus, plus, qui veut dire en réalité moins, moins, moins !
En gros, c’est une définition qui prend en compte la variabilité des situations du monde rural et qui insiste pour dire qu’il y a des ruralités plus rurales que d’autres, c’est à dire plus à l’écart, plus défavorisées, plus handicapées, où vivre est plus difficile... Parce que les distances à parcourir sont plus importantes, que l’essence est plus chère, la voiture indispensable, les transports en communs inexistants, les établissements scolaires trop éloignés, les services en tout genre limités, les commerces rares, peu fournis et chers, la matière grise en proportion, l’emploi ratatiné et la moyenne d’âge élevée.
Hyper ou super ruraux ?
Pour Monsieur Bertrand, maire de Mende, capitale départementale de la Lozère, pas plus grosse que Guéret, il est important que tous les élus urbains de France et de Navarre prennent en compte cette réalité qui concerne ¼ du territoire national. Il sait de quoi il parle, lui aussi, il en est, il y est ! Car, comme chacun sait, si la chose n’est pas nommée, elle n’existe pas... Nous n’existons pas.
L’hyper rural, c’est le rural du rural, la Creuse profonde-profonde, le bout du bout.
Dans hyper, il y a cette notion de “trop“, d’exagéré, d’excessif... Les hypersomniaques, les hyperactifs, les hypersensibles, les hyperchiants, les hypermarchés. Cela dit, on n’a pas fait dans la demi mesure : de rural on est directement passé à la case hyper rural, sans passer par la case super rural, comme pour le supermarché ! Personnellement, je me serai plus vue super rurale, comme super woman, plutôt qu’hyper rurale.
Au “pays des lois“
Je me moque, c’est facile. On comprend que Monsieur Bertrand bataille pour que soit prise en considération notre situation, à certains égards, plus fragile ou pour le moins plus ignorée. Il a peut-être raison de souligner l’impossibilité de nos territoires, par manque de moyens, à faire face à l’ensemble des tracasseries administratives, aux diverses normes et obligations sans cesse plus nombreuses et souvent ubuesques... La centralisation à la française, car notre pays, que les chinois appelle le pays des lois, est celui qui, depuis des siècles, est le plus prolixe en matière de textes réglementaires et législatifs, qui statuent sur tout. Il a vraiment raison, M. Bertrand, quand il montre en quoi toutes ces mesures réglementaires, ces logiques normatives, évaluatives, qui ne cessent d’être produites, ne font qu’accroître une forme de paralysie organisationnelle qui plombe littéralement le travail des équipes municipales ou de toutes celles et ceux qui ont des velléités de transformation sociale. On a l’impression qu’une machine à faire de la norme travaille 24 heures sur 24, sans que plus personne ne la gouverne vraiment. Un bataillon de juristes, de gratte papier prenant leur pied à pondre le cadre de nos vies pour nous dire ce qu’il faut faire et ne pas faire.
De l’air !
On pourrait imaginer un village hyper déprimant où partout sur les murs de la commune, seraient affichés les diverses réglementations, les délibérations, les arrêtés, les motions, les dossiers à remplir, les évaluations à établir, les imprimés à saisir, les déclarations à fournir, les cases à cocher, les appels d’offres à lancer, les bilans à rédiger, les pièces à signer, et j’en passe, de toute cette littérature qui balise notre vie quotidienne d’élus ou simplement de citoyens.
De l’air ! Laissez nous respirer ! Laissez nous exister, donnez nous simplement les moyens de construire nos vies, arrêtez de nous asphyxier, aidez-nous plutôt à nous prendre en main, pas de nous prendre par la main. Nous avons su ici ou ailleurs, montrer combien les zones hyper rurales pouvaient être hyper créatrices, hyper novatrices, hyper-motivées et aussi hyper-poil à gratter !
Crions tous d’une même voix : “Hyper-ruraux de partout, unissons-nous !“.
Catherine Moulin
Cet article reprend l’essentiel du discours de Catherine Moulin prononcé lors de l’ouverture du festival Folie ! les mots, le 27 juillet 2014 à Faux-la-Montagne. Le rapport de Monsieur Bertrand est téléchargeable sur le site www.territoires.gouv.fr.