C’est jeudi de septembre 2022 et mon chéri a mal aux dents. Comme il n’a pas de dentiste traitant, je contacte le mien qui lui propose un rendez-vous...dans trois mois. Nous tentons plusieurs autres dentistes aux alentours d’Eymoutiers puis à Limoges. Quand ils répondent, ils lui expliquent qu’il devrait être bien content d’avoir un rendez-vous en décembre, que chez eux ce ne sera pas avant janvier.
Au détour de nos multiples appels on nous donne le truc : attendre dimanche, faire le 15 qui le mettra en contact avec le dentiste de garde qui devrait le recevoir même si cela risque de se solder par un arrachage de dent... Le CHU organise des rendez-vous de stomato pour les personnes atteintes de cancer (ce qui est le cas en l’occurrence), ils font des diagnostics, à la rigueur des extractions mais pas de soin. Le CHU a donc un service dentaire... qui ne fait pas de soins !
À la clinique de la CPAM : rien. Appel en dernier recours auprès d’un centre privé de l’urgence dentaire (non conventionné et donc non pris en charge par la sécu) qui propose de rappeler la semaine suivante. J’évoque (poliment et calmement) la notion d’urgence différée et me fait traiter de patiente agressive. Fin de la conversation, au revoir.Fort heureusement après des auto-soins et de bonnes doses de paracétamol, la douleur a cédé et il ira voir le dentiste en décembre.J’en déduis que les dentistes ont leur plein de patients et n’en veulent pas d’autres. Ils ne sont pas organisés pour l’urgence et on ne peut avoir accès aux soins urgents que le dimanche. La garde n’est pas faite pour cela : elle doit assurer les soins urgents du week end mais pas ceux de la semaine !
Blaireau fâché
Auto-construire pourquoi ? Quelle question ? Tout le monde ne peut pas construire sa maison. Et au risque de paraître prétentieux il faut un peu de connaissances, un certain goût du risque et un minimum de condition physique. Mais rien n'est impossible à celui, "l'humain", qui veut, celui qui cherche, celui qui pousse la réflexion jusqu'à mettre en doute ce que cette maudite société de consommation nous propose avec insistance : emprunter pour des années en faisant travailler des banques qui au passage vous ponctionnent en payant des constructeurs souvent peu scrupuleux qui exploiteront quelques sous-traitants pour faire un travail vite fait et pas souvent bien fait qu'on n'a pas toujours la compétence de contrôler, et j'en passe …
Nous sommes conditionnés par un mode de penser dicté par l'école, l'éducation parentale, la télé etc. On nous pousse à consommer, on nous rend inapte.
Pourquoi chercher, quand on vous trouve la solution ? Notre culture s'effrite pour engrosser des lobbys.
Auto construire c'est se débrouiller seul en grande partie, se prendre en charge, se tester, imaginer, dessiner, calculer, pour concevoir sa maison selon ses propres envies.
Et même si vous vous trompez quelque part, ça n'est pas la fin du monde… Seul notre orgueil en sera affecté, pour le reste, tout se corrige … Nos réalisations nous enrichissent même si elles comportent des erreurs.
Vous me direz qu'il faut bien faire marcher le commerce, faire avancer le monde.
Oui mais a quel prix ? En avons-nous les moyens ?
Quel monde voulons nous faire avancer ?
Il vous plait, ce monde régi par l'argent où toutes les formes de profits s'imposent au détriment de notre santé ?
Souvenons nous des scandales de la vache folle, de l'amiante, des hormones de croissance. Redevenons responsables et cessons de nous en remettre à cet autoritarisme que seul le profit motive. Ce monde où l'on consomme à outrance à la recherche d'un confort illusoire que nous obtenons en polluant, jetant et gâchant sans nous soucier des lendemains laborieux que vivront nos enfants à corriger nos erreurs, sans nous soucier des trois quarts du globe qui bien loin de ce relatif confort, essaient simplement de survivre …
Le futur n'est possible que si nos erreurs passées se corrigent au présent.
Ce monde où les trois quarts de l'humanité sont touchés par la pauvreté alors que le quart restant se gave sans souci de celui ou celle qui se meurt de n'avoir plus rien.
Peut être pensez vous que je m'égare …
Non, je vous assure que non. Construire sa propre maison court-circuite bien des formes d'exploitation de l'humain et, par là même, l'emprunt que vous ferez à la banque sera moins conséquent.
La sueur chaude qui coulera quand vous bâtirez aura beaucoup moins d'impact que la sueur froide d'une traite impayée.
Commençons par démystifier l'auto construction.
Quand on entreprend de construire son logement quel que soit le pourcentage de travaux que vous allez réaliser c'est d'abord dans un souci d'économie que vous allez travailler par vos propres moyens. Et de plus, à quoi bon copier la construction traditionnelle en utilisant des matériaux polluants produits dans des usines qui ne le sont pas moins ?
Après notre couverture épidermique et nos habits, la maison est notre troisième peau. Alors pourquoi lui donner les moyens de nous empoisonner sournoisement en employant des matières comme le PVC, les peintures, le polystyrène, les laines de verre ou de roche, et j'en passe ?
Il est reconnu aujourd'hui que ces matériaux installés dans nos maisons libèrent des poisons pendant des années, sans compter qu'ils sont chers et produits à grand renfort de ces fumées qui génèrent tant de soucis dans nos villes.
Je me souviens de mon père dont le métier était de poser des faux plafonds utilisant des plaques contenant de l'amiante. Je me souviens l'avoir interpellé, moi, jeune fiston tombé dans la marmite écolo abreuvé de mes lectures de "baba-cool".
Aussi il s'était offusqué de mes propos, si ces plaques étaient vendues dans le commerce il n'y avait rien à craindre, tout est contrôlé, tout est vérifié …
Quand aux matières comme la laine de verre, la laine de roche, le PVC et toutes ces peintures, lasures et autres produits soi disants miracles, que l'on nous vante à grand renfort de publicité, je suis persuadé qu'elles connaîtront le même sort à court terme.
Des années plus tard, cet ami Paul (celui qui avait accompagné mon père comme tâcheron dans cette aventure qui n'en était pas une puisque leur souci était de nourrir leur famille), Paul est mort de ce fameux cancer de l'amiante. Paul est mort d'avoir fait confiance.
Coupable d'avoir travaillé pour gagner sa vie, c'est un comble !!!
Où est l'erreur ?
La nature nous apporte tout ce qu'il faut pour couvrir nos besoins en matière de construction comme ailleurs. Il suffit de se creuser un peu la tête, de chercher, et de retrousser ses manches en ayant se petit côté aventurier qui fera que votre maison ne ressemblera à aucune autre. Ce sera la vôtre, à dix, quarante ou quatre vingt pour cent, peu importe, mais elle sera la vôtre.
De plus votre bourse s'en trouvera moins démunie je vous l'assure.
Ce besoin ancestral de nous protéger des rigueurs du climat, ne nous incite-t-il pas à employer des matériaux sains et donc sans danger pour notre santé quand on sait que nous passons la plus grande partie de notre vie sous cet abri ?
Est-il possible aujourd'hui de se bâtir une maison confortable pas trop chère, saine, et qui sera économique à l'usage car très bien isolée ?
Est-il possible de construire une maison avec des matériaux naturels qui n'ont rien à envier à ceux que l'industrie nous propose ?
Bien sûr que si ! Mais il nous faut revenir à une époque où la maison était construite par le futur habitant, avec des matières qu'il trouvait sur place, comme la terre, la pierre, le bois, la paille, etc. Et que se soit la chaumière de Normandie ou la masure en pierre du Limousin, le coût de la construction ne justifiait pas un emprunt conséquent à la banque.
Aussi il n'est pas question pour moi d'être passéiste, mais au contraire de regarder vers un futur plus raisonnable, gardant les techniques économiques et écologiques d'hier pour les moderniser et les adapter aux besoins d'aujourd'hui.
Rêvons d'un futur sans argent, où l'échange de services entre gens, aussi noble et chargé de bon sens, servirait à construire ensemble.
Ma maison est en bottes de paille, un concept développé par les pionniers américains dans les années 1900. Ils édifièrent d'abord des granges puis leurs habitations, empilant les bottes de paille avec ou sans ossature bois. Mais l'ère industrielle avec le lobby des cimentiers entre autres, entraîna la construction paille en désuétude pour quelques années.
Mais voilà que depuis, les limites de cette industrialisation effrénée nous apparaît finalement comme une hérésie. Depuis, la construction paille revient en force.
En effet, quel matériau peut allier l'économie, l'écologie, un fort pouvoir isolant tout en rendant une maison saine ?
