énergie

  • Alerte !

    biomasse 2Motion alertant les pouvoirs publics sur les conséquences néfastes de l'appel à projets biomasse pour la filière bois en Limousin. En novembre 2005 à l'initiative d'élus creusois et corréziens, l'appel à projets du ministère de l'industrie a fait l'objet d'une motion de défiance qui mettait en évidence ses conséquences néfastes pour l'avenir de notre territoire. Nous reproduisons ici cet argumentaire.

     

    Démesure de la demande de produits connexes de l'industrie du bois par rapport à la production en Limousin

    La taille disproportionnée de ces projets, à l'échelle de la région Limousin, va bouleverser et désorganiser totalement le marché des produits connexes de la première transformation du bois. Il en résultera une augmentation brutale de la demande par rapport aux ressources exploitables. Ainsi, à titre d'exemple, l'unité de cogénération de Felletin consomme aujourd'hui environ 60 000 tonnes par an de déchets de bois contre 100 à 150 000 tonnes par an estimées pour chacun de ces projets soit 600 000 tonnes par an rien que pour les 4 projets en Limousin. Or l'offre locale est incapable dans l'état actuel des choses de suivre une telle demande. Il en résultera fatalement une surenchère artificielle des prix.

    Les contrecoups économiques et écologiques de telles unités n'ont pas été pris en compte.

     

    Un gaspillage énergétique

    A l'heure où l'on parle de crise énergétique, de la nécessité de développer et surtout de valoriser de nouvelles sources d'énergie, il est surprenant de voir que les projets retenus concernent presque exclusivement des unités de production d'électricité seule, sans valorisation aucune de la chaleur produite (grâce à des réseaux de chaleur). Non seulement le rendement est plus faible que dans des unités de cogénération mais en prime on perd la chaleur produite. Alors que l'on demande aux Français de faire des économies d'énergie, il semble que le ministère, lui, soit peu sensible à une utilisation économe et locale de la biomasse.

     

    Distorsion de la concurrence

    Le prix d'achat de l'électricité pour les unités déjà en fonctionnement est de 45 euros le MWH, contre 85 euros en moyenne pour les nouveaux projets sélectionnés par le ministère. Il y a là une distorsion évidente de la concurrence prélude à une mort annoncée des petites unités existant en Limousin. Avec elles, c'est la disparition de nombreux emplois et l'anéantissement des efforts de nombreux élus locaux qui se sont battus pendant des années pour mener à bien sur leur territoire des projets de développement durable, des projets porteurs d'avenir pour toute une région. Ce n'est pas le prix de l'électricité qui doit fixer le prix du bois.

     

    Des conséquences sur toute la filière bois-forêt

    D'après les études, les besoins exprimés ne pourront être couverts, dans le meilleur des cas, que par la mobilisation rapide et en masse de nouvelles ressources, principalement par l'extraction de plaquettes forestières, au pire, par une concurrence forcenée avec d'autres usages de ces produits : notamment avec le secteur de la trituration fortement porteur d'emplois en Limousin. L'organisation d'une collecte d'une telle ampleur n'est pas non plus sans incidence sur la filière bois d'oeuvre et bois d'industrie, tant au niveau des techniques d'extraction des plaquettes que de la logistique transport, sans compter sur l'éventuel développement d'une "sylviculture énergétique" sans autre valeur ajoutée.

    Comment le réseau routier supportera-t-il un tel tonnage, sur quelles places de dépôts et par quelles pistes ?

    Ce programme va à l'encontre des objectifs recherchés : il entrave le développement d'opérations plus modestes, potentiellement plus nombreuses, mieux réparties sur le territoire et valorisant complètement l'énergie thermique. Il créera à terme des difficultés sur toute la filière bois-forêt et dans différents secteurs d'activité liés au bois, engendrant une concurrence d'usage sur les ressources communes mobilisées.

  • ça chauffe du côte des chaudières et des journaux !

    Dans son numéro du 29 décembre 2007, Le Monde a publié une article intitulé «Des experts dénoncent la pollution due aux chaufferies à bois». Cet article a inquiété certains habitants de Felletin qui l’ont porté à la connaissance des élus municipaux. Nous publions ci-dessous les remarques de Jean-François Pressicaud présentées au conseil municipal de Felletin, visant à ramener à leur juste mesure les dangers dénoncés par «des responsables de l’environnement dans la région Rhône-Alpes».­

     

    Au-delà de Felletin, c’est tout le développement du chauffage à bois en Limousin (et ailleurs) qui peut être atteint par de telles controverses. Aucune activité humaine ne peut prétendre avoir un impact nul sur l’environnement, mais certaines génèrent moins de nuisances que d’autres. Le chauffage au bois ou l’énergie éolienne ne constituent pas la panacée des systèmes parfaits. Mais là où ils peuvent être utilisés, ils ont toute leur place dans le cadre d’une politique visant d’abord les économies et ensuite la diversification des énergies, avec priorité aux productions renouvelables et locales.

     

    De 2  à 20 MW th, ce n’est pas pareil !

    L’article du Monde vise principalement les chaudières d’une puissance inférieure à 2 MW th (mégawatts thermiques) qui “échapperaient à toute réglementation“. Ce n’est pas du tout le cas de l’installation felletinoise dont la puissance-bois est de 14 MW th. De plus, le ministère de l’industrie lui a appliqué la réglementation concernant les chaudières de plus de 20 MW th, en additionnant la puissance de la chaudière-bois et celle de la chaudière de secours à gaz (6,5 MW th) alors qu’elles ne peuvent jamais fonctionner simultanément.

    Le classement dans cette catégorie a eu des conséquences importantes : on est passé du régime de la déclaration à celui, beaucoup plus lourd, de l’autorisation, avec notamment la nécessité d’une enquête publique.

    Au final l’arrêté préfectoral (­n° 2005-0160) autorisant l’exploitation reprend les exigences de l’arrêté ministériel du 20 juin 2002 “relatif aux chaudières présentes dans une installation nouvelle ou modifiée d’une puissance supérieure à 20 MW th“. Il ressort de la lecture de ces deux arrêtés que, contrairement à ce que peut laisser croire l’article du Monde, la liste des polluants surveillés est impressionnante, et concerne en particulier les métaux lourds (cadmium, mercure, thallium, plomb, chrome, etc…) et les H.A.P. (hydrocarbures). Le texte intégral de ces arrêtés est consultable en mairie.

     

    chaudiere

     

    Un niveau de pollution très faible

    Les dernières analyses effectuées par le bureau Veritas en novembre 2007, montrent que tous les paramètres étudiés dans les rejets atmosphériques sont conformes aux exigences de l’arrêté d’autorisation. Cela n’est guère étonnant, car les travaux complémentaires effectués depuis deux ans, concernant notamment la préparation du combustible, les réglages et le revêtement intérieur du four, ont permis d’aboutir à un fonctionnement optimal de l’installation. La combustion étant bonne, le niveau de pollution se situe à un niveau très faible, et les normes sont aisément respectées.

     

    Nos arbres n’ont guère de produits dangereux à capter 

    L’article explique que “l’arbre capte les éléments contenus dans l’atmosphère et dans le sol… et on retrouve dans l’air des produits dangereux“. Or, nous savons que, dans notre région, les sols sont pauvres en sels minéraux ; c’est par exemple une caractéristique de nos eaux de source. Par ailleurs, et bien que la pollution atmosphérique ne connaisse pas de frontières, les forêts du  Plateau de Millevaches croissent dans un air moins pollué que celui des zones urbaines. Nous avons donc toutes les raisons de penser que la pollution due à la concentration dans les arbres d’éléments dangereux doit être très faible et peut-être même insignifiante. Cette supposition est confirmée par les résultats rassurants des analyses.

     

    Faire des comparaisons pertinentes

    L’article du Monde fait constamment le parallèle entre la chaufferie-bois et les incinérateurs d’ordures ménagères. A qui fera-t-on croire que les dangers sont les mêmes ? Entre la combustion du bois brut non traité et celle d’ordures ménagères comprenant des plastiques, des métaux et de nombreux produits chimiques dangereux, la différence saute aux yeux.

    Ce n’est pas avec les incinérateurs d’ordures ménagères que devraient être comparées les chaudières bois, qu’il s’agisse de Felletin, ou de celles, de dimensions diverses, qui existent à Bourganeuf, Egletons, Pontarion, Faux la Montagne ou ailleurs, c’est plutôt avec la pollution des installations individuelles au fioul ou au gaz qu’elles évitent que l’on pourrait établir des comparaisons. On constaterait alors que ce sont des milliers de tonnes de combustibles fossiles qui sont économisées grâce à ces chaufferies bois et que c’est bénéfique autant par la  non émission de gaz à effet de serre que par la diminution considérable des autres polluants. 

     

    Ne pas croire les experts sur parole 

    Nous pensons donc qu’il ne faut pas inquiéter les populations avec des dangers hypothétiques et de faible gravité alors que d’autres sont passés sous silence (bien qu’établis avec certitude) : déchets nucléaires, transports routiers ou aériens, chauffage au fioul ou au gaz …

    Bien que leur avis soit toujours utile et généralement nécessaire pour étayer notre jugement, il ne faut pas prendre la parole des experts pour une vérité indiscutable, les désaccords qui existent dans le milieu scientifique nous montrent que personne, même parmi les plus “savants“, n’échappe à des préjugés idéologiques (ou même à des intérêts) qui influencent leurs prises de position. Les controverses concernant les questions d’énergie sont très vives, les lobbies divers (nucléaires, pétrole) sont puissants et ils ont tout intérêt à discréditer les énergies renouvelables.

    Au-delà de ces débats, il faudrait que chacun comprenne que nous, Felletinois, devons être fiers d’une installation de co-génération qui a maintenant dépassée ses défauts de jeunesse et qui  produit proprement, à partir d’une ressource renouvelable et locale, de la chaleur utilisée par le réseau qui alimente les bâtiments collectifs et de l’électricité en quantité trois fois supérieure à la consommation de la ville.

     

    Au niveau national cette reconnaissance existe. Ainsi, le CLER (Comité de liaison des énergies renouvelables) a, pour la troisième année consécutive, décerné à la commune de Felletin la médaille d’or du championnat des énergies renouvelables des communes (catégorie bois-énergie, commune de moins de 2000 habitants). Il faut maintenant que, localement et régionalement, cette réalisation soit citée en exemple.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Comment une bonne idée peut devenir dévastratrice

    biomasse 1Les projets électricité-biomasse en Limousin

    En 2003, les responsables des questions énergétiques du ministère de l'industrie, voyant se rapprocher l'échéance 2010, date à laquelle, en Europe, au moins 21% de l'électricité produite doit être d'origine renouvelable, décident d'accélérer et de densifier les projets dans ce domaine.

    A côté de l'hydraulique (qui ne peut plus guère progresser), de l'éolien, du solaire et de la géothermie, la biomasse apparaît intéressante. Aussi lancent-ils en décembre 2003 un appel à projets de production d'électricité à partir de biomasse. Il s'agit de gros projets (12 MW minimum) pour lesquels chaque candidat doit déterminer le prix de vente de l'électricité produite en le fixant à un niveau qui lui permette d'atteindre la rentabilité économique.

     

    En janvier 2005, 14 projets sont retenus pour l'ensemble de la France, dont quatre en Limousin : Ussel (Soffimat), Meymac (EBV), Moissannes (EBV) et Saillat sur Vienne (International Paper). Une première remarque s'impose : la décision de sélectionner quatre projets en Limousin a été prise sans aucune concertation avec les responsables régionaux. La politique de développement du bois énergie mise en place par la Région Limousin avec l'appui de l'ADEME a été complètement ignorée et les services de l'Etat en Limousin n'ont pas eu non plus leur mot à dire !

    Sur le fond, les critiques qu'appelle cette décision sont explicitées dans la motion ci-contre (page 11) , adoptée par le Comité Syndical du PNR de Millevaches, ainsi que par le conseil municipal de Felletin et le conseil communautaire de la communauté de communes Aubusson-Felletin. Elles ont été à nouveau développées au cours d'une conférence de presse donnée le 5 octobre dernier à Egletons par Bernadette Bourzai, maire de cette ville, et Michel Pinton, maire de Felletin.

    biomasse 2Les villes d'Egletons, Bourganeuf et Felletin possèdent en effet des réseaux de chaleur bois qui consomment annuellement chacun 6000 tonnes de produits connexes de sciage pour les deux premiers et 60 000 tonnes pour Felletin (qui produit aussi de l'électricité : il s'agit dans ce cas de cogénération, c'est à dire la production simultanée de chaleur et d'électricité).

    La taille des installations prévues ne peut que bouleverser le marché régional du bois énergie et renchérir considérablement, peut-être même tarir, l'approvisionnement des chaufferies existantes. Par ailleurs, l'absence de réseau de chaleur complétant la production d'électricité aboutit à une efficacité énergique faible. Ce n'est pas parce qu'on utilise une énergie renouvelable qu'il ne faut pas se montrer économe !

    Enfin, et cela ne concerne pour le moment que Felletin, le prix d'achat de l'électricité est beaucoup plus élevé que celui pratiqué à Felletin, ce qui aboutit à mettre en péril une installation existante.

     

    En prenant leur décision sans concertation, uniquement à partir de données statistiques non vérifiées sur le terrain - et on sait qu'il y a une grosse différence entre les quantités de bois théoriquement disponibles et celles qui sont réellement utilisables (manque d'accès dû au morcellement , du relief...) et en marquant leur mépris pour les installations de petite taille ("Nous n'avons rien à faire des chaudières de paysan"), les responsables du ministère ont bien mérité les reproches qui leur ont été adressés par les élus, par les experts et les associations qui travaillent sur les problèmes énergétiques.

    Depuis ces critiques initiales, de nouveaux éléments sont venus confirmer la pertinence des arguments avancés dès 2005. Il s'agit du dossier d'enquête publique concernant le projet de Meymac et d'un nouvel appel d'offres du ministère de l'industrie sur de nouvelles installations de production d'électricité à partir de biomasse.

     

    Le dossier d'enquête publique de Meymac

    Alors que le dossier du projet Soffimat à Ussel a été soumis à enquête publique du 12 mars au 12 juin (nous n'avons pas pu le voir), celui de EBV à Meymac l'a été au mois d'octobre, et nous avons pu le consulter et rencontrer le commissaire enquêteur. L'installation de Meymac, d'une puissance électrique de 12,125 MW (donc juste au dessus de la puissance minimale de 12 MW, à rapprocher de la puissance de 3 MW de l'unité felletinoise) utilisera 138 200 tonnes de bois (plaquettes forestières, plaquettes de scierie, sciure et écorces).

    Les fournisseurs identifiés sont :

    • Creuse Sciage, qui ne fournit pas actuellement à l'unité de Felletin les quantités de sciure qu'il s'était engagé à livrer par contrat et qui doit installer à Meymac une nouvelle scierie.
    • Corrèze Export Bois qui regroupe quatre scieurs : Farges, Boissac, Feuillade et Malaqui. Les deux premiers basés à Egletons ont signé un contrat pour approvisionner l'unité de cette ville, mais ils n'en respectent pas les clauses ! Quant à Feuillade (de St Rémy) il fait partie des fournisseurs de Felletin par l'intermédiaire du GIE de scieurs qui alimente l'unité de cogénération de cette commune.

    On constate donc que la concurrence avec Felletin pour l'approvisionnement en bois est pleinement confirmée, ainsi que la propension de certains professionnels du secteur à signer tous les engagements qu'on leur propose et de n'honorer ensuite que les plus rémunérateurs.

    La production annuelle d'électricité annoncée à Meymac est de 107 000 Mwh, soit à peu près cinq fois celle de Felletin - qui produit aussi de la chaleur.

    A Meymac il est prévu d'utiliser la chaleur en interne pour sécher le combustible qui ne doit pas dépasser 20% d'humidité dans cette installation qui utiliserait le procédé de gazéification (similaire au gazogène utilisé pour les automobiles pendant la seconde guerre mondiale) : après une combustion à 1050°, les gaz récupérés alimentent des moteurs qui produisent l'électricité.

    La seule production vendue étant l'électricité, il est abusif de parler de cogénération et d'afficher un rendement de 67%. En fait le rendement est de l'ordre de 30%.

    En revanche, des données économiques (prix d'achat du combustible, prix de vente de l'électricité) ne figurent pas dans le dossier. Les investissements sont de 27 253 000 euros (par comparaison, ils ont été de 10 millions à Felletin) dont 30% de fonds propres et 70% de prêts bancaires. La mise en service est prévue pour fin 2007, avec démarrage des travaux à la fin du premier trimestre 2007.

    Rien dans ce dossier ne vient infirmer ce qui était avancé dès 2005 par les responsables des réseaux de chaleur existant en Limousin.

     

    Le nouvel appel d'offres "électricité biomasse"

    biomasse 3La justesse des arguments avancés est confirmée par le nouvel appel d'offres du ministère de l'industrie qui a largement rectifié le tir par rapport au précédent, sur trois points essentiels :

    • La puissance minimale : elle n'est plus de 12 MW mais de 5 MW. L'appel total porte sur 300 MW, dont 80 pour les installations de 5 à 9 MW, et 220 MW pour celles de plus de 9 MW.
    • L'approvisionnement : chaque unité doit présenter un plan d'approvisionnement très précis, avec 50% minimum de plaquettes forestières et une attention particulière aux problèmes de concurrence d'usage.
    • L'efficacité énergétique : elle est fixée à 50% minimum, ce qui oblige à une valorisation de la chaleur.

    On constate que le ministère a largement tenu compte des critiques qu'avait suscité l'appel d'offres de 2003 pour rédiger celui de 2006. Il serait souhaitable que les nouveaux critères s'appliquent aux projets qui ne sont pas encore réalisés, comme Ussel et Meymac, et qui vont poser les plus gros problèmes.

     

    L'utilisation du bois énergie est une bonne solution énergétique à condition que :

    • La production de chaleur, et son utilisation économe, soit privilégiée ; la production électrique ne devrait pas servir de base au dimensionnement de l'installation et devrait rester assez modeste.
    • L'installation puisse fonctionner avec des déchets de bois produits à proximité de façon à éviter des transports importants.
    • L'approvisionnement se fasse exclusivement en sous produits de l'activité forestière : il ne faudrait pas tomber dans la dérive qui consisterait à produire du bois utilisé uniquement pour l'énergie.

     

    Jean François Pressicaud

    Conseiller municipal à Felletin.
  • Contre la méthanisation industrielle

    Divers projets de méthanisation en Creuse et en Haute-Vienne ont fait l’objet d’enquêtes d’utilité publique dont l’association Noporch 23 s’est saisie pour exprimer ses critiques. L’un des opposants le mieux informé sur le sujet nous résume ses arguments.

     

    methaniseur

    La méthanisation est un procédé qui vise à dégrader de la matière organique en absence d’oxygène afin d’obtenir du « biogaz » (du méthane) pouvant ensuite être utilisé comme énergie. La dégradation n’étant pas complète, le processus permet également de récupérer des résidus de matière organique (le digestat) qui peut ensuite être épandu sur des parcelles agricoles et servir d’engrais.

    Les déchets organiques utilisés pour la méthanisation sont d’origine variée : effluents d’élevage (lisier, fumier), déchets issus de l’industrie agro-alimentaire, boues de stations d’épuration, résidus de culture ou déchets verts. Dans la limite de seuils définis par décret et sous certaines conditions, elles peuvent également être approvisionnées par des cultures alimentaires et des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive). En effet, pour créer du méthane, le lisier ne se suffit pas à lui-même : il faut, pour cela, des substrats végétaux à potentiel méthanogène.

