Ces dernières semaines ont été marquées par une grande effervescence autour de la question de la fusion des communautés de communes. En effet, la loi NOTRe (Nouvelle organisation territoriale de la République) oblige les communautés de communes existantes à fusionner dans des entités beaucoup plus grandes. Le projet se discute dans les préfectures, les conseils communautaires et les mairies de la Montagne mais la question a bien du mal à sortir des cercles d’élus “initiés“. Pourtant, fin septembre, lors de la fête de la Montagne limousine, le sujet a été largement débattu et la proposition d’une communauté propre à la Montagne limousine mise en avant. Depuis, des assemblées d’habitants et de nombreuses réunions d’élus se sont mobilisées autour de cette proposition. Des textes ont circulé à partir desquels nous proposons, ici, de faire le point sur cet enjeu majeur pour notre avenir.
Vent de révolte
Ils étaient peut-être 150. Venus de Creuse et de Corrèze, une vingtaine d’élus et des habitants de la Montagne ont fait le 27 septembre 2015, lors de la fête de la Montagne limousine, un bilan sévère des fusions de communautés de communes en Creuse, en particulier de celle d’Aubusson-Felletin avec celle du Plateau de Gentioux. Ils ont réagi très vivement aux ultimatums des préfets de la Corrèze et de la Creuse qui veulent imposer 4 à 5 communautés de communes par département. Leur analyse était claire : faire des intercommunalités de cette taille accentue les phénomènes de technocratie et de domination des appareils politiques. Les centrer sur des “capitales“, c’est drainer vers celles-ci toutes les ressources du territoire. Comme l’a très bien formulé un maire corrézien qui ne croit pas aux bénéfices des regroupements pour les petites communes : “Je n’ai jamais vu des riches donner aux pauvres, j’ai toujours vu les riches prendre aux pauvres.“ (Pour une analyse plus détaillée, voir article page 5).
Que proposent les préfets ?
Lors de la Commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) du 5 octobre 2015 le préfet de la Corrèze a proposé pour la Haute Corrèze, une communauté de communes articulée autour d’Ussel (avec Meymac, Neuvic et Bort les Orgues), regroupant plus de 80 communes et près de 33 000 habitants dans une zone allant de Peyrelevade au Nord-Ouest, à Soursac dans les gorges de la Haute-Dordogne, et de Grandsaigne au sud-ouest, à Eygurande aux portes du Puy de Dôme. La partie sud-est du Plateau et une partie des Monédières (Treignac-Chamberet) seraient rattachées elles à Tulle Agglomération (Voir carte 1). Du côté creusois, le préfet a fait des propositions équivalentes regroupant tout le sud de la Creuse autour d’Aubusson (Voir carte 2).
Une alternative
Face aux com com ogresques que fantasment les préfets, la volonté de construire une alternative institutionnelle s’est affirmée. La loi l’autorise.
Contrairement à ce que suggèrent les diktats préfectoraux, une communauté de communes de 5 000 habitants, en zone de montagne, avec nos faibles densités, c’est tout à fait possible ! Si avec la nouvelle loi, les communautés du Plateau et des Monédières (entre 2 500 et 4 900 habitants et entre 10 et 20 communes en moyenne) se voient forcées de rejoindre des entités plus grandes, rien n’oblige à créer des regroupements de plus de 30 000 habitants ! En zone de montagne 5 000 habitants en effet suffisent. Mais il faut faire vite : le préfet de la Corrèze, au demeurant ouvert aux propositions des élus, leur demande de faire des propositions alternatives avant le 9 décembre 2015 sans quoi c’est son projet qui entrerait en vigueur au printemps prochain (1). Des élus de communes rurales se sont donc mis à construire, dans le court temps imparti, un autre projet de regroupement intercommunal à taille humaine, rural, entre communes de tailles équivalentes qui toutes font partie du Parc naturel régional. Ce regroupement entre tout ou partie de l’entité “Vézère-Monédières“ (12 communes autour de Chamberet et Treignac), tout ou partie de l’entité “Bugeat-Sornac“ (18 communes) et encore quelques communes limitrophes au sud de la Creuse (Faux-la-Montagne et La Villedieu...) ne compterait pas plus d’une trentaine de communes, une population autour des 10 000 habitants maximum et une unité sociale, économique et paysagère forte (voir carte 3 et encadré page 5).
Des atouts
Cette communauté de communes pourrait mettre en oeuvre un modèle de développement, non pas basé sur le renforcement d’une ville centre au détriment des périphéries, mais privilégiant des approches novatrices pour répondre aux problèmes de la ruralité en s’appuyant sur des pratiques respectueuses de l’environnement et des gens qui y vivent. Cette communauté de communes a des atouts : offre de soin avec des maisons médicales et des pharmacies à Bugeat, Chamberet, Peyrelevade, Treignac, ressources agricoles et sylvicoles, commerces et artisanat, services à la population - avec un collège, des écoles, un service enfance/jeunesse -, politique d’accueil, tourisme sportif avec les lacs, rivières et chemins de randonnée, patrimoine remarquable au coeur du PNR… Cette communauté serait centrée sur le coeur de l’ensemble Plateau de Millevaches et Monédières avec plusieurs bourgs-centres bien répartis. Et qui sait : ne pourra-t-elle pas demain servir de noyau à une communauté de toute la Montagne limousine lorsque la folie des grandeurs des gouvernants décidera dans 5 ou 10 ans que, décidément, nous sommes encore trop petits !
Michel Lulek
Plus d’informations :
Un blog : https://communesmontagne.wordpress.com
(1) Cet article a été rédigé le 30 novembre 2015.
- Quand les citoyens prennent la parole
Parmi diverses assemblées d’habitants tenues récemment autour de ce thème sur le Plateau, une réunion citoyenne s’est tenue le 13 novembre 2015 à Saint-Hilaire-les-Courbes, en présence d’élus et de citoyens de nombreuses communes. Un exemple de la mobilisation actuelle.
La problématique des fusions de communautés de communes a bien du mal à sortir des cercles d’élus qui se disent ou se pensent “initiés“ et est très peu connue des populations concernées. Certaines municipalités refusent même d’organiser un débat public sur leur commune. D’autres élus racontent que c’est le préfet qui impose cela et qu’il n’y a rien à faire. Pourtant, ce soir-là, à Saint-Hilaire-les-Courbes, les élus et habitants des communes rurales présentes (Saint-Hilaire, La Villedieu (Creuse), Veix, Viam, Soudaine-Lavinadière, Treignac, Madranges, Bugeat, Chamberet, Faux-la-Montagne) ont parlé du projet rural qui tente de se construire à taille humaine, entre communes de tailles équivalentes de la Montagne limousine. Ce projet resterait proche des habitants et serait déterminé à résoudre les problèmes que rencontrent nos communes très rurales de moyenne montagne. Il a besoin pour exister que le débat soit porté par la population et non pas réservé aux seuls élus. L’intervention du maire de La Villedieu (Creuse) a fait basculer plusieurs hésitants dans le camp de ceux qui souhaitent ce nouveau projet : il a expliqué comment sa commune, sollicitée pour entrer dans une plus grande com com a perdu sur toute la ligne, principalement financièrement (impôts plus lourds…). Le choix qui va être fait va engager les communes pour des décennies avec aucun retour possible en arrière : c’est donc l’affaire de tous. Parlez-en autour de vous, parlez-en à vos élus tant qu’ils ont encore le pouvoir de décider !
La proposition du préfet de la Creuse
La proposition du préfet de la Corrèze