Cette merveille c'est la paille. Construire des murs en paille dans une ossature bois est rapide et relativement simple il suffit de les enduire de terre ou de chaux pour avoir une maison saine et sûre, car des tests en Allemagne et ailleurs ont prouvé que la résistance au feu à une température de 1000 degrés est de une heure et demi sans que la paille ne s'enflamme.
Le pouvoir isolant d'une botte de paille est équivalent à trente centimètres de laine de verre.
Quant à la résistance de la paille dans le temps, la plus vieille construction a 100 ans et est encore en très bon état. La paille à l'abri de l'humidité est quasiment indestructible puisque chargée de silice. Quelle revanche pour ce sous produit agricole qui sert de litière aux animaux et que l'on brûle parfois. Bref, la fable des trois petits cochons n'est qu'une histoire …
Voilà en gros pour ce qui est de la paille. Pour ce qui est des finitions, les peintures aux pommes de terre, au lait, à la terre, à la farine, aux oeufs, à l'huile de lin etc., ne sont pas une blague mais bien des substituts naturels aux cocktails poisons proposés dans le commerce.
Les cloisons intérieures se composent d'une structure bois avec remplissage par banchage d'un mélange de chaux, d'anas de lin (résidus du lin après filature), et de sable enduits avec de l'argile. L'isolation du plafond est faite de trente centimètres de laine de mouton brute car le suint la protège des insectes. Quant à l'odeur, elle n'a jamais été perceptible dans la maison. Les murs extérieurs sont recouverts de trois couches de tuf et de chaux. Enfin la toiture sera recouverte de bardeaux-planchettes en châtaigner. Le bois, la paille, le tuf et l'argile qui ont servi en grande partie à la construction ont été achetés et récupérés dans le secteur proche, d'où une diminution évidente du coût engendré par le transport.
La construction a débuté en Juillet 2004 et j'ai emménagé en octobre de la même année dans une maison hors d'eau, hors d'air, isolée et chauffée. Aujourd'hui je pense finir la construction en Juillet 2005.
Tout cela est un échantillon de ce qui compose ma maison et je n'ai dépensé en matériaux que 23 000 euros pour la construire. 225 euros (1500 frs) du mètre carré qui dit mieux ?
Mon souhait aujourd'hui est de susciter, d'accompagner ce genre de construction, et ma porte sera grande ouverte à qui veut voir.
Le Limousin n'a pas bénéficié comme d'autres régions de cette richesse éphémère procurée par l'industrie et l'agriculture intensive, mais sa richesse est ailleurs, car relativement préservée des différentes pollutions engendrées par cette évolution insensée.
Cette si belle contrée ne refleurira que par vous, messieurs les décideurs élus de tous bords. Des infrastructures adaptées à notre temps sont nécessaires en Limousin puisque absentes. Une crise du logement se profile, due à la montée fulgurante du prix des maisons anciennes et des terrains constructibles qui deviennent de plus en plus rares
L'auto-éco-construction est le moyen pour des petits budgets d'accéder au logement et donc de repeupler le Limousin qui pourrait d'ailleurs devenir un modèle … Alors si le but de votre mandat est d'être au service du peuple, Mesdames et Messieurs les élus… S'il vous plait ! SERVEZ LE.
à Hervé …
Depuis quelques mois le débat sur la démographie médicale s’étale dans toute la presse locale, régionale et nationale, et singulièrement en Creuse. Dans son numéro de l’hiver 2006-2007 IPNS en avait parlé au sujet de la région de Felletin rappelant à l’occasion la nécessité d’une organisation équilibrée et équitable d’un système de santé à l’échelle du territoire national et donc la définition d’une politique de santé publique.
Au début du mois de janvier 2008 c’est au tour de la ville de Guéret de s’inquiéter alors que deux généralistes et un pédiatre partent à la retraite sans bien assurer leur succession et que l’âge avancé de leurs confrères risque de rendre la situation très préoccupante à plus ou moins court terme. Et depuis il ne s’écoule pas de semaine sans que la presse alerte l’opinion publique sur le désert médical creusois.
Le déficit médical creusois en médecins généralistes et plus encore en spécialistes est une certitude. Les chiffres en sont cruellement révélateurs : quand il y a 174 médecins spécialistes pour 100 000 habitants en France il n’y en a que 74 en Creuse pour la même population, et comme celle-ci est aussi proportionnellement plus âgée elle est davantage demandeuse de soins de santé. D’ailleurs cette pénurie n’affecte pas que le corps médical, elle touche l’ensemble des acteurs de santé, que ce soient les infirmières, dentistes, ophtalmologistes, manipulateurs de radio, kinésithérapeutes, sages-femmes, etc.
Une telle situation n’est pas spécifique à la Creuse ; elle est préoccupante à l’échelle de tous les départements à dominante rurale. Elle nécessite l’invention d’une politique de santé publique. Mais les réponses de l’Etat sont désespérément vides de bon sens. Et pour en rester à la Creuse les propositions de la ministre de la santé publique sont désastreuses pour ne pas dire outrageantes. Lors du congrès national d’un syndicat médical, des jeunes médecins s’interrogeaient sur un projet de texte susceptible de leur imposer des installations en zone déficitaire. Cette bêtasse de Roselyne Bachelot n’a rien trouvé de mieux à déclarer : “Oh, on ne va pas vous obliger à vous installer en Creuse !“. Notre ministre bonasse - selon les dires d’un de ses parents creusois - ne faisait que reprendre ce qu’elle avait lu sur les calicots des internes en médecine manifestant à l’automne dernier pour le droit à leur liberté d’installation sur le territoire : “Tout sauf Guéret“, “Jamais en Creuse“. Il est à craindre que cette carence d’intelligence politique combinée avec un corporatisme non moins pitoyable du monde médical ne favorisent guère les quelques solutions qui s’ébauchent ici et là. Gageons que les projets creusois de “maison médicale pluridisciplinaire“ de proximité comme il en existe à Gouzon, La Courtine ou Faux la Montagne assureront demain un véritable service de santé publique.
Tout est parti de la mise en vente de la maison où le médecin de Faux-la-Montagne a son cabinet depuis toujours. La praticienne n’envisageait pas de racheter le bâtiment et risquait donc de quitter la commune. Mais, même si elle avait acheté, la question se serait reposée pour son successeur, à l’heure de la retraite. Ce dernier aurait du s’endetter pour racheter les murs du cabinet au moment où jeune médecin il n’aurait guère les reins (financiers) très solides... Quand on sait la faible attractivité pour un jeune diplômé d’un cabinet généraliste à la campagne et que peu de médecins se voient exercer dans un isolement professionnel difficile, la Communauté de communes a pensé qu’il était de son devoir de relever le défi.
“En considérant que nous avons deux bassins de vie sur la Communauté, explique Thierry Letellier, son président, nous avons décidé de créer une maison médicale qui aurait deux antennes : l’une sur Faux-la-Montagne et l’autre sur Peyrelevade.“ Concrètement deux bâtiments vont être rénovés, une maison dans le bourg de Peyrelevade et un ancien restaurant dans celui de Faux où seront installés la maison médicale et les nouveaux locaux de la mairie.(photo ci-dessus)
Sur chacun des deux sites quatre à cinq cabinets seront disponibles. Ainsi, à Peyrelevade, en plus des deux médecins pourraient s’installer d’autres professionnels, comme à Faux : un kiné, un dentiste (même temporaire), des infirmières ou tout autre spécialiste. De plus un logement est intégré afin de pouvoir héberger un remplaçant ou un stagiaire.
Cette bipolarité qui fait l’originalité du projet du plateau de Gentioux n’a pas convaincu le Conseil Général de la Corrèze qui a émis un avis défavorable. Par ailleurs la région a commandité une étude pour en établir la pertinence. C’est à l’issue de celle-ci que les financements publics, à hauteur de 50 à 60% des 650 000 euros des deux opérations, pourront être débloqués (Etat, région, Agence régionale d’hospitalisation et Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins).
Une maison médicale doit en effet obtenir ce label, régional et national, pour recevoir les aides publiques. Plusieurs conditions sont nécessaires dont la présence de plusieurs professionnels et la mutualisation entre eux de certains outils.
Dans une profession assez individualiste le pari est osé de faire travailler ensemble plusieurs praticiens. Mais si l’on en croit d’autres banderoles également vues lors des manifestations des internes en octobre 2007, il répond peut-être au désir de certains. Le médecin de campagne d’hier ne sera certainement pas celui de demain.