     

    emission gazeuse

     

    Le développement croissant de ces usines n’est pas sans susciter des critiques voire des résistances. Les odeurs, le trafic routier plus dense, l’impact visuel sur le paysage, les risques de pollution, les accidents industriels, la sécurité alimentaire, la santé, sont autant de problématiques qui sont actuellement portées dans le débat public et que nous résumons ci-dessous1.

     

    Émissions de gaz à effet de serre

    inraeAucun organisme n’a fourni d’étude crédible – méthodologiquement irréprochable – concernant l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre de la filière biométhane. En émet-elle réellement moins que le gaz naturel ? 

    Nous n’en savons rien.

    Ce que l’on sait, c’est que le principal gaz à effet de serre, le gaz carbonique (CO2), est émis lors de la combustion du méthane en vue de la production d’énergie. À ces émissions primaires, il faut encore ajouter les fuites de méthane survenant sur l’unité de méthanisation, ainsi que des émissions de CO2 indirectes survenant au cours du processus de production (travail des tracteurs dans les champs, traitements phytosanitaires, récolte, transport des intrants en amont et du digestat en aval). Dans les études réalisées pour GrDF, sous l’égide de l’ADEME, le « biométhane » apparaît vertueux, de cinq à dix fois moins émetteur que le gaz naturel. Certes, ces installations sont susceptibles d’éviter des émissions qui auraient été faites sans leur adoption. Il n’empêche que ces émissions contribuent aux émissions anthropiques de gaz à effet de serre, dont l’atmosphère ne sera débarrassée que dans des centaines, voire des milliers d’années. Lorsqu’on épand du fumier, on apporte du carbone au sol, lequel reste en terre de 50 à 60 ans, avant d’être transformé en gaz carbonique. C’est en ce sens que le sol constitue un « puits de carbone ». Le même carbone, si on ne le met pas dans le sol, mais plutôt dans le méthaniseur, va se transformer en gaz carbonique en moins d’un an.

     

    Transports

    Souvent vantés au titre de l’économie circulaire et des circuits courts, les méthaniseurs ne tiennent pas toujours leurs promesses. Ces installations, notamment celles de grande dimension, doivent être alimentées par un important volume de déchets et de cultures dites « à vocation énergétique » pour produire de l’énergie en continu. Cet appétit constant peut inciter à drainer des matières sur plusieurs départements, voire plusieurs régions. Les nombreux transports qu’induisent ces collectes réduisent donc les bénéfices pour le bilan carbone.

     

    Risques industriels

    L’essor de la filière méthanisation s’accompagne d’une augmentation significative du nombre d’accidents et d’incidents, dont certains ont fait l’objet d’une ample couverture médiatique.

    L’Ineris2 identifie deux grands types de risques industriels associés à la méthanisation : les risques de pollution des milieux d’une part, et les risques d’incendies et d’explosion d’autre part.

     

    methanisation ferme

    Le rejet de matières dangereuses ou polluantes est le phénomène principal rencontré dans l’accidentologie liée à la méthanisation. Les risques de pollution des milieux peuvent se traduire par des émissions gazeuses, des rejets de matières liquides ou semi-liquides ou encore des rejets d’eaux pluviales ayant été en contact avec les matières. En août 2020, dans le Finistère, le débordement d’une cuve a privé 180 000 personnes d’eau potable pendant une quinzaine de jours. En mars 2021, dans l’Orne, 2000 m³ de lisier destinés à être utilisés comme intrant se sont écoulés dans un ruisseau. Une catastrophe pour la biodiversité locale.

    Des émissions de biogaz dans l’atmosphère peuvent survenir soit à l’occasion d’une fuite, notamment au niveau du système d’épuration ou des canalisations, soit en raison du dysfonctionnement de la torchère. Des émissions diffuses peuvent également intervenir lors du stockage ouvert de lisiers ou de digestats. Le rejet de biogaz dans l’atmosphère constitue un risque important de déséquilibre du bilan climatique global de la méthanisation : le biogaz qui en est issu est en effet majoritairement composé de méthane, dont le potentiel de réchauffement planétaire (contribution à l’effet de serre) est considérable : entre 28 et 34 fois plus élevé que celui du CO2 sur une durée de référence de 100 ans, mais entre 84 et 86 fois plus impactant si on raisonne sur la durée de vie d’une installation, soit 20 ans. Ainsi, seulement 2 % de fuite de biogaz (en supposant une teneur de 50 % en méthane) suffisent pour que la méthanisation ait un impact sur l’effet de serre plus fort que l’utilisation des carburants fossiles. Pour les riverains, des risques sanitaires sont liés à l’émission de gaz toxiques (ammoniac, sulfure d’hydrogène), au développement de micro-organismes potentiellement pathogènes, à la prolifération d’insectes. Des nuisances olfactives sont liées aux déchargements de fumier et de lisier, à l’ensilage des intrants, au stockage et au transport des digestats, et de façon plus générale à la mauvaise gestion des sites (exemple : fosses à ciel ouvert).

     

    Risques associés à l’épandage de digestat

    Le digestat (comme les boues d’épuration) est sorti officiellement de son statut de déchet en 2018, grâce à la loi Egalim, applicable depuis janvier 2020. Or, pour certains, ce digestat est loin d’être sans danger pour les sols. L’épandage de digestat peut présenter un risque de pollution des sols par des matières telles que les microplastiques, des résidus pharmaceutiques ou des contaminants microbiologiques. Si « l’hygiénisation » est insuffisante, ce mélange peut receler de nombreuses bactéries, potentiellement résistantes, qui vont ensuite s’infiltrer dans les sols, voire les nappes phréatiques. Par ailleurs, son intérêt pour les sols est très contesté : il est avéré qu’il peut entraîner une diminution de l’humus. Enfin, la fertilisation est rendue complexe par la nature ammoniacale de l’azote présent dans le digestat, car la valeur fertilisante du digestat rendu au sol varie en fonction du taux de volatilisation, qui peut être inconnu de l’agriculteur. L’analyse de la teneur en azote du digestat en sortie de cuve n’éclaire pas plus l’agriculteur puisque la volatilisation a lieu ensuite (pendant et après l’épandage).

    La volatilisation du gaz ammoniac à l’épandage est responsable de gênes olfactives compte tenu du caractère irritant, hygroscopique et toxique de l’ammoniac. Elle est aussi responsable de la remontée en surface et de la mortalité des vers de terre.

     

    Intensification de l’élevage

    L’attrait de cette nouvelle manne ne risque-t-il pas d’orienter et augmenter les productions au seul profit de la méthanisation ? « Aujourd’hui, cette activité est en passe de fournir aux exploitations agricoles un revenu plus important que l’élevage », alerte le Collectif national vigilance méthanisation, qui craint aussi que la concentration des projets n’entraîne une concurrence d’approvisionnement et une « guerre des intrants » sur certains territoires.

     

    Le risque est que les agriculteurs deviennent producteurs de fumier et de lisier

     

    La dérive permettant les agrandissements rapides est constatée partout. Il existe de nombreux exemples de ce dévoiement permettant à de petites ou moyennes exploitations de rapidement doubler voire tripler leur cheptel et leur production. La pratique de certaines exploitations conduit à une intensification de l’élevage qui entraîne une surproduction des déchets destinés à nourrir le méthaniseur alors qu’il faudrait au contraire en produire moins. Le risque est que les agriculteurs deviennent producteurs de fumier et de lisier, ce qui oblige à enfermer les vaches en bâtiment, à faire du maïs pour les nourrir et à équilibrer avec du soja importé, bref consommer beaucoup d’énergie. Ceci s’oppose à l’enjeu de restauration du lien au sol en agriculture et à l’impératif de changement du modèle agricole et agro-alimentaire.

     

    carte france methaniseurDétournement des cultures vivrières

    La méthanisation a notamment été vendue dans l’idée de transformer un effluent gênant, le lisier, en énergie. Or, le lisier est très peu méthanogène, et pour que le processus fonctionne de façon optimale, le méthaniseur aura besoin de plantes énergétiques. Autrement dit, des surfaces agricoles doivent être consacrées à la culture de celles-ci. Pour éviter que la ration des méthaniseurs n’entre trop en concurrence avec l’alimentation animale ou humaine, un décret prévoit, pour les cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale, un plafond maximal de 15% en tonnage brut des intrants pour l’approvisionnement des installations de méthanisation. Or, ne sont pas prises en compte dans cette catégorie les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive). Implantées entre deux cultures principales, les Cive (seigle, trèfle, avoine, vesce, mais aussi maïs…) servent pourtant également à nourrir le bétail. Sans compter que de nombreuses cultures sont déclarées comme Cive alors qu’il s’agit de cultures principales à vocation énergétique et non pas de cultures intermédiaires...

    Les cultures à vocation énergétique peuvent dégrader le bilan carbone de la méthanisation par un changement d’affectation indirect des sols : le remplacement d’une culture alimentaire par une culture énergétique est de nature à entraîner, par rebond, une modification d’affectation du sol dans une autre zone géographique, où une prairie ou une forêt seraient par exemple remplacées par une culture alimentaire. D’autre part, le développement de cultures dédiées contribuerait à accaparer la surface agricole utile française aux dépens des cultures alimentaires, affaiblissant par conséquent notre souveraineté alimentaire.

    « Trop de végétaux, qui ne sont pas des déchets, alimentent les méthaniseurs » note la Confédération paysanne. Les élevages, qui ont déjà de plus en plus de difficultés à s’approvisionner en fourrage du fait des sécheresses, entrent en concurrence avec les méthaniseurs. Cela va donc se traduire par des achats d’aliments de remplacement pour le bétail, sachant qu’une grande partie de ces aliments sera importée d’Amérique du Sud (soja) et contribuera à la déforestation et à la détérioration du bilan carbone de chaque exploitant. Des importations de l’autre bout du monde d’aliments pour animaux, justifiées par la transition écologique, un comble !

     

    Fertilité des sols

    Le bilan global de la méthanisation concernant les apports en carbone organique constitue un sujet de recherche encore largement ouvert. Le carbone des intrants étant en partie dégradé dans le processus de méthanisation, se pose la question de la capacité du carbone résiduel à entretenir la matière organique du sol, lorsqu’il y est restitué sous forme de digestat. Pour certains scientifiques, la méthanisation et l’épandage des digestats vont ajouter leur contribution à l’ensemble des mécanismes qui concourent déjà depuis plusieurs décennies à la baisse du taux de matière organique des sols. La croissance des plantes peut donc, à terme, être négativement impactée par l’emploi de digestats. Le déséquilibre introduit ne peut que faire craindre l’obtention de sols déstructurés et infertiles sur le moyen-long terme. Toutefois certains experts sont d’un avis contraire : les Cive permettraient de stocker du carbone du fait de la présence des racines et des chaumes, laissés au sol. Davantage de travaux de recherche sont nécessaires pour mieux déterminer les pratiques culturales et agronomiques les plus vertueuses au regard de l’objectif d’accroissement du stockage du carbone dans les sols. Un comparatif entre la contribution sur le long terme, d’un fumier et celui d’un digestat, au stockage de carbone serait pertinent.

     

    Utilisation des fonds publics

    La méthanisation est doublement subventionnée. Elle bénéficie d’un tarif de rachat établi selon un arrêté national et de subventions à la construction. Vendu trois à quatre fois au-dessus du marché du gaz naturel, le « biométhane » bénéficie en effet d’une garantie de rachat par la puissance publique pendant 15 ans : c’est l’État qui compense la différence avec le prix du marché. Le rachat du gaz à un tarif très généreux coûte jusqu’à 10 milliards à l’Etat chaque année.

    S’agissant des aides à la construction, alors que les subventions à l’agriculture dépassent rarement 50 000 euros, même pour une installation d’un jeune agriculteur, en méthanisation on voit passer des projets qui bénéficient d’un soutien de plusieurs centaines de milliers d’euros. Selon un agriculteur, également ancien conseiller en agriculture d’Emmanuel Macron, le coût public est colossal, avec un total de plus de 16,8 milliards d’euros, qui bénéficie à un petit nombre. 

    À titre de comparaison, le budget de la PAC pour la France pour la période 2021-2027 est d’environ 62 milliards d’euros, soit 3,5 fois plus important, alors qu’il concerne plus de 300 000 agriculteurs.  L’objectif pour les pouvoirs publics est double : réduire les émissions de gaz à effet de serre, et assurer un revenu complémentaire aux agriculteurs. Dans les deux cas, la dépense est disproportionnée par rapport à l’objectif recherché : il existe des énergies renouvelables moins coûteuses et la stabilité des revenus dans le temps, due principalement à l’existence d’un tarif de rachat avantageux, est illusoire car, à terme, les aides publiques seront inévitablement revues à la baisse. 

     

    Pour conclure

    Le fol envol du business des méthaniseurs va étrangement à l’encontre de l’agro-écologie, du retour à la biodiversité, du frein à l’artificialisation des sols, prônés actuellement. Le foncier qui nous nourrit ne doit pas être pris en otage par l’agro-industrie… La FNSEA clame à juste titre que les agriculteurs sont là pour nous nourrir mais, en même temps, incite à la production de méthane et de bio-carburant, deux agro-industries gourmandes en surface agricole.

    La seule méthanisation tolérable sera celle qui se fera dans des nos man’s lands, loin de tout point ou cours d’eau, avec des unités extrêmement confinées et protégées pour qu’il n’y ait ni fuites de gaz dans l’atmosphère, ni fuites de jus dans les nappes, des unités surveillées 24 h sur 24. Cette méthanisation tolérable sera celle qui n’utilisera que du déchet vrai. Donc, ni maïs, ni Cive, ni fumier. La notion de 

    « déchet vrai » c’est simplement ce dont on ne peut pas faire un meilleur usage. Le fumier est mieux sur le champ et le maïs est mieux pour l’alimentation.

     

    Association Noporch 23

    https://noporch23.wordpress.com 

    1- Pour plus de détails, on se reportera à la version longue de cet article : https://noporch23.wordpress.com/methanisation/
    2- Institut national de l’environnement industriel et des risques. www.ineris.fr  

     

    blaireau methane

     

    800 cochons à Augne...  à cause du changement climatique !

    Le GAEC Mazaleigue, à Augne (87), porte un projet de « développement et de diversification » avec la création d’un élevage de porcs (construction d’une porcherie de 800 places de porcs à l’engrais et 400 places de porcelets en post-sevrage). Le bâtiment, d’une surface de 997 m² sera aménagé sur caillebotis. Dans ce type d’élevage, comme dans tous les élevages intensifs porcins en France, les cochons sont enfermés, mutilés. Les animaux ont une existence misérable, ne voyant jamais le jour. Elevés sur caillebotis, au-dessus de leurs excréments, dans des bâtiments nus et saturés d’ammoniac, ils sont obligés de subir une promiscuité effarante, favorisant les maladies et entraînant une mortalité globale de 20 % (pourcentage de pertes sur nés totaux). La justification avancée pour introduire cette diversification ne manque pas de sel : « Les raisons de la mise en œuvre du projet sont d’assurer l’avenir des 2 exploitants agricoles du GAEC et la pérennité de l’exploitation. En effet les activités actuelles, élevage de bovins allaitants sur les communes de Saint Julien-le-Petit, Augne et Saint-Amand-Le-Petit, ne permettent pas de dégager des revenus suffisants pour 2 agriculteurs et l’exploitation doit trouver une voie pour se développer et se diversifier. Ces dernières années, la sécheresse a donné des rendements moins importants en fourrage. C’est la raison pour laquelle le GAEC ne souhaite pas augmenter son troupeau bovin craignant un manque de fourrage. » Ironie : pour faire face au dérèglement climatique, les éleveurs du GAEC Mazaleigue décident d’introduire sur l’exploitation un atelier d’élevage porcin de type industriel, hors-sol, autrement dit le genre de scénario qui induit des émissions supplémentaires de gaz à effet de serre notamment via la déforestation et la culture intensive de soja en Amérique du Sud, exacerbant ainsi le changement climatique dont ils sont victimes ! Un exemple frappant de l’aveuglement que l’on trouve parfois dans le milieu agricole. 
  • De la Vienne à la Vire

    En juin 2021, lors de l’enquête sur l’eau dans le chevelu de la Vienne (voir IPNS n°76), un débat a opposé en bordure de la Vienne partisans et opposants à l’éventuel projet d’installation de micro-centrales électriques sur d’anciens seuils de la rivière. Suite à cela nous avons reçu le témoignage suivant qui, relatant un épisode connexe sur une autre rivière (la Vire en Normandie), nous invite à être prudent sur des projets a priori séduisants mais qui, à terme, peuvent être néfastes.

     

    Photo Vire

     

    J’apprends, il y a peu, qu’un projet de création de seuils et de micro-centrales électriques est actuellement en cours autour d’Eymoutiers. Les intentions des porteurs de projets sont on ne peut plus politiquement correctes : concertation avec les habitants, retrouver une cohérence et une souveraineté de production énergétique à un niveau local, plus « propre », plus « sain ». Le tout pour trouver une place dans le désastre écologique en cours, trouver une voie de sortie, une projection. 

     

    Une micro-centrale sur la Vire

    J’ai habité deux ans dans une autre vallée, en Normandie : la vallée de la Vire. Mes parents y avaient acheté une maison éclusière. L’écluse servait à l’alimentation d’une micro-centrale du type de celle que les porteurs de projet d’Eymoutiers voudraient voir créer dans le cours de la Vienne : une toute petite centrale, toute mimi. Cette centrale avait été construite au début du XXe siècle, dans le cours du déploiement de la production électrique nécessité par les progrès de la IIIe République. Elle s’était implantée sur un seuil existant, qui avait eu pour fonction auparavant de rendre la rivière navigable. Dans les premières décennies du XXIe siècle, les relevés d’ensablement dans les marais du Cotentin et du Bessin, en aval de la Vire, montrent que l’ensablement est en partie dû au manque de débit de la rivière, en partie causé par les retenues effectuées pour alimenter 7 micro-centrales électriques. On ne parle pas là d’aménagements monstrueux. La centrale elle-même fait 45 m², le canal d’amenée 300 m et le canal de sortie 150 m. L’aménagement est donc léger. Toutefois, il est multiplié par les 7 centrales similaires présentes sur un segment d’une trentaine de kilomètres. Il est donc un des facteurs qui occasionne la sédimentation des marais et leur asphyxie lente, avec pour perspective certaine la mort d’un écosystème riche.

     

    Supprimer la centrale pour rendre la Vire à son cours naturel

    La décision est donc prise de « rendre à la Vire son cours naturel ». Un des arguments en faveur de ce projet est également que les saumons, autrefois pléthoriques (il y a 70 ans environ, puisque mon voisin de l’époque ne pouvait plus voir un saumon en peinture, gavé qu’il en avait été dans son enfance), ont disparu aujourd’hui du cours de la Vire. Disparition occasionnée non seulement à cause de leur sur-pêche dans la Manche dans laquelle débouchent les marais et, en amont, la Vire, mais également à cause de l’ensablement qui rend le cours d’eau impraticable pour leur espèce, de la baisse du débit de la rivière, qui la rend moins attractive à la remontée (les saumons ont besoin d’un courant fort pour se reproduire), et, enfin, à cause de l’inefficacité des « échelles à saumons » installées dans les retenues, dont l’une devant ma maison, mal conçue et par conséquent impraticable pour les saumons. 

