L’AVEC en Limousin, connue jusqu’en 2010 sous l’appellation d'ATCRL (Agence technique et culturelle de la région Limousin) a été créée en 1985 par la Région Limousin, afin de lui permettre de prolonger son action culturelle. L’agence a ainsi assuré jusqu’en 1998 la gestion du FRAC Limousin (Fonds régional d'art contemporain), elle a développé l’Artothèque du Limousin et a porté l’Orchestre symphonique régional du Limousin jusqu’à son intégration en 2011 au sein de l’Opéra de Limoges. Mais l'AVEC c’était aussi des missions au service du territoire et de ses habitants. Il y a bien entendu le plus emblématique, car créé dès l’origine, le parc de matériel scénique, complété depuis par un annuaire des intermittents, des initiations pour les bénévoles, des journées d’information et encore, plus récemment, des actions de formation.
Le 3 mai 2017, lors du conseil de surveillance de l'AVEC, le conseiller régional Éric Correia, annonçait l'arrêt par la Région de son subventionnement à l'agence, entraînant de fait sa disparition. La fin de l'AVEC était en réalité posée depuis le début de l'année 2016. En effet, dès le premier semestre 2016, la Région Nouvelle-Aquitaine, en la personne du directeur de cabinet du président, Patrick Volpilhac, faisait brutalement état de sa volonté de démembrer l'AVEC en Limousin en lui retirant la gestion de son activité historique et emblématique : le parc de matériel. La position était purement dogmatique : “Ce n'est pas à une région de porter un parc de matériel“. Pourtant le Limousin le faisait bien, offrant un véritable service public de proximité, de qualité, d'aménagement culturel du territoire… comme le montrent tous les messages de soutien qui sont parvenus aux salariés depuis l'annonce de la fermeture. D’ailleurs, d'autres régions le font encore de manière remarquable (PACA et ex-Alsace). Alors, pourquoi pas, si seulement il s'agissait d'une décision politique pleinement assumée, argumentée, chiffrée... Sur la question de la concurrence, présentée si souvent comme problématique, il est pourtant bien difficile de suivre le raisonnement de la Région dans la mesure où la DIRECCTE n’a pas dressé de constat d’irrégularité suite à une plainte d’un privé creusois à l'encontre de l'AVEC. Et puis... si ce n'est pas à la Région de porter un parc de matériel, est-ce à la Région de porter un théâtre, via l'OARA (Office artistique de la région Aquitaine) ?
Le parc de matériel va être transféré au sein de l'APMAC, une association qui joue un peu le même rôle qu'AVEC en Charentes-Maritimes. Les conséquences de ce ce transfert paraissent évidentes aux yeux des salariés d'AVEC : “Il est certain que le service public proposé aux acteurs culturels et artistiques du Limousin sera largement dégradé, ne serait-ce que du fait d'une hausse des tarifs inéluctable, ce qu’a d’ailleurs confirmé M. Éric Correia. Quant aux techniciens du parc de matériel ils seront amenés à opérer comme régisseurs entrant par la même en concurrence avec nos premiers usagers et représentants que sont les intermittents du spectacle. Enfin, pour ce qui est de l’avenir du parc de matériel, nous doutons très sérieusement des propositions que la Région a pu porter auprès des conseils départementaux de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne pour élaborer un projet de reprise alternatif, ancré sur le territoire, au service de ses acteurs... Il aurait pourtant été envisageable de monter une SCIC (Société coopérative d'intérêt collectif), associant l'ensemble des collectivités territoriales, qui sont parmi les premiers usagers du parc de matériel, et les acteurs culturels eux-mêmes“. Plus globalement les salariés s'inquiètent du devenir de tout ce matériel qui a été financé par des fonds publics.
