Le parc HLM est relativement important sur le territoire du PNR. Dans toutes les petites villes et dans bon nombre de bourgs, cet habitat social est présent. Alors que partout s’affiche le constat d’un manque criant de logement sur le Plateau, on est choqué par le nombre impressionnant de logements vides au sein de cette propriété publique. Et lorsqu’on interroge les résidents, il est non moins stupéfiant d’être submergé par toute une litanie de mécontentements. Nombre d’entre eux souhaitent quitter leur HLM et sont à la recherche d’un autre logement malheureusement introuvable ou inaccessible à leur budget. Certes, les loyers HLM demeurent parmi les moins chers. Mais quelques résidents, et notamment à Aubusson, se plaignent des charges locatives de plus en plus lourdes et toujours décidées sans préavis ni concertation. En d’autres lieux comme à Peyrelevade, c’est un autre refrain “les HLM c’est tout pourri“...
Dans la surcharge des coûts, ceux qui concernent le chauffage sont les plus fréquents. Il y a l’aberration du chauffage électrique dans des bâtiments ou des pavillons construits à une époque où le coût énergétique était minime et l’isolation thermique totalement négligée. Si à Bourganeuf l’ensemble des HLM a été équipé d’huisseries isolantes avec double vitrage, à Royère de Vassivière, malgré des pétitions répétées, beaucoup se plaignent de fenêtres perméables à toutes les intempéries. A Tarnac dans un lotissement pavillonnaire, une pétition des résidents afin d’obtenir la construction de cheminées pour y installer un insert a été rejetée en 2004 par l’office public, alors que la municipalité était toute disposée à solliciter le concours d’autres partenaires pour la réalisation de cet investissement collectif ! L’augmentation des charges de chauffage est une des causes parmi les plus fréquentes dans la décision de quitter un HLM. Dans une région au climat rigoureux comme le Plateau de Millevaches, la règle de l’ouverture et fermeture du chauffage au 15 septembre et 15 mai suscite immanquablement chaque année toute une série de pétitions pour obtenir une dérogation à l’ineptie d’une application locale de règles nationales ! Face à tous ces dysfonctionnements, les résidents s’équipent d’appareils de chauffage d’appoint. Leur nombre impressionnant devrait inciter à une rapide modernisation des installations de chauffage autant par mesure de sécurité que pour l’économie d’énergie.
Bien plus que sur les questions de coût, le mécontentement porte sur les nombreuses nuisances qui ressortent de la vie en collectivité. L’agencement et la disposition des locaux d’habitation comme leur exposition et leur luminosité sont d’une manière générale très bien appréciés. A l’inverse, les parties collectives sont souvent décriées et mal utilisées. Citons des caves sans éclairage électrique avec des fermetures sans cesse détériorées et soumises au pillage. A cela s’ajoute toutes les questions relatives à l’entretien du quotidien, les doléances sur la salissure et la saleté des parties collectives : cages d’escaliers, corridors, halls d’entrée. Et les jérémiades se poursuivent sur la négligence de l’environnement paysager avec des pelouses et haies mal entretenues, des parkings sauvages, la multiplication des chiens plus agressifs que domestiques... Tous sans exception s’accordent à dénoncer le bruit comme l’un des caractères les plus perturbants de la cohabitation en HLM. Cette carence de l’isolation phonique introduit une gêne embarrassante dans les relations de voisinage et se présente comme un facteur permanent de la détérioration des rapports entre les résidents dès lors que l’intimité de la vie familiale n’est plus préservée. L’accumulation de ces nuisances participe au rejet et à la mauvaise réputation du logement social. En même temps qu’il induit des comportements de ségrégation entre les générations, les origines culturelles, les habitudes éducatives...
Au terme de ce tour d’horizon pessimiste et malgré la diversité des résidents, force est de constater la difficulté de rencontrer quelque regroupement ou association de résidents susceptible de rassembler et porter l’ensemble des ces insatisfactions devant les responsables de la gestion de ce parc immobilier. La vie associative n’est pourtant pas absente au sein de cette population, au contraire. A Bourganeuf, par exemple, des associations sont actives et en quête de petites réalisations pour valoriser le brassage éducatif et culturel de ces habitats, comment apprendre à grandir ensemble dans le respect des personnes et des lieux, comment penser le collectif avant les solutions individuelles... Parmi les revendications pour l’amélioration de leurs conditions de vie : des jeux sécurisés dans les espaces paysagers, l’aménagement d’un barbecue à usage collectif...
L’incidence de toutes ces nuisances sur la dégradation du climat social dans cet habitat n’échappe pas à ses promoteurs et gestionnaires. Le 29 juillet 2008, l’Office public de l’habitat de la Creuse a adressé un courrier à quelques résidents. Dans cette lettre, il annonce qu’il s’est doté d’un nouveau nom : Creusalis “pour symboliser son lien fort avec le territoire creusois“ et d’un nouveau logo. Mais le message principal de cette correspondance est de transmettre une superbe bande dessinée : “Les Résidents“ due au talent d’un bon scénariste, flanqué de trois excellents dessinateurs et coloristes. Sous le mode de l’humour, cette BD se présente comme un manuel du parfait locataire, du bon et chic voisin participant à une association de résidents. Sous le trait des artistes, on retrouve tous les ingrédients des dégradations et nuisances rencontrées dans notre tour d’horizon : bruit, saleté, sans gêne et irrespect de l’autre... Selon l’AROLIM (l’association des organismes HLM du Limousin), à l’origine de l’ouvrage, “cette BD permet de rappeler que la vie en collectivité, quelles que soient les origines des locataires, leur culture, leur langue, s’inscrit dans un cadre réglementaire fondé sur le respect des autres et sur l’acceptation des différences“. On ne peut que souscrire à cette intention. Et souhaiter à ces bailleurs sociaux non plus seulement de réaliser le manuel du parfait résident mais d’offrir des logements dignes de ce mieux vivre ensemble.