    Ce qui est intéressant est ce qui se passe ensuite. Pour « rendre à la Vire son cours naturel », des porteurs de projet, avec les mêmes belles intentions que ceux d’Eymoutiers, forment un projet de design écologique pour « réparer », « reconstituer », « restaurer » ce cours d’eau. Il s’agit non seulement d’abattre la retenue d’eau, mais également de combler le canal d’amenée et d’araser le canal de sortie – en récupérant la terre alors extraite pour, précisément, remblayer le canal d’amenée. Le canal d’amenée, inutilisé depuis longtemps lors de notre entrée dans les lieux, est bordé par une haie d’aulnes noirs dense et touffue. Par conséquent, son eau est stagnante, ce qui est propice aux reproductions, propice également à la vie de batraciens : une mare, par conséquent, de 300 m de long, sur 7 m de large et 6 de profondeur. Un étang pour ainsi dire. Le canal de sortie est une zone de la même teneur. Un système de débordement d’un des canaux dans l’autre maintient un courant faible qui empêche l’asphyxie des deux étangs ainsi formés, qu’habite une riche vie végétale et animale : pas de signe d’asphyxie après 4 ans d’inactivité, ni de l’un ni de l’autre étang.

     

    vienne eymoutiersUn chantier qui est un véritable cataclysme écologique

    Les travaux sont donc effectués au plus chaud de l’été 2019. Des semi-remorques de terre, des bulldozers et des tractopelles effectuent leur œuvre de mort devant la maison, et nous sommes aux premières loges pour observer un véritable cataclysme écologique. Bernard, notre voisin paysan, que les écologistes de France Nature Environnement avaient échaudé avec leur projet, leur donne une leçon d’écologie en mentionnant la destruction du lieu de vie naturelle d’une espèce rare de grenouille. Qu’à cela ne tienne, les porteurs de projet ont pensé à tout ! Deux mares seront créées en aval de l’ancien seuil, à l’endroit du canal de sortie, qui formait donc « originellement » (c’est-à-dire quand nous sommes arrivés) une mare courante de 150 m de long. Nous passons l’été à nous désoler de ce ravage avec les voisins. Mon père, une personne fragile, pas facile, au cœur des préparatifs de cette apocalypse, a eu la bonne idée de se pendre dans l’ancienne centrale, alors démantelée, un an auparavant. On apprend, entre autres, lors de ce démantèlement, que la turbine est conservée pour être « redéployée » dans le centre de la France, sur un affluent de la Loire. La poussière vole tout l’été. Les limons de la rivière, tassés par le passage des engins, terres légères, s’envolent et tourbillonnent en tous sens, et nos émotions avec eux. L’air est parfois irrespirable. Je construisais une grange pour cette maison cet été là. J’utilisais de vieux bois stockés depuis des lustres par mon grand-père, des vieux chênes de haie, tordus. Je travaillais à ma manière, sans outils électriques, avec des méthodes d’un autre temps, sans bruit, sans plans, mais avec savoir-faire. Je portais un masque antipoussière et essayait de me concentrer au milieu du vacarme de ce qui me semblait alors une plaine aride, venteuse et poussiéreuse de l’Arizona. Les limons ne suffisent pas, alors les entrepreneurs en travaux publics, ces poètes, importent des terres « végétales » issus d’excavations plus ou moins lointaines, d’un peu partout en fait, et beaucoup d’une carrière de schiste en amont. Ils comblent, ils retournent, ils tassent, ils excavent ici pour reboucher là. À l’image de nous-mêmes, pauvres humains bien en peine d’imaginer autre chose que de chier là et d’enterrer nos merdes ailleurs, pour que ça sente moins mauvais pour nous, mais toujours autant pour d’autres. C’est ça, la merveilleuse communauté de l’espèce homo sapiens !

     

    La Vire est devenue un filet d’eau

    La terre devient tout à fait stérile. L’armoise envahit tout. J’adore l’armoise, ma fille porte son nom en l’honneur de cette vaillante et utile plante pionnière, pas difficile en conditions, qui se nourrit de peu pour soigner beaucoup : un paradigme de ce que devrait être notre époque. Néanmoins, l’armoise est aussi un indicateur d’une terre très pauvre quand elle est présente en grandes quantités. Dans le même temps, moitié moins de pécheurs fréquentent les trois hectares que nous possédons et qui longent la rivière : en été, période de pêche, la Vire est réduite à un filet d’eau rare où le poisson se fait prudent, voire absent. Dans le même temps, en discutant avec les moniteurs du club de kayak, à quelques kilomètres en aval, eux aussi me font part de leur désarroi. Dieu sait que je n’appréciais pas particulièrement les touristes qui hurlaient en prenant la descente de canoë aménagée dans la retenue d’eau pour pouvoir glisser et se faire une petite frayeur bon enfant. Mais pour eux, la destruction de ces lieux sera le signe de la fin de leur activité : en saison pleine, la Vire a désormais à peine assez d’eau pour un canoë de front, et pas assez de profondeur pour un canoë chargé de deux adultes. Il reste l’hiver à ces amoureux de la pagaie, plaisirs solitaires qu’ils ne seront plus en mesure de partager avec le voyageur de passage... Et moi, je me prends à regretter les manifestations certes bruyantes, mais joyeuses, de mes congénères touristes.

    En aval de la centrale désaffectée, dont le bâtiment constitue désormais mon atelier, les deux mares sont un échec cuisant, l’entreprise de travaux publics, tellement poète qu’elle ne sait même pas respecter le mètre de sa poésie (le plan de niveau), a creusé 1,5 m trop bas sur 3000 m². Les mares se retrouvent donc sous le niveau de l’eau tout l’hiver. Elle disparaissent donc rapidement, arasées et sédimentées par le cours hivernal de la Vire. On n’entend plus le chant des grenouilles. Ainsi meurt la vision bucolique qui s’offrait au voyageur sur le Pont de la Roque, dans un cul-de sac grandiose. Les seuls qui habitent encore les prés dévastés, ce sont Ginette, Bernard et leurs vaches, qui refusent le jonc, mais se nourrissent du peu d’herbe qui arrive à traverser la couche de limon comprimé. Espérons qu’elles sauront fertiliser à nouveau cette friche. En elles résident notre espoir.

     

    mauldeComplice du « mix énergétique » nucléaire

    Voilà le portrait de ce qui se passera dans cent ans, du coté d’Eymoutiers, dans la Vienne. Dans cent ans je ne serai plus, je l’espère (il existe encore des terriens qui n’ont pas peur de la mort, qui n’est qu’un moment de la vie). Ma fille elle-même, cette petite armoise, aura certainement disparu. Si elle a des enfants, et si le projet calamiteux de la mairie voit le jour, j’espère que ces jeunes, que j’espère également fous, sauront utiliser tous les moyens nécessaires pour stopper les machines, les enrayer, les détruire enfin tout à fait. Car mieux vaudra, alors, des seuils et un cours de rivière qui aura appris à devenir nouveau sous notre horrible contrainte, à un nouveau désastre qui sera alors motivé par l’ensablement de la Loire. Depuis que je suis petit, j’entends parler de l’asphyxie progressive de la Loire par le sable, dont est responsable le seul vrai projet d’énergie “écologique” en France : la proprette « filière nucléaire ». Les bévues locales d’Eymoutiers se révéleront dans cent ans pour ce qu’elles sont aujourd’hui : la caution locale, démocratique et renouvelable du Grand Projet National, secret défense et extractiviste – le nucléaire Français. On ne plante aujourd’hui des micro-centrales que pour pouvoir argumenter que le « mix énergétique » se tourne vers le renouvelable, tout en augmentant toujours la capacité de charge nucléaire dudit mix. Les cours d’eau ne sont pas comme nous : il acceptent l’adversité, ils intègrent la mort, les rochers trop durs à casser, alors que nous cassons des cailloux pour y trouver de quoi brûler dans les réacteurs, pour finalement empoisonner notre planète pour « seulement » 1 million d’années... Les rivières et les fleuves trouveront donc d’autres moyens de couler si nous les contraignons à le faire. Mais je me rappelle toujours cette parole d’une zoologue qui travaille sur l’appréciation de la musique par les oiseaux. Selon elle, les oiseaux préfèrent la musique classique au rap (même si elle ne s’est peut-être pas questionnée sur le biais interprétatif induit peut-être par ses propres goûts musicaux, reflet de sa classe d’appartenance). Mais, selon elle, ce qu’ils préfèrent à toute autre musique, c’est le silence. Ce que préfère la terre, c’est notre participation silencieuse à ses mouvements, plutôt que notre mise en mouvement cacophonique. 

     

    Le leurre du « local »

    C’est tout le leurre du « local » : on déploie localement, dans l’ignorance totale, volontaire et construite, des projets qui ont déjà échoué lamentablement ailleurs. Le local, l’autochtonie, est aussi l’excuse de l’ignorance. À trop regarder près de chez soi, à trop bien y connaître, on ignore toujours trop bien ce qui se passe ailleurs. Et c’est ainsi que fonctionne le colonialisme capitaliste : quand les oppositions se font trop sentir dans une de ses sphères, alors il ruine la sphère, et il ouvre un nouveau front pionnier ailleurs. Ce n’est pas parce que la surface terrestre est connue dans son ensemble que les fronts manquent à cette guerre sans relâche faite au vivant et aux terriens par le capitalisme de mort. Dans les années 1970, les ouvriers et ouvrières, trop bien organisés, ou désorganisés, selon les tendances, font trop de bruit dans les rues émeutières, sous les enseignes de la révolution, partout en Europe. Le capital part alors produire ailleurs, ouvrir de nouveaux fronts de production dans d’autres parties du globe, plus pauvres, où on ne l’ouvre pas.

     

    C’est tout le leurre du « local » : on déploie localement, dans l’ignorance totale, volontaire et construite, des projets qui ont déjà échoué lamentablement ailleurs.

     

    Aujourd’hui, parce que beaucoup de terriens, je veux dire : des homo sapiens conscients de la crise écologique que nous habitons, naissent en Occident, le capitalisme part extraire ses saloperies ailleurs et polluer d’autres sols, dans d’autres colonies. Mais il a trouvé, en Occident même, une meilleure stratégie encore : le capitalisme industriel « de proximité », auquel chacun peut participer dans la joie ineffable de la démocratie participative concertée par le biais de la communication non violente ayant pour but l’établissement gentil d’un consensus : que tout change, pour que rien ne change! C’était encore il y a peu l’excuse des grosses boites industrielles d’éoliennes, jusqu’à ce que tout le monde comprenne la blague.

     

    Contre l’« idéologie électrique »

    Les profits, tant énergétiques, culturels, sociaux, que financiers, iront toujours dans les mêmes poches. Et même si elles allaient dans des poches locales, ce ne serait pas dans celle de la communauté, car la communauté n’a pas de poches : elle n’a que des mains ouvertes. Elles iraient dans les poches des accapareurs locaux, ceux dont on pourrait croire qu’ils vivent parmi nous, mais s’en fichent bien, de la communauté. C’est le pharmacien normand de Mme Bovary. La question n’est pas de produire de la musique plus belle, plus en accord avec la conception que nous autres humains, gavés d’absurdités par la science et ses prêtres, nous faisons de l’oreille des perruches emprisonnées contre leur gré. La question n’est pas de produire différemment de l’électricité, car la question n’est pas de participer au remplacement de la civilisation du carbone pétrolifère par la civilisation de l’électricité nucléifère. La question est de refuser, dès maintenant, partout, le déploiement de l’idéologie électrique comme  la continuation de l’idéologie pétrolière. La question est de refuser l’électricité et le pétrole, en trouvant la seule énergie dont nous disposons vraiment en propre, celle de nos bras, de nos jambes, de nos têtes et de nos langues, de nos cœurs. En inventant cette énergie que nous avons toujours cherché à fuir en inventant l’esclavage des animaux, l’esclavage des humains, l’esclavage des minerais et des hydrocarbures. En trouvant une manière de vivre en utilisant notre énergie propre, de manière concertée, de manière répartie équitablement entre les membres de la communauté. Et en écoutant ceux qui ne veulent pas voir le Limousin devenir un front pionnier du micro-capitalisme prédateur et colonial. 

    Tant que nous n’aurons pas compris que notre rôle, terriens, aujourd’hui, n’est pas d’imaginer un autre aménagement pour le désastre, mais d’apprendre à nous taire, à ne pas faire de barrages, ne pas produire plus, alors il y aura des enfants et des petits enfants de tous âges pour saboter les projets des maudits porteurs de projets, pour faire barrage, non plus aux rivières, mais au seul véritable ravageur terrestre : le satané humain en chacun de nous.

     

    Arthur Virage
  • Demain, voyager sans pétrole

    Filons bientôt épuisés

    L'échéance de la fin de l'ère du "tout pétrole" se profile à l'horizon. Ce sera, selon les fluctuations des intérêts et des pronostics, vers 2030 ou 2050. Même s'il n'y a pas tarissement des gisements, sa rareté et la flambée continue des prix vont très vite réduire la part du pétrole dans la panoplie de nos ressources énergétiques. Comme celles-ci ne cessent de s'amplifier nous sommes acculés à l'innovation et au changement pour penser l'avenir.

    Avec la fin du pétrole, nos sociétés de plus en plus caractérisées par la mobilité des personnes, des biens et des marchandises, sont appelées à des mutations radicales notamment en matière de moyens de transport. Il est urgent de précéder ce mouvement et de sortir de notre frénésie pétrolière pour voyager et transporter autrement. Pour ne retenir qu'un exemple, sous la pression des lobbys des transporteurs routiers, des entreprises de travaux publics et des sociétés d'autoroute… 75 % du transport des marchandises se fait aujourd'hui par la route. Ce transport routier a bondi de 43 % en moins de quinze ans.

     

    carte transversale alpes atlantique

    Carte 2 - la transversale Alpes Atlantique

     

    Les transports de demain

    Une association composée de spécialistes du transport, de collectivités territoriales et de citoyens s'est constituée depuis une dizaine d'années : l'ALTRO(Association logistique Transport Ouest). Elle propose "un projet pour façonner le réseau de transport régional, national et européen du troisième millénaire". Elle tente d'apporter une réponse à toutes les exigences de mobilité, d'échanges et d'interdépendance entre les hommes et les territoires à l'échelle nationale et européenne.

    Elle s'est fixée trois objectifs.

    • Le premier participe à "l'ardente obligation" d'inventer et d'économiser les ressources énergétiques alternatives au pétrole, avec en corollaire la réduction des gaz à effet de serre.
    • Le second élabore un système de transport fondé sur le développement et le réaménagement du réseau ferré français. A partir d'une trame de lignes à grande vitesse, de connexions inter-régionales et de ferroutage, il associe les différents modes de transport par : fer / route / mer /air.
    • En troisième lieu, avec cette "intermodalité" des transports, l'Etat, les Collectivités territoriales et les citoyens sont appelés à repenser autrement l'aménagement de notre espace national.

     

    Par une irrigation hexagonale

    L'ALTRO, avec son projet de Transversale Alpes-Atlantique (T.A.A) dessine un aménagement du territoire équilibré. Il drainera les régions aujourd'hui délaissées tout en se libérant de l'attraction systématique de Paris et en désengorgeant les axes surchargés du Rhin-Rhône et de la façade méditerranéenne. Il intégrera les activités du transport maritime de l'Arc atlantique dans le futur réseau trans-européen.

    Avec ce projet ambitieux l'ALTRO privilégie l'interdépendance des territoires. Elle rejette le principe de leur compétitivité, tel qu'il est aujourd'hui programmé par l'ex-DATAR devenue depuis le 1er janvier 2006 : la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT). La carte n° 1 parue dans le journal Le Monde du 30 mars 2006 est une parfaite illustration de l'absurdité de cette prétendue compétitivité.

    Le futur réseau transeuropéen laboure les mêmes sillons déjà surchargés : la côte méditerranéenne et le couloir rhodanien jusqu’à l’Europe du Nord via Paris ou Luxembourg. Le grand ouest, une fois de plus, est laissé de côté.

     

    Regardons de plus près le tracé de cette TAA dans notre espace hexagonal. Il sera constitué par une liaison ferroviaire à grande vitesse qui reliera l'Océan aux Alpes (voir la carte n° 2). A cet axe ferroviaire transversal seront connectées des liaisons à grande vitesse en provenance de tous les grands ports de la façade atlantique. Celles-ci convergeront par Angoulême ou Poitiers - déjà reliée à Paris - sur Limoges. De là, la TAA traversera le Massif Central pour rejoindre Lyon par Clermont-Ferrand. Limoges et Lyon seront les pôles convergents et les plaques tournantes de cette colonne vertébrale de l'Europe des transports ferroviaires (voir la. carte n° 3). Toutes ces lignes à grande vitesse seront empruntées par les trains de voyageurs ou de marchandises.

     

    carte reseau ferre transeuropeencarte TAA

    Carte 1 Le futur réseau ferré transeuropéen  -  Carte 3 La transversale Alpes Atlantique dans le corridor Lisbonne-Kiev

     

    Un débat dans l'urgence

    Les concepteurs de cette nouvelle infrastructure de communication, tous spécialistes reconnus de la logistique du transport, travaillent depuis longtemps sur cette ébauche. Ils l'ont présentée dans un ouvrage très technique publié en 2000. Ils y développent les multiples interactions de la TAA avec le réseau ferré déjà existant et toute la chaîne du transport des marchandises à courte, moyenne et longue distance. Ils sont conscients que parmi les solutions projetées en 2000 quelques unes sont déjà obsolètes. Représentants de la société civile, ils osent ouvrir un débat sur l'aménagement du territoire, jamais encore réalisé à cette échelle européenne. Ils entendent le mener à son terme. Aussi ont-ils confié à un cabinet d'études spécialisé une pré étude fonctionnelle pour sa réalisation d'ici à vingt ans.

     

    Lancée au mois de mai 2006, des premiers résultats interviendront en novembre. Elle sera terminée pour la fin 2007, début 2008. S'ils sont déjà assurés de la moitié du financement, le concours financier des régions des départements, des collectivités urbaines et des chambres consulaires leur est impérativement indispensable pour terminer l'étude. Ainsi en Limousin, le président de la Chambre de Commerce et d'Industrie de la Haute-Vienne et le député maire président de l'Agglomération de Limoges se sont déclarés en faveur du projet dans les colonnes de l'Echo du Centre du 30 mai dernier. A l'inverse, toujours dans ce même quotidien, la Région, par la voix du vice-président de la Région refuse de s'engager. Il exprime une certaine défiance à l'égard d'un projet mené par une association ! Et sa fixation sur le train pendulaire est quelque peu restrictive. Dans sa projection de l'avenir, il ne voit pas beaucoup plus loin que la haie de son jardin. Comme "il a d'autres chats à fouetter" il n'a peut-être pas pris le temps de lire le projet ALTRO. Celui-ci inclue bien entendu le projet de TGV pendulaire, et souhaite sa réalisation à court terme. Mais la liaison pendulaire Paris-Toulouse ne fait guère progresser le débat sur l'aménagement du territoire, encore une fois il l'enferme dans le centralisme parisien.

    Nos inventeurs de la TAA nous assurent cependant qu'elle peut se réaliser dans les vingt cinq prochaines années. Il y a donc urgence à se mobiliser pour booster les élus à s'engager dans cette réflexion prospective. L'urgence est d'autant plus vive qu'un rapport réalisé par des experts suisses révèle une dégradation alarmante du réseau ferré français par manque d'entretien. Les usagers l'observent tous les jours avec l'accumulation des retards et l'augmentation des temps de parcours, à l'exception des lignes TGV. Comme la Poste ou les Hôpitaux, Gaz de France et demain EDF, la SNCF est entraînée dans le tourbillon de la privatisation libérale. En se défaussant sur les régions pour la gestion des lignes Corail interrégionales l'Etat tend à se dégager du service public du rail. Là encore il est sous la tutelle du lobby des transports routiers qui le pousse à la construction de nouvelles autoroutes. Dans le scandale des rémunérations des patrons des grandes entreprises du MEDEF on a bien remarqué les appétits luxuriants du groupe Vinci, le spécialiste de la construction et de la concession des parkings et des autoroutes. Avec l'aimable complicité des barons adoubés de l'appareil de l'Etat, il vient de se porter acquéreur de la Société des autoroutes du Sud de la France (ASF). L'intermodalité des transports des voyageurs et des marchandises autour du rail est une alternative à la croissance du trafic routier et au surenchérissement des ressources énergétiques. Les liaisons à grande vitesse à l'échelle de l'Europe sont aussi une alternance au trafic aérien continental. Or elles exigent l'électrification de tout le réseau ferré ; et de plus, les motrices de ces rames ferroviaires sont très dispendieuses en énergie. Les promoteurs de la TAA restent très discrets sur ce chapitre. Il est vrai qu'ils sont des fidèles représentants de la culture technocratique formidable propulseur de mobilité. Elle exige toujours la plus grande vitesse et la plus courte durée pour tout déplacement.

