Le chambardement territorial incarné par les regroupements de communautés de communes et la réforme des régions n’a pas fini de bouleverser la donne dans nos territoires. La nouvelle communauté de communes Creuse Grand Sud l’a constaté avec un mouvement populaire véhément suscité par un cafouillage fiscal qui a révélé des dysfonctionnements en termes de gouvernance et de projet. Du côté de la communauté de communes de Bourganeuf Royère, c’est l’effet « métropolisation » qui joue, à sa petite échelle, comme en témoigne un article de ce numéro. Même au niveau communal, la question du fonctionnement du pouvoir local est posée, maintenant que son maire (qui n’habitait déjà pas la commune) gérera les affaires communales depuis la région parisienne où il est parti vivre et travailler, six mois après son élection !
Le regroupement des communautés de communes du Plateau de Gentioux (6 communes, 2 214 habitants) et d’Aubusson Felletin (17 communes, 10 768 habitants) avec les communes de St Sulpice les Champs (386 hab.), Croze (190 hab.) et Gioux (174 hab.) a donné naissance le 1er janvier 2014 à la pompeusement nommée communauté de communes Creuse Grand Sud. Lors de son passage à Aubusson l’an dernier, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait salué les élus qui préparaient cette fusion : “Ce que vous faîtes est exemplaire !“
Un détonateur fiscal
Ce qui a été exemplaire, c’est la mobilisation d’une partie des habitants du territoire lorsqu’en septembre ils ont reçu leur feuille d’impôts fonciers : + 20% d’augmentation ! Raison invoquée : l’harmonisation des taux d’imposition entre les deux anciennes com com. L’ensemble des élus l’avaient votée, mais en prévoyant un lissage sur plusieurs années, lissage que l’administration fiscale jugeait non conforme à la loi et qui s’est donc traduit sur les impôts d’une grande partie des communes (en particulier celles du Plateau de Gentioux) par cette hausse spectaculaire. Bronca, assemblée d’habitants à Faux-la-Montagne en septembre, lettres et appels de certains administrés à leurs maires, tout cela a fini par l’invasion du conseil communautaire du 30 septembre 2014 à Aubusson, par 150 à 200 habitants remontés et décidés à dire leur mécontentement. Mais, ce n’est pas que la hausse des impôts qui les ont fait agir. C’est d’apprendre que depuis plusieurs mois le président de la communauté de communes, Michel Moine, savait que le lissage était impossible, et que cela ne lui posait aucun problème. A tel point que le 9 septembre il adressait une lettre à ses collègues maires pour leur expliquer ce qu’ils devraient dire si certains de leurs administrés s’inquiétaient d’une hausse des impôts trop importante. Quelques élus du Plateau sont montés au créneau pour protester avec véhémence devant cette rétention d’information, les habitants ont râlé, et ce qui était impossible à la mi septembre (le lissage sur plusieurs années) le devenait soudain à la fin du mois !
Moine se moque du monde !
Le 14 octobre 2014, dans une lettre adressée à l’ensemble des habitants, Michel Moine (le même qui entérinait dans sa lettre du 9 septembre 2014 la hausse brutale des impôts) essayait de faire croire qu’il était à l’origine du revirement de l’administration fiscale : “Considérant que ce refus de l’administration fiscale conduisait à des augmentations brutales des montants de ces taxes (NDLR : 20% environ) et parce que ce n’était en rien le choix formulé par les élus à l’unanimité (NDLR : vrai), j’ai pris l’initiative d’engager immédiatement une négociation avec M. le préfet et M. le directeur départemental des Finances publiques (NDLR : Faux ! Flagrant délit de mensonge ! Pas “immédiatement“, puisque Michel Moine était au courant de la situation, de son propre aveu, “courant juin“ et que selon ses propres dires lors du conseil syndical du 30 septembre 2014, il est allé voir le préfet à ce sujet le vendredi 26 septembre 2014). J’ai obtenu (NDLR : le feu aux fesses !) l’accord de l’État de prendre une nouvelle délibération en lieu et place de la précédente afin de rétablir un niveau de fiscalité et une progressivité acceptables“ Bref, poussé par la colère de quelques (rares) élus et d’une partie de la population, le président a bien dû agir et tente a posteriori de tirer les marrons du feu à son avantage...