Depuis le plan hôpital 2007, les hôpitaux sont financés par ce qu’on appelle la tarification à l’activité : la T2A. Il s’agit d’un système de financement de l’ensemble des établissements de santé (publics et privés) basé sur l’activité médicale réalisée. Le principe est le suivant : chaque séjour hospitalier est codé en fonction du diagnostic. Le ministère définit chaque année un tarif par code et c’est sur cette codification que l’assurance maladie rembourse l’établissement. Cette méthode pose un certain nombre de problèmes.
Premier problème : elle génère une course à l’activité des établissements pour augmenter ou simplement maintenir leur budget. Il faudrait une augmentation de l’activité d’au moins 3 à 4 % tous les ans pour pouvoir maintenir la ressource financière d’une année sur l’autre, car, dans le même temps, les tarifs baissent tous les ans afin de “contenir“ les dépenses de santé.
Deuxième problème : toutes les activités ne sont pas valorisées de la même manière. Ainsi, l’acte technique est bien rémunéré, mais la prévention ou la longue prise en charge (psychiatrie, maladies chroniques, suivi des personnes âgées) le sont beaucoup moins, voire pas du tout, avec pour conséquence le risque de voir certains établissements choisir leurs patients. Or, l’hôpital ne peut pas se spécialiser dans les activités rémunératrices et délaisser les autres, au risque de faillir à sa mission de service public. La T2A place donc immanquablement l’hôpital en situation de difficulté financière.
Troisième problème : la T2A entraîne une “compétition“ malsaine entre les hôpitaux afin d’avoir le plus possible d’activité. La conséquence immédiate est que quasiment tous les hôpitaux publics français ont des difficultés budgétaires chroniques depuis sa mise en œuvre. En 2017, le déficit des hôpitaux était compris entre 1,2 et 1,5 milliard d’euros, soit deux fois plus qu’il y a dix ans.
Le Centre hospitalier de Haute-Corrèze (CHHC) subit de plein fouet les effets de la T2A.
Les tarifs qui baissent tous les ans associés au manque de praticiens hospitaliers salariés (d’où un recours aux médecins intérimaires, ce qui augmente le budget personnel de façon conséquente) et à une démographie faible et âgée (peu d’habitants sur la zone de rayonnement de l’hôpital) font que le déficit budgétaire augmente d’année en année. Le financement avec la T2A d’un hôpital de petite taille comme l’hôpital d’Ussel est complètement inadapté. Il ne peut qu’être en difficultés financières.
Cette situation a des conséquences importantes sur le fonctionnement : pression sur les personnels, ajustement quotidien des effectifs au taux d’occupation des lits, renouvellement et investissement du matériel réduits au maximum, gros travaux reportés d’année en année… Pour l’Agence régionale de santé (ARS), il faut restructurer pour réduire les dépenses, autrement dit réduire les lits, ou pour réduire le personnel (considéré comme une variable d’ajustement puisqu’il représente 68 à 70 % du budget suivant les hôpitaux). Nos dirigeants oublient que l’hôpital est une entreprise de main d’œuvre, qu’il faut du temps pour soigner et que la prise en soin d’un malade n’est pas qu’une succession de gestes techniques réalisés les uns derrière les autres. L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) fixe le niveau des dépenses d’assurance-maladie à 2,5 %. Or, il faudrait le passer à minima à 5 % pour permettre de financer l’activité normale des établissements. Un hôpital comme celui d’Ussel doit être vu dans un cadre “d’aménagement du territoire“ et pas seulement sur des critères financiers.
Oui, les femmes de Haute-Corrèze et des départements limitrophes peuvent donner naissance à leur enfant à l’hôpital d’Ussel où les mamans et les bébés seront “cocoonés“. Des fausses informations circulent depuis déjà quelques années à ce sujet. Cependant, cette petite maternité, à taille très humaine, est fortement menacée (en lien avec le nombre de naissances relativement faible). L’argument avancé est la sécurité. La maternité de l’hôpital est une maternité de niveau 1, c’est-à-dire qu’elle passe le relais à Tulle, Limoges ou Clermont (selon la pathologie) dès que cela dépasse ses compétences et attributions.
L’hôpital n’est pas un ensemble de services de soins mis les uns à côté des autres. Lorsqu’une maternité ferme, c’est, dans 9 cas sur 10, une modification importante de l’offre de soins de l’hôpital avec un accueil aux urgences réduit, la fermeture du bloc opératoire la nuit et le week-end et ensuite, dans les 5 ans, la fermeture des services de chirurgie. L’hôpital est un tout ! Chaque service assure la pérennité des autres services surtout quand cet hôpital est de petite taille comme le CHHC. Si la maternité devait fermer, combien de temps pour atteindre le lieu d’accouchement pour la future maman ? Au minimum 1 heure s’il fait beau. Combien d’accouchements sur la route dans la voiture ou le camion des pompiers (2 en six mois à Bort-les-Orgues en 2019) ou à domicile ? Et dans ces conditions, que fait-on de la sécurité pour les femmes et les bébés ?
En juillet 2019 la loi “Ma santé 2022“ a été votée par le parlement. Elle prévoit la création de 500 à 600 hôpitaux de proximité pour 2022. Mais qu’est qu’un hôpital de proximité selon la ministre ? Ces hôpitaux de proximité assureront de la médecine générale, de la gériatrie et de la réadaptation, mais aucune activité d’obstétrique et de chirurgie, si ce n’est uniquement à titre dérogatoire et sur autorisation expresse de l’ARS. La liste sera établie par ordonnance ministérielle. Ces hôpitaux de proximité correspondent aux hôpitaux locaux actuels comme celui de Bort-les-Orgues en Corrèze.
Le danger est réel pour l’hôpital d’Ussel qui est un hôpital de territoire. Il reçoit des patients du sud-est de la Creuse (La Courtine, Aubusson), du sud du Puy-de-Dôme (Giat, Bourg-Lastic, Le Mont d’Or, Bagnols), de l’ouest du Cantal (Ydes, Lanobre…), et bien sûr de la Haute-Corrèze, jusqu’à Egletons. Une étude réalisée par l’Observatoire de la Santé de Nouvelle Aquitaine en 2017, fait un état de la santé de la population pour la communauté de communes de Haute-Corrèze par rapport à l’ensemble de la Nouvelle Aquitaine. Les chiffres sont parlants et préoccupants : surmortalité par cancers, décès avant 65 ans supérieurs à la moyenne régionale, de même pour les suicides et les décès liés à l’alcool et au tabac, le nombre d’allocations longue durée est là aussi supérieur à la moyenne régionale (voir encadré). Tous ces chiffres semblent en lien avec la précarité de la population, la difficulté d’accès aux soins (transport et médecins spécialistes). Les habitants de ce territoire doivent pouvoir bénéficier d’une réponse hospitalière adaptée à leurs besoins. C’est ce que dit la ministre : il faut “répondre aux attentes des patient.e.s“. Alors quelle conséquence pour ce territoire si l’hôpital d’Ussel devient hôpital de proximité ? Chacun peut évaluer les conséquences d’une telle décision.
L’hôpital public n’est pas un bien individuel des directeurs d’hôpitaux, ni des personnels, ni des politiques. C’est un bien commun financé par nos cotisations sociales, les impôts, les mutuelles… L’hôpital appartient à la population du territoire sur lequel il se situe. Cette population doit le faire vivre en utilisant au maximum les offres de soins qu’il propose qui sont souvent méconnues de la population. Chacun doit donc se sentir concerné par l’évolution envisagée du système de santé hospitalière sans compter que l’hôpital a également un rôle économique important puisqu’il représente 570 salariés en plus d’environ 50 médecins.
En juillet 2020 l’APAJH, l’association gestionnaire du foyer d’accueil médicalisé de Gentioux, a annoncé qu’elle allait quitter Gentioux en 2023 pour une ville plus importante.
Deux raisons à cette décision : l’association en a marre d’être « prise en otage » dans les querelles de la communauté de communes Creuse Grand Sud, propriétaire des bâtiments, mais aussi, selon Patrick Colo, président de l’APAJH, le nouveau foyer d’accueil médicalisé sera mieux « adapté aux besoins de nos résidents en particulier sur l’aspect de l’inclusion dans un centre urbain. L’isolement de ces personnes à Gentioux leur interdit d’exercer leur citoyenneté en étant membres à part entière de la vie sociale.
Sans parler de l’accès très compliqué aux services de toutes natures qu’ils sont en droit d’attendre de la société : santé, culture, commerces, sport adapté » (La Montagne, 15 juillet 2020).