L'année 2016 a vu également le sort de l'AVEC, au-delà du Parc de matériel, “réglé“ d'une certaine façon... Alors que le discours officiel tendait vers une fusion des agences culturelles de Nouvelle Aquitaine, la réalité était tout autre. Tout en tenant ce discours, la Région confortait tour à tour l’OARA1 et l’A2 sur l’extension de leurs missions, tandis que l’AVEC subissait une baisse de subvention et que ses projets d’extension restaient sans réponse. La réforme territoriale était annonciatrice de bouleversements pour l'Agence qui y voyait surtout de multiples opportunités de développement, tant pour les acteurs du territoire que pour ses salariés qui se rappellent amèrement les discours tenus avant la fusion des trois régions : “Nous avons encore à l'esprit la campagne des régionales en 2015, où M. Gérard Vandenbroucke, président d'alors de la Région Limousin, organisait de grands raouts, de grandes assemblées thématiques, véritable câlinothérapie collective de tous les acteurs du territoire, afin de nous rassurer, de nous garantir que le Limousin ne serait pas oublié... Ainsi, M. Vandenbroucke annonçait-il la création d'une fédération des agences culturelles régionales... On devrait le savoir, d'autant plus en cette période d'intense activité électorale : les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent“. On se demande aujourd'hui quelle est la position de M. Vandenbroucke, en tant que premier vice-président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, qui plus est, en charge de l'aménagement du territoire, quant à la disparition programmée d’une agence de l’ex-Limousin.
Et puis il y a la question du personnel de l'AVEC. La Région évoquait des pistes de reclassement pour l'ensemble des salariés (qui sont de droit privé, donc non fonctionnaires), que ce soit au sein d'autres structures telles l'APMAC ou l'A, ou au sein des services de la Région. Mais en réalité la Région se focalise uniquement sur les aspects financiers et purement comptables de l'affaire. Pour les salariés de l'AVEC “votre préoccupation quant au devenir réel des salariés ne nous semble aujourd'hui que purement de façade.“ Tout cela devient particulièrement lassant et anxiogène pour l’ensemble des salariés de l’AVEC en Limousin qui interrogent : “Que devons-nous dire à nos partenaires ? Que dire aux compagnies ou collectivités territoriales souhaitant réserver des pianos ou autre matériel au parc pour l’année prochaine ? Que dire aux contributeurs de culture-en-limousin.fr ? Que dire aux structures que nous sollicitons dans le cadre de GéoCulture : des contenus nécessitant un investissement certain, qui visent à être pérennes, risquent-ils d’être mis à la poubelle dans six mois ? Que dire aux compagnies et autres structures culturelles et artistiques que nous accompagnons ? Que dire à nos partenaires de Dynamiques des arts vivants en Massif central ? Nous sommes plus qu’attachés aux actions que nous menons, aux projets que nous portons, parfois depuis de nombreuses années… Cet attachement se double d’un investissement bien au-delà du cadre strictement professionnel. La décision prise par le conseil régional constitue une marque de mépris pour notre engagement, pour le territoire sur lequel nous œuvrons ; elle constitue un véritable gâchis, tant des énergies déployées par les salariés de l’AVEC en Limousin, que des liens noués avec de nombreux acteurs culturels et artistiques du territoire limousin ou des partenaires à différentes échelles, notamment sur le territoire du Massif central… En tant qu’acteurs culturels et plus encore en tant que citoyens, nous ne pouvons qu’exprimer le sentiment que nos territoires et les acteurs qui le composent et le font vivre ne sont que bien peu respectés par vos méthodes, par votre conception de la politique ; par là même, vous contribuez à reléguer leurs habitants comme des citoyens de seconde zone. Il n’est qu’à voir les messages de soutien que nous recueillons aujourd’hui : rares sont ceux qui ne partagent pas le sentiment d’un abandon… Ainsi, à ce sentiment de gâchis que nous vivons, viennent se greffer des relents de défiance si ce n’est de dégoût.“
1 L'OARA (Office artistique de la région Aquitaine, devenu depuis la fusion Office artistique de la région Nouvelle-Aquitaine) qui se targue sur son site d'avoir “pris la pleine mesure de son nouveau territoire d'intervention qui réunit désormais les ex-régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes“. (http://oara.fr/)