Le projet d'installation de l'usine de pellets torréfiés à Bugeat et Viam suscite autant d'attentes que d'inquiétudes sur tout un tas d'aspects (économiques, forestiers, écologiques, paysagers, sonores, financiers). Pour ma part, je voudrais revenir sur un point précis, celui de l'accueil de nouvelles populations dans les campagnes, sujet qui me tient à cœur depuis presque 15 ans.
Un des arguments que l’on entend volontiers de la part des habitants qui défendent le projet est que cela va permettre de “créer des emplois pour faire venir de nouvelles familles“ parce que “le pays se meurt, l’école ferme une classe, il n’y a pas un chat à La Poste, si personne ne vient s’installer, on va crever“.
Une nécessité pure et simple
Oui, accueillir de nouvelles populations, c’est une nécessité pure et simple quand un territoire fait face à un problème démographique. Sans habitants supplémentaires, les services publics disparaissent, les commerces ferment, c’est une réalité.
D’ailleurs, là où des nouveaux arrivants se sont installés ces dernières décennies – Eymoutiers, Faux-la-Montagne, Gentioux-Pigerolles, Tarnac, Royère-de-Vassivière, Nedde, St Martin-Château, Peyrelevade…-, des services ont été maintenus -voire sauvés, comme des écoles-, d’autres ont été créés, comme des crèches, des espaces de coworking, des ressourceries, des commerces et d’autres entreprises qui fonctionnent à l’année, que ce soit dans la restauration, le bâtiment ou la santé.
Mais il me semble que c’est une erreur de croire que des familles s’installeront grâce à cette usine pourvoyeuse d'emplois. Parce que l’emploi n’est pas le seul élément qui joue en matière de migrations vers les campagnes. Bien-sûr, c’est important. Mais si des personnes quittent la région parisienne, le Nord, la côte d’azur ou tout simplement Limoges, pour s’installer en Haute-Corrèze, ce n’est pas pour faire les trois huit dans une usine bruyante à l’odeur pestilentielle. Quant aux cadres, on a vu qu'y préféraient multiplier les allers-retours depuis leur lieu de résidence plutôt que de déménager ici avec toute la famille. Donc attention aux désillusions. Si certains villages n’attirent personne, ce n’est pas forcément faute d’emplois. D’ailleurs on entend régulièrement des patrons se plaindre d’avoir du mal à recruter parce que “personne ne veut venir travailler ici“.
On n'est pas un territoire lambda
La Montagne limousine, ce n'est pas un territoire lambda. Millevaches, tu l'adores ou tu le détestes. Les gens qui s’installent ici le font parce qu’ils ont choisi ce territoire, parce qu’ils sont tombés amoureux de son espace, de son impression de vide, de son altitude, de sa nature, de son histoire, de son paysage, de ses animaux, de sa culture. Ils ne viennent pas ici parce qu’ils ont trouvé un patron, mais parce qu’ils ont trouvé un territoire où se réaliser - que cela passe par un emploi salarié, une création d’activités, des enfants à élever, un engagement associatif, un mandat politique, une maison à rénover, un potager à cultiver, une utopie collective ou un peu de tout cela. Parce que sur la Montagne limousine, les paysages donnent des ailes et la vie de village des racines. Alors, peut-être qu’une telle usine peut permettre de donner du travail à des gens du coin au chômage. Mais faire venir de nouvelles familles, non. Je crains même que des familles aient justement envie de s’installer ailleurs, à cause des nuisances d’une telle industrie.
Sur la Montagne limousine, les paysages donnent des ailes et la vie de village des racines
Des pistes moins hasardeuses
Si l’on veut rendre attractive sa commune et faire venir de nouvelles familles, il y a d’autres pistes, bien moins hasardeuses que ce projet d’usine, et qui ont fait leurs preuves ailleurs !
Voici quelques exemples :
- mettre en place un logement “passerelle“,
- inviter les nouveaux habitants à boire l’apéro,
- lister les locaux vacants pour pouvoir répondre aux besoins de tous ceux qui veulent créer des activités,
- anticiper la transmission des entreprises commerciales, artisanales, agricoles,
- faire venir la fibre pour du très haut débit,
- réhabiliter les vieilles maisons de bourgs en appartements locatifs confortables pour les jeunes, les personnes âgées,
- assurer une pérennité des services médicaux (à ce titre la Montagne limousine est plutôt citée comme exemple !),
- penser à traduire en anglais les communications municipales pour les anglophones et les migrants,
- soutenir les activités, traditionnelles ou innovantes, qui améliorent la qualité de vie : épiceries, boulangeries, restaurants, cantines collectives, habitats écologiques, jardins partagés, cafés associatifs, tiers lieux, centres sociaux, bibliothèques, ressourceries, médias, friperie, boîte de nuit, brasserie, foyer de jeunes…
- proposer des produits locaux à la cantine, relancer un marché de producteurs locaux…
- et même, - allez, j’ose -, initier un projet de création d’une petite unité de production de pellets non torréfiés, sous statut coopératif, en partenariat avec les forestiers locaux qui font de la gestion durable, pour fournir en combustible local les habitants équipés de chaudière ou poêle à granulés !