C’est cette seconde raison qui a fait réagir Alain Détolle, conseiller communautaire de Creuse Grand Sud : « Le terme inclusion utilisé comme un étendard pour justifier l’éventuel transfert du foyer de Gentioux me pose question. Inclusion dans quoi ? Pour quoi ? Il sous-entend que le fait de vivre dans une zone rurale ne permettrait pas d’être inclus et donc que les habitants de ces zones, quels qu’ils soient, sont des exclus. Et que l’inclusion n’est possible que dans le cadre de centres urbains denses, seuls capables de satisfaire tous les besoins d’un être humain « inclus ».
Est-ce que le transfert du foyer vers un « micro centre urbain » comme Bourganeuf, Felletin ou même Aubusson suffira ? Il est en effet notoirement connu que ces centres ne peuvent répondre à tous ces « besoins » d’inclusion, loin de là, faute d’une diversité de services suffisants. Il faudrait donc envisager le transfert de tous les foyers mais aussi de toutes les populations de ce rural profond vers de vrais centres urbains, riches de tous les services nécessaires pour assurer une véritable inclusion telle que l’entendent ses promoteurs.
De ce point de vue, seules les grandes métropoles sont à même de proposer les services suffisants ! À rebours d’Alphonse Allais, pour inclure il faudra donc, non pas construire les villes à la campagne mais bien transférer les campagnes à la ville.»
C’est le printemps, le moment de récolter l’eau de bouleau. En effet, c’est lors de cette période que la sève remonte dans l’arbre. Cette boisson végétale est considérée comme un élixir de jouvence bénéfique pour l’organisme, et plus particulièrement à la sortie de l’hiver. Il est bon à savoir qu’un arbre en forêt bénéficiera d’un sol plus riche qu’un arbre dans une prairie. Pour récolter de la sève de bouleau, vous devez percer un trou dans le tronc de l’arbre. Réalisez-le à sa base, au plus près du sol et donc des oligo-éléments.
La sève prélevée sera alors plus riche ! Afin que votre récolte reste fraîche et consommable, il est conseillé de la récupérer tous les jours afin de mettre la sève au frais dès que possible.
En effet, la sève de bouleau contient de nombreuses bonnes bactéries bénéfiques pour la santé, mais avec la chaleur, de mauvaises bactéries peuvent se développer rapidement. Pour que votre sève de bouleau reste fraîche le plus longtemps possible durant la récolte, placez le contenant sur le sol, au pied de l’arbre. La terre est un frigo naturel surtout en cette saison. Vous aurez alors plus de chance de respecter la chaîne du froid et éviter que la sève chauffe. Afin de conserver votre sève de bouleau, stockez-la dans une bouteille que vous remplissez à ras bord. Cela évitera que cette boisson soit en contact avec de l’oxygène et donc qu’elle s’oxyde.
L’oxydation est responsable de la dégradation de certains aliments et entraîne le développement de mauvaises bactéries dont certaines comportent des risques pour la santé.
Un verre chaque matin, à consommer sans modération !
A chaque problème, sa technosolution : pour lutter contre les déserts médicaux, la SNCF a annoncé le 17 novembre 2023 vouloir installer d’ici 2028 des centres de télémédecine dans environ 300 gares, situées dans des zones « caractérisées par une offre de soins insuffisante et une difficulté d’accès aux soins ». Ce centre de télémédecine sera en fait un box de chantier de 15m² dans lequel le (ou la) patient(e) sera accueilli(e) par un(e) infirmier(e) diplômé(e) d’État, qui l’accompagnera tout au long de la consultation effectuée à distance « par un médecin exerçant sur le territoire français ».
Mais quel est le rapport entre la SNCF et la médecine me direz-vous ? Eh bien, rappelez-vous cette « fameuse » année 2020 : des boxes de chantier inutilisés avaient été déposés sur le parvis de nombreuses gares, transformés en éphémères centres de dépistage de la COVID-19. Cette opération avait été menée par Loxamed, joint-venture entre le loueur de matériel de chantier Loxam et la société Capitello Med, spécialiste en « nouvelles solutions médicales ultra-connectées ». La SNCF et Loxamed, ravis de ce « succès », ont dès lors décidé de continuer leur petit bout de chemin ensemble, au service du bien-être de la population. D’ailleurs, « ce projet est ardu mais c'est une nécessité pour la communauté » proclamait fièrement sur BFM Business le président de Loxamed Arnaud Molinié, par ailleurs proche d’Arnaud Lagardère et de Thierry Bolloré.
Peu de temps après cette annonce, on a assisté à une levée de boucliers du côté de l’Ordre des Médecins qui a exprimé dans un communiqué « sa très profonde inquiétude quant au développement d’une telle activité commerciale et économique de la Santé, élément de sa financiarisation déjà à l’œuvre. Cette évolution de l’offre prend par ailleurs la tournure d’une véritable dérégulation de notre système de santé. Elle consacre de fortes inégalités territoriales d’accès aux soins, avec certains territoires qui seront encore un peu plus considérés comme de second rang, sans compter ceux éloignés de toute gare ». Même son de cloche du côté du syndicat de médecins libéraux UFML qui dénonce « la mainmise de la financiarisation sur le soin qui ne vise qu’à développer une médecine low-cost très lucrative pour ces entreprises (...) Il ne peut y avoir de bonne médecine faite de consommation presse-bouton à distance d'un médecin qui ne connaît pas le patient ». Entreprises qui espèrent bien évidemment bénéficier du soutien et de l’argent publics, via les Agences Régionales de Santé (ARS) et les collectivités locales, pour mettre en place ce nouveau projet...
Et pendant ce temps, l’hôpital public continue de crever à petit feu… Dans une tribune publiée dans le Monde juste avant cette affaire, 1200 soignants (aides-soignants, infirmiers, sages-femmes, médecins hospitaliers) dénonçaient les « dilemmes éthiques intenables » auxquels ils sont confrontés faute de lits et de personnel. Ils rappelaient que 80000 lits d’hôpitaux ont été supprimés entre 2003 et 2019 et que l’été dernier les services d’urgence de 163 villes de France ont fermé leurs portes ponctuellement, faute de personnel. Plus précisément, près d’un service d’urgence sur deux a fermé au moins une fois cet été, selon une enquête du syndicat Samu-Urgences de France.La crise de l’hôpital public est devenue permanente et sciemment entretenue par le pouvoir en place. La privatisation de la santé, ainsi que la réforme des retraites, celle de l’assurance-chômage, la loi plein emploi et le récent vote du Sénat supprimant l’aide médicale d’État aux sans-papiers dans le cadre du projet de loi immigration, visent un seul et même objectif : racketter et exploiter les pauvres jusqu’à la moelle, puis, lorsqu’ils deviennent malades / vieux / improductifs, les laisser crever.
Les conséquences de ces politiques ont été dramatiques pour l’hôpital public qui doit composer avec un mode de tarification et de gouvernance totalement inadapté qui font qu’il est au bord de la rupture. Les tensions y sont de plus en plus fortes, le dialogue devient difficile entre une administration axée uniquement sur des résultats comptables et des soignants revendiquant la dimension éthique de leur métier. La démocratie est moribonde, elle n’est plus qu’un gadget qui peine à cacher le processus de technocratisation de l’hôpital. Ces politiques ne sont plus fondées sur la recherche de l’amélioration du bien-être physique et psychique des individus, elles ne parlent plus que de performance, de productivité, de compétitivité, de rentabilité.
Les soignants, déstabilisés par des injonctions paradoxales permanentes, constatent au quotidien les effets pervers de ces pratiques qui obligent les établissements à ajuster leurs « stratégies de développement » et leurs « coûts de production » aux lois du marché de la santé. Cette situation entraîne une importante dégradation des conditions de travail et des salaires de l’ensemble des personnels et une augmentation de la souffrance au travail. Si on y ajoute la précarisation qui se généralise avec des titularisations repoussées et l’utilisation massive de la contractualisation, on rend l’hôpital public de moins en moins attractif. Cette situation provoque également une fuite inquiétante des soignants et des problèmes de recrutement qui deviennent dramatiques. Cette obsession de la productivité et de la rentabilité fait que notre système de santé n’assure plus l’égalité d’accès aux soins partout et pour tous et que l’on voit progressivement disparaître la notion de solidarité qui en constitue le fondement.