    C'est la tyrannie de l'immédiateté, l'un des moteurs de l'économie libérale. Celle qui pense et organise le marché à l'échelle de la mondialisation, de tout le marché : affaires, voyages, vacances, fret …et rien que le marché, celui qui nourrit le CAC 40 et ses actionnaires. Mais avec l'obligation d'entrer dans l'ère de la restriction dans la consommation des ressources, ils seront nécessairement appelés à inventer des motrices moins gourmandes en carburant et fonctionnant avec des sources d'énergie alternatives. Comme dans le transport maritime ou aérien intercontinental la voie demeure grande ouverte à la recherche et à l'invention. Déjà des navires, des dirigeables et des avions gros porteurs fonctionnent, à titre expérimental, en système multi-énergie : solaire, éolien …

    La TAA avec ses ramifications inter-régionales répond au double défi du désenclavement du territoire et des exigences environnementales. L'emprise spatiale d'une infrastructure ferroviaire est beaucoup plus limitée que celle des ouvrages autoroutiers et s'intègre quand même mieux dans l'environnement. Le débat reste totalement ouvert pour toutes suggestions nouvelles. Notamment celles qui contribuent à réduire les gaz à effet de serre et leur incidence sur le changement climatique. C'est pour demain, apprendre à voyager et transporter autrement.

     

    Alain Carof

    Parce qu'elle est l'émanation de la société civile, l'ALTRO ne regarde pas que les élus. Elle souhaite rassembler le plus grand nombre de citoyens pour forcer la main de l'Etat et l'enjoindre à développer et maintenir le service public des transports. On peut adhérer à l'ALTRO en lui écrivant : BP 104, 17004 La Rochelle Cedex 1. La cotisation est de 20 euros.

     

    D'hier et d'aujourd'hui

    Le quotidien La Montagne du 4 juillet 2006 relate une manifestation de protestation des usagers de la liaison Montluçon-Ussel. Ils font état des nombreux ralentissements des trains faute de travaux d’entretien des voies, ils expriment leur crainte que les trains ne puissent bientôt plus rouler par mesure de sécurité. Entre Montluçon et Evaux-les-Bains les trains ne roulent plus qu’à 40 km/heure, soit moins vite qu’il y a 110 ans à la création de la ligne ! Dans la même édition on apprend que sur la ligne Paris-Toulouse des arrêts à la gare de La Souterraine vont être supprimés. Alors que la Région entreprend des travaux importants pour conforter les fonctions de cette unique gare du nord Limousin. Et dans le même temps la SNCF raye de sa carte la desserte rurale de la gare de Saint Sébastien. Aujourd’hui comme hier le service public néglige la population de l’espace rural.

    Déjà L’Echo de la Creuse du 1er juin 1889 rapporte «un vœu du Conseil Général de la Creuse appuyé par la grande industrie d’Aubusson. La Cie d’Orléans a décidé que le train qui part de Guéret pour Saint Sébastien serait retardé afin qu’il prenne des voyageurs pour les verser dans l’express de Toulouse qui passe à Saint Sébastien et arrive à Paris avant minuit. C’est là une bonne chose sans doute, mais à la condition expresse que ce train ne soit pas réservé uniquement aux voyageurs des premières, c’est à dire qu’il y ait dans le train allant à saint Sébastien et dans celui de Toulouse des voitures de toutes  les classes (1ère, 2ème, 3ème). La situation faite aux petites bourses est surtout ce qui nous intéresse». Ce n’est certainement pas aujourd’hui la sensibilité des gestionnaires politiques de notre compagnie nationale qui poursuivent peu à peu sa privatisation. Elle avait été amorcée dès 1997 en séparant la gestion des infrastructures, c’est à dire des voies ferrées, par le Réseau Ferré Français (RFF) de la gestion du trafic par la SNCF.

     

    vaches

     

    Le débat est ouvert

    Pour la première fois, la Région Limousin a créé une Commission particulière du débat public pour le projet de ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges. Cette procédure consiste à donner la parole aux citoyens pour décider de l’avenir d’un grand projet d’aménagement du territoire. Les débats s’échelonneront du 4 septembre au 15 décembre 2006 dans plusieurs villes limousines selon un calendrier déjà établi. 
    Initialement le débat porte sur le projet d’une ligne à grande vitesse entre Poitiers et Limoges pour raccourcir le temps de parcours de Limoges à Paris. En rejoignant la ligne Sud-Europe-Atlantique (Paris- Bordeaux) les TGV mettraient la gare de Limoges à moins de deux heures de Paris-Montparnasse. Outre qu’il s’oppose au projet du train pendulaire Paris-Toulouse, il reste dans l’indéracinable logique de la centralisation parisienne et de l’appauvrissement des territoires ruraux. Puisque toute personne qui le souhaite peut émettre une proposition, soyons nombreux à participer au débat pour la construction de cet axe Poitiers-Limoges, mais en le recadrant sur l’axe de la transversale Alpes-Atlantique (TAA). On ira quand même en moins de deux heures à Paris, mais aussi à Lyon en 1h15 au lieu de plus de 5 heures aujourd’hui !
  • Des éoliennes dans le paysage limousin

    Au cœur du Parc Naturel Régional de Millevaches en Limousin, les premiers géants d'acier de la région ont fait leur apparition. A Peyrelevade, depuis novembre 2004 où le chantier se finalisait, se sont quelques cinq cents curieux qui, chaque week-end, montent au village de Neuvialle admirer ces six belles du vent. Du haut de leurs 65 mètres elles apportent une note pittoresque dans ce paysage caractéristique de la Mijoie.

    eolienne peyrelevadeA partir de ce succès dont tout le monde parle, une association "Energies pour demain" s'est créée. Elle a pour but de promouvoir et développer les énergies renouvelables sur le plateau de Millevaches. Pour l'animation de ce projet, Rémi Gerbaud un jeune chômeur de Faux-la-Montagne a fait valoir ses compétences techniques dans ce domaine. Il a ainsi créé son emploi. Pendant deux mois, il a collecté, travaillé, vulgarisé une masse d'informations. Et aujourd'hui l'association propose une découverte touristique et pédagogique du site.

    Ce projet a été bien accueilli par des partenaires tels que les offices de tourisme, les élus de la Région et de la Communauté de communes … il a reçu l'appui de l'Agence pour l'Environnement et la Maîtrise de l'Energie (ADEME).

    Le point de rendez-vous des visites sur le site est matérialisé par une cabane en bois. Les curieux y trouvent toutes sortes de renseignements pratiques, de brochures explicatives sur les différentes sources d'énergie (géothermie, panneaux solaires, biomasse...). L'animation s'appuie sur des panneaux pédagogiques illustrant les propos de l'animateur. On y aborde entre autres les différentes étapes de la construction du site, l'impact paysager au cours des différentes saisons, la quantité d'énergie produite, le seuil de rentabilité, etc. Elle est complétée par des exercices pratiques comme la mesure de la nuisance sonore ou de la vitesse du vent.

    La première animation s'est déroulée le samedi 4 juin dans le cadre de la semaine du développement durable. Elle a réuni cent-cinquante personnes, parmi lesquelles trente-cinq élus de Haute-Vienne. Après ce premier succès encourageant, d'autres animations sont programmées pour cet été : les après midi des samedis et dimanches à partir du 1er juillet, et tous les jours du 15 juillet au 15 août. D'ores et déjà, les demandes affluent de la part d'associations locales, de groupes d'élus souhaitant mettre en place de tels projets, de structures scolaires, de groupes de retraités.

    Unique en son genre cette prestation semble répondre à une curiosité alimentée par les préjugés et autres idées reçues sur les éoliennes, leur impact environnemental et paysager, leur capacité de production, etc. Elle s'inscrit dans la vogue actuelle pour le tourisme dit industriel, celui-là même qui voit défiler des milliers de curieux sur le viaduc de Millau par exemple.

    eolienneMais la vocation de l'association est bien de sensibiliser tous les publics à l'intérêt et au développement des énergies propres et renouvelables, d'en expliciter les différentes illustrations, afin de faire prendre conscience à tout un chacun de sa responsabilité face à sa consommation d'électricité.

    Le contexte européen de politique actuelle de développement des énergies renouvelables encourage ce genre d'initiatives. D'ici 2010, la France doit multiplier son quota de production d'électricité par énergies renouvelables par deux pour atteindre les 21 % de sa production totale. Cette politique devrait être créatrice d'emplois, comme ce fut le cas en Allemagne qui compte environ quarante fois plus d'éoliennes qu'en France et où 45 000 emplois ont été créés dans le secteur de l'éolien. La France plafonne péniblement à 405 mégawatts de puissance installée, alors que l'Allemagne s'enorgueillit d'en produire 16 209 fin 2004.

    A un niveau plus local, cette animation et les objectifs de l'association concordent avec la volonté de valoriser et promouvoir les énergies renouvelables auprès du grand public. Politique illustrée par le projet de construction d'une maison des énergies renouvelables. Au delà du caractère innovant de ces installations, c'est aussi une heureuse opportunité pour nous interroger sur notre consommation énergétique.

    Gageons que nous n'avons pas fini d'entendre parler de ces énergies propres et accessibles à tous, pour repenser notre consommation d'énergie et déjà nous orienter vers plus de sobriété. Espérons aussi que nous pourrons dans quelques années renommer à Peyrelevade notre fournisseur d'électricité : "Eoliennes de France (EDF)".

     

    Energies pour demain
    Président : Pierre Coutaud, maire de Peyrelevade

     


     

    Les énergies renouvelables, l'Europe et la France

    Lorsqu'on compare la politique énergétique menée en France à celle que préconise l'Union Européenne, on peut se demander comment la France va s'insérer dans l'Europe vis-à-vis des énergies renouvelables. Pour cela comparons la Directive Européenne et la loi d'orientation française.

     

    Les énergies renouvelables en Europe :

    • 1ère priorité européenne
    • En 2010 : 12% de la consommation
    • Promotion de l'accroissement du pourcentage d'énergies renouvelables
    • Série de mesures de soutien : aide publique, prix intégrant les coûts sociaux et les coûts externes, aide à l'investissement, soutien des prix, obligation d'achat ou appel d'offres, certificats verts, garantie d'origine renouvelable délivrée par des organismes indépendants
    • Réduction des obstacles réglementaires, rationalisation des procédures administratives
    • Nomination d'un médiateur
    • Faculté de priorité d'accès au réseau, de priorité de distribution

     

    Les énergies renouvelables en France :

    - 2ème priorité après le nucléaire

    • En 2010, 10% de la consommation
    • Refus de mesures en faveur de la consommation d'énergies renouvelables
    • Obligation d'achat, une seule fois, sans intégrer les coûts d'investissement, les coûts d'exploitation, les coûts sociaux et externes.
    • Puissance éolienne minimale : 20 Mw
    • Multiples obstacles pour l'éolien
    • Aucun médiateur
    • Aucune priorité d'accès au réseau et à la distribution

     

    L'énergie d'origine renouvelable possède un aspect stratégique, de par la dissémination des centres de production et la proximité des lieux de consommation. En outre, toutes ses caractéristiques s'intègrent dans le développement durable (pas de CO2, pas d'effet de serre, matière première inépuisable, sans conséquences néfastes à court comme à long terme). Les producteurs indépendants ont, de plus, un rôle important sur le plan local : diminution des pertes en ligne haute tension du fait de la consommation à proximité, source de revenus pour les collectivités (taxe foncière, taxe professionnelle), création d'emplois induits.

    L'électricité d'origine renouvelable ne peut pas être un alibi écologique à une politique pro nucléaire. Pourquoi tant de difficultés administratives pour l'implantation d'éoliennes ? Pourquoi une si grande différence entre la France et l'Allemagne par exemple ? Pourquoi la Directive Européenne sur les énergies renouvelables n'a-t-elle pas été transposée en France alors qu'en octobre 2005 le bilan doit en être fait dans tous les états membres ?

     

    Geneviève Coutier
  • Électrons libres

    Le plateau de Millevaches peut raisonnablement s'enorgueillir d'être en matière d'énergies renouvelables un territoire exemplaire. Barrages et usines hydroélectriques, unité de cogénération de Felletin et depuis peu éoliennes de Peyrelevade, témoignent que l'eau, le bois et le vent - dont le plateau dispose en abondance et de manière quasi infinie s'il sait en prendre soin - peuvent être des sources d'énergies "propres" et "durables" - pour reprendre les mots à la mode que dévoient sans état d'âme et pour leur propre compte l'industrie nucléaire et, peu ou prou, tous les plus grands pollueurs de la planète. Ici, nous avons la chance de pouvoir utiliser ces mots sans tricherie. Nous vous proposons dans ce numéro et dans le prochain un tour d’horizon de ces énergies que nous espérons être celles de demain.

     

    Du tableau noir à la turbine

    energie eauAprès ses études à l'Ecole Centrale, Gérard Coutier est devenu professeur de mathématiques. Il l'est resté 19 ans. Ce ne sont pas les équations ou les axiomes (et encore moins les élèves) qui le lassèrent du métier, mais il se sentait un peu à l'étroit dans les cadres rigides de l'Education Nationale. Il décide donc de s'échapper du "mammouth" et avec sa femme Geneviève, de rechercher une centrale hydroélectrique pour devenir producteur d'électricité. Une profession que le public ignore en grande partie, croyant que seule EDF assure la fabrication de l'énergie électrique. Il existe pourtant en France environ 1500 centrales hydrauliques privées. En Limousin il y en a 80 environ. Parmi elles, la centrale du Theillet à Saint Martin Château que Geneviève et Gérard Coutier ont achetée en 1992. L'usine était en piteux état. Construite en 1968, passée entre les mains de deux propriétaires, elle ne fonctionnait plus lorsque le couple la reprend. Gérard qui n'a pas oublié ses leçons de Centrale reconçoit tout, achète une turbine d'occasion, la réinstalle, mobilise les compétences d'un maçon de Royère, d'un électricien et d'un chaudronnier de Limoges, bref reconstruit lacentrale qui depuis, marche sans problèmes et sans à-coups.

    Une prise d'eau capte une partie du débit de la rivière 26 mètres au dessus de la centrale. L'eau suit une conduite forcée d'environ 600 mètres de long. C'est ce qu'on appelle une "moyenne chute" (en opposition aux "basses chutes" généralement installées directement sur la rivière, ou aux "hautes chutes" : il en existe une en Limousin, à Saint Augustin en Corrèze, qui fait plus de 80m de hauteur de chute). D'une puissance de 240 Kw l'usine hydroélectrique des Coutier est dans la moyenne des entreprises de ce genre. C'est l'une des trois centrales privées que compte la commune de St Martin. Pour respecter un débit minimum à la rivière sur laquelle elle est implantée (ce qu'on appelle le "débit réservé", pourcentage du débit moyen de la rivière, obligatoirement laissé pour permettre la vie piscicole) un système de régulation asservit la turbine, et l'été, la centrale est arrêtée dès que le débit réservé ne peut être assuré, ceci pendant environ un mois et demi.

    Chez lui, dans la Drôme, où il réside le plus souvent, le couple a aussi une petite centrale, beaucoup plus modeste (10 à 11 Kw) pour assurer le chauffage de sa maison.

     

    Quand EDF se désengage

    Aujourd'hui, comme la plupart des petits producteurs d'électricité, les Coutier sont inquiets. Depuis sa nationalisation en 1946, EDF avait en effet une obligation d'achat envers les producteurs privés, puisque c'est l'entreprise nationale qui disposait du monopole de la vente de l'électricité en France. Or la loi relative au statut d'EDF présentée au parlement en août 2004 lève cette obligation d'achat. Geneviève Coutier explique : "La loi ne prévoit pas le renouvellement de nos contrats, lesquels arrivent à échéance en 2012. L'abrogation de cette obligation d'achat, sous prétexte de Bruxelles, nous place dans une situation difficile : que vaudront nos entreprises, comment trouverons-nous des clients, et à quel prix ? Imaginons un éleveur, un artisan qui, ayant investi dans des équipements coûteux, se verraient, par une décision législative, privés de clients, sauf à des tarifs très bas…".

    Par ailleurs, la loi d'orientation sur l'énergie changerait radicalement les seuils jusqu'alors pratiqués pour l'achat de l'électricité pour l'éolien. EDF était jusqu'à maintenant obligée d'acheter l'électricité aux unités ayant une puissance inférieure à 12 Mw. Désormais la loi ne maintiendrait l'obligation d'achat que pour les puissances supérieures à 20 Mw ! L'ancien plafond se retrouverait ainsi en dessous du nouveau plancher. Geneviève Coutier ironise : "Seules les grosses sociétés pourront bénéficier de l'obligation d'achat. C'est bien connu, les gros ont toujours intérêt à grignoter les petits…".

    Au sein d'EAF (Electricité Autonome de France), le plus gros des syndicats de producteurs d'électricité qui regroupe 800 membres et dont font partie les Coutier, on ne décolère pas. L'article 33 de la loi sur EDF a été votée en plein mois d'août, au dernier moment, et sans aucune concertation avec la profession concernée. EAF et les deux autres syndicats nationaux se mobilisent donc pour tenter de faire réévaluer à la baisse le seuil de 20 Mw. Un seuil qui rendrait nul l'intérêt économique d'un projet comme celui des éoliennes de Peyrelevade d'une puissance annuelle de 9 Mw…

    Facile aux yeux de Geneviève Coutier de deviner derrière ces mesures la pression du lobby nucléaire, "vous savez, l'énergie qui ne produit pas de CO2 ".

     

    Les énergies renouvelables : un hochet

    Pourtant, la France a souscrit à la Directive européenne sur les énergies renouvelables qui fait de celles-ci, en matière énergétique, la priorité (voir encadré page ci-contre). "Il y a un discours où l'on ne parle que de développement durable et d'énergies renouvelables et puis il y a la réalité qui est toute autre" tempête Geneviève Coutier qui conclut que pour l'Etat, les énergies renouvelables ne sont qu'un hochet pour amuser la galerie. "A titre d'exemple, poursuit-elle, j'ai traversé récemment l'Allemagne. Sur le trajet Bregenz, Nuremberg, Berlin, Francfort sur Oder, j'ai compté depuis l'autoroute 289 éoliennes d'une puissance approximative de 800 Kw… Alors ? Vérité au-delà du Rhin, erreur en deçà ?".

     

    Michel Lulek

    Pour plus de renseignements : Electricité Autonome de France, La Boursidière, BP 48 92357 Le Plessis Robinson. Tel : 01 46 30 28 28.
  • Éoliennes : avis de tempête sur la Montagne limousine

    eolienne3Les centrales d’aérogénérateurs industriels1 s’accumulent sur les cartes limousines que les collectifs d’opposant·es actualisent au fur et à mesure que les projets sortent de l’ombre. D’un côté, cinq ans de politiques d’éloignement progressif entre les centres de décision et les habitant·es, et de réduction des espaces de concertation au niveau local ; d’un autre, des programmes de développement massif de production d’énergie d’origine éolienne. Il fallait s’y attendre, la tension monte dans les hameaux limousins entre habitant·es, élu·es et promoteurs de centrales. Tour des enjeux de la bataille qui s’annonce sur la Montagne.

