Olivia Garnier, 35 ans, a ouvert en novembre 2008 une épicerie bio et itinérante qui se veut également un lieu d’échanges et de partage d’informations : Le temps des cerises. Rencontre.
Pourquoi as-tu voulu créer cette épicerie ?
J’aime créer, porter des projets, entreprendre. Après 10 ans au sein de structures œuvrant dans l’environnement et la question des déchets, je me suis trouvée en situation de réorientation professionnelle. J’ai eu envie de créer mon activité. Or je constatais une difficulté à s’approvisionner en produits biologiques ici, en milieu rural. Comme beaucoup, j’en avais marre de faire 40 km pour faire mes courses bio, au-delà des produits vendus au marché. D’autre part, je voulais exercer une activité ouverte sur l’extérieur, être au contact des gens. J’ai donc pensé à un commerce. Mais vendre des produits bio pour vendre des produits bio ne m’intéresse pas. Ce qui me plaît, c’est d’apporter des informations, d’amener à réfléchir. Finalement, vendre des produits bio est une manière d’exister économiquement. Mais mon moteur, c’est le contact humain, l’échange.
Comment fonctionne l’épicerie ?
La difficulté à trouver des produits bio ne se ressentait pas uniquement sur mon territoire, Eymoutiers, mais un peu partout sur le Plateau de Millevaches. Je me suis donc orientée sur une épicerie itinérante. Je vends sur les marchés (Eymoutiers, Felletin), les foires (La-Croisille, St-Léonard-de-Noblat) et sous forme de commandes par mail (dépôts à Peyrat-le-château, Faux-la-montagne). L’intérêt de l’itinérance, c’est aussi de pouvoir faire du lien entre les territoires, de relayer les informations culturelles et politiques.
Qui sont tes fournisseurs ?
Je privilégie les producteurs locaux : le miel de la Ferme des abeilles à Eymoutiers, la bière Felis de Felletin, les tisanes Herbes de vie à Mérinchal, l’huile de colza du Gaec Plombard... Quand il n’existe pas de production locale, je me tourne vers des producteurs d’autres régions par exemple l’huile de tournesol de la ferme de la Rauze, les cosmétiques Flore de Saintonge, le vin de Badoulin... Pour ce qui est épicerie (céréales etc.), je passe par un grossiste.
Sur quels critères sélectionnes-tu tes produits et tes fournisseurs ?
Je fais attention à la provenance -le moins loin possible-, à la qualité, à l’emballage et au mode de conditionnement, et bien-sûr au prix.
Côté gamme, j’essaie de proposer une panoplie suffisamment large pour que l’on puisse faire ses courses de la semaine mais ça reste les produits de base. Je propose aussi des produits spécifiques comme la brosse à légumes, les balles de lavage ou la Moon-cup, parce que je les trouve vraiment intéressants.
Au Temps des cerises, on trouve des graines de courges de Chine mais pas de noix de lavages...
Oui. De même que le café, le thé et le chocolat, la quinoa (de Bolivie) et les graines de courge (de Chine) sont des aliments qui viennent de loin mais qui font partie de la base. Le bio invite à une façon de manger différente où les graines sont très présentes. J’en vends beaucoup. Plutôt que d’éliminer ces produits exotiques, je préfère susciter la réflexion là-dessus, privilégier l’équitable, faire découvrir des alternatives. Mais l’impact écologique de l’import des produits secs n’a rien à voir avec celui des produits frais qui doivent respecter une chaîne du froid. En ce qui concerne les noix de lavages, non seulement elles viennent de loin mais, pour les avoir testées, je ne les trouve pas efficaces. Je préconise plutôt les balles de lavage type Biowashball qui permettent de se passer de lessive.
Ta clientèle est-elle acquise au bio ou bien diversifiée ?
Ma clientèle principale, ce sont les gens pour qui le bio est le mode de consommation principal. Mais quelques personnes âgées viennent aussi au Temps des cerises, en particulier pour les fruits : elles veulent des pommes au goût de pomme, un citron non-traité pour une recette. Ces personnes-là ne vont pas nécessairement entrer dans le camion mais pour autant, un dialogue se créé. J’ai aussi une clientèle parmi la population d’origine anglaise, qui est très sensible au bio, en particulier à La Croisille. A Felletin et à Eymoutiers, qui sont des marchés assez important, le public est assez diversifié. Dans les foires comme à St Léonard, qui perpétuent une tradition très ancienne, le bio est plus connoté et le public moins intéressé. D’une manière générale, l’épicerie permet à ceux qui mangent bio quotidiennement de faire leurs courses et aux autres d’acheter un produit précis qu’ils trouveront là et pas ailleurs.
Par rapport à d’autres petits commerces bio et indépendants, tes produits sont moins chers...
J’ai fait le maximum pour que ce soit abordable et de fait, beaucoup de produits sont au même prix que dans les supermarchés bio. Mais le bio reste plus cher que le non-bio. Si l’on n’est pas convaincu, c’est sûr que cela semble cher.
Quel bilan tires-tu après 6 mois d’existence ?
L’épicerie marche très bien, je ne pensais pas atteindre ce chiffre d’affaires en 6 mois. En cela, elle répond complètement à un besoin. Beaucoup de gens ne vont plus à 40 km pour leurs achats bio depuis que l’épicerie existe. Après, c’est pour le moment difficile d’en vivre, comme dans la plupart des créations d’entreprises au début. Au-delà de l’aspect économique, Le temps des cerises a une identité, ça n’est pas simplement un stand de marché mais un véritable lieu et c’est quelque chose que beaucoup apprécient. On peut regarder tranquillement, poser des questions... Je suis d’ailleurs en train de créer des affichettes pour accrocher des informations sur les produits, les critères, les marques... Je sens une forte demande d’informations.
Comment t’es-tu positionnée face à la concurrence ?
Je ne m’estime pas du tout en concurrence avec les autres commerces bio, d’abord parce que je ne suis pas présente en permanence mais seulement quatre heures par semaine. Ensuite parce que l’existant ne répondait pas au besoin auquel je voulais répondre. D’une manière générale, je crois que plus on sera nombreux, plus on va créer une demande. C’est comme le marché à Eymoutiers : au début un producteur bio est venu, puis un autre, puis un autre, et ça a drainé une clientèle de plus en plus importante. L’enjeu qui me paraît le plus important, c’est la redynamisation économique du milieu rural. On a délocalisé et appauvri les campagnes, il est essentiel aujourd’hui de les faire vivre à travers ce biais-là. Créer un commerce local, c’est donc aussi une façon pour moi de contribuer à la vitalité de ce territoire rural.
contact : Olivia Garnier, le Temps des Cerises
06 47 00 31 91
Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Propos recueillis par Emmanuelle Mayer