Il est essentiel de conforter nos analyses au-delà de la simple dénonciation avec pour ambition de proposer une vision différente et un projet à contre courant de la pensée dominante. Pour cela, seule la mobilisation des professionnels mais surtout de l’ensemble de la population peut imposer ces indispensables changements. La santé n’est pas seulement l’affaire « d’experts » qui, par l’invocation de la « fatalité des faits », l’exhibition de statistiques fallacieuses ou l’appel au « bon sens gestionnaire » veulent empêcher tout débat démocratique. Il faut impérativement revenir sur les valeurs mercantiles imposées au monde de la santé par une technocratie gestionnaire, et qui ne se justifie nullement par des contraintes économiques mais par des choix politiques. La défense de notre système de santé passe par deux axes majeurs : la défense de l’hôpital public et la défense de la sécurité sociale.
Il ne s’agit pas de penser nos besoins autour d’un modèle uniquement hospitalo-centré. Il n’y a pas la ville d’un côté et l’hôpital de l’autre, mais un tout. L’hôpital doit investir de nouveaux champs d’activité, travailler de pair avec la médecine de proximité, dans sa dimension curative mais surtout préventive, en incluant les médecines alternatives. Mais c’est l’inverse qui se produit avec les dernières lois. La loi Touraine a mis en place depuis juillet 2016 les groupement hospitaliers de territoire. Concernant le Limousin, ce sont les 18 hôpitaux de la région qui sont regroupés sous l’égide du CHU de Limoges désigné hôpital support. Cette situation va modifier encore l’offre publique de soin de la région. Des fusions voire des fermetures d’établissements auront lieu avec des conséquences dramatiques tant pour les personnels qui se verront imposer une mobilité forcée, que pour les usagers qui se déplaceront encore davantage. L’hôpital ne pourra pas tout gérer si on fait le vide autour de lui. Quand à la loi Buzyn, elle pousse encore plus loin cette logique et compte créer, d’ici 2022, 500 à 600 hôpitaux dit de proximité. Derrière ce terme positif se cache une tout autre réalité : les hôpitaux de proximité se verront amputés de leur maternité et de leur chirurgie, cantonnés aux soins de suite et de réadaptation, aux unités de soins de longue durée, aux urgences éventuellement, et, sur autorisation des Agences régionales de santé, ils pourront pratiquer certaines interventions. C’est le cas à Ussel pour la chirurgie du cristallin, où, dans le cadre d’un partenariat avec la clinique Chénieux de Limoges, des praticiens viennent une fois par semaine opérer à l’hôpital avec dépassements d’honoraires à la clef.
Ce sera le prochain chantier du gouvernement que de « réformer » le système, évidement pour l’améliorer et le rendre plus efficient. En réalité, pour le démanteler. En utilisant le thème du « trou de la sécu », le gouvernement veut désengager la sécurité sociale du financement des soins courants pour la recentrer sur le financement des soins lourds et des soins aux plus démunis. Les soins courants seront de plus en plus à la charge des personnes, ce qui aggravera les inégalités sociales d’accès aux soins. On voit poindre là une privatisation rampante au profit des assurances privées. La sécu a davantage un problème de recettes que de dépenses. Les exonérations dont bénéficient les entreprises, au nom d’une compétitivité qui a le dos large, ont réduit de plus en plus ses recettes que le gouvernement a essayé de compenser par la création de nouveaux impôts comme la CSG (contribution sociale généralisée) ou le RDS (remboursement de la dette sociale), impôts payés uniquement par les salariés alors que ce sont leurs entreprises qui bénéficient des exonérations. Le tout sans augmentation des salaires qui, mécaniquement, contribuerait à l’augmentation des recettes de la sécu. Or, l’ensemble du système de santé est financé par l’assurance maladie, plus on diminue ses recettes, plus on l’étrangle. Notre système de protection sociale a été fondé sur la solidarité des bien-portants et des malades, sur l’accès de chacun, en fonction de son état de santé, aux mêmes prestations, sur un financement unique par des prélèvements sur l’ensemble des revenus et proportionnés à leur montant. C’est ce régime général que nous devons défendre contre sa privatisation partielle au profit des assurances, qui aboutira à une médecine à deux, trois ou dix vitesses selon le contrat dont on bénéficiera.
Le Syndicat de la Montagne limousine a créé un groupe santé qui se donne trois objectifs principaux :
L’enjeu est de taille : il s’agit de défendre et d’améliorer notre système de santé qui doit répondre aux besoins de tous partout.
Il y a d’abord des habitant-es qui organisent, pour eux et elles-mêmes, des « formations » en faisant venir des intervenant-es. Le collectif Millefleurs, dont l’activité sera ensuite reprise par l’association Pas à pas - Partage des savoirs populaires et parentaux, va ainsi, à partir de 2005, organiser des sorties sur les plantes sauvages médicinales, des ateliers sur l’homéopathie, la place des tisanes et des teintures-mères dans la pharmacie familiale, des conférences sur l’alimentation, des stages sur l’usage des huiles essentielles, etc.
Pas à pas organisera aussi un événement de grande ampleur en 2007 à Peyrat-le-Château : « Naître et grandir en Limousin », deux jours autour de la grossesse, la naissance et l’éducation. On y croisera entre autres des sage-femmes pratiquant l’accouchement à domicile, des conseillères en allaitement, un ostéopathe du nouveau-né. Plus tard, vers 2011, c’est dans le même esprit qu’une vingtaine de femmes, de la Montagne et d’ailleurs, solliciteront une naturopathe suisse spécialisée dans la santé des femmes pour les former à sa pratique sur une dizaine de week-ends.
Dans une veine proche, mais avec plus de publicité, l’association d’éducation populaire Pivoine s’autosaisira, ou sera sollicitée par des habitants, autour de 2014, pour organiser des journées de formation, toujours dans l’idée de permettre à chacun-e de s’approprier son corps. Seront entre autres abordés la contraception et l’avortement, la peau et ses atteintes, le système musculo-squelettique, le décryptage des signes d’urgence chez les très jeunes enfants. C’est lors d’un de ces cycles sur le système reproducteur que germera l’idée de monter le Planning familial du plateau de Millevaches (cf encadré). Aujourd’hui, Pivoine propose toujours des formations aux premiers secours. À ce sujet, le nouveau conseil municipal de Gentioux propose qu’au moins un-e habitant-e de chaque village de sa commune maîtrise ces gestes de premiers secours pour pallier au, parfois trop long, temps d’attente des services médicaux d’urgence.
Par ailleurs, des praticiennes diverses, naturopathe ou même danseuse, ont proposé et proposent toujours des ateliers autour de l’anatomie et du soin : découvrir son corps par le mouvement, la petite pharmacie familiale, le soin aux jeunes enfants, le stress et la dépression. D’autres ont essayé pendant un an en 2017 d’animer un dispensaire ambulant de soins alternatifs gratuits (cf encadré). La même année, à La Renouée à Gentioux, des petits déjeuners dominicaux mensuels, ont permis à des habitant-es d’accéder au riche fonds documentaire de Pas à pas et d’échanger entre eux sur la santé et l’éducation.
Bien avant cela, en 2006, dans une démarche plus affirmée politiquement, un collectif installé à Faux-la-Montagne, accueillait dix jours de rencontres autour de « l’autonomie matérielle », et y déclinait un volet sur la santé. Parmi les thèmes abordés : « la médecine occidentale : son rapport à la maladie, au contrôle social sur les corps », « l’autonomie à l’égard de l’industrie pharmaceutique par la constitution de pharmacies alternatives », « la ré-appropriation de leur corps par les femmes (auto-examen gynécologique, démédicalisation de la maternité et de l’accouchement) », « la pluralité des approches du corps : une présentation de diverses pratiques ».
L’intervention qu’y fit un ergothérapeute suisse sur « les enjeux politiques des souffrances psychiques » et un atelier intitulé « questions autour des troubles mentaux et des relations entre les personnes dites troublées et leur entourage » font partie de la préhistoire du groupe d’entraide et de soutien psychologique (cf encadré). Ce dernier prendra corps dans la préparation, puis en aval, d’un événement organisé par Pivoine en 2011 : « 3 jours autour des souffrances psychiques… » Moment lors duquel une centaine d’habitants, de militants antipsy, de professionnels, de gens en difficulté ou proches de gens en difficulté se croisent dans des ateliers, des conférences, des jeux, des projections, des témoignages.
Plus récemment, c’est autour de la fin de vie et de la mort que se sont constituées des initiatives : l’association L’Arbre se concentre sur l’accompagnement de personnes en fin de vie (cf IPNS n°65) et l’association Par la racine sur la mort dans tous ses aspects (juridiques, culturels, pratiques…). Par la racine avait animé une semaine d’ateliers sur ce thème en amont du carnaval sauvage du Constance social club de l’automne 2019.