Emmanuelle Mayer
- Peut-on parler de CIBV sereinement ?
Le 25 février 2018, dans le cadre des Bistrots d'hiver, l'association Pays Sage avait prévu un “apéro-tchache“ à Saint-Hilaire-les-Courbes sur le thème hautement polémique de l'usine à pellets de Bugeat-Viam, avec une intervention de l'association “Non à la Montagne pellets“.
Quelques jours avant le jour J, le chef de gendarmerie de Treignac a contacté Pays Sage pour appeler à la prudence, craignant des débordements dus aux “comportements violents“ des “extrémistes“ de l'association et pensant qu'il était dangereux d'organiser une réunion sur ce thème. Pays Sage a aussitôt contacter le gendarme en question pour lui dire que cette réunion ne serait pas annulée et, qu'au contraire, elle aurait besoin d'une salle plus grande que celle octroyée, de 10 m² avec 12 chaises... Le gendarme a fait passer le message au maire de Saint-Hilaire, M. Jenty, qui a refusé de prêter une autre salle (ce qu'il a nié ensuite devant le public). De son côté le restaurateur de Saint-Hilaire était très inquiet devant le désistement d'une vingtaine de repas... Mais l'intimidation n'a pas marché et la réunion s'est déroulée tout à fait dans le calme. Une cinquantaine de personnes étaient là. Après avoir donné les informations essentielles sur le contenu du projet - où a pu être constaté qu'il y avait beaucoup d'ignorance parmi les présents - l'association “Non à la Montagne pellets“ a présenté les faits qui motivent son opposition au projet. Puis, des élus locaux (maires ou adjoints des communes du secteur ainsi que le maire de Lestards, vice-président du conseil départemental) ont exposé à leur tour les raisons pour lesquelles ils défendent le projet et aspirent à le voir bientôt se réaliser. Malgré le créneau horaire très court et la méfiance palpable entre adversaires et partisans du projet, le débat, que d'aucuns redoutaient houleux, voire impossible, a pu progressivement s'installer dans un échange d'arguments étayés de part et d'autre. La question de l'avenir de la forêt de la Montagne limousine a été au cœur du débat, avec notamment une intervention très documentée et pas du tout polémique d'un forestier qui a montré qu'il existait des alternatives à la sylviculture industrielle et à l'exportation du bois comme une matière première brute.
Par cette organisation, Pays Sage pense avoir été en pleine cohérence avec ses objectifs : apporter une information sur un sujet local et permettre d'en débattre en connaissance de cause.
Jean-François Pressicaud
- Fin du projet de stockage de déchets radioactifs au cœur du PNR Millevaches
Voilà une (rare) victoire de la démocratie participative et de la mobilisation citoyenne qui mérite d'être fêtée. Depuis deux ans le projet de stocker des “stériles miniers“ radioactifs sur la commune de Millevaches avait mobilisé plusieurs associations : Sources et Rivières du Limousin, Corrèze Environnement , La Loutre Fluorescente, Nature sur un Plateau et Limousin Nature Environnement.
Après deux ans de lutte, de réunion et de diffusion de l'information sur le projet, le préfet de la Corrèze a finalement annoncé le 19 décembre 2017 lors de la réunion de la commission de suivi des sites miniers uranifères de la Corrèze, que l’État n'autoriserait pas la société AREVA à stocker les déchets radioactifs issus des dépollutions de sites de réemplois de “stériles miniers“, sur l'ancien site du Longy à Millevaches, à proximité de la maison du Parc naturel régional.
Les associations saluent la méthode employée par le Préfet de la Corrèze, qui a su écouter et se donner le temps de l'analyse des arguments déployés par la société civile dans ce dossier depuis la consultation publique organisée sur le projet en septembre 2015.
La mobilisation des établissements publics compétents (IRSN, BRGM), le travail du conseil scientifique du PNR, les réunions publiques associatives et les notes techniques produites à l'appui de leurs arguments (jugés “intelligibles et pertinents“ par le préfet) l'ont finalement emporté et permettent une décision partagée :
- L'ancien site de Darnets devra être réhabilité par AREVA selon les modalités prévues pour un ancien site minier (sans dépôt des déchets liés à cette dépollution sur l'ancien site du Longy) puisque c'est ce qu'il est. Les associations ont démontré l'analyse erronée de la société AREVA et des contaminations deux fois plus importantes que celles avouées par la société minière. La situation du propriétaire du site sera également résolue.
- Les déchets issus de la dépollution de sites ayant utilisé des matériaux miniers radioactifs (commune de Saint Privat notamment) seraient stockés sur l'ancien site de La Porte (commune de Saint Julien aux Bois), sous réserve de la démonstration de l'absence d'effets sur les eaux, et d'une meilleure compréhension des effets potentiels des eaux reconnues fortement polluées de l'ancienne mine à ciel ouvert). 3 400 m3 et non plus 10 000m3 sont concernés.
Les associations signataires, qui ont toujours joué le jeu des mécanismes participatifs, se félicitent des avancées dans ce dossier et restent mobilisées afin que les dépollutions minières en Corrèze soient totales.