     

    Un peu d’air ne ferait pas de mal 

    L’avalanche des projets de centrales d’aérogénérateurs industriels et l’opacité dans laquelle ils sont mis en œuvre a de quoi sidérer n’importe quel·le habitant·e de la Montagne limousine. Et ces dernier·ères n’ont pas fini de se mobiliser pour, déjà, juste avoir accès à ce qui se trame près de chez elles et eux, et tâcher de comprendre qui décide de ces implantations. Y a-t-il un plan général quelque part ? Pourquoi maintenant et si massivement ? Et ensuite : va-t-il y avoir le temps de réfléchir un minimum à leur pertinence avant de se retrouver au milieu d’un semis géant de machines de plus de 100 m de haut ?

    Plusieurs mouvements, à différentes échelles, conduisent à la multiplication des projets sur les trois départements limousins. Le premier est celui de l’impulsion européenne et nationale donnée à la production d’énergie d’origine éolienne. Dernier en date, le plan pluriannuel de l’énergie d’Emmanuel Macron (avril 2018) prévoit un doublement de la puissance éolienne terrestre d’ici 2028. 

    Un deuxième mouvement est celui des promoteurs. Ces entreprises qui installent et exploitent des centrales d’aérogénération surfent sur les programmes de lutte contre le réchauffement climatique et, regroupés dans France énergie éolienne (FEE), savent se rendre utile auprès des décideurs et planificateurs dans la conception des plans de développement.

    Un troisième mouvement concerne les évolutions du cadre juridico-administratif : depuis 10 ans, différents textes, de la loi NOTRe aux lois sur la transition énergétique, rendent ce cadre de plus en plus favorable aux implantations (lire page 9 : Des ZDE au SRADDET : les communes perdent la main). À l’inverse, les procédures de contestation sont amputées (cf. encadré). Dans le même temps, la baisse des dotations financières de l’État aux communes rendent celles-ci plus enclines à donner suite aux promesses de recettes fiscales annoncées par les promoteurs.

    Le quatrième mouvement est technologique. En effet, les nouvelles machines commencent à produire avec des vitesses de vent moindres. C’est ainsi que le Limousin, du point du vue du vent, a vu passer la proportion de sa surface favorable à l’aérogénération industrielle de 15 % à 80 % entre le schéma régional éolien de 2006 (seuil à 5,5 m/s à 80 m de hauteur) et celui de 2013 (seuil à 4,3 m/s à 80 m de hauteur). De plus, l’augmentation de la taille des mâts et des pâles permet d’aller chercher du vent plus haut et d’aller prospecter dans des zones aux gisements de vent jusqu’alors moins intéressants. 

     

    Le Limousin, préservé donc à conquérir 

    Le dernier mouvement est celui qui pousse à concentrer les nouvelles implantations dans les zones jusqu’à maintenant peu dotées. Vu des bureaux d’études, la détermination des zones favorables est simple. Il suffit d’empiler des calques de cartes thématiques définissant, chacune selon son critère (vent, sécurité aéronautique, habitat, biodiversité, patrimoine et paysage), des zones « défavorables », « favorables à fortes contraintes », « favorables à contraintes modérées », ou « favorables », et d’en tirer une liste de communes « favorables ». À l’échelle nationale, ce sont les Hauts-de-France, la Bretagne, les vallées et crêtes méditerranéennes qui sont sorties gagnantes de ce jeu de cartes.

    À l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine (cf. carte page 9), ce sont les quatre départements de l’ex-Poitou-Charentes qui ont tiré le gros lot… jusqu’à la saturation. Au point qu’en décembre 2020, les présidents de leurs conseils départementaux respectifs, dénonçant « un développement anarchique » dans « un vide juridique total », ont menacé d’attaquer les arrêtés d’autorisation et de soutenir les associations qui s’opposent à l’aérogénération industrielle. Ils réclament une meilleure répartition territoriale des centrales. 

    Les forêts des Landes étant sujettes aux incendies et les pilotes de canadairs refusant de faire du slalom entre des mâts ou de terminer hâché·es comme de vulgaires rapaces (la Région espère cependant à terme lever ces contraintes), tous les regards se tournent vers le Limousin et ses 70 MégaWatt (MW) installés, contre 805 MW en Poitou-Charentes et quasiment 0 dans l’ex-Aquitaine. Selon le collectif qui a déposé un recours contre le SRADDET (cf . page 9), la Région prévoit ainsi l’installation à terme de 288 aérogénérateurs en Creuse (contre une trentaine aujourd’hui), 217 en Haute-Vienne et 207 en Corrèze.

     

    Le rôle clé des propriétaires et conseils municipaux

    Photo Pont de SenoueixSi ces mouvements qui se conjuguent ont pour conséquence une offensive sans précédent des promoteurs de centrales d’aérogénération en Limousin, nul trace, en revanche, d’une planification territoriale fine à l’échelle locale et à l’écoute des communes et des habitant·es. Forts de ces mouvements de fond qui les favorisent, les promoteurs passent aux cartes détaillées, ciblent les communes dites « favorables » et délimitent des polygones sur des crêtes à plus de 500 m des habitations. Vient ensuite le démarchage des propriétaires des parcelles visées et des conseils municipaux.

    Aux premiers, les promoteurs proposent des baux aux montants alléchants (plusieurs milliers d’euros par an). Montants qui dépassent très largement en quelques années la valeur d’achat de la parcelle visée, mais permettent de s’affranchir des coûts autrement plus importants de la remise en état du site à la fin de vie de la machine. Peu au fait des enjeux liés aux aérogénérateurs industriels et pris dans la communication des promoteurs (leur unique interlocuteur), nombre de propriétaires ne mesurent pas la portée et l’impact de leur décision personnelle, qui de fait ressort plutôt de l’intérêt public. Situation qui fait dire à un participant d’une réunion publique à Gentioux qu’il y a là « un abus de jouissance du droit de propriété ».

    Du côté des conseils municipaux et intercommunaux (majoritairement de petites communes rurales aux moyens d’expertises réduits), les propositions financières sont aussi tentantes. Il leur est demandé, en échange, des droits d’usage de chemins communaux et des permis pour l’installation de mâts de mesure. C’est la fameuse phase de « pré-faisabilité », terme qui laisse entendre que tout est encore réversible. Or à ce stade, si des propriétaires ont donné leur accord, il n’y a plus de retour en arrière possible. 

    Le pouvoir bascule alors vers les préfectures et leurs services techniques, et ensuite, peut-être, le rapport de force que peuvent instaurer des habitant·es y pourra quelque chose.

     

    Quand les habitant.es s’éveillent

    Ainsi, de projets en projets, l’histoire se répète : au stade de la « pré-faisabilité », un élu défavorable ou des habitant·es sortent le projet de l’ombre, se réunissent en association qui font vite beaucoup d’adhérent·es et interpellent les élu·es qui, souvent, reviennent sur leurs décisions. Mais il est parfois trop tard. Et l’affaire est portée sur le terrain judiciaire (le cas de 70 % des projets en 2017, selon l’ADEME).

    En Creuse, le collectif Alerte éoliennes 23 tâche depuis 2017 de recenser précisément les projets d’implantation de centrales dans le département (liste détaillée sur le site de Stop-mines 23). À ce jour, il a recensé 202 machines : 35 en exploitation, 33 autorisées ou en construction, 35 en instruction à la préfecture et 101 en projet. Toujours en Creuse, la quinzaine d’associations locales a tenté, au printemps 2019, de se fédérer dans un collectif SOS Éole 23. Des désaccords internes ont freiné la dynamique et amoindri l’ampleur d’une manifestation en janvier 2020 à Guéret. Mais une réunion ce printemps, rassemblant une quarantaine de personnes, a relancé le mouvement. Une nouvelle manifestation est prévue le 10 octobre à Guéret avec aussi des collectifs de l’Indre (sous réserve de l’autorisation de la préfecture). Par ailleurs, pas à pas, des liens se tissent avec des collectifs de la Montagne limousine.

    À Gentioux-Pigerolles, l’Association de défense du vivant des paysages du plateau de Gentioux a relevé l’avancement de trois projets de centrales sur la commune et de deux autres alentour. Du côté de Bugeat, c’est l’association Mille Vents Debout pour la protection du plateau de Millevaches qui bataille sur une centrale de 6 à 9 aérogénérateurs sur les communes de Bonnefond, Bugeat, Gourdon-Murat et Pérols-sur-Vézère. Les deux associations ont averti les habitant·es de leur commune respective par des tracts avant les élections municipales et ont organisé des réunions d’information au mois d’août. Résultat : le thème est devenu incontournable dans les campagnes électorales et les élu·es sortant·es fortement interpellé·es sur leur soutien aux projets de centrales. 

    Quant aux réunions publiques, elles ont rassemblé large dans leur nombre et leur composition. Cinquante personnes sur la place de Gentioux et plus de cent cinquante dans le foyer rural de Bugeat, salle où le promoteur avait déjà organisé ses propres réunions d’information. Des participant·es surtout avides d’informations et remonté·es contre le manque de transparence de leurs élu·es. Mais aussi prêt·es à s’approprier la complexité du sujet, de l’urgence de lutte contre le réchauffement climatique à la composition du mix énergétique français. Depuis, la nouvelle équipe municipale de Gentioux-Pigerolles, « plutôt défavorable aux projets en l’état » a envoyé à ses habitant·es une lettre d’information détaillée sur l’état d’avancement des projets et ouvert cinq permanences hebdomadaires jusque fin septembre pour « recueillir leurs avis, questions et propositions ».

     

    Carte Eoliennes Creuse 2020

     

    Neuf centrales dans le Parc naturel régional

    C’est d’ailleurs à ce thème que veut s’atteler, en lien avec le Syndicat de la Montagne limousine, le tout nouveau collectif pour la maîtrise citoyenne de l’éolien sur la Montagne limousine, créé en mars 2020 par une vingtaine de personnes représentant 9 projets de centrales sur le territoire du Parc naturel régional (dont le bureau a voté, en décembre 2019, une délibération - non contraignante - contre l’implantation d’aérogérateurs industriels dans la zone de protection spéciale du Parc). Le collectif a fait sa première apparition publique au camp d’été du Syndicat et des Gilets jaunes en juillet à Lacelle. Dans ses cartons : un séminaire public sur la question des énergies renouvelables, locales, durables, etc. à l’échelle du Plateau afin d’aboutir à des recommandations.

    C’était un peu la démarche en 2018 d’un groupe départemental de travail et de réflexion en Corrèze. Réunissant au « niveau départemental des représentants des collectivités, des associations et des organismes professionnels concernés à la fois par l’avenir du territoire et de l’environnement », il s’était donné pour but de « rédiger un document réunissant les observations de terrain des participants ainsi que des analyses relatives au développement des projets éoliens conduisant à des recommandations pour la Corrèze ». Le document d’information qui en est ressorti est très riche d’expériences concrètes (L’Éolien en Corrèze, document d’information, 22 mai 2018).

    Tout ceci laisse penser que l’automne sera chaud sur le sujet, à moins qu’un moratoire de quelques années sur les projets en cours permette aux différentes parties prenantes d’élaborer localement et collectivement une position pertinente sur la question de l’énergie (production et consommation) et des éventuelles infrastructures à envisager.

     

    Loïc Bielmann

    1 - Le choix a été fait, au regard de la taille des installations (hauteur, profondeur, emprise au sol), des impacts de leur mise en place (ouverture de pistes, creusement de tranchées pour le passage de câbles, installation de transformateurs) et de leur place dans marché et le réseau européen de production électrique, de les assimiler aux unités de production électrique partageant ces caractéristiques (centrales à gaz, à charbon ou à uranium). Il a donc été préféré, par souci de justesse, de nommer ces installations « centrales d’aérogénération », plutôt que « champs », « fermes » ou « parcs » d’« éoliennes » qui renvoient à un imaginaire, certes plus bucolique, mais trop éloigné de la réalité.

     

    Une carte collaborative de l’éolien en Limousin

    À l’initiative de quelques personnes une carte des éoliennes en fonctionnement et en projet en Corrèze, Haute-Vienne et Creuse a été élaborée et sera régulièrement actualisée. Accessible uniquement sous format numérique elle permet en cliquant sur les sites répertoriés de découvrir les caractéristiques de chaque projet. Cette publication collaborative se veut un point de convergence pour les nombreux groupes, somme toute assez éparpillés, qui suivent, s’informent ou combattent ces projets. Pour voir la carte : http://u.osmfr.org/m/495403/

     

    Pour les habitant.es, de plus en plus dur de se faire entendre

    Olivier Dubar et Luis Landrot (administrateurs du collectif d’associations de Bourgogne Franche-Comté), notent dans leur guide L’Eolien et l’élu que « les moyens institutionnels de se faire entendre pour les habitants ont été rognés par deux décrets en 2018 ». Le premier décret (Lecornu du 29 novembre 2018) précise que pour l’éolien, et pour l’éolien seulement, le citoyen ou des associations de défense ne peuvent plus accéder gratuitement au juge de première instance. Ces derniers doivent se faire accompagner d’un avocat pour plaider directement en deuxième instance de la juridiction administrative. En ce qui concerne l’enquête publique, le second décret (de Rugy du 24 décembre 2018) prévoit de supprimer le commissaire enquêteur. Les citoyen.nes devront faire leurs observations par internet où elles seront examinées par le préfet, le même préfet qui signe l’autorisation. Selon les mêmes auteurs, « ce simulacre d’enquête publique est actuellement expérimenté en Bretagne et dans les Hauts-de-France. Il sera probablement généralisé à toute la France. »

     

  • Éoliennes : ne nous trompons pas d’adversaire !

    Dans le n°66 d’IPNS, Joseph Mazé nous a alerté sur le danger des implantations massives d’éoliennes sur le territoire et en dénonce ce qu’il appelle une “énorme escroquerie“. Agacé par certains argumentaires des anti-éoliens, Jean-François Pressicaud tente de faire la part des choses.

     

    Habituellement, je suis assez indifférent aux propos des anti-éoliens, généralement motivés par le refus de la proximité des installations. De plus, beaucoup avouent être des pro-nucléaires, d’autres refusent de s’interroger. Mais, lorsque Joseph Mazé, dénonce une “énorme escroquerie“, il faut prendre son argumentation au sérieux, en essayant de distinguer ce qui est juste de ce qui prête à discussion, comme ce qui est exagéré ou abusif.

     

    Des dégâts moindres

    En France, écrit Joseph Mazé, l’éolien est d’abord un business. On ne peut qu’être d’accord avec lui sur ce point : le développement de l’éolien fait partie de la même logique industrielle et capitaliste que le nucléaire, l’industrie chimique, l’agro-alimentaire, les transports, etc. Mais il ne provoque pas les mêmes dégâts ! En effet, malgré tous les efforts des anti-éoliens pour mettre en avant les nuisances causées par les éoliennes, elles restent incomparablement moindres que celles du nucléaire, ou même de la chimie. Il n’en reste pas moins que l’éolien, dans son déploiement actuel, fait partie de la “croissance verte“, de la modernisation industrielle, de la diversification des sources d’énergie et autres formules montrant que le but est de l’adapter au développement techno-industriel, et non de le contester. C’est tout le contraire de la recherche de la décroissance et de la priorité donnée aux économies d’énergie, seule voie pour espérer – peut-être, en étant optimiste – restaurer les grands équilibres de l’écosystème terrestre.

     

    Changer de rythme

    Joseph Mazé a également raison de stigmatiser le manque de démocratie et d’information des populations. Il serait naïf de s’en étonner : quand a-t-on vu une industrie baser son activité sur la transparence et la démocratie ? Ce n’est pas pour autant qu’il faut accepter ces comportements. Mais, au-delà du constat, n’y a-t-il pas des inconvénients propres à l’éolien, qu’il conviendrait d’examiner ? Une des critiques majeures des anti-éoliens consiste à stigmatiser le caractère intermittent de la production d’électricité. Une telle critique n’est recevable que si on reste dans le cadre de nos sociétés d’abondance où chacun a pris l’habitude – agréable, j’en conviens – de disposer à tout moment de toute l’énergie désirée, en appuyant sur un bouton. Dans un monde décentralisé et décroissant, on chercherait certainement à s’adapter à une production variable, en réservant les moments de plus grande dépense énergétique aux périodes de production maximale. C’est ce que pratiquaient autrefois les meuniers : leurs installations travaillaient en cas de quantité optimale d’eau ou vent, puis étaient au repos dans les périodes de manque et dans les épisodes de crues ou de tempêtes.

     

    Laideur et démantèlement

    La question de l’atteinte aux paysages ne me paraît pas non plus déterminante. Les jugements sur l’esthétique des éoliennes ne peuvent être que subjectifs. Pour ma part, je ne les trouve pas laides, ne défigurant pas plus le paysage que les lignes à haute-tension, les aménagements routiers (autoroutes, voies rapides, ronds-points), les hangars agricoles ou industriels et autres merveilles de notre modernité. Il reste que leur implantation dans des secteurs pittoresques ou protégés est à proscrire, et qu’aucune installation ne doit être imposée aux populations. Derrière cette critique, on trouve souvent la crainte que les propriétés proches des éoliennes perdent de leur valeur. Dans La Montagne du 28 mars 2019, le maire de Bussière-Saint-Georges (nord de la Creuse), commune où 7 éoliennes ont été installées, déclare : “Depuis 2000, nous sommes passés de 189 à 255 habitants, les maisons proches des éoliennes se vendent toujours“.

    Quant au démantèlement, il est difficile de savoir où est la vérité. En effet, les pro disent que les 500 000 € légalement provisionnés par les exploitants de chaque éolienne sont largement suffisants, les recettes résultant du recyclage des métaux composant la machine en faisant une opération bénéficiaire. Quant aux anti, ils développent un argumentaire terrifiant, avec des chiffres astronomiques et des dangers insurmontables. Il me semble qu’il faut quand même raison garder. Par exemple, en ce qui concerne les socles de béton, décrits avec effroi par les anti-éoliens, ce n’est pas le seul secteur qui utilise de telles implantations et il doit bien exister un savoir-faire pour éliminer à peu près proprement ces vestiges encombrants.

     

    Gigantisme

    Il reste que la question de la taille pose un problème important : le gigantisme des machines actuelles ne facilite ni leur intégration dans le paysage, ni leur acceptation par les habitants. C’est un problème général dans notre société, quel que soit le domaine (institutions, régions, entreprises, machines, etc.). Il faut toujours voir plus grand, comme si nous devions tous devenir chinois ! Pour les techniciens, cette course au gigantisme serait rendue nécessaire parce qu’en Limousin, il n’y a pas beaucoup de vent, il faut donc aller le chercher en altitude. Je ne suis pas vraiment convaincu par cet argument. D’abord parce que l’augmentation de la taille ne concerne pas seulement le Limousin, mais aussi des régions très ventées, ensuite parce qu’il faut sortir du dogme de la rentabilité économique maximale et immédiate. Dans une conception alternative, il ne serait probablement pas rédhibitoire d’accepter une rentabilité moindre, mais plus durable.