Dans le même temps, la Montagne limousine vit un double mouvement. D’un côté, la casse du service public de santé (cf IPNS n°70) couplée aux départs à la retraite de médecins généralistes que les jeunes médecins hésitent ou peinent à remplacer étant donné leurs conditions de travail (modèle du médecin de campagne solitaire et dévoué corps et âme à son travail). De l’autre, l’installation de jeunes praticien-nes en thérapies dites alternatives (ostéopathie, acupuncture, médecine traditionnelle chinoise, énergétique, etc.) alors que les traditionnels rebouteux tendent à disparaître. La recomposition du tissu de soins n’est pas gagnée : coopération ou concurrence entre soignant-es patenté-es et praticien-nes alternatifs ? Quelle place pour les usagers-habitants ?
À partir de 2010, des soignants de toutes obédiences se croisent dans plusieurs espaces, parfois aussi fréquentés par des profanes. Petit à petit, des relations de confiance se tissent. Ainsi, un groupe informel, mêlant une naturopathe, une énergéticienne, une ostéopathe, un kiné et une généraliste tout juste diplômée, se retrouve régulièrement pour échanger sur leurs pratiques, faire des ponts, et mieux s’adresser des patients. Ailleurs, au sein du groupe d’entraide psychologique, c’est une coopération fructueuse qui se met en place au fil des ans entre les membres du groupe, des professionnels de la psychiatrie publique, des médecins généralistes et des thérapeutes divers.
Ces dynamiques incitent Pivoine, sollicitée pour proposer quelque chose autour de l’épineuse question de la vaccination, à lancer un groupe de travail chargé de déblayer les questions de santé communautaire, d’immunité collective… Répondent à l’appel trois généralistes de différentes générations, un animateur du réseau des maisons de santé, une naturopathe, une infirmière, un ostéopathe et trois habitant-es. Si le groupe n’ira pas au bout de l’objectif, il aura successivement travaillé sur le système de santé zapatiste, les centres de santé autogérés grecs, la participation en santé de proximité et sur l’immunité.
De tous ces espaces naissent une reconnaissance et une confiance réciproque qui font qu’aujourd’hui on voit des adressages de patients entre thérapeutes « alternatifs » et professionnels « officiels ». C’est aussi ainsi que, lors de la création du réseau de santé primaire Millesoins, des médecins ont proposé, à des habitants croisés dans ces réunions, de participer à la constitution d’une instance représentant les usagers du réseau. Offre jusqu’alors déclinée. Débordé-es par le travail que leur demande Millesoins (notamment la recherche incessante de nouveaux et nouvelles collègues pour compenser les départs) en plus de leur travail quotidien, ces professionnel-les, tout convaincu-es de la nécessité de la présence d’usagers à leurs côtés (tant en position de contre-pouvoir que de partenaires), ne trouvent pas aujourd’hui de temps à y consacrer.
Le mouvement des gilets jaunes (notamment les mobilisations autour de l’hôpital d’Ussel) et l’arrivée de nouveaux habitants, trentenaires en cours de reconversion professionnelle vers les médecines dites « douces », amèneront encore de nouveaux croisements entre habitants qui s’ignoraient. Au-delà de leurs combats syndicaux ou de leurs pratiques professionnelles, ces habitants s’intéressent plus globalement à la santé et aux formes du soin sur la Montagne. Le terreau est mûr pour qu’un groupe « santé » se lance au sein du Syndicat de la Montagne limousine.
Si le confinement stoppa net les volontés de première réunion, l’épidémie de coronavirus et son traitement politico-médiatique dopèrent de façon inespérée la pertinence de ses objectifs et les dynamiques qu’il souhaitait impulser. En un mois, les questions de comment construire à l’échelle du territoire des pratiques de santé adaptées à sa réalité (plutôt que d’y décliner aveuglément des directives nationales), et de comment y associer les habitants, sont passées du statut de sujets internes au réseau Millesoins, à celui de thèmes récurrents dans les chaumières.
C’est ainsi que, jusqu’alors plutôt associé à un collectif de soignants qui cherchent à améliorer leurs conditions de travail et à lutter contre la désertification médicale, Millesoins est devenu visible, et même un interlocuteur pour des habitants. Ainsi, un collectif d’habitants, en mal d’informations précises concernant le coronavirus, n’hésita pas à interpeller Millesoins. Ils furent invités à une réunion du réseau qui déboucha sur la co-écriture d’une synthèse de huit pages (qu’on peut retrouver ici : https://frama.link/B70Tjw27). Plus tard, c’est aussi à Millesoins que des parents demandèrent un avis éclairé sur un protocole à suivre pour des activités à destination d’enfants dans une commune où la mairie ne ré-ouvrait pas l’école.
Pour les professionnels du réseau, ce fut à la fois inespéré de voir leur souhait de participation des habitants survenir sans aucune initiative de leur part (même si les habitants en question ne représentaient pas le gros de leurs patientèle, plutôt constituée de personnes atteintes de maladies chroniques). Ce fut aussi un gros travail de concertation entre eux pour fournir des réponses validées par toutes et tous dans le contexte d’incertitude scientifique générale et de pression sociale maximale. Ou comment passer de tâcherons invisibles qui tentent de sauver l’offre de soin sur la Montagne, à alliés potentiels d’habitants en recherche d’instances légitimes pour desserrer localement et en bonne intelligence l’étau du confinement d’État.
Mais il est encore trop tôt pour mesurer l’ampleur de l’impact de l’épidémie de coronavirus sur les initiatives et dynamiques évoquées ici. En attendant, il est possible de participer à « l’enquête » que le groupe « santé » du syndicat mène sur les pratiques en cours ou passées en matière de soins et de santé sur la Montagne (les expériences relatées dans cet article restent très largement centrées sur la région de Vassivière et n’évoquent que des années récentes). Récits d’expérience, archives de tous ordres, témoignages, analyses... tout est bon. Manifestez-vous auprès du journal.
Ces herbes, que l’on appelle aussi les simples, ce sont les plantes d’ici et là, aux abords de nos portes, dans les haies, jardins et forêts… et dont la racine, l’écorce, la fleur, la feuille et parfois la plante entière nous apportent de nombreux bienfaits. Les senteurs et saveurs offerts à nos sens exprimant aussi bien la terre et le paysage dont elles sont issues, que les principes actifs qu’elles renferment. Et si certaines substances contenues dans les plantes peuvent nous soigner ou prévenir la maladie, elles constituent chez les plantes mille-et-une stratégies d’adaptation et de défense, que ce soit contre les ultra-violets, d’éventuels prédateurs ou la déshydratation. Ces plantes médicinales, ce ne sont d’ailleurs pas seulement les herbes, ce sont aussi les arbres, les arbustes et les arbrisseaux tels que le frêne, le sureau ou le cassis…
D’un territoire à un autre, les dénominations populaires des plantes aussi bien que leurs propriétés et usages, en tant qu’aliment ou remède, varient et témoignent par la même occasion de la relation que l’humain a tissée avec son milieu et de la vision qu’il a du soin et de la santé. Par ailleurs, si de nombreux usages traditionnels ont traversé les âges, preuve en est de leur efficacité, leur transmission par celles et ceux qui en étaient les principaux·ales détenteur·trice·s s’est peu à peu amoindrie face aux profondes mutations géographiques et sociales rencontrées par les territoires depuis l’avènement d’une ère technico-industrielle à laquelle ni l’intérêt pour ces “plantes compagnes“ ni nos modes de soin n’ont échappé. Néanmoins et fort heureusement, un véritable regain d’intérêt pour les plantes médicinales se fait sentir depuis de nombreuses années, et de plus en plus de personnes, en recherche d’autonomie et dans une quête “naturelle“ de santé et de bien-être, cherchent à se réapproprier ces savoirs et à réintégrer l’usage des simples dans leur quotidien dans une démarche locale et durable1. Cela passe par de nombreux ateliers, stages, formations, lectures… et pose aussi la question de l’accès à ces plantes. Où et auprès de qui peut-on se les procurer si ce n’est en les cueillant ou en les cultivant soi-même ?
Partout en France, plusieurs centaines de “paysan·ne·s“, “producteur·trice·s“, “agriculteur·trice·s“, “paysan·ne·s-herboristes“ cueillent, cultivent et transforment des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) offrant ainsi au public une grande variété de tisanes, alcoolatures, baumes, huiles essentielles, eaux florales, utiles à toute démarche de soin et d’hygiène de vie, que ce soit pour l’humain, l’animal ou les plantes elles-mêmes. Ils·elles illustrent à la fois la richesse des flores et des pratiques d’un territoire aussi vaste que diversifié. Dans un contexte de destruction des milieux naturels et d’épuisement des ressources végétales médicinales (entre autres !) et face à une demande en plantes médicinales qui va croissante en France et dans le monde, ils·elles défendent à la fois la préservation des écosystèmes, un “prendre-soin“ réciproque avec la nature, mais aussi une relation de confiance et de proximité avec leur clientèle auprès de qui ils·elles diffusent en même temps leurs savoirs et leurs valeurs.
