Où vivons-nous et comment ? De quoi est fait le sol sur lequel nous marchons ? De quelle roche, de quelles histoires ? Qu’est-ce qui nous gouverne ? Qu’est-ce qui nous relie ? Qu’est-ce qui nous sépare ?
Un atelier de géographie populaire s’est organisé sur le plateau de Millevaches en septembre dernier et se poursuivra en janvier. De quoi s’agit-il ? Ses promoteurs nous présentent ce projet et ses premières réalisations.
À l’origine, trois sources
Ce projet d’atelier de cartographie émane tout d’abord des “assemblées populaires du Plateau“ qui ont réuni entre 30 et 80 personnes à l’automne 2010, pendant le mouvement des retraites. Il s’agissait de penser des actions localement, de s’organiser ensemble, d’initier des réflexions...
Une des idées sorties de ces assemblées et des actions qui ont été alors menées, était de dessiner une carte des flux économiques du Plateau.
À cette idée s’en sont greffées d’autres, plus anciennes, autour de l’envie de faire des enquêtes, d’aller rencontrer des gens qui vivent et travaillent ici. Des gens qu’on ne côtoie pas forcément, pour qu’ils racontent tout un tas de choses qu’on ignore...
Enfin, à l’issue de trois jours de discussions, ateliers, lectures, conférences, autour de l’économie (3 jours autour de l’économie - janvier 2010 à Faux la Montagne, organisés par l’association Pivoine), a été évoqué le concept d’ “écoumène“, que le géographe Augustin Berque a développé dans ses ouvrages. (“L’écoumène est une relation : la relation à la fois écologique, technique et symbolique de l’humanité à l’étendue terrestre.“)
Une rencontre
En juillet 2011, Till Roeskens, conteur et géographe amateur, présentait à la Pommerie ses travaux sur Sélestat. Sa démarche, et ce que nous percevons de son rapport à la cartographie nous interpelle... Sa résidence à la Pommerie (deux périodes de 15 jours en juillet puis en septembre 2012) a été le prétexte, l’occasion et le moyen de poursuivre les rencontres autour de tous ces désirs de cartes. C’est à partir de toutes ces rencontres et autour de structures comme la Pommerie à St-Setiers, Quartier Rouge à Felletin et Pivoine à Faux-la-Montagne, que s’est mis en place l’atelier de géographie populaire.
À la recherche de l’ “écoumène du Plateau“
Toutes ces idées ont convergé, nourri et sous-tendu l’envie de tracer les contours de l’ “écoumène du Plateau“, dans ce qu’il y a de physico-chimique, de mesurable, dans ses circuits de distributions, dans son / ses histoire(s), dans les ressentis personnels et collectifs, dans les manières de vivre ce lieu, de le parcourir, de l’habiter... Dans le but de saisir les différentes dimensions de nos existences dans leur épaisseur, saisir leurs relations, les lieux où elles se croisent et comment.
Du 18 au 29 septembre 2012, à l’occasion de toute une série de rencontres, des cartes ont été commencées (Toutes sont disponibles auprès de Pivoine).
Ont ainsi été ébauchées :
- La carte de ce qu’on peut mettre en commun.
- La carte de mes ennuis.
- La carte des barrages et de la circulation de l’eau.
- La carte de la production et de la circulation d’électricité.
- La carte des tournées du camion de l’épicerie.
- La carte des maisons du bourg de Faux-la-Montagne et de leur situation (habitées / à l’année ou pas / en location / en vente / abandonnées...).
- La carte des lieux remarquables.
- La carte des routes pittoresques.
- La carte des routes empruntées depuis que je suis arrivé sur le plateau.
- La carte des environs du collège associatif à La Villedieu.
- La carte “chausse tes bottes de 16 lieues et demi (8 km)“ (Topographie d’un plateau).
- La carte des noms de lieux-dits qui sont des noms communs et le poème qui en découle.
- La carte temporelle de la vie de ma vie (moments importants et parcours).
- La carte déroulée de ma chambre.
- La carte des trajets précis et réguliers des habitants du plateau.
- La carte des productions locales et des ressources en nourriture.
- La carte des trajectoires de nos vies, les endroits ou on a vécu avant d’arriver ici ou là.
- La carte des lieux particuliers et de ce qui nous lie à eux.
- La carte des lieux importants pour nous.
- La carte du trajet entre les maisons de chaque enfant et l’école de Faux-la-Montagne...
Il est alors paru indispensable de faire un travail de recherche préalable avant d’entamer certaines cartes. C’est ainsi que seront constitués des petits groupes de travail. Un premier groupe autour du thème de l’eau, pour tenter de comprendre les chemins d’écoulement de l’eau depuis le plateau de Millevaches et, par exemple : d’une tourbière à une centrale nucléaire ; d’un nuage à un barrage ; d’une station d’épuration à notre alimentation... Un deuxième groupe s’est constitué autour de la forêt et devrait démarrer bientôt.
Prochain rendez-vous : janvier 2013
Une nouvelle série de 15 jours d’atelier de géographie populaire est donc prévue en janvier, en reprenant le même principe d’ateliers de production de cartes et des soirées récits d’expériences ou exposés, ou encore des balades. Nous avons envie d’y ajouter cette fois des propositions d’appuis techniques pour être sûrs de finaliser certaines cartes sur des supports partageables et diffusables (Compétences en informatique, sérigraphie, modes de reproduction divers sont les bienvenus !).
Nous avons également envie que cette période soit l’occasion de travailler de façon plus approfondie sur certaines questions : l’eau, la forêt, les lieux de soins, les lieux de productions de ressources alimentaires... Certains des ateliers pourraient clairement être orientés sur un sujet afin de le pousser plus loin et d’interpeller des personnes ressources à cette occasion. Un programme détaillé sera bientôt disponible, mais d’ici là n’hésitez pas à nous faire signe si l’une de ces thématiques vous intéresse ou si vous avez d’autres envies !
Contact : Association Pivoine au 05 55 64 71 57
- Till Roeskens
Amateur de géographie appliquée, le travail de Till Roeskens se développe dans la rencontre avec un territoire donné et ceux qui tentent d’y tracer leurs chemins. Ce qu’il ramène de ses errances, que ce soit sous la forme d’un livre, d’un film vidéo, d’une conférence-diaporama ou autres formes légères, ne se voudrait jamais un simple rapport, mais une invitation à l’exercice du regard, un questionnement permanent sur ce qu’il est possible de saisir de l’infinie complexité du monde. Ses “tentatives de s’orienter“ s’élaborent avec le souci récurrent de toucher un public non averti et de rendre les personnes rencontrées co-auteurs de l’oeuvre.
Site de Till Roeskens : http://www.documentsdartistes.org/roeskens