Nous présentons dans ce numéro un ensemble d’éléments destinés à réfléchir sur ce qui se passe sur le Plateau depuis une douzaine d’années et les problématiques qui se posent aujourd’hui. On lira ci-dessous un récapitulatif (synthétique et non exhaustif) d’initiatives incarnant les évolutions du territoire depuis 2001, date à laquelle une vingtaine d’associations avaient organisé une manifestation importante autour du centenaire de la loi de 1901. Puis, dans les articles suivants, Alain Carof aborde la question des nouvelles communautés de communes à l’aune de ce qui se passe sur Aubusson-Felletin, et Roger Fidani nous propose une réflexion sur les conséquences de l’Acte III de la décentralisation.
12 ans d’engagement militant sur le Plateau
Comment lire ce schéma ?
Réalisé dans le cadre de l’anniversaire des 25 ans d’Ambiance Bois lors du week-end de la Pentecôte, cette frise chronologique qui court de 2001 à 2013, vise à saisir à travers un certain nombre de réalisations concrètes qui ont eu lieu pendant cette période, comment le Plateau a évolué pour être ce qu’il est aujourd’hui. C’est un regard qui peut bien sûr être discuté, éventuellement contesté, mais qui a sa cohérence et qui n’invente rien !
Que des bulles nouvelles !
Les bulles noires ou blanches représentent des initiatives qui se sont mises en place durant cette période – ce qui explique que des initiatives antérieures à 2000 n’apparaissent pas sur ce tableau : ce sont les choses nouvelles, les évolutions récentes qu’il nous intéressait de capter. Ce peut être une activité (exemple : le bar restaurant l’Atelier à Royère ou la création de l’association Les P’tits bouts à Sornac en 2007) ou un événement (un festival ou une manifestation comme les Nuits du 4 août en 2011). On repère ainsi la naissance de journaux (IPNS, Creuse-Citron ou Le Communard en 2002, 2004 et 2010) ; la structuration de réponses à des problématiques locales (sur le logement par exemple un “groupe habitat“ se réunit en 2005, qui crée une association en 2008, qui débouchera sur une Scic en 2010) ; l’arrivée et l’installation de collectifs de vie et de travail plus ou moins formels ; etc. Des traits entre certaines initiatives montrent les liens qui existent entre elles. Les bulles blanches entourées de hachures mettent en évidence des initiatives d’ordre culturel ou artistique, phénomène remarquable dans les premières années de la décennie.
Deux niveaux
La ligne centrale sépare deux niveaux. Sous la ligne noire, ce sont les initiatives associatives, militantes, citoyennes, etc. (Appelez cela comme vous voulez). Certaines sont très informelles, ponctuelles. D’autres plus structurées, durables. Toutes relèvent de démarches collectives d’habitants récemment arrivés ou plus anciennement installés et elles portent toutes dans leurs façons de faire et leurs discours, une vision du territoire qui va globalement dans le même sens. Risquons-en un résumé : le Plateau est habité par nous ; nous voulons avoir prise sur ce qui s’y fait ; nous portons une vision d’un territoire qui doit avoir une certaine autonomie et où les choix que nous faisons doivent d’abord servir celles et ceux qui y vivent – il y a clairement derrière toutes ces bulles une dimension d’“intérêt général“ ou d’“utilité sociale“, du moins de prise en charge d’une dimension collective de ce qui se passe ici.
Au-dessus de la ligne, on est dans un champ plus institutionnel qui évidemment interfère largement sur ce qui se passe en dessous. Le PNR, l’installation d’éoliennes en 2004 ou les études extérieures sur l’avenir de Vassivière relèvent de ce niveau.
Des mots en filigrane
Enfin, un certain nombre de mots, de concepts, sont en arrière-fond de ce panorama. Ce sont des idées ou des propositions qui sont dans l’air du temps, qui sont plus ou moins revendiquées par des acteurs (du haut ou du bas) et qui imprègnent ou colorent des attitudes, des positions, des postures : c’est la dynamique de “l’accueil“, c’est “l’économie sociale et solidaire“ ou le “Plateau insoumis“. Mais c’est aussi, surplombants voire menaçants, ce que nous avons résumé par les “scénarios de la Datar“ et qui correspond à des visions exogènes du territoire portées par les technocrates de l’aménagement du territoire, par des élus politiques, par des institutions nationales ou européennes (voir notre article dans IPNS n°38). Le Plateau ne peut ignorer ces visions qui parlent de métropolisation et de compétitivité des territoires, qui voient dans les territoires ruraux au choix : des espaces récréatifs, des réserves naturelles, des zones de production intensive de matières premières (chez nous : le bois, l’eau, l’énergie).
Quelques questions
Ce panorama une fois lu et compris, voici une série de questions qui ont été abordées lors du débat organisé aux 25 ans d’Ambiance Bois à l’issue de sa présentation. Nous restons délibérément ici au stade des interrogations, les réponses à ces questions pouvant être variables. Ces questions dressent néanmoins le cadre dans lequel le Plateau aura à évoluer dans les années à venir ; elles posent l’essentiel des enjeux que nous aurons à affronter.
- Comment le niveau inférieur du panorama (la ruche associative, la nébuleuse d’initiatives, la “République du Plateau“) peut-elle se conforter et se développer dans les années à venir ?
- Cette nébuleuse est-elle fragile ou, au contraire, manifeste-t-elle une force et une vitalité peu communes ?
- Ces réseaux très “organiques“ doivent-ils être mieux “organisés“ ? Très informels, mais très concrets, doivent-ils mieux se formaliser ?
- Quelles sont néanmoins leurs faiblesses ou ce qui les menace ? La multiplication des engagements qui reposent sur quelques centaines de personnes seulement, la raréfaction de l’argent public apparaissent comme des facteurs de fragilité tandis que le nombre d’initiatives et leur diversité, l’arrivée continue de nouveaux projets et surtout les nombreuses interactions qui les lient témoignent d’un réel dynamisme et d’un net volontarisme – points forts.
- Quels sont les liens qui unissent (ou désunissent) le niveau inférieur et supérieur, la “République du Plateau“ et les institutions politiques traditionnelles ? Ils existent, ils sont eux aussi assez nombreux (subventions, appels à projets, prise de capital, soutien politique...) mais sont plus aléatoires et compliqués. Voire conflictuels. Comment gérer ces tensions ? Faut-il investir de bas en haut le pouvoir politique ? Comment ? Pour faire quoi ?
- L’enjeu de l’autonomie (que ce qui se vit ici se décide ici) apparaît comme une dimension essentielle de ces douze dernières années. Comment le concrétiser davantage ? La recherche d’autonomie financière (créations de SCI, de fonds de dotation, de caisses de solidarité en sont quelques prémices) est-elle un premier pas vers une plus grande autonomie économique ? Voire vers une plus grande autonomie politique ?
- La liberté d’action revendiquée ici est-elle un projet politique ? Doit-il être davantage pensé, discuté, construit, défini ? Doit-on construire plus “institutionnellement“, mais autrement, une “République du Plateau“ ?
- Enfin, les sombres nuages qui semblent plomber l’avenir du territoire (les “scénarios de la Datar“ qui envisagent avec bonheur et sérénité le retrait de l’État, la fin des services publics et qui laisseraient volontiers se débrouiller tout seuls les irréductibles qui voudraient “inventer une autre vie“ ici) sont-ils des menaces réelles et sérieuses, ou une toile de fond qui n’empêcherait rien ? Doit-on les ignorer ou les combattre ?
On attend vos réponses !
Michel Lulek