Alain Carof
La précédente municipalité de Tarnac avait mis en place des logements temporaires dans sa petite maison de retraite à gestion communale. Elle gardait quelques chambres libres afin d’accueillir les personnes âgées qui souhaitaient ne pas se retrouver seules dans leur village pendant les mois d’hiver, ou tout au long de l’année pour une période de convalescence après un séjour à l’hôpital ou une maladie. D’autres communes font de même. Mais à Tarnac, autour de ces logements temporaires, le maire avait mis en place une gestion originale de la solidarité villageoise. Elle s’organisait à partir de la cantine scolaire, qui fonctionnait toute l’année grâce au concours du service des repas de la maison de retraite, et permettait le portage de repas chauds pour les personnes âgées qui le demandaient dans tous les hameaux de la commune. Avec ce système, la commune maintenait des emplois salariés pour la population locale et assurait ce service de proximité les 365 jours de l’année.
Lorsqu’en début des années 2000, l’administration départementale a refusé l’agrément de la Maison de retraite parce qu’elle ne satisfaisait plus aux exigences des normes d’une maison médicalisée, la municipalité a tout simplement changé le nom de la structure. En l’appelant maison de la solidarité communale, elle pouvait continuer d’accueillir des résidents âgés et offrir des logements temporaires pour accueillir de nouvelles populations. En organisant cette sociabilité villageoise, la commune permettait à tous, jeunes ou vieux, de bien vivre et travailler au pays, elle rappelait aussi qu’elle demeurait ouverte et accueillante à de nouveaux habitants (fonction de logement passerelle, voir page 5). il n’est malheureusement pas certain que l’aveuglement technocratique des nouveaux élus poursuive aujourd’hui cette ambition de la solidarité communale.
Alain Carof
L’exemple du parc locatif HLM sur la commune de Royère-de-Vassivière (23) est intéressant car il présente trois types de logements que l’on retrouve ailleurs sur le plateau de Millevaches : la construction ancienne rénovée ou réhabilitée, l’immeuble collectif et “les maisons de ville” avec terrain privatif.
La construction traditionnelle en pierre
En 1994-95, l’Office Départemental des HLM de la Creuse a réhabilité l’ancienne gendarmerie de Royère en six appartements. Depuis, cette maison en pierre a bénéficié d’autres travaux, des peintures extérieures à la pose de fenêtres double vitrage. Les loyers sont de l’ordre de 300€ pour un studio, chauffage et charges comprises, à 400 € pour un T4. L’isolation acoustique y est correcte et il y a peu de problèmes de voisinage.
L’immeuble collectif
Fruit du programme de constructions de l’Office HLM, cet immeuble de 12 logements se caractérise par les inconvénients majeurs du béton, à savoir une très mauvaise isolation phonique et thermique. De fait, malgré des appartements clairs et bien distribués, les inconvénients liés aux bruits du voisinage et aux difficultés de chauffage ainsi qu’à son coût provoquent un changement fréquent des locataires. En effet, les loyers qui s’élèvent à environ 400 € pour un F4, chauffage et charges comprises, paraissent quelque peu élevés par rapport au confort réel offert.
Les maisons de ville
Il s’agit d’une dizaine de maisons mitoyennes avec terrain privatif, qui correspondent bien à la demande actuelle. Mais en 2007, la très mauvaise isolation thermique qui les caractérise ainsi que le mauvais état des huisseries et d’autres problèmes (engorgements fréquents des canalisation d’assainissement) ont amené les locataires à adresser une lettre de réclamations à la mairie. A noter que les loyers sont d’environ 470 €, charges comprises pour un T4. Averti par la mairie, l’Office HLM n’a pas donné de suite favorable à cette lettre. C’est en 2008, après un deuxième avis adressé par la nouvelle équipe municipale que l’Office a bien voulu engager un diagnostic. Celui-ci a relevé l’insuffisance de l’isolation thermique, un chauffage inapproprié (au gaz), ainsi que l’obsolescence des maisons : mauvais état des huisseries, usure des revêtements de sol, urgence d’un ravalement de façade... En réponse à ce constat, l’Office a prévu d’engager des travaux pour 2009.
L’exemple de Royère-de-Vassivière et de la nécessaire mobilisation des élus pour débloquer la situation traduit une certaine difficulté des Offices départementaux à mener une véritable politique en matière d’habitat. Sans doute les contraintes de gestion et d’investissement propres aux Offices HLM peuvent expliquer ce problème mais au final ce sont bien les locataires des Habitations à Loyers Modérés qui se retrouvent pénalisés !
Madeleine Lemeignan