Une lettre sans réponses
Mais cette “révolte fiscale“ a vite dépassé cette seule dimension. Quelques semaines et assemblées d’habitants plus tard (à Aubusson le 6 octobre 2014, à Croze le 9 octobre 2014), une lettre ouverte était envoyée à l’ensemble des conseillers communautaires de la com com. Nous la reproduisons ci-dessous. Elle précise bien les questions posées par les habitants à leurs élus. Cette lettre a été envoyée le 31 octobre 2014. Au 8 décembre 2014, où nous écrivons ces lignes, elle n’avait toujours pas reçu de réponse...
Michel Lulek
- Lettre ouverte de citoyens
suite au mouvement de protestation contre le fonctionnement actuel de la Communauté de communes Creuse Grand Sud.
Lors de la réunion de la communauté de communes du 30 septembre 2014, la présence massive d’habitants couvrait un large éventail de la population : jeunes et moins jeunes, de tous horizons politiques et culturels. Cette présence avait été décidée à l’occasion d’assemblées d’habitants rassemblant une large population. Si le motif initial du mécontentement et de l’incompréhension concernait la mise en œuvre de la nouvelle fiscalité, il pointait également de nombreux dysfonctionnements au sein de la com com :
- Blocage de l’information (pourquoi avoir attendu le 9 septembre, pour informer les maires sur la question des impôts ?) ;
- Absence de perspective quant à l’utilisation des impôts sur le territoire ;
- Absence de projet de territoire clairement exprimé ;
- Fonctionnement démocratique jugé insatisfaisant ;
- Rupture du lien de proximité avec les habitants ;
- Fonctionnement technocratique de l’institution ;
- Dégradation des liens entre les salariés et les élus.
Depuis, des élus et des habitants se sont réunis à plusieurs reprises pour examiner les conditions d’une sortie par le haut des graves divergences qui les ont opposés à la présidence sur les questions fiscales et plus fortement encore sur la question de la gouvernance communautaire.
Il est urgent de définir :
- La stratégie à long terme de notre nouvelle communauté de communes : ses objectifs et la prise en compte des différentes réalités d’un si vaste territoire ;
- La gestion de cette institution : les rôles et la place du président, des vice-présidents, des élus titulaires et suppléants, le fonctionnement des commissions, la transparence des décisions, les moyens de communication et d’information, les modalités de discussion et de vote, la formation des élus (pour mieux comprendre la fiscalité par exemple), les liens avec les conseils municipaux et la population, la révision des statuts et la rédaction concertée du règlement intérieur ;
- Le travail des salariés : redonner du sens à leur engagement, s’appuyer sur leurs compétences, favoriser le travail horizontal et en réseaux, casser les fonctionnements pyramidaux et stérilisants, éviter les conflits d’intérêts (pas de personnel qui soit à la fois à la Com com et à la mairie d’Aubusson !) ;
- Une politique publique qui soit aussi la mise en œuvre des initiatives de la population, des associations, des entreprises, et non la simple gestion administrative du territoire.
Nous proposons donc de discuter dans les meilleurs délais des points suivants :
- Faire une évaluation collective et ouverte, avec toutes les parties concernées, des dix premiers mois de fonctionnement de l’intercommunalité : voir ce qui va, ce qui ne va pas, qu’il s’agisse de l’activité, des élus, de l’administration, des salariés ;
- Commencer à élaborer des objectifs communs dont la finalité serait d’aboutir à un projet de territoire approprié par chacun ;
- Faire le point dans six mois de l’avancement de cette démarche.
Cette façon de voir l’activité communautaire revaloriserait le rôle des élus et permettrait d’impliquer les habitants dans la vie de leur collectivité.
Nous affirmons ici notre volonté de faire de notre communauté de communes un territoire où il fait bon vivre, et où nous déciderons ensemble de notre avenir.
Discutons-en !