Je suis réalisateur depuis 15 ans et j’ai découvert le film “Les nouveaux ruraux“ grâce à Agnès Zerwetz, chef de projet audiovisuel au CNDP, qui a une connaissance approfondie des archives audiovisuelles de l’Éducation Nationale. Ayant moi-même travaillé au CNDP, je connaissais ce fonds. L’idée de départ était de revenir sur les lieux précis des films tournés par le CNDP dans les campagnes françaises au cours des années 1960-1970, d’en retrouver les principaux protagonistes et de répondre à un certain nombre de questions : que sont-ils devenus ? Sont-ils toujours sur place ou partis ailleurs ? S’ils sont partis, qui les a remplacés? Ces hommes, ces femmes, ces paysages, ces villes, ces campagnes, comment et pourquoi ont-ils changés ? Les rêves des jeunes des années 1960-1970 se sont-ils concrétisés ? Nous voulions ainsi retracer l’évolution d’une région depuis 30 ou 40 ans à travers les destins de plusieurs personnes, en mêlant les témoignages des archives et les propos actuels, les images d’hier et celles d’aujourd’hui.
Ces thèmes m’intéressaient et j’avais déjà réalisé un certain nombre de films à l’étranger dans lesquels le retour sur le passé (pour mieux comprendre le présent) était omniprésent. J’ai fait des études d’histoire, ceci explique sans doute cela! Par ailleurs, je suis né en 1968 et j’ai toujours gardé une sorte de nostalgie un peu naïve de cette époque où tout semblait possible. Retrouver quelques uns de ceux qui avaient participé ou prolongé le mouvement contestataire de mai 68, à leur manière, était forcément passionnant pour moi.
La recherche des personnes filmées s’est faite à partir des notes de production de l’époque puis, grâce aux noms des intervenants, via une enquête “classique“ : pages jaunes, Google et coups de fil! De là, nous sommes partis en repérages et nous avons rencontré la plupart des intervenants du film de 1978. L’accueil a toujours été chaleureux mais l’idée d’être filmé et de revenir sur son propre passé n’était pas forcément perçue comme une partie de plaisir ! Certains avaient tourné la page et ne comprenaient pas du tout l’intérêt de cette démarche. Heureusement pour moi, la plupart ont accepté de jouer le jeu et même de se livrer avec sincérité et émotion.
Concernant les personnes, je ne venais pas avec une idée précise (ce qui peut d’ailleurs être perturbant pour la personne qui va être filmée !) mais, au fond de moi, et ce film m’y incitait, j’ai sans doute trimballé une vision un peu « romantique » du soixante-huitard qui part élever des chèvres sur le plateau de Millevaches, la révolution chevillée au corps ! Évidemment, dans la réalité, ce n’est pas tout à fait ça… J’ai découvert des gens qui ont eu le courage de leurs idées, certes, mais surtout, le courage de se remettre en question, de s’adapter et de faire des compromis pour durer, sans pour autant renier leurs idées… Ils sont toujours très investis dans la vie locale, profondément attachés à leur territoire et désireux de préserver une vie satisfaisante d’un point de vue humain.
Je ne connaissais pas beaucoup le plateau de Millevaches. J’y étais passé une fois et j’avais beaucoup aimé les paysages, les villages, le côté “sauvage“ mais ça s’arrêtait là. J’ai découvert une région étonnamment dynamique, avec un nombre insensé de projets, d’associations et de réseaux.
Le sujet du film d’aujourd’hui est le retour sur le parcours d’un petit groupe de personnes venu s’installer à Faux-la-Montagne dans les années 1970. On y découvre des personnes que l’on prend plus ou moins pour des hippies et qui cherchent tant bien que mal à se construire une vie satisfaisante, loin des schémas préconçus de l’époque.
Je pense qu’il y a toujours autant de jeunes qui cherchent à se soustraire aux normes de la société et à redevenir maître de leur vie mais le contexte n’est plus du tout le même. Il y avait une forme d’insouciance dans les années 1970 qui n’existe plus aujourd’hui ce qui, à mon sens, n’incite pas à la prise de risques. Il faut désormais que les projets soient plus construits, plus solides. Ou alors plus radicaux !
Je regrette un peu cette époque où, comme me le raconte un de mes intervenants, le droit à l’erreur était encore possible, où on se lançait dans l’aventure sans trop se poser de questions, quitte à changer de voie quelques mois plus tard. Malgré tout, il y a eu une sorte de passage de relais, et je suis ravi de voir qu’il existe toujours beaucoup de personnes qui tentent des choses sur le plateau. Cela donne l’impression que ce territoire est spécial, qu’il y règne encore une forme de liberté tout à fait réjouissante.
Il sera diffusé sur France 3 Limousin. La première diffusion est prévue le 9 mai 2012. Ça devrait être le premier film d’une collection intitulée “destins d’ici“.