    Finalement, je reste agacé par les anti-éoliens, parce que j’aimerais bien voir autant d’énergie pour lutter contre le nucléaire ou l’industrie chimique, que celle dont ils font montre contre l’éolien. Il est plus facile de dénoncer les éoliennes que de se passer de ces délices de la modernité qui ont nom : portables, ordinateurs, qui ne peuvent fonctionner qu’avec d’énormes dépenses d’énergie et utilisent des métaux rares, comme des composants divers extrêmement polluants et dramatiques socialement. Dans le cadre d’une production et d’une consommation d’électricité décentralisées, nous pourrions envisager l’utilisation d’éoliennes de taille modeste. Les collectivités de base (communes, villages, coopératives diverses, groupements associatifs ou professionnels) y gagneraient en autonomie, au plan énergétique, comme politique et social.

     

    Jean-François Pressicaud

     

    Pages de cassiniUn projet éolien à Royère-de-Vassivière

    Un groupe de citoyens regroupés au sein de l'association du parc éolien de Cassini, en partenariat avec Quadran, société spécialisée dans les énergies renouvelables rachetée en 2017 par le groupe Direct Énergie, étudie la faisabilité d'un projet éolien sur le Puy du Pic, sur la commune de Royère-de-Vassivière. 

    Pour ce faire, l'association a créé la société du parc éolien de Cassini, détenue à 50 % par 45 citoyens du territoire et à 50 % par Quadran. Mais derrière tout cela, c'est en réalité Total qui cherche, selon ses mots, à “se renforcer dans la commercialisation de l’électricité et la production bas carbone.“ En octobre 2018, le groupe Total a en effet finalisé une offre publique d’acquisition de Direct Énergie, devenue depuis Total Direct Énergie.

  • L'énergie, une affaire citoyenne

    epargneDes projets d'énergie renouvelable collectifs pour et par les habitants sur le territoire

    Aujourd'hui, les installations d'énergies renouvelables (barrages hydrauliques, parcs éoliens, installations photovoltaïques) sont majoritairement exploitées par des structures extérieures au territoire, avec peu de retombées locales et peu de place aux habitants et collectivités pour décider de la gestion de la ressource, de l'utilisation des bénéfices (notamment économiques) et de l'anticipation des risques. Nous devons veiller à valoriser nous-mêmes nos ressources naturelles par l'engagement et les intérêts du plus grand nombre de “gens du pays“. C'est pourquoi s'est créée le 3 septembre 2018 l'association Courant citoyen. Explications.

     

    Faillites, rêves et chasses à la prime

    Le Too big to fail (trop gros pour faire faillite) a vécu. La folie des grandes unités de production par “intégration horizontale“ (rachat de concurrents) ou “intégration verticale“ (rachat d'intermédiaires entre producteurs et clients) s'est déjà fissurée (faillite de Pechiney) et la puissance chinoise montante nous obligera à nous remettre en question car nous ne serons plus de taille à les concurrencer. La nécessité d'opérer une transition écologique, énergétique ne fait aucun doute. Les directives européennes de mise en concurrence des producteurs (production d'énergies, transports, télécommunications, banques…) ont obligé EDF à accepter des concurrents. EDF est à ce titre mis en concurrence avec d'autres structures pour reprendre la gestion des barrages hydrauliques qui lui avait été concédée après 1945. 

    Les autres pays européens sont en avance sur nous du fait de nos investissements massifs dans des “rêves de domination par l'excellence“ : Concorde jamais rentable, TGV financé au détriment des lignes inter-régionales, énergie nucléaire financée au détriment des énergies renouvelables… En Belgique, sur 7 réacteurs construits par l’ingénierie française, un seul est en état de fonctionnement, en Grande Bretagne l'EPR a plus de cinq ans de retard et à coût budgétaire pulvérisé. Nos choix stratégiques nationaux seront-ils un jour à hauteur du réalisable et pour les intérêts de tous, donc décentralisés en région ?

     

    L'association Courant citoyen est à la recherche de toitures ! L'objectif est d'avoir 5 installations photovoltaïques en production d'ici 2020

     

    À cela il faut ajouter les prospections territoriales massives des investisseurs institutionnels pour développer les énergies renouvelables. Des filiales d'EDF investissent clefs en main sur des toitures privées. Combien de propriétaires ont dû supporter des charges sans avoir reçu leur juste proportion de revenu ? Ainsi ont fleuri des champs d'éoliennes en Beauce et en Brie, une centrale solaire de quelques hectares en Catalogne française, des méthaniseurs comme celui qui est attaché à la ferme des mille vaches en Normandie. Ce dernier exemple révèle un symptôme, celui du chasseur de primes, directes ou indirectes, à la production d'énergie qui relègue l'élevage des laitières au niveau de sous-production.  

     

    Courant citoyen

    Devant ce constat, il apparaît évident qu'il faut valoriser nous-mêmes nos ressources naturelles territoriales. Cette prise de conscience coïncidant avec la nouvelle stratégie économique des territoires déshérités, celle des circuits courts, l'association Énergies pour demain et le Parc naturel régional Millevaches en Limousin ont fédéré autour d'eux en juin 2018 un groupe de citoyens, qui a créé une nouvelle association “Courant Citoyen“ le 3 septembre 2018, destinée à étudier la faisabilité de production d'énergie citoyenne, puis une SAS, société par actions simplifiées, permettant aux habitants et collectivités d'investir ensemble et directement dans des installations de production d'énergie renouvelable. Plusieurs exemples régionaux nous servent de guide (voir références en fin d'article). 

    Nous avons déjà opté pour les orientations suivantes : 

    • Structure juridique de “SAS“ pour nous donner la souplesse dans la rédaction des statuts que nous souhaitons coopératifs,
    • La valeur nominale de l'action sera fixée pour permettre un actionnariat ouvert à des personnes motivées par le développement de notre territoire, même si elles n'y résident pas,
    • La gestion serait collective, tant pour les décisions d'investissements que pour celles de répartition des résultats. Le mode de gouvernance serait un actionnaire = une voix. Les décisions seraient prises au consensus ou à défaut à la majorité qualifiée des 2/3 des présents et représentés,
    • Affirmer la volonté d'avoir des installations lucratives mais non-spéculatives, dégageant des bénéfices qui seront destinés à soutenir de nouveaux investissements ou des projets pour le territoire. 

    D'autres sujets restent à approfondir : le modèle économique, les moyens et sens de notre communication... Nous accueillons dès maintenant tous les volontaires intéressés par le projet.

     

    Installations photovoltaïques d'abord

    À terme, nous ouvrirons les investissements citoyens à tous les types de production d'énergies renouvelables pertinents sur notre territoire. Nous sommes conscients que les investissements en énergies renouvelables seront obligatoirement diversifiés en fonction des potentiels dominants. Le principe de bon sens sera de faire des investissements proportionnels à l'exploitation des potentiels énergétiques, dans la durée et non pour l'épuisement des ressources en huit ou dix ans comme le propose CIVB avec l'énergie biosourcée forestière.

    Pour les premiers projets nous privilégions les installations photovoltaïques de 9 à 100 Kva (kilo volt ampère), correspondant à une surface de 60 à 650 m², sur des toitures publiques ou privées. Ce choix est fonction des conditions de réalisation des projets, rapidité des procédures administratives, technicités plus éprouvées et montant moindre d'investissement significatif  pour le photo-voltaïque que pour les autres sources d'énergies. Il faut savoir que compte tenu de l'engouement pour le photovoltaïque (environ 20 000 installations tendraient vers 150 000 par an après 2020), EDF considère déjà que les installations inférieures à 36 Kva sont assimilables à des productions pour l'autoconsommation locale. Il est même probable que le tarif de rachat de l'électricité à ces petites et moyennes unités soit libéralisé d'ici 2025. Cela signifie que tous les contrats signés avant garantiront un tarif jusqu'à l'échéance. De ce fait, nous avons décidé que les premiers investissements ne seront que pour une vente totale de la production. Nous sommes donc à la recherche de toitures ! L'objectif est d'avoir 5 installations en production d'ici 2020.

     

    Dominique Fabre et Maïlys Habert

    Courant citoyen est accompagnée par l'association CIRENA: Citoyens en réseau  pour des Énergies Renouvelables en Nouvelle Aquitaine, celle-ci accompagne les collectifs citoyens dans toutes les études préalables juridiques, techniques et économiques et la mobilisation citoyenne.
    Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.  – Côte de Vinzan, 19 290 Peyrelevade.

     

    Pourquoi développer un tel projet ?

    - Pour produire et consommer notre “propre“ énergie localement,
    - Pour partager collectivement les bénéfices d’une ressource commune, appartenant à tous,
    - Pour maîtriser localement et de façon démocratique les décisions en faveur de l’intérêt collectif local,
    - Pour mobiliser l’épargne au profit d’un développement local, responsable et durable,
    - Pour que chacun puisse s’impliquer dans la transition énergétique, en proportion de ses moyens,
    - Pour choisir nos investissements en relation à notre environnement et cadre de vie que nous voulons accueillant et durable,
    - Pour actionner le double levier d'économie de CO2 et de participation au refroidissement de l'atmosphère par le photovoltaïque, captation de l'énergie solaire sans création de combustion.

     

    Quelques exemples de porteurs de projets d'énergie citoyenne

    Éolienne de Rilhac Lastour : http://eol87.fr
    Combrailles durables : http://combraillesdurables.org
    SAS Citoyenne solaire : http://lacitoyennesolaire.wixsite.com
    SAS  I-ENER (Pays Basque) : http://i-ener.eus
    SAS Soleil d'Ayen : https://energie-partagee.org/projets/soleil-d-ayen/ 
  • La commune de Felletin favorable au photovoltaïque, sous conditions

    La loi « pour l’accélération de la production d’énergies renouvelables » de mars 2023 prévoit la mise en place de « zones d’accélération ». À ce titre, les communes ont été invitées par l’État à se prononcer sur les zones où elles souhaitent voir se développer les différents types d’énergies renouvelables (EnR). Dans plusieurs communes des réunions ont été prévues pour cela. À Felletin la municipalité a organisé une réunion publique pour échanger avec les habitants, avant de délibérer lors du Conseil municipal du 15 décembre 2023. Elle a dit « Oui, mais... » au photovoltaïque. Explications par Olivier Cagnon, premier adjoint de la commune.

     

    felletin court circuit

     

    Électrifier le mix énergétique pour décarboner

    L’objectif de la loi d’accélération est de rattraper le retard en matière de production d’énergies renouvelables (EnR). En 2020, la France était le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs (19% au lieu de 23% prévu). L’enjeu est d’importance puisqu’il s’agit de décarboner notre mix énergétique et de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, jusqu’à atteindre la neutralité carbone en 2050.
    Pour rappel, les 2/3 de notre consommation énergétique finale sont encore d’origine fossile (sans compter les émissions importées avec les biens de consommation). L’indépendance énergétique souvent vantée ne correspond qu’à la part électrique de ce mix, soit 25 % de la consommation finale. Le nucléaire pèse pour 70 % dans ce mix électrique (dans le meilleur des cas), soit 17,5 % dans la consommation d’énergie du pays. Quand on sait le défi industriel qui attend la filière pour maintenir et renouveler le parc actuel, on comprend que le nucléaire ne peut en aucun cas constituer une solution de décarbonation – tout au plus un amortisseur.
    La voie de la décarbonation passe inévitablement par la réduction de la consommation (sobriété + efficacité des systèmes) et l’électrification des usages. En bref : diminuer la consommation globale d’énergie et augmenter la production électrique. Ce qui implique de déployer massivement les EnR. C’est ce que préconise RTE dans son rapport de 2021 « Futurs énergétiques 2050 », vision que l’État s’est manifestement appropriée, en choisissant le scénario de la relance du nucléaire.
    Ainsi, la loi d’accélération de 2023 ambitionne de porter à 33% la part d’EnR à l’horizon 2030, en multipliant par 10 la production solaire, par 2 la production éolienne et en créant 50 parcs éoliens en mer. La loi invite à mobiliser en priorité les terrains artificialisés, tout en divisant le temps d’instruction et en limitant la possibilité de recours contre les projets… Soit l’invitation à la vertu environnementale en même temps qu’une plus grande liberté à dégrader.

     

    Le positionnement des communes est attendu

    L’État sait que ces objectifs ambitieux en matière d’EnR ne pourront pas être atteints sans la coopération des territoires et « l’acceptation » des projets par les habitants. Les communes sont donc sollicitées pour se positionner sur les zones où elles souhaitent voir s’implanter des centrales photovoltaïques, des éoliennes, des méthaniseurs, etc.
    Cela doit permettre de faire les comptes, au niveau départemental, puis régional. L’addition de toutes les zones identifiées vont-elles permettre d’atteindre les TWh supplémentaires attendus ? Si oui, alors les communes pourront ensuite définir des « zones d’exclusion » pour les EnR. Si non, les Préfets se feront plus insistants, et le risque est grand de se voir imposer des projets.

     

    Oui au photovoltaïque à Felletin, sous conditions

    La mairie de Felletin a été démarchée à plusieurs reprises par des développeurs photovoltaïques (PV). À chaque fois, la proposition consiste en une centrale au sol d’un ou plusieurs hectares, sur des terrains agricoles ou inscrits dans la zone d’activité, avec la promesse d’un (maigre) loyer pour les propriétaires des parcelles et de retombées fiscales pour la communauté de communes et le département.
    Nous avons étudié ces projets, avec l’appui de la communauté de communes Creuse grand sud et du PNR Millevaches, et avons choisi de ne pas y donner suite. Outre leur impact paysager négatif, nous refusons de mobiliser des terres agricoles pour la production d’énergie, pas plus que nous ne souhaitons sacrifier des parcelles réservées pour le développement économique et la création d’emplois. La production d’énergie ne doit pas entrer en concurrence avec les usages déjà existants des sols. La priorité doit aller aux surfaces déjà artificialisées, comme les friches, les toitures et les parkings. Cette position est en accord avec la doctrine du PNR qui proscrit le PV au sol, et envisage l’agri-voltaïsme et le PV flottant à titre expérimental seulement.
    Nous tenons également à ce que les gains économiques générés par les installations bénéficient au territoire, ce qui n’est jamais le cas dans les projets qui nous sont présentés. Pour assurer des retombées significatives, il convient de développer des projets communaux ou citoyens, et favoriser l’initiative privée locale.
    Le partage de la valeur est l’une des revendications portées par l’Association des maires ruraux de France à l’occasion du Grand atelier pour la transition écologique auquel j’ai participé au printemps dernier : les communes rurales sont disposées à prendre leur part dans la transition écologique, car c’est dans les campagnes que se trouvent les ressources et les biens communs naturels : l’eau, le bois, les terres agricoles… et l’espace ! Mais elles ne veulent pas subir : les communes doivent décider des projets qui se font ou non sur leurs territoires et bénéficier des retombées économiques. Non à la fuite des bénéfices !

     

    Felletin Reseau chaleur

     

    Des projets à l’étude sur la commune

    La commune de Felletin étudie actuellement l’opportunité de poser des panneaux solaires sur la toiture des ateliers municipaux. La toiture actuelle est amiantée et passablement dégradée, le photovoltaïque pourrait permettre de transformer une charge en investissement, ou au moins de limiter la facture. Un montage en « autoconsommation collective » est à l’étude : l’énergie produite pourrait être consommée par les autres équipements municipaux, ou d’autres clients localement (jusqu’à 20 km en zone rurale).
    L’ancienne décharge municipale présente également un potentiel de production solaire, à condition de pouvoir résoudre une question administrative : l’arrêté d’exploitation de la décharge de 1985 stipule que le site devra ensuite retourner au domaine agricole (!) ce qui compromet pour l’instant un éventuel projet. Des projets privés sont déjà réalisés (toitures du bâtiment de la Petite vitesse à la gare de Felletin et des entrepôts de la ressourcerie Court-circuit), d’autres sont programmés (toiture de la future extension d’Intermarché et ombrières dans le quartier de la gare).

     

    L’empilement des contraintes

    Tous les sites ne se prêtent pas aux panneaux solaires : outre l’intégration paysagère et les éventuels impacts environnementaux, il faut étudier l’orientation et l’exposition, chiffrer la distance pour le raccordement au réseau électrique, vérifier que la puissance est disponible sur le transformateur visé, et si c’est une toiture, il faut s’assurer que la charpente est apte à accueillir des panneaux, et dans le cas contraire, budgéter un renforcement de structure.
    Enfin, il convient de composer avec l’avis des Architectes des bâtiments de France (ABF) qui œuvrent utilement à la préservation du patrimoine bâti et du caractère ancien des centres bourgs. Néanmoins, si l’on veut faire avancer la transition énergétique, avec des projets économiquement viables, tout ça sans grignoter les terres agricoles, les forêts ou les zones naturelles, une évolution des doctrines des ABF est nécessaire. Un regard un peu plus bienveillant est attendu sur le solaire en toiture (PV ou thermique), sur lequel les développeurs rechignent à aller à cause des trop faibles gains, alors que le potentiel est immense et accessible aux petits propriétaires. Une meilleure prise en compte des panneaux solaires dans le paysage urbain doit être possible sous condition d’intégration harmonieuse. De la même façon, alors que la rénovation du bâti est une priorité, aussi bien pour les économies d’énergie que pour lutter contre la précarité et le mal-logement, et que les opérations de rénovations sont déjà extrêmement contraintes et onéreuses, certaines prescriptions des ABF achèvent de dissuader les propriétaires. C’est ainsi que des projets de rénovations tombent à l’eau – quand ce n’est pas la maison qui finit par tomber en ruine ! Là où l’urgence nous commande aujourd’hui d’agir, l’empilement des contraintes, en plus de générer du ressentiment, est source d’épuisement et d’inertie.

     

    felletin court circuit 2

     

    Et la sobriété dans tout ça ?

    L’État semble enfin s’être saisi de la question énergétique à l’aune des enjeux climatiques. Si imparfait qu’il soit, un plan d’action commence à se dessiner pour électrifier le mix énergétique, et il faut reconnaître que c’est une bonne nouvelle.
    En revanche, le volet sobriété est toujours au point mort. S’il est désormais entendu que la sobriété fait partie intégrante de la solution (cf l’ADEME et feu le ministère de la transition énergétique), on n’entrevoit aucune traduction concrète au-delà de la sensibilisation aux gestes individuels. Il faut dire que l’on voit mal comment articuler la nécessité de la sobriété avec l’idéologie de la croissance. Si rien n’est fait dans ce sens, le risque est grand d’aboutir à ce que redoutent les critiques du concept de Transition : un empilement des consommations d’énergie au lieu d’une véritable décarbonation. L’accroissement de la production électrique sans la sobriété serait le pire scénario, celui de la fuite en avant.

     

    Olivier Cagnon

    Pour aller plus loin :
    - RTE : « Futurs énergétiques 2050 : les scénarios de mix de production à l’étude permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 »
    - Association des maires ruraux de France (AMRF) : résolution finale et rapport final du Grand atelier pour la transition écologique
    - Scénario négaWatt 2022
    - ADEME : « Transition(s) 2050, 4 scénarios prospectifs »

     

    Le bois énergie

    Un réseau de chaleur alimente la plupart des bâtiments communaux de Felletin et une dizaine d’autres clients dont le Lycée des métiers du bâtiment et les habitats collectifs.
    Lors de son inauguration en 2005, l’équipement fonctionnait en co-génération, produisant de l’électricité en plus de la chaleur, abandonnée depuis lors. Reste un réseau de 5 km qui distribue 8000 MWh par an de chaleur produite à partir de plaquettes de bois local. Cet équipement a permis à la commune et à ses autres abonnés de subir une moindre augmentation des coûts de l’énergie en 2022. Le revers de la médaille, c’est qu’il n’incite pas à investir dans la rénovation énergétique des bâtiments communaux, puisque les gains qui seraient obtenus sur la facture de chauffage devraient être réinjectés dans le réseau pour en garantir l’équilibre financier. Une éventuelle extension du réseau vers des bâtiments encore non raccordés est actuellement en réflexion. Cela permettrait d’anticiper les baisses tendancielles de consommation et de mieux rentabiliser l’équipement existant. Pour certains bâtiments, c’est aussi une occasion de laisser les fossiles (fuel ou gaz) pour une énergie locale et renouvelable… À condition de maîtriser la pression sur la ressource en bois !