Un certain nombre d’entre eux·elles font partie du Syndicat SIMPLES2, un syndicat créé en 1982 dans les Cévennes, et dont l’objet est de promouvoir des méthodes de cueillette, de culture et de transformation basées sur l’agrobiologie, pour des plantes de qualité, dans le respect de l’environnement et des ressources. Pour la troisième année consécutive, l’Île de Vassivière accueillait d’ailleurs le 25 juillet dernier l’Été des Simples3, une fête organisée par les producteur·trice·s de plantes SIMPLES du Limousin. L’occasion de découvrir la profession de “paysan·ne-herboriste“ mais aussi l’ensemble des plantes à parfum, aromatiques, médicinales et tinctoriales et leurs possibles, avec un marché de producteur·trice·s et d’artisan·ne·s, des conférences, sorties botaniques, ateliers, et quelques associations locales dont le CEN Limousin (Conservatoire des espaces naturels) et Vieilles Racines et Jeunes Pousses, une ferme-école initiée par Thierry Thévenin (paysan-herboriste et fervent défenseur des simples) en Creuse et dédiée à la transmission des usages, savoirs et savoir-faire relatifs aux plantes. La 11ème Fête des Simples, rencontre nationale et bisannuelle, aura lieu quant à elle les 28 & 29 septembre 2019 à Cornimont dans les Vosges5.
“La Terre en nos mains attend protection contre nous-mêmes. La protéger, c’est d’abord nous défendre de l’épuiser“6. La cueillette de plantes sauvages n’étant pas sans impact sur les paysages, que ce soit pour des coopératives ou à titre individuel et pour tout type de préparation, le syndicat SIMPLES s’est regroupé avec d’autres cueilleur·se·s en 2011 afin de créer l’AFC (Association française des professionnel·le·s de la cueillette de plantes sauvages). Conscient·e·s de leur responsabilité vis-à-vis des ressources médicinales et soucieux·ses d’assurer la pérennité de leur activité, ils·elles se mobilisent afin d’échanger sur leurs pratiques mais aussi sensibiliser les pouvoirs publics, les gestionnaires d’espaces naturels et les industriels, faire reconnaître le métier de cueilleur-professionnel et également définir une charte éthique pour une cueillette durable, qui s’illustre notamment par la rédaction en cours d’un guide des bonnes pratiques de cueillette professionnelle dont on peut déjà trouver la fiche de l’aubépine sur leur site internet7.
S’il s’agit d’un métier-passion, produire et vendre des plantes médicinales n’est pas toujours simple. Les plantes vendues par les paysan·ne·s-herboristes et dont les usages sont souvent multiples, sont soumises à diverses réglementations (denrées alimentaires, complément alimentaires, produits cosmétiques) associées à des listes d’espèces distinguant les plantes en vente libre des plantes sous monopole pharmaceutique en fonction de leur forme galénique. Depuis, la suppression du métier d’herboriste en 1941, la vente des plantes médicinales est en effet soumise à un monopole pharmaceutique, sauf pour 148 plantes dont l’aubépine, mais dont seuls les fruits sont “libérés“ et non les sommités fleuries pourtant largement commercialisées (au risque pour les producteur·trice·s d’être condamné·e·s pour exercice illégal de la pharmacie) et consommées en tisane par des personnes souffrant de troubles cardiaques ou ayant des difficultés à trouver le sommeil. On trouvera d’autres plantes sous monopole telles que les fleurs de bleuet, de calendula ou les feuilles du plantain... En revanche, les bourgeons d’aubépine qui sont proposés en gemmothérapie, considérée comme complément alimentaire, sont légalement autorisés d’après un arrêté établissant les plantes autorisées dans les compléments alimentaires et qui comprend depuis le 4 février 2019 plus de 1000 plantes du monde entier ! Un ensemble de réglementations complexe et parfois difficile à mettre en oeuvre pour des petites fermes. Deux guides8 très utiles sur la réglementation ont d’ailleurs été récemment édités, l’un par le syndicat SIMPLES et l’autre par la Confédération Paysanne, afin d’aider chacun·e à mieux comprendre la réglementation et s’y adapter du mieux possible.
Si tous les producteur·trice·s ne s’intéressent pas forcément à l’aspect thérapeutique de leurs plantes, la clientèle, elle, est très souvent en demande d’information voire de conseils. Diffuser toute information à l’oral comme à l’écrit sur les propriétés et usages d’une plante, aussi traditionnels qu’ils soient, est aussi illégal. Une situation très inconfortable pour les producteur·trice·s pour qui l’information constitue avant tout une manière de protéger et de responsabiliser le consommateur en quête d’autonomie, et un droit légitime à partager des savoirs traditionnels qui ont fait leur preuve au fil du temps. De nombreuses postures coexistent mais beaucoup parmi eux·elles usent alors de noms évocateurs, tentent d’informer sans entrer dans le thérapeutique, voire conseillent carrément !
La Fédération des Paysan·ne·s-Herboristes9, créée en 2015 à l’initiative de producteurs·trice·s, représentant·e·s des SIMPLES, FNAB et MABD pratiquant la vente directe, vise à promouvoir la reconnaissance et les spécificités du métier de paysan·ne-herboriste et de lui donner les moyens d’exercer son métier, notamment par le soutien au travail parlementaire initiée en 2015 par Joël Labbé (sénateur EELV du Morbihan). Une proposition de loi est actuellement en cours de rédaction, faisant suite à une mission d’information10 constituée en avril 2018 qui a permis dans une premier temps d’auditionner une centaine d’acteurs autour de la filière des plantes médicinales et des métiers liés à l’herboristerie.
En mai 2019, un colloque organisé au Sénat sur “Les métiers de l’Herboristerie : État des lieux et perspectives“11 réunissait médecins, pharmaciens, écoles d’herboristeries, herboristes de comptoir, paysan·ne·s-herboristes et autres praticiens. Celui-là a permis d’échanger sur la question de la réglementation, de la formation et soulevé de manière évidente la nécessité d’un dialogue et d’une coopération entre paysan·ne·s producteur·trice·s et les différents professionnels de santé (médecins, phytothérapeutes, pharmaciens, naturopathes). Souhaitons que cette démarche conduise à des évolutions réglementaires et législatives à la fois créatives et constructives pour tou·te·s, redonnant à la plante toute sa place au cœur du soin et de l’hygiène de vie, et que ce dialogue soit rendu possible et nous amène à trouver des modes de fonctionnement et de communication à la fois plus harmonieux et peut-être plus organiques, à l’image de l’intelligence du végétal !
Gaëlle MorelGaëlle Morel mène actuellement une étude nationale sur les pratiques d’information et de conseil des producteurs de plantes médicinales.1 Une enquête sur les consommateur·trice·s de plantes médicinales a été mise en ligne de juin 2016 à novembre 2017 par la FPH (Fédération des paysan·ne·s-herboristes) et dont l’analyse réalisée par C.Brousse et JB.Gallé est disponible sur le site de la FPH2 Syndicat Inter-massifs pour la Production et l’Économie des Simples3 https://etedessimples.jimdo.com4 https://www.vieilles-racines-et-jeunes-pousses.fr5 https://www.fetedessimples.org6 Lieutaghi P, L’environnement végétal, 1972, p 2887 http://www.cueillettes-pro.org8 Réglementation de la vente directe de plantes aromatiques et médicinales, https://www.syndicat-simples.org/fr/Guide.htmlManuel d’auto-défense pour les paysannes et paysans en PPAM, https://www.confederationpaysanne.fr/mc_nos_positions.php?id=75269 http://paysans-herboristes.org10 http://www.senat.fr/commission/missions/herboristerie_et_plantes_medicinales.html11 http://www.joellabbe.fr/colloque-les-metiers-de-lherboristerie-etat-des-lieux-perspectives/ (Enregistrements audios et présentations écrites des invervenant·e·s)Liens et ouvrages conseillés :Thévenin T., Plaidoyer pour l’herboristerie, Actes Sud, 2013Thévenin T., Le Chemin des Herbes, Connaître, cueillir et utiliser les plantes sauvages, Lucien Souny, 2012Lieutaghi, P., Le livre des bonnes herbes et autres ouvrages…Fleischhauer S.G., Guthmann J., Spiegelmberger R., Plantes sauvages comestibles, 50 plantes essentielles et leurs usages, Ulmer, 2018 Pétition pour la réhabilitation de l’herboristerie : https://www.mesopinions.com/petition/politique/rehabilitons-metiers-herboristerie/49491
Lorsque la médecine ne peut plus rien faire d’autre que d’atténuer la douleur, lorsque toute décision d’intervention relèverait d’une obstination déraisonnable, la mort apparaît comme un processus naturel, une évidence à laquelle notre société et notre culture nous préparent mal. Nous voilà, parfois soudainement ou brutalement, confrontés à un temps de “reste à vivre“ qui peut s’avérer assez long pour envisager toutes sortes de projets, demander d’inventer de nouveaux modes d’organisation du quotidien, investir des relations humaines inédites. Bref, la vie, quoi ! Mais alors, quelles solutions existent pour accompagner ceux qui veulent considérer que cette dernière étape de la vie vaut le coup d’être vécue pleinement ? Notre espace public est-il doté de lieux et de compétences pour répondre à ce besoin ? Faut-il laisser ce temps précieux aux seules mains des médecins ou prendrons-nous la mesure de nos responsabilités citoyennes sociales, politiques, humanistes ?
