Le camp de la Courtine appelé à fermer... Que va-t-on en faire ? Une prison ? un parc d’attractions ? Et si on était un peu plus ambitieux, un peu moins aveuglé par des réponses clés en main qui, par ailleurs, ne ressemblent guère à ce que nous voulons pour le plateau !
En Dordogne, une association a été confrontée à une histoire similaire. Elle est parvenue à faire racheter par sa communauté de communes un terrain militaire de 409 hectares convoité à l’origine par des intérêts privés. Récit d’une action de développement local conduite par et pour les habitants.
L’association pour le Développement Durable du Causse de l’Isle (A.D.D.C.I.) est née en mai 2002 à l’initiative d’un groupe d’habitants du territoire, citoyens militants résidant près d’un terrain militaire situé au Nord-Est du département de la Dordogne sur quatre communes peuplées de 4000 habitants.
Genèse
Les habitants, soucieux d’une part du devenir du terrain et d’autre part, de ne pas voir s’implanter des porteurs de projets privés extérieurs au territoire, dont les logiques économiques de rentabilité sont souvent inadaptées aux problématiques locales, ont choisi de se fédérer pour proposer des alternatives permettant de répondre aux enjeux de développement du territoire.
Depuis sa création, l’association a engagé des pourparlers avec le ministère des Armées, par l’intermédiaire de la Mission Réalisation des Actifs Immobilier (M.R.A.I.) afin d’envisager les possibilités de rachat de ce terrain dont le coût à l’origine était de 600 000 €.
Dans cette optique de rachat, l’association a ouvert une souscription sous forme d’option de parts déposées sur un compte bloqué à raison de 100 € la part. Elle a constitué un réseau de partenaires institutionnels et associatifs actif et important via la création d’un collège associatif.
Elle a réalisé plusieurs journées de mobilisation citoyenne autour de thématiques diverses :
- environnement,
- journée festive du 8 mars 2003,
- gestion de l’eau,
- nuit de l’écriture
- forum participatif
L’ensemble des actions mises en place par l’Association du Causse de l’Isle a par ce côté festif, convivial mais aussi professionnel, créé les conditions d’une véritable collaboration avec les élus de l’intercommunalité mais aussi avec la population locale.
Conscients des enjeux du développement des territoires ruraux et de la création d’activités en rapport avec les potentialités, les contraintes propres au territoire par et pour les acteurs locaux, les membres de l’association, pour beaucoup spécialistes des projets envisagés (architectes, urbanistes, juristes en droit de l’environnement, agriculteurs en agrobiologie, travailleurs sociaux, animateurs du patrimoine…) ont réfléchi aux moyens de valoriser cet espace dans une logique de développement durable.
Cette réflexion et l’animation qui l’a entourée ont été accompagnées pendant deux ans par des groupes d’étudiants et de stagiaires du lycée agricole de Périgueux.
Le projet associatif
L’Association du Causse de l’Isle souhaitait faire la promotion et susciter l’implantation de projets économiques, sociaux et environnementaux susceptibles de créer et recréer du lien social par une stratégie collective autour de projets fédérateurs comme :
- Servir de lieu de référence, de lieu de rencontres, de formation et de recherche pour toutes les activités touchant à la promotion du développement durable.
- Favoriser l’implantation d’activités économiques viables créatrices d’emplois durables.
- Promouvoir toutes implantations d’activités respectueuses de l’environnement : agriculture biologique, énergies renouvelables, éco-constructions, sentiers de découverte, activités pédagogiques, tourisme respectant les équilibres écologiques et humains du territoire.
- Créer et recréer du lien social et solidaire.
- Privilégier toute forme d’action collective et coopérative.
Et plus généralement, soutenir des projets qui s’appuient sur les potentialités agro-environnementales, lisibles dans l’histoire du site et valorisables dans des projets à valeur ajoutée économique et sociale, des projets qui s’inscrivent dans la démarche de construction des Pays (préserver le cadre de vie, améliorer l’image du pays…).
Et aujourd’hui ?
Après six années d’investissement associatif et collectif, on peut parler d’une victoire puisque le travail de fond réalisé par l’association aboutit d’une part à la prise en compte du projet par la communauté de communes, mais aussi au rachat à l’armée du terrain par la collectivité locale pour 200 000€ ! Le rachat s’est réalisé sur la base des propositions d’aménagement écologique, solidaire et non marchand portées par l’association. Ce sont ces aspects que l’armée à pris en considération pour baisser le prix de vente.
A bon entendeur salut !
Se pose aujourd’hui la question de la prise en compte des stratégies de développement prônées par l’association et sa place dans la prise de décision concernant l’aménagement du site aujourd’hui propriété de la communauté de communes. Celle ci a décidé de créer une commission spéciale “aménagement et projets“ pour réfléchir aux projets à implanter sur le terrain. L’association devrait y trouver une place. Mais les projets (re)foisonnent, bons (installations agricoles, éco construction, …) ou en inadéquation avec le principe de développement durable (terrain de jeux pour les 4x4, quad, chasse privée, vaste implantation de panneaux photo-voltaîques par Total qui comme chacun le sait oeuvre pour le développement durable des territoires ... etc.).
La mobilisation doit donc continuer mais dans une nouvelle approche partenariale. Sachant que le bénévolat connaît ses limites en terme de temps et d’implication, il nous faut dans ce nouveau contexte retrouver la motivation nécessaire pour accompagner la communauté de communes dans un schéma d’aménagement global concerté qui respectera nos premiers engagements avec la population locale.
Alain Daneau (membre du CA de l’ADDCI)
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- Et à la Courtine ?
Que faire d’un ancien camp militaire lorsque celui-ci est peu à peu délaissé par l’armée ? La question se pose pour celui de La Courtine après l’annonce de la suppression de 80 emplois sur le camp (un quart de militaires et trois quarts de civils). Philippe Breuil, le conseiller général du canton accompagné du maire de la commune a pris son bâton de pèlerin pour aller réclamer à Paris... l’installation sur le site d’un “centre de détention fermé“ – ce qu’en des temps où les mots disaient plus crûment la réalité on appelait une prison. Réponse du ministère : il n’en est pas question. D’une part les projets de constructions de prisons sont arrêtés jusqu’en 2012 et puis le site de La Courtine est trop difficile d’accès, ce qui est un handicap majeur pour le recrutement des personnels comme pour les visites des familles des prisonniers. Pour Philippe Breuil l’argument était de créer de l’emploi sur son canton, ce qui prouve qu’au nom de l’emploi, on est prêt à faire un peu n’importe quoi ! Et pourquoi pas redemander le stockage de déchets nucléaires ? D’une part construire de nouvelles prisons ne fait qu’abonder dans le sens d’une politique carcérale largement critiquée (repensons plutôt l’enfermement préventif et inventons d’autres lieux mieux adaptés aux besoins des personnes enfermées) et d’autre part, construisons sur le plateau autre chose que des modèles obsolètes de “développement“ : hétérogènes, parachutés, non intégrés et dont la qualité des emplois est plus que douteux !