     

    Les autres EnR

    L’éolien n’est pas une question à Felletin car la commune se situe dans un couloir d’exclusion aérienne. Le PNR auquel la Commune adhère a par ailleurs rendu un avis défavorable aux éoliennes sur tout le pourtour du Parc pour des motifs paysagers et en son cœur pour préserver la biodiversité.
    La géothermie peut être adaptée pour le parc privé, de même que le solaire thermique
    L’hydroélectrique constitue la première source d’électricité renouvelable sur le PNR du fait de ses 13 barrages, mais présente un faible potentiel de développement. Il n’est pas étudié pour l’instant à Felletin malgré 2 sites qui pourraient peut-être mériter que l’on s’y penche.
    La méthanisation est une filière peu adaptée à notre territoire d’élevage extensif.
  • Le vent souffle en Limousin

    Depuis 3 ans quelques projets éoliens sont en réflexion dans notre région. Leur aboutissement apparaît long car de nombreuses démarches sont à suivre. Petit tour d'horizon de l'éolien en Limousin à travers les différentes étapes d'un projet.

     

    parc eolien peyrelevadeViennent tout d'abord les questions préliminaires (3 à 6 mois)

    • gisement de vents (supérieur à 6m/s soit environ 20 km/h).
    • proximité du réseau électrique (facilité de raccordement en souterrain).
    • respect des règles d'urbanisme (création d'une Zone de Développement Eolien dans le Plan Local d'Urbanisme, c'est le cas par exemple de Peyrelevade pour la mise en place de quelques éoliennes supplémentaires).
    • impact local et environnemental (proximité des habitations, site classé, couloir de migration...).
    • concertation avec les habitants et tous les acteurs.

    L'élaboration de ce pré-diagnostic est facilitée depuis peu par la publication du «schéma régional éolien» commandité par la région Limousin.

     

    Viennent ensuite les mesures sur le terrain (environ une année)

    • mesure de l'intensité et l'orientation du vent avec l'installation d'un mât de mesure sur 1 an minimum
    • simulation de l'impact paysager et sonore
    • étude sur le milieu naturel

    Ces différents paramètres vont permettre d'élaborer l'étude d'impact.

     

    Dernière et périlleuse étape : le permis de construire (de 1 à plusieurs années)

    Une fois toutes les études réalisées, le permis de construire est déposé et il s'en suit une enquête publique, c'est la phase où se situe le projet des 7 éoliennes Castelmarchoises (Châtelus-le-Marcheix) et du projet de 4 éoliennes sur les 2 communes de la Souterraine et Saint-Agnant-de-Versillat côté Creuse ; côté Haute-Vienne d'une dizaine d'éoliennes sur 3 commmunes (Lussac-les-Eglises, Saint-Martin-le-Mault et Jouac).

    Le permis de construire est ensuite délivré en fonction du résultat de l'enquête publique et de l'avis de la direction départementale de l'environnement, service départemental de l'architecture et du patrimoine, l'aviation civile... Le projet des 7 éoliennes de Lestards est depuis le mois d'août 2007 dans les mains du préfet de la Corrèze.

    Cependant les délais peuvent s'allonger par un recours porté auprès des services de la préfecture pour annuler les avis. C'est une démarche que l'association des amis du paysage Bourganiaud a entreprise, contre le permis construire accordé à 9 éoliennes sur les communes de Saint Dizier Leyrenne et Janaillat (23), sans gain de cause.

    Les recours peuvent se poursuivre ensuite devant le tribunal administratif.

    Notons que le permis de construire a été accordé aux éoliennes de la Blanche en Corrèze (Communes de Davignac, Péret Bel Air et Ambrugeat) après de nombreux recours administratifs et surtout la mobilisation des habitants et élus qui se sont regroupés dans une association, la plus importante de France favorable à un projet éolien, qui compte aujourd'hui plus de 1300 adhérents. Les 7 prochaines éoliennes en Corrèze devraient voir le jour dans ces 3 communes du plateau courant 2008.

    Du côté de la Creuse, un permis a été accordé sur la commune de Chambonchard qui, ironie du sort, devait être rayée de la carte quelques années auparavant pour un projet de barrage hydraulique.

    En Haute-Vienne c'est un petit projet d'une éolienne à Lastour porté par des agriculteurs et habitants qui vient d'obtenir le permis de construire (construction prévue en 2009).

    Les quelques projets en marche dans notre région montrent que le Limousin a un rôle a jouer dans le développement des énergies renouvelables comme ce fut le cas il y a quelques années avec les barrages hydroélectrique.

    Cependant si l'on souhaite atteindre l'objectif de division par quatre des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, notre pays doit d'une part augmenter de façon considérable la part des énergies renouvelables dans son mix énergétique mais également se doter d'une politique rigoureuse d'économie d'énergie.

     

    Rémi Gerbaud
  • Les gestes au quotidien

    Evitons les produits jetables !

    Fabriqués pour être jetés : le comble de l'absurde ! Le service rendu est sans commune mesure avec leur impact sur l'environnement.

     

    Limitons l'achat des piles :

    Leur fabrication nécessite 1000 fois plus d'électricité qu'elles n'en redistribuent. De plus, une fois usées elles restent encore très polluantes. Préférez, un branchement secteur ou à défaut, utilisez des piles rechargeables qui se réutilisent environ 1000 fois.

     

    vache pollution

     

    Achetons et consommons des produits de saison et locaux :

    C'est agir pour une réduction des coûts énergétiques de production, de transports et participer au dynamisme local.

     

    Evitons les emballages superflus :

    Ils sont payés deux fois : à l'achat et à l'élimination.

     

    Ayez toujours un panier, un sac ou un cabas à roulette dans le coffre de votre voiture.

    Cela évite d'utiliser les sacs plastiques distribués (trop) généreusement en caisse…Un sac plastique met 400 ans (6 générations) à se dégrader.

     

    Eteignons réellement la télé, l'ordinateur…

    La position "veille" de vos appareils, peut représenter jusqu'à 70% de leur consommation totale. Vous pouvez vous munir de prises multiples à interrupteur.

     

    Investissons dans les lampes économes :

    Elles consomment 5 fois moins d'électricité et ont une durée de vie 6 fois supérieure, soit un rendement 30 fois meilleur que les "vieilles" ampoules à incandescence.

     

    Ne nous servons pas de notre cheminée comme d'un incinérateur…

    Jeter au feu des déchets domestiques qui contiennent notamment du plastique et des teintures peut être dangereux pour la santé : cela dégage des polluants toxiques lors de la combustion.

     

    Lavez propre …

    Impitoyables avec les taches et les graisses la plupart des détergents le sont aussi avec l'environnement. Les phosphates des lessives provoquent la prolifération d'algues microscopiques, dangereuses pour la vie aquatique. Aujourd'hui, les quantités de phosphates mesurées dans les rivières sont 10 à 15 fois supérieures aux teneurs naturelles. Utilisons les produits les plus respectueux pour l'environnement et sachons les doser.

     

    Ne jetons plus les fermentescibles :

    Nos poubelles contiennent en moyenne 30% de déchets organiques (épluchures de légumes, déchets de jardin) qui, déposés dans le jardin, se transformeraient naturellement en humus, et peuvent même servir de compost pour fertiliser le sol.

     

    Réfléchissons à notre chauffage :

    Préférons d'abord le bois, ressource locale. Adapter si on peut son chauffage à ses besoins permet des économies considérables : un degré de moins dans un logement représente 7% d'économie d'énergie.

     

    N'hésitons pas à dégivrer le réfrigérateur !

    Si la couche de givre dépasse 3 millimètres sur les parois de votre appareil, cela crée un effet isolant et une surconsommation d'énergie de 30%. Par ailleurs, évitons d'y introduire des éléments chauds, et utilisons des boites hermétiques pour les restes.

     

    Ne jetons pas nos huiles de vidange n'importe où !

    Un litre d'huile de vidange dans une rivière, cela crée sur l'eau, une pellicule d'une surface de 10 000 m2.

  • Ne tombons pas dans le panneau (photovoltaïque) !

    À Aubusson, un agriculteur, Marc Lefranc, prévoit d’installer un parc photovoltaïque sur une surface de 21 hectares sur le plateau du Marchedieu, ce qui en ferait l’un des plus importants de la Creuse. Il a demandé à la communauté de communes Creuse Grand Sud la modification du classement de son terrain pour pouvoir bénéficier de meilleures conditions de rétribution pour l’électricité qu’il va produire. Sur les 42 élus présents le 28 juillet 2020 pour ce vote, seuls 5 ont voté contre. Parmi eux, Jacques Tournier, adjoint au maire à Vallières. Il a expliqué à ses collègues les raisons de son choix. Nous publions ici son intervention1.

     

    moutons photovoltaique

     

    En tant qu’élu d’un territoire rural dont l’une des activités majeures est l’agriculture (1 actif sur 4 est lié à cette activité en Creuse), en tant qu’agriculteur en activité, président du groupement de développement agricole (GDA) d’Aubusson, je me dois de vous faire part d’une autre vision, qui n’est pas uniquement la mienne, mais celle d’une grande majorité au sein de la profession. Ces projets de centrales au sol font débat sur le territoire national. La revue La France agricole a ainsi titré un article sur ce sujet : « Les panneaux de la discorde ! »

     

    Une agriculture en souffrance

    L’agriculture française est sans doute la plus diversifiée au monde et ses productions reconnues comme les plus sûres, les meilleures en matière de qualité et de traçabilité. La mission de l’agriculture est de nourrir la population. En France, pendant le confinement, aucun produit de base n’a manqué pour les consommateurs ou pour fournir l’industrie agroalimentaire. Malgré ses atouts, la production agricole nationale baisse tous les ans (de la troisième place mondiale en 2005, nous sommes aujourd’hui à la sixième en exportations de produits agricoles), et, d’après les experts, à partir de 2023 on importera plus qu’on exportera ! L’agriculture française est en souffrance depuis des décennies malgré sa modernisation à la pointe de la technologie et son adaptation constante. Cela reste un métier difficile et peu rémunérateur. Nous sommes de moins en moins nombreux (environ 400 000 aujourd’hui, contre 500 000 il y a 10 ans) et une projection annonce le chiffre de 200 000 pour les années 2030. Les raisons de cette hémorragie sont multiples... Finalement peu nombreux, donc peu représentés, peu défendus et surtout peu entendus, les agriculteurs sont critiqués. L’agriculture serait responsable de tous les maux : pollution, réchauffement climatique, manque d’eau, etc. Nos détracteurs sont nombreux et cet agribashing est croissant. Certes nos pratiques sont perfectibles et bien évidemment nous devons encore travailler pour les améliorer. Une seconde hémorragie lente et incessante est celle de la SAU (Surface agricole utile) : 76 000 hectares disparaissent tous les ans en France, grignotés en partie par l’urbanisation (routes, zones industrielles, artisanales, commerciales...). Par comparaison, cette surface est plus importante que la superficie de notre communauté de communes Creuse Grand Sud. Ce déclin du nombre d’exploitants et de leur outil de travail est une réalité presque invisible, mais c’est la vérité.

     

    30 terrains de foot

    Que dire du projet du Marchedieu dans ce contexte ? Il occuperait une vingtaine d’hectares. C’est peu... ou immense, car cela représente environ 30 terrains de foot ! Ce plateau du Marchedieu est magnifique, plat, sans obstacles, ni haie, ni talus, ni partie humide. Il est aujourd’hui cultivé de prairie, luzerne, blé ou maïs. C’est une terre labourable à fort potentiel, une richesse pour la production agricole, une richesse de notre patrimoine, que bon nombre d’agriculteurs creusois rêveraient d’avoir sur leur exploitation ! Le secteur agricole n’est pas opposé à la transition énergétique, au contraire. Le photovoltaïque utilisé sur des toitures a justement permis la modernisation des exploitations par la construction de bâtiments modernes. En revanche, les installations de panneaux photovoltaïques au sol doivent être réservées à des terres non productives, des pentes, des friches industrielles, militaires, des parkings.... 

    Nos dirigeants politiques ont d’ailleurs très tôt interdit ces installations sur des terres classées agricoles par une circulaire du 18 décembre 2009, signée du ministre de l’Écologie. La réglementation de ce type d’installation est également prévue par la loi du 12 juillet 2012, dite Grenelle 2. C’est une évidence, une terre couverte de panneaux, même qu’à 45 %, n’a plus sa capacité de production, plus la possibilité d’être labourée et semée. On nous demande de modifier la classification de ce terrain aujourd’hui classé A (agricole) pour le passer en zone N (naturelle : zone qui tend à préserver un caractère naturel à un site, donc qui préserve les sols agricoles et forestiers). Mais dans une zone N, par dérogation, des constructions « temporaires » ou « démontables » sont possibles ! Ce qui est le cas des panneaux photovoltaïques.

     

    Préservons notre sécurité alimentaire

    Ceux qui partagent mon point de vue ne sont pas contre le développement économique de notre territoire. Des projets de ce type bien situés ne nous posent aucun problème ! Le poste source EDF situé à proximité du projet est également très proche de la zone industrielle du Mont, environ à 800m. Pourquoi ne pas faire un projet collectif sur cette zone en utilisant toutes les toitures des bâtiments et tous les parkings pour faire des ombrières solaires ? De telles réalisations existent et n’ont aucun impact sur les espaces agricoles. Il y a vingt ans, voire seulement dix ans, personne ne pensait que l’on pourrait manquer d’eau en Creuse. Personne. De la même façon, dans dix ans, nous ne serons plus autosuffisants pour manger. Cette dépendance alimentaire (une de plus !) nous obligera à faire venir des produits, sans traçabilité, avec des transports multiples et donc un impact carbone très négatif. Où sera le bénéfice écologique ? 

     

    Ne tombons pas dans le panneau, faisons preuve de bon sens, ne sacrifions pas, au nom de la transition énergétique, des terres à fort potentiel agricole pour produire de l’électricité (et faire de l’argent). Préservons notre sécurité alimentaire et notre agriculture. Réservons ces installations à des zones adaptées, restons cohérents avec notre projet de territoire. Cette période de pandémie devrait être le moment de prioriser les choses indispensables à la vie.

     

    Jacques Tournier

    1 Compte-rendu intégral du conseil communautaire du 28 juillet 2020 de Creuse Grand Sud : https://frama.link/9vyYePCG

     

    panneau photovoltaique lac chammetUn parc photovoltaïque flottant sur le lac du Chammet ?

    C’est ce que la société Agrenergy propose à la commune de Faux-la-Montagne ! Dans un courriel adressé à la commune le 17 novembre 2020, la société se présente comme « une société française de développement de parcs photovoltaïques au sol et flottants. Dans le cadre de nos activités, nous avons identifié plusieurs secteurs qui seraient potentiellement favorables au développement d’un projet solaire sur le territoire communal [et] nous avons également identifié un potentiel photovoltaïque flottant. ».
    Avec photos aériennes à l’appui, « l’apporteur d’affaires » explique encore : « Nous sommes également à la recherche de terrains à faible valeur agronomique afin de développer une centrale photovoltaïque couplée à une co-activité agricole. N’hésitez pas à me demander d’analyser le potentiel de terrains communaux. » Évidemment, tout cela s’inscrit (comme toujours) de « façon vertueuse » « dans une démarche de développement durable et de production d’énergie verte ».

    Pas de panique ! Ce genre de projet ne fait pas vraiment partie des priorités de la commune...

     

     

  • Nucléaire - Du risque au mensonge

    En 2000 une forte mobilisation contre le projet de laboratoire sur les déchets nucléaires envisagé vers Crocq, se manifestait sur le plateau. A cette occasion naissait l'association "Oui à l'avenir". Trois ans plus tard, au moment où le gouvernement Raffarin lance un "grand débat" sur les choix énergétiques du pays, qu'en est-il ? Jean François Mathieu, président de "Oui à l'avenir", fait le point pour nous.

     

    nucleaire 1La question n'est pas de savoir si cela arrivera ou non, mais de savoir quand.

    Cette assertion résume en quelques mots toute la teneur du devenir des déchets nucléaires produits et accumulés depuis des lustres, et pour le traitement desquels aucune solution n'a été ni trouvée ni décidée.

     

    Notre beau pays limousin étant particulièrement concerné, il est temps, en cet automne 2003, de faire le point et, faisant la part des choses, de se poser la question suivante : peut-on aujourd'hui établir un pronostic ?

    Tout d'abord un rappel s'impose. Suite à la mise en place du nucléaire militaire dans le cadre de la politique dite de dissuasion, le nucléaire dit "civil" a été développé dans la foulée sans que jamais aucune consultation des représentants du peuple n'ait été réalisée. Cette politique de production d'électricité a été justifiée comme devant permettre l'indépendance énergétique de la France. Peut-être valable il y a quelques dizaines d'années, cette justification n'est plus de mise aujourd'hui puisque aucune mine d'uranium n'est plus actuellement exploitée sur notre territoire, la totalité du minerai étant importée. 78 % de notre électricité sont actuellement produits par les centrales nucléaires d'EDF.

    Ces centrales produisent des déchets plus ou moins radioactifs. Une partie d'entre eux a la caractéristique d'être très hautement radioactifs et de le rester pour des durées extrêmement longues, des centaines de milliers d'années, voire des millions pour certains d'entre eux.

     

    Ces déchets sont actuellement stockés sur les lieux de production après avoir été refroidis, puis vitrifiés et emballés dans des fûts métalliques.

     

    La loi dite ' loi Bataille", votée fin 1991 a pour la première fois ouvert une voie pour définir une politique de gestion de ces déchets en spécifiant trois lignes à mettre en œuvre en vue de leur traitement :

    • développer la recherche en vue de transmuter les déchets pour les réduire en produits à durée de vie courte
    • améliorer le stockage en surface et sub-surface
    • créer des " laboratoires " d'étude dont la finalité est de déterminer dans quelles conditions ces déchets pourraient être stockés en profondeur dans un environnement géologique stable (granite ou argile) constituant une coque les enfermant définitivement jusqu'à ce que leur radioactivité ait sinon disparu, tout au moins soit redevenue égale à la radioactivité naturelle.

    Les rapports rédigés à l'issue de ces études devaient servir à nos députés de base de travail pour décider démocratiquement au plus tard en 2006 du devenir de ces déchets.

     

    nucleaire 2La construction d'un premier laboratoire en site argileux a été mise en route à Bure sans aucun respect des conditions de clarté et d'informations préalables définies par la loi Bataille, en particulier sans consultation de la population.

     

    Au début de l'année 2000, suite à une indiscrétion, une association anti-nucléaire publiait les cartes des sites prévus pour les projets de laboratoires souterrains en massifs granitiques. L'ANDRA, chargée du traitement de ces déchets envoyait immédiatement un dossier d'information à tous les maires des communes situées sur les sites potentiels. Notre région est directement concernée, tout spécialement par le site de Crocq - Fernoël (42 communes).

    Les premières réactions à la publication de ce projet ont été immédiates. Citons simplement quelques unes d'entre elles.

    Sous forme de questions d'abord :

    • Qui peut affirmer que jamais ces fûts ne seront oxydés, détruits, partiellement ou en totalité, les particules alpha ainsi libérées entrant dans le cycle de l'eau et à terme contaminant les populations, risquant de provoquer des cancers et des mutations génétiques ?
    • Qui peut affirmer que, bien que stables depuis des temps très éloignés, les couches géologiques choisies le resteront de la même façon pour la durée du stockage ?
    • Qui peut affirmer que jamais la mémoire des sites de stockage en profondeur ne sera perdue?