Imaginant ce que seront nos derniers mois sur cette terre, nous sommes nombreux à dire que nous voudrions rester à domicile, dans nos meubles et nos habitudes, auprès de nos proches et dans un environnement qui nous est familier. Mais cette solution n’est pas toujours réaliste. La solitude pèse lourd, les soignants s’épuisent. La dépendance, la mobilité réduite, la nécessité de soins, le manque d’autonomie qui affecte tous les gestes du quotidien sont bien souvent des sources de préoccupations, une charge lourde à porter dans des logements qui s’avèrent rapidement inadaptés. C’est plus vrai encore dans nos campagnes où s’ajoute l’éloignement séparant les hameaux des centres bourgs et les habitations entre elles. Ces distances parcourues par les infirmier(es) et aides-soignant(e)s représentent un coût humain et financier non négligeable pour la collectivité. La télé-médecine qui suscite tant d’appels à investissements publics et privés apportera-t-elle un changement significatif ? La révolution technologique espérée n’apportera pas le geste chaleureux, le lien social, l’énergie vitale dont le patient a besoin bien au-delà des médicaments et des soins du corps.
L’hospitalisation est bien souvent un choix contraint. On redoute de quitter son domicile pour partir dans une structure qu’on juge éloignée et anonyme. N’entend-on pas très souvent dans les médias ou dans les cercles d’amis que les soignants y sont épuisés, maltraités, contraints à des actes médicaux quantifiés selon des critères financiers ou en temps imparti ? Les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont plus mal jugés encore. La critique se fait plus vive pour dénoncer le manque ou la non-qualification des personnels, leurs conditions d’exercice des soins qui confinent parfois à la maltraitance, les visées de rentabilité pour rémunérer un actionnariat qui fait de la fin de vie un placement financier. L’association l’Arbre ne souhaite pas apporter de l’eau au moulin des détracteurs du service public, ses adhérents n’ont pas la prétention collective de changer le modèle économique dominant, ni de mettre en cause la décentralisation de l’administration territoriale de la République ou le rapport entre les techniciens et les élus, moins encore le savoir expert des soignants. Mais quand même. Ils ne veulent pas rester sans rien faire et veulent participer à des évolutions qu’ils jugent nécessaires. Leur postulat est d’apparence simple : entre hôpital et domicile, il manque dans le paysage médico-social actuel un lieu permettant aux patients de vivre pleinement leur vie jusqu’à la fin. Il faut élargir l’offre.
L’association l’Arbre s’est donné pour objet de préfigurer une maison d’accueil, d’accompagnement et de répit à orientation palliative. Ses adhérents sont des médecins, des infirmiers et aides-soignants, des psychologues et des assistantes sociales, des élus et des citoyens. Cette maison sera conçue comme un gîte d’étape AOC, reflet du terroir, de ses habitants, de l’économie et de la culture locales. Un lieu de vie où les soins sont dispensés par les médecins et soignants habituels, où les rythmes de chacun sont respectés, où l’art et les loisirs ne sont pas oubliés, où le quotidien s’organise “comme chez soi“, à l’écoute des besoins et des projets des résidents. Ceux-ci seront des personnes en fin de vie, ou accueillis pour un séjour pendant lequel leurs soignants bénéficieront d’un répit nécessaire. C’est un projet à taille humaine dans une organisation institutionnelle qui a une fâcheuse tendance à segmenter les compétences “en tuyaux d’orgue“, qui souhaite orchestrer harmonieusement différents savoirs et savoir-faire. C’est un projet humaniste qui affirme qu’une fois éradiquée la douleur, il est tout aussi important de penser aux autres souffrances, de veiller à l’accompagnement fraternel du patient sur le plan psychologique, à la recherche de quiétude et de sérénité. C’est un projet politique qui nécessite de mobiliser la société locale, demandant d’être soutenu par les élus qui y verront un levier de développement de la collectivité qu’ils animent, et de façon plus large, au maintien de l’activité et des habitants sur le plateau de Millevaches et en Limousin.
Les adhérents de l’Arbre sont déterminés, prêts à faire valoir les idées et les arguments qu’ils ont forgés à l’écoute des contraintes et des projets de leurs interlocuteurs : praticiens, patients, familles, autorités institutionnelles. Mais ils sont aussi des citoyens qui savent se tenir à leur juste place. Pas question de s’ériger en maîtres d’oeuvre du projet, mais plutôt en animateurs, mettant en lien les uns et les autres. Ainsi, la réalisation de l’établissement sera confiée à un comité de pilotage réunissant tous les partenaires susceptibles d’être impliqués : autorités de tutelle, institutions du soin et du médico-social, associations d’usagers, praticiens (médecins, infirmières, aides-soignants, organismes gestionnaires et financiers, responsables territoriaux,...). Cette volonté de coopération entre les acteurs pour co-construire la maison qui s’intègrera parfaitement dans son environnement est centrale dans le projet de l’association, aujourd’hui pour en définir les contours, demain pour définir le cahier des charges de son fonctionnement. Cela le rend aussi un peu plus complexe. La démarche en effet propose de reconsidérer des décisions implicites bien installées dans nos habitudes collectives, pour les remettre en question et vérifier qu’elles sont toujours opportunes. La culture palliative qui nourrit l’Arbre est une réflexion globale. Comment faire société locale, solidaire, impliquant et reconnaissant chacun comme capable de prendre les décisions qui le concernent ? Vaste projet qui invite le patient à dialoguer avec son médecin, le contribuable avec les gestionnaires de l’argent public, l’électeur avec ses mandataires élus, l’agriculteur avec son voisin néo-rural... L’initiative citoyenne dérange, provoque du débat, fait naître des résistances.
La maison que souhaite créer l’Arbre va sans doute participer à transformer le paysage local et global dans lequel elle va s’implanter. Dans le paysage économique d’abord. Entre les deux modèles idéologiques qui opposent une économie administrée par l’État à une économie dirigée par la rentabilité des marchés financiers, faisons reconnaître l’économie du partage, de la solidarité, de la citoyenneté active. Les experts connaissent la part importante de cette économie dans les échanges locaux ou mondiaux. Ils savent par exemple que les inventeurs du co-voiturage et des parkings-relais aux abords des péages d’autoroute ont d’abord été des citoyens s’organisant pour diminuer leurs frais de transports et leur empreinte écologique. A l’heure où l’on entend trop souvent que l’argent public se fait rare, la participation des citoyens à une plus juste répartition des biens publics montrera le bien-fondé concret de la notion d’économie alternative. Dans nos territoires ruraux, l’enjeu d’une coopération entre tous les acteurs économiques n’est pas mince.
Dans le paysage institutionnel ensuite. Faisons valoir l’expérience pratique des patients-usagers pour établir un diagnostic, participer à définir un traitement, administrer les services. La Loi Claeys-Léonetti nous reconnaît ce droit. Le savoir des médecins et le savoir-faire des techniciens du soin ne peuvent qu’en être augmentés. La médecine clinique n’est-elle fondamentalement celle qui s’appuie sur le savoir du patient ? La démocratie sanitaire n’est pas une lutte contre le pouvoir médical ? Elle met le patient à sa juste place, c’est à dire au centre des préoccupations de tous. C’est un choix de gestion plus raisonnable que celui conduit par les lobbys de la chimie qui ont pour priorité la commercialisation des médicaments.
Dans le paysage démocratique enfin. Sous l’impulsion d’associations citoyennes locales, nationales, altermondialistes, