Voici en quelques mots l’histoire de Pierre d’Aubusson (né au Monteil-au-Vicomte en 1423), et de son prisonnier, le prince turc Jem. Aux héritiers des grandes familles nobles s’offraient deux options : la carrière des armes, ou celle de la religion. Pierre choisit les deux : un moine-soldat, à la fois seigneur et saigneur, qui appliquait à sa manière l’évangile de Mathieu :
« tu ne tueras point » . Il entra dans l’ordre des Hospitaliers de Jérusalem en 1444. Chassés peu à peu de leurs royaumes de Terre Sainte par les Turcs, les chrétiens se replièrent d’abord dans l’île de Chypre, puis d’autres îles grecques, telle Rhodes. C’est là que notre Pierre devint grand maître de l’ordre en 1476. D’une grande renommée, surnommé « le bouclier de la chrétienté », il occupait un rôle prestigieux dans les relations entre Occident et Orient.
Or, voilà que le sultan Mehmet II de Constantinople, devenue Istanbul après la conquête par les Turcs en 1453, vint à mourir. Son successeur désigné - et fils aîné - avait pour nom Jem, mais il fut évincé du trône par son cadet Bajazet, à la suite d’une guerre fratricide. Jem eut alors l’idée de se réfugier à Rhodes, chez les Hospitaliers. Pierre d’Aubusson imagina se servir du prince comme monnaie d’échange – une sorte d’otage – entre le royaume de France et la Sublime Porte. Jem gagna la France pour échapper aux convoitises des autres souverains d’Occident. Pierre d’Aubusson organisa son accueil sur ses terres limousines, à Bourganeuf précisément, où il fit construire une énorme tour. Défensive certes, elle avait cependant tout d’un palais à l’intérieur. Jem n’y séjourna que deux ans. Les habitants de Bourganeuf prirent l’habitude de l’appeler Zizim, déformation de Jem. Son frère le sultan payant les chrétiens pour le garder prisonnier, il ne fut jamais libéré, et mourut à Capoue en 1495, huit ans avant Pierre d’Aubusson.
Epilogue – le voyez-vous venir ? depuis un demi-siècle s’est constituée à Bourganeuf une importante communauté d’origine turque (voir dans IPNS n° 58 l’article d’Alain Carof) et aujourd’hui à Aubusson règne toujours un Moine (v. plein de n°s d’IPNS). En histoire, c’est ce qu’on appelle un raccourci.