Qu’est-ce que le greenwashing1 ? C’est de l’éco-blanchiement, c’est-à-dire “habiller en vert écolo“ ce qui n’a rien à voir avec la protection de l’environnement. Ce terme fait donc référence au double langage des organisations qui parlent de “développement durable“ et de “protection de l’environnement“ alors qu’en vérité, leurs activités consistent à prendre plus de parts de marché. Nous en avons un bon exemple avec PEFC.
A l’origine, c’est la conférence d’Helsinki (1993) qui a défini la gestion durable des forêts : “Gestion qui maintient leur diversité biologique, leur productivité, leur capacité de régénération, leur vitalité et leur capacité à satisfaire, actuellement et pour l’avenir, les fonctions économique, écologique et sociale pertinentes au niveau local, national et international, sans causer de préjudices à d’autres écosystèmes.“ Dès 1993, et sans attendre une réponse gouvernementale, des organisations sociales et environnementales ont créé le FSC (Conseil de Soutien à la Forêt), première organisation internationale indépendante, non-gouvernementale et à but non lucratif. Le FSC s’est intéressé en priorité à la déforestation des forêts tropicales, là où se situe l’urgence d’une action. Son implantation en France est actuellement confidentielle car elle est contraignante.
Comme l’indique le journaliste Fabrice Nicolino, “les industriels européens, sentant le vent tourner et les esprits changer, ont réfléchi à la manière de changer l’image de marque de leurs produits. Et inventé un label “durable“ systématiquement associé au bois qu’ils vendent. PEFC (Certification Forestière Pan-Européenne) est donc un label commercial imaginé en 1999 par les industriels du bois de six pays : l’Allemagne, la France, l’Autriche, la Norvège, la Suède et la Finlande“2
Son organisation fait la part belle à l’aspect industriel de la forêt, à la simplicité de mise en œuvre, à l’absence de contrôle initial et confère un avantage économique aux producteurs et transformateurs de bois. PEFC est ainsi devenu majoritaire sur le marché de la certification forestière. Il s’est alors étendu hors d’Europe et il lui a fallu changer son nom tout en gardant ses initiales. Exercice difficile qui a accouché en 2004 de PEFC : Programme de Reconnaissance des Certifications Forestières !
PEFC a donc défini lui-même son propre référentiel, peu différent de la loi forestière actuellement applicable, et dans lequel des avancées environnementales sont listées sans nécessité de mise en application. Par exemple, le nouveau schéma national 2012-2017 interdit les coupes rases de plus de 10 hectares d’un seul tenant. Une interdiction à mettre du côté des choses positives : on reconnaît donc qu’on peut récolter du bois avec d’autres méthodes, sans tout détruire. 10 hectares, cela reste une énorme surface dévastée mais c’est vraiment un pas en avant… Cependant, PEFC indique qu’il faut simplement “tendre“ vers cet objectif, et que, si ce n’est pas respecté lors de cette coupe rase, alors il faudra le faire dans le futur (donc dans 40 ans, date de la coupe rase suivante !). Voilà comment, avec un exemple parmi une multitude d’autres, PEFC peut laisser croire qu’il fait de la gestion durable et de la protection de l’environnement.
Pour définir ce référentiel permissif, PEFC s’est doté de 3 collèges dont 2 sont liés à la production de bois, et un à la société civile (fonction environnementale et sociale de la forêt). Avec un système de vote volontairement pervers, il interdit toute avancée réelle vers une prise en compte de l’environnement (voir encadré La démocratie selon PEFC).
Par la suite, PEFC choisit des organismes vérificateurs et de notoriété (Véritas, Qualisud,…) qui vont contrôler l’industrie PEFC et l’application de ses critères permissifs qui n’interdisent rien. Voilà, le tour est joué ! PEFC prend l’aspect d’un éco-label sérieux.
PEFC est donc un immense scandale dont la préservation de la diversité biologique fait les frais tous les jours…
Pour le consommateur moyen, la gestion durable est à opposer à la déforestation. Si on coupe un arbre, il suffit de le replanter. Et bien non, ce n’est pas aussi simple… La nature aime la diversité, il suffit de regarder autour de nous pour s’en convaincre. Quand on rase une parcelle d’arbres mélangés et que l’on replante une essence unique (le douglas à 90%), on détruit un espace de diversité biologique pour le remplacer par un cimetière boisé. A terme, ce système productiviste est condamné à disparaître. Quand on rase cette parcelle et que l’on ravage le sol avec des engins de 35 tonnes, le sol peut être impropre à la vie sur une grande profondeur et pour une longue période3. Quand on fait une coupe rase sur de bien trop jeunes arbres de 35 ans, on vide le sol de sa substance et les intrants (engrais) seront indispensables pour obtenir d’autres arbres dans le futur. Tous ces comportements ne prennent en compte que la dimension production de la forêt mais entrent pourtant dans le cadre de l’éco-certification durable PEFC… Sur le Plateau de Millevaches, le mode de gestion forestière repose quasi-exclusivement sur ces coupes rases. Elles sont en grande partie certifiées PEFC (il n’y a rien à faire pour cela). Et pourtant, actuellement, pour 2 arbres coupés, un seul est replanté ! Existe-t-il des alternatives à ce saccage ? Oui, elles sont même présentées dans le magazine n°60 d’octobre 2011 du CRPF : La Forêt Limousine4 où Claude Nigen, technicien, et David Puyraimond, gestionnaire forestier indépendant, présentent la gestion en futaie irrégulière qui amène des revenus réguliers et plus importants5 que les coupes rases. Une conversion des plantations actuelles vers ce mode de gestion est possible et le conseil régional du Limousin gagnerait à le favoriser au lieu de financer avec l’argent public un chargé de mission PEFC6…
Que PEFC est conçu depuis l’origine pour manipuler l’opinion publique sans modifier certaines pratiques sauvages de l’industrie du bois. Que sa forme actuelle est un acte d’abus de confiance envers des millions de consommateurs.
Néanmoins, voyons aussi les choses sous un autre angle: PEFC est maintenant bien en place et contrôle la filière bois jusqu’au consommateur. C’est un fait. Il suffirait donc de contrôler PEFC pour lui assigner le rôle qu’il devrait avoir, celui d’une éco-certification. En lien avec les personnes sincères qui collaborent avec PEFC et qui croient à leur mission, il serait possible d’exploiter son mode de scrutin où 2 entités peuvent bloquer complètement le fonctionnement du machin. Si des actions musclées de consommateurs bloquaient des points de vente (Leroy-Merlin, Castorama, …), voire le service achat de certaines collectivités publiques, alors PEFC pourrait changer radicalement et en profondeur.
Marc Lajara