La question n'est pas de savoir si cela arrivera ou non, mais de savoir quand.
Cette assertion résume en quelques mots toute la teneur du devenir des déchets nucléaires produits et accumulés depuis des lustres, et pour le traitement desquels aucune solution n'a été ni trouvée ni décidée.
Notre beau pays limousin étant particulièrement concerné, il est temps, en cet automne 2003, de faire le point et, faisant la part des choses, de se poser la question suivante : peut-on aujourd'hui établir un pronostic ?
Tout d'abord un rappel s'impose. Suite à la mise en place du nucléaire militaire dans le cadre de la politique dite de dissuasion, le nucléaire dit "civil" a été développé dans la foulée sans que jamais aucune consultation des représentants du peuple n'ait été réalisée. Cette politique de production d'électricité a été justifiée comme devant permettre l'indépendance énergétique de la France. Peut-être valable il y a quelques dizaines d'années, cette justification n'est plus de mise aujourd'hui puisque aucune mine d'uranium n'est plus actuellement exploitée sur notre territoire, la totalité du minerai étant importée. 78 % de notre électricité sont actuellement produits par les centrales nucléaires d'EDF.
Ces centrales produisent des déchets plus ou moins radioactifs. Une partie d'entre eux a la caractéristique d'être très hautement radioactifs et de le rester pour des durées extrêmement longues, des centaines de milliers d'années, voire des millions pour certains d'entre eux.
Ces déchets sont actuellement stockés sur les lieux de production après avoir été refroidis, puis vitrifiés et emballés dans des fûts métalliques.
La loi dite ' loi Bataille", votée fin 1991 a pour la première fois ouvert une voie pour définir une politique de gestion de ces déchets en spécifiant trois lignes à mettre en œuvre en vue de leur traitement :
Les rapports rédigés à l'issue de ces études devaient servir à nos députés de base de travail pour décider démocratiquement au plus tard en 2006 du devenir de ces déchets.
La construction d'un premier laboratoire en site argileux a été mise en route à Bure sans aucun respect des conditions de clarté et d'informations préalables définies par la loi Bataille, en particulier sans consultation de la population.
Au début de l'année 2000, suite à une indiscrétion, une association anti-nucléaire publiait les cartes des sites prévus pour les projets de laboratoires souterrains en massifs granitiques. L'ANDRA, chargée du traitement de ces déchets envoyait immédiatement un dossier d'information à tous les maires des communes situées sur les sites potentiels. Notre région est directement concernée, tout spécialement par le site de Crocq - Fernoël (42 communes).
Les premières réactions à la publication de ce projet ont été immédiates. Citons simplement quelques unes d'entre elles.
Sous forme de questions d'abord :
Sous forme d'observations ensuite :
Aucune réponse ne pouvant être apportée, les conclusions ont été et restent évidentes :
Cette prise de conscience ayant été faite, et après nombre de manifestations publiques d'opposition, l'information des habitants des sites potentiels ayant été réalisée localement par des bénévoles, le refus de ces projets de laboratoire s'est manifesté clairement et a fait l'objet de délibérations des conseils municipaux des communes concernées. Sur le site de Crocq - Fernoêl, ces délibérations ont fait l'unanimité, la totalité des communes concernées ayant émis leur délibération contre ce projet, délibérations déposées, comme il se doit, en préfecture.
En juillet 2001, la commission granite, nommée par le gouvernement pour "informer les populations sur le projet" se voyait obligée d'arrêter ses activités avant la fin de sa mission, empêchée par les multiples réactions contre ce projet et publiait un rapport sur sa courte activité, rapport à l'usage des ministres concernés. Ce rapport cite en particulier les réactions des communes sous forme de délibérations... et fausse complètement la réalité.
Par exemple, sur le site de Crocq - Fernoël, seules 8 communes sur 42 auraient pris une délibération contre, alors qu'en réalité c'est 42 communes sur 42. Mensonge !
L'époque de diverses élections étant ensuite arrivée, la situation semble avoir peu évolué pendant cette période.
Le gouvernement nouvellement installé faisant montre d'une certaine et apparente volonté de transparence a réalisé au printemps 2003 une série de consultations en vue d'un vote devant être effectué à l'automne sur la politique énergétique de la France.
Ces consultations, menées de façon peu démocratique n'ont pas permis aux citoyens de s'exprimer sur les choix énergétiques. La deuxième journée parlementaire sur le nucléaire (24 mars 2003), traitait du problème des déchets. Lors de cette journée, d'autres pays européens ont apporté leur témoignage sur leur attitude vis à vis de leurs propres déchets, (Allemagne, Royaume Uni, Suisse, Suède ... ). On s'apprête clairement à enfouir !...
Tenant compte du fait que les "laboratoires" n'ont pas pu être mis en œuvre (sinon celui de Bure qui ne pourra pas rendre son étude dans les délais impartis), les expériences menées à bien par nos voisins européens seront utilisées pour effectuer nos choix (rappelons que la loi Bataille fixe une limite à 2006) .
Durant cette même journée, les brillants exposés sur les futurs nouveaux réacteurs, plus économes et produisant moins de déchets (?) n'engagent pas à penser à un abandon de la production de ceux-ci !
Continuer de produire ces déchets reste inacceptable ! Et nos communes limousines ne s'y sont pas trompées : presque toutes ont renouvelé leur opposition au projet de stockage en profondeur par de nouvelles délibérations prises au printemps.
Cet été, les évènements et les déclarations se multiplient. Voici quelques exemples.
9 Août 2003 : publication au J.O. d'un simple arrêté classant "secret défense" toute information relative aux "matières nucléaires" (à l'exception de l'extraction du minerai), instaurant une restriction sans précédent de la liberté d'expression et qui laisse la porte ouverte à tous les arbitraires. A la clef, jusqu'à 7 ans d'emprisonnement ou 100 000 euros d'amende ! Outre une pétition nationale, CRllRAD, Greenpeace et Reporters sans frontières ont saisi le conseil d'Etat en vue de l'annulation de cet arrêté. Et l'on parle de plus de transparence !
Début octobre 2003 : Nicole Fontaine annonce qu'elle proposera la mise en place de l'EPR au premier ministre ... lequel s'empresse de pondérer les choses en expliquant qu'aucun choix n'a été fait.
28 Octobre 2003 : l'AFP révèle le contenu de l'avant-projet de loi sur l'énergie ; la durée de vie des centrales actuelles serait prolongée par EDF de 30 à 40 ans de façon à permettre d'attendre la mise en place de nouvelles centrales.
Arrêtons ici le relevé des innombrables signes qui annoncent un futur peu optimiste.
Raison serait d'arrêter de produire ces déchets et d'investir :
Et seul un choix politique fort pourrait en décider.
J-F Kennedy avait décidé d'une grande aventure, celle de la présence de l'homme sur la lune.
En Europe, en France aujourd'hui, serions nous incapables de mener à bien un défi aussi porteur d'avenir et générateur d'une planète propre ?
Jean-François Mathieu