    Sous forme d'observations ensuite :

    • Les cartes géologiques publiées par l'ANDRA montrent des massifs granitiques homogènes alors que la lecture des cartes publiées précédemment par le BRGM désignent de nombreuses failles laissant penser que les eaux de ruissellement pourraient atteindre facilement les fûts qui y seraient stockés, risquant donc de les dégrader. Mensonge !
    • Le stockage en profondeur ne pourra techniquement pas être réversible, c'est à dire qu'une fois entreposés, les déchets ne pourront jamais être repris pour être retraités sous une autre forme éventuelle.
    • Le stockage en profondeur en un même lieu amènera à transporter ces déchets sur de longues distances faisant encourir un risque aux populations des lieux traversés.

     

    Aucune réponse ne pouvant être apportée, les conclusions ont été et restent évidentes :

    • les déchets nucléaires sont dangereux
    • le risque zéro n'existe pas
    • on doit donc appliquer le principe de précaution et en aucun cas ne laisser aux générations futures un tel site de stockage, ni ici, ni ailleurs
    • donc arrêter de produire de tels déchets, en tous cas aussi longtemps que l'on ne saura pas les réduire et les rendre inoffensifs.

     

    Cette prise de conscience ayant été faite, et après nombre de manifestations publiques d'opposition, l'information des habitants des sites potentiels ayant été réalisée localement par des bénévoles, le refus de ces projets de laboratoire s'est manifesté clairement et a fait l'objet de délibérations des conseils municipaux des communes concernées. Sur le site de Crocq - Fernoêl, ces délibérations ont fait l'unanimité, la totalité des communes concernées ayant émis leur délibération contre ce projet, délibérations déposées, comme il se doit, en préfecture.

     

    En juillet 2001, la commission granite, nommée par le gouvernement pour "informer les populations sur le projet" se voyait obligée d'arrêter ses activités avant la fin de sa mission, empêchée par les multiples réactions contre ce projet et publiait un rapport sur sa courte activité, rapport à l'usage des ministres concernés. Ce rapport cite en particulier les réactions des communes sous forme de délibérations... et fausse complètement la réalité.

    Par exemple, sur le site de Crocq - Fernoël, seules 8 communes sur 42 auraient pris une délibération contre, alors qu'en réalité c'est 42 communes sur 42. Mensonge !

    L'époque de diverses élections étant ensuite arrivée, la situation semble avoir peu évolué pendant cette période.

     

    nucleaire 3Le gouvernement nouvellement installé faisant montre d'une certaine et apparente volonté de transparence a réalisé au printemps 2003 une série de consultations en vue d'un vote devant être effectué à l'automne sur la politique énergétique de la France.

     

    Ces consultations, menées de façon peu démocratique n'ont pas permis aux citoyens de s'exprimer sur les choix énergétiques. La deuxième journée parlementaire sur le nucléaire (24 mars 2003), traitait du problème des déchets. Lors de cette journée, d'autres pays européens ont apporté leur témoignage sur leur attitude vis à vis de leurs propres déchets, (Allemagne, Royaume Uni, Suisse, Suède... ). On s'apprête clairement à enfouir !...

    Tenant compte du fait que les "laboratoires" n'ont pas pu être mis en œuvre (sinon celui de Bure qui ne pourra pas rendre son étude dans les délais impartis), les expériences menées à bien par nos voisins européens seront utilisées pour effectuer nos choix (rappelons que la loi Bataille fixe une limite à 2006) .

     

    Durant cette même journée, les brillants exposés sur les futurs nouveaux réacteurs, plus économes et produisant moins de déchets (?) n'engagent pas à penser à un abandon de la production de ceux-ci !

     

    Continuer de produire ces déchets reste inacceptable ! Et nos communes limousines ne s'y sont pas trompées : presque toutes ont renouvelé leur opposition au projet de stockage en profondeur par de nouvelles délibérations prises au printemps.

     

    Cet été, les évènements et les déclarations se multiplient. Voici quelques exemples.

    9 Août 2003 : publication au J.O. d'un simple arrêté classant "secret défense" toute information relative aux "matières nucléaires" (à l'exception de l'extraction du minerai), instaurant une restriction sans précédent de la liberté d'expression et qui laisse la porte ouverte à tous les arbitraires. A la clef, jusqu'à 7 ans d'emprisonnement ou 100 000 euros d'amende ! Outre une pétition nationale, CRllRAD, Greenpeace et Reporters sans frontières ont saisi le conseil d'Etat en vue de l'annulation de cet arrêté. Et l'on parle de plus de transparence !

     

    Et pendant la canicule, les centrales ont révélé leur vulnérabilité...

     

    Début octobre 2003 : Nicole Fontaine annonce qu'elle proposera la mise en place de l'EPR au premier ministre... lequel s'empresse de pondérer les choses en expliquant qu'aucun choix n'a été fait.

    28 Octobre 2003 : l'AFP révèle le contenu de l'avant-projet de loi sur l'énergie ; la durée de vie des centrales actuelles serait prolongée par EDF de 30 à 40 ans de façon à permettre d'attendre la mise en place de nouvelles centrales.

    Arrêtons ici le relevé des innombrables signes qui annoncent un futur peu optimiste.

     

    Raison serait d'arrêter de produire ces déchets et d'investir :

    • d'une part dans une recherche approfondie en vue de mettre en œuvre des techniques permettant de les réduire,
    • d'autre part dans le développement énergique de toutes les techniques produisant de l'électricité à partir d'énergies nouvelles, renouvelables et n'augmentant pas l'effet de serre. Seul le cumul de nombreuses sources d'énergie pourrait permettre de subvenir à nos besoins croissants en électricité tout en abandonnant progressivement les centrales nucléaires.

    Et seul un choix politique fort pourrait en décider.

     

    J-F Kennedy avait décidé d'une grande aventure, celle de la présence de l'homme sur la lune.

    En Europe, en France aujourd'hui, serions nous incapables de mener à bien un défi aussi porteur d'avenir et générateur d'une planète propre ?

     

    Jean-François Mathieu

    contact : association Oui à l'avenir 05 55 67 25 23
  • Peste ou choléra ? À propos de la lutte contre l’éolien industriel

    Suffit-il de rajouter « industriel » à éolien pour définir une opposition qui ne s’arrête pas aux frontières de son jardin ? Serge Quadruppani nous invite à ne pas tomber dans une « illusion localiste » qui passerait à côté de la véritable question : la remise en cause de notre mode de vie.

     

    Les eoliennes de Peyrelevade Gentioux

     

    Relayé par Stop Eolien 87, la page Facebook de l’Altess (Association Limousine pour la Défense du Tourisme et de l’Environnement et la Sauvegarde des Sites du Haut-Limousin), qui combat contre les éoliennes en Haute-Vienne, un texte de Fabien Bouglé1, économiste, dénonce à juste titre le tout nouveau projet de loi gouvernemental2 concernant l’éolien. Ce projet vise, en conformité avec une directive européenne, à accélérer les processus d’installation des éoliennes et autres systèmes de production d’énergies dites renouvelables. L’argumentaire de Bouglé, par ailleurs conseiller municipal (divers droite) à Versailles, aurait plus de portée s’il ne se sentait obligé d’ajouter que la France est « sous le chantage de la commission européenne - largement infiltrée par les antinucléaires pro-éoliennes ». La Commission européenne infiltrée par les antinucléaires ! Voilà qui surprend quand on sait que la même Commission a, le 2 février 2022, classé l’énergie nucléaire parmi les énergies propres. Et voilà qui sonne comme une confirmation de ce que soutient une récente enquête très bien documentée du Monde, à savoir que « dans l’ombre des contestations locales et souvent spontanées contre les implantations, s’active un réseau bénéficiant de puissants relais jusqu’au sommet de l’Etat. Avec pour objectif d’imposer une relance massive du nucléaire. »3

     

    Not In My Backyard !

    Si on ajoute à cela qu’une bonne partie de la droite et toute l’extrême-droite combat très officiellement la politique d’implantations d’éoliennes, les très louables contestations locales sur la Montagne limousine ont tout intérêt à ne jamais perdre de vue les stratégies d’influence du lobby nucléaire et les jeux de concurrence entre politiciens. L’ajout de l’adjectif « industriel » à « éolien » apporte certes une clarification utile, comme il serait, tant qu’à faire, pertinent d’énoncer notre opposition à « l’éolien industriel et son monde ». Mais il ne suffit pas d’un mot pour passer du stade d’une lutte « Nimby » (Not In My Backyard : pas dans ma cour) qui refuserait de voir au-delà de son clocher à une contestation globale.

    Si nous disons que l’éolien est une industrie nuisible, ses promoteurs répondront sans broncher que ses nuisances peuvent être très largement éliminées : les terres rares, on va pouvoir s’en passer4, on peindra les pales en noir pour éviter le massacre des oiseaux et chauves-souris et la bétonisation aussi pourra être évitée, ne fût-ce qu’en transportant les parcs éoliens en haute mer (pauvre mer !). Face au discours du solutionnisme technologique, la seule position qui tienne consiste à dire que l’éolien industriel est nuisible avant tout parce que c’est une industrie. Quand, en octobre 2020 des « Pelauds qui doutent » appelaient à une réunion avec Jean-Baptiste Vidalou, l’un des animateurs de la lutte de l’Amassada en Aveyron, pour discuter des projets éoliens à Eymoutiers et ailleurs, ces Pelauds-là ne manquaient pas de lier cette question à celle des compteurs Linky et de la 5 G en train d’arriver sur le territoire. L’élargissement des horizons de la lutte n’a pas conquis, semble-t-il, la majorité des participants à la réunion.

     

    Illusion localiste

    On peut toujours rêver de se fabriquer sur la Montagne limousine ou ailleurs une île heureuse à l’abri de l’histoire contemporaine : mais tôt ou tard, et certainement plus tôt que tard, le rêve tournera au cauchemar quand la prochaine pandémie, ou la bien pire vague de chaleur, ou le nuage nucléaire, arriveront sur nos belles forêts, bref quand tous ces événements globaux bousculeront l’illusion localiste. Dans ce contexte, la lutte locale aura l’effet d’un cautère sur une jambe de bois, si elle ne se relie pas dès maintenant en paroles et en actes à une remise en cause globale du capitalisme industriel. On ne peut pas choisir entre les jeunes loup.ve.s du capitalisme vert, indécrottables admirateurs.trices du Progrès qui répètent en boucle la « bonne nouvelle » : « Les solutions existent, et elles sont sources de profit » (Morgane Créach, directrice du Réseau Action Climat), et les vieux requins du « en avant comme avant ». Les problèmes engendrés par l’État, par la technologie, par la civilisation industrielle, ne pourront pas être résolus par l’État, par la technologie, par la civilisation industrielle. Et moins encore par les politiciens, si verts fussent-ils, qui sont à son service.

     

    Pour en finir avec l’exploitation

    Aucune technologie n’est neutre, car toutes ont des implications sociales et matérielles spécifiques, à la fois en amont pour être conçues et fabriquées (les terres rares et les composants électroniques de nos smartphones produits de la surexploitation au Congo ou en Chine), et en aval, par les effets qu’elles induisent (la dévastation écologique, le gaspillage énergétique, l’aliénation numérique). Il n’y a pas d’énergie propre. Toute source d’énergie utilisée à une vaste échelle aura toujours des effets négatifs sur l’environnement, et ces effets ne cesseront de s’avérer mortifères aussi longtemps que l’énergie servira principalement au développement élargi du capital. Seule une relocalisation véritable de la production d’énergie, au plus près des ressources du lieu et des vrais besoins vitaux, humains et non-humains, peut contenir les inévitables retombées négatives. Un tel bouleversement n’est concevable qu’à travers la création de communes libres et fédérées.

    L’humanité est arrivée au bout d’un parcours qui l’a vue transformer la relation de prédation, inhérente à la vie, en relation d’exploitation : l’exploitation de la nature, celle des animaux, celle des femmes, ont précédé de plusieurs millénaires l’exploitation capitaliste des prolétaires et son consubstantiel complément colonialiste. Toutes ces formes d’exploitation qui coexistent encore sont indissociables. La technique, en devenant technologie, s’est entièrement centrée sur ce projet : mettre tout le réel au travail. Les animaux et les plantes, les atomes et les bactéries, l’air, l’eau et le soleil, et les humains, et leurs émotions, et leur attention, et leurs cellules, l’intimité de leurs organes, tout cela a été toujours davantage soumis à la nécessité d’extraire toujours plus de plus-value au profit du capital. On ne nouera pas une nouvelle alliance avec les plantes et les bêtes sans mettre fin à l’exploitation, sans remettre en cause la dynamique d’un développement technologique désormais inséparable – car il est son seul illusoire espoir – du développement capitaliste. S’il y a un trou de souris par lequel l’humanité peut encore échapper à la catastrophe qui vient, c’est par là qu’on peut le trouver : du côté de la remise en cause de notre mode de vie. Mais nous voilà bien loin d’une activité qui consisterait principalement à contrarier les projets mégalomanes d’élus locaux victimes des illusions du Progrès du siècle précédent. 

     

    Serge Quadruppani

    1. « Loi d’exception sur les éoliennes : Borne et Pannier-Runacher déclarent la guerre aux Français » : https://s.42l.fr/Bouglé
    2. « Lancement d’une concertation autour du projet de loi sur les énergies renouvelables » Le Monde du 12 août 2022 : https://s.42l.fr/LeMonde
    3. « Derrière l’opposition aux éoliennes, une galaxie influente et pronucléaire » Le Monde du 28 juin 2022 : https://s.42l.fr/LeMonde2
    4. « Éoliennes et métaux rares : rumeurs et réalités » : https://s.42l.fr/métauxrares 
  • Services publics, entrer en résistance

    ptt pubDimanche 18 mai 2003, à quelques kilomètres de la gare d’Eymoutiers, en pleine nature, au bord de la Vienne, le long de la voie ferrée Limoges-Ussel, et au pied de la centrale électrique de Charnaillat aujourd’hui désaffectée, tout était parfait pour un pique nique champêtre au milieu de la végétation luxuriante et exubérante de notre printemps mouillé. Dans ce cadre merveilleux ils étaient une centaine de militants convaincus et combatifs, rassemblés autour du collectif de défense des services publics qu’IPNS  a déjà présenté dans son numéro 2. On retrouvait là des représentants syndicaux de la Poste, des collectivités territoriales, de la SNCF, de l’EDF, de l’Equipement, des militants d’ATTAC, des élus et de simples citoyens. Ils avaient choisi ce pique nique citoyen dans un lieu hautement symbolique pour contester la politique de nos gouvernants qui veulent soumettre les services publics à l’impitoyable régulation du  libéralisme. 

    Charnaillat c’est une centrale hydroélectrique que l’EDF a barré de son potentiel énergétique au profit du développement de l’énergie nucléaire que l’Etat et le Parlement s’apprêtent à revaloriser en allongeant de dix à trente ans la durée de vie des 58 centrales nucléaires. Elles sont obsolètes au bout de trente ans. Alors que faire de cette accumulation de déchets ? Et c’est un nouveau risque  de Tchernobyl en perspective.

    La ligne de chemin de fer Limoges-Ussel est sans cesse menacée comme les autres dessertes ferroviaires du Limousin et du Massif Central considérées comme trop faibles en rentabilité. Et pourtant après la tempête de 1999,  des promesses se sont multipliées pour la moderniser afin de désenclaver le massif forestier du Millevaches. A grand coup de subvention, de tapage médiatique et de coûts faramineux, la gare à bois de Bugeat - Viam  a surgi de sa tourbière. Elle est aujourd’hui pratiquement inopérante. Dans sa version de février le diagnostic territorial de la charte du PNR Millevaches ne la mentionne même pas dans les dessertes structurantes de l’économie du territoire ! Et pendant ce temps là le lobby des routiers obtient de surcharger et d’allonger ses camions, en  détruisant les chaussées de notre réseau routier, à la charge de nos impôts territoriaux.

    Les militants de ce pique nique citoyen nous invitent tous à entrer en résistance pour que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ne transforme pas nos services publics à la française en vulgaire marchandise à croquer par les loups de la Banque Mondiale et du FMI. Alors faisons comme eux : « agissons localement pour que le monde ne devienne pas une voie sans issue comme Charnaillat ».

     

    Le manifeste des creusois

    Les creusois n’ont pas attendu le rassemblement de Charnaillat pour entrer en résistance. Ils s’y sont tous mis à l’initiative de la majorité du Conseil général : élus, militants syndicaux, politiques, socioprofessionnels et associatifs creusois. Dès le 6 mai 2003 ils tenaient des assises départementales de l’Ecole et des Services Publics pour demander l’arrêt du démantèlement des services publics dans le département. Ensemble ils ont préparé un MANIFESTE qu’ils ont signé et publié le 21 mai 2003 pour l’adresser au Président de la République et au Premier Ministre.

    Ce manifeste rappelle que « la Creuse, département rural par excellence, a besoin d’un haut niveau d’équipements et de services publics pour répondre aux attentes des usagers et réduire la fracture territoriale… 

    .. Aujourd’hui, nous, citoyens, entendons prendre notre avenir en main, marquer notre refus de subir passivement les décisions de l’Etat et c’est la raison pour laquelle nous décidons collectivement d’entrer en résistance face aux menaces qui pèsent sur notre département…

    .. Ensemble, nous exigeons une concertation avec les services de l’Etat pour engager une réflexion à plus long terme autour de la question des services publics…

    .. Ensemble, nous revendiquons une réelle péréquation financière, garante d’une société solidaire et non d’une société marchande. C’est la condition indispensable pour envisager de façon sereine l’avenir de notre département ».

    Creusois, et pourquoi pas Limousins, nous pouvons tous rejoindre et signer ce manifeste pour entreprendre un large débat sur l’invention de services publics pour vivre, se former et travailler sur nos territoires ruraux fragiles.

     

    Alain Carof
  • Un projet d'huilerie itinérante

    logo roulons versRoulons vers… association créée en juin 2005 par une quinzaine de personnes issue du milieu agricole a décidé de permettre à des paysans de produire leur propre énergie : le premier projet est de fabriquer du biocarburant à partir de la graine de colza ou de tournesol.

    L'association Roulons vers… "a pour but de promouvoir les énergies renouvelables, de mettre en réseau les personnes sensibilisées aux questions d'énergies et de pollutions.

    L'association mettra en oeuvre des réalisations concrètes afin de proposer un autre modèle de production et de consommation de l'énergie qui soit moins polluant et qui oeuvre pour une société responsable, respectueuse de son avenir et socialement plus équitable".

    Les membres créateurs de l'association ont souhaité définir un objet beaucoup plus large que les biocarburants. A ce jour le projet commun du groupe ; 21 fermes des cantons de Bourganeuf, Pontarion, Royère de vassiviere (Creuse) et Eymoutiers (Haute Vienne), est de mettre en place concrètement un projet itinérant de presse à huile végétale brute (HVB). D'autres projets d'aménagements des fermes et des habitations utilisant les énergies, solaires, éoliennes ou bois sont dans les idées.

    Pour la mise en place de la presse à huile itinérante (pour la fin de l'année 2005) nous avons un investissement de 42 000 euros à réaliser (presse, filtres, remorque, trémie, bac, trieur, pompe, et accessoires). Nous cherchons des personnes, des entreprises qui seraient prêtes à nous soutenir par l'adhésion (20 euros, 10 euros pour étudiant et chômeur), des dons, des avances sur l'utilisation de la presse, ou des prêts...

     

    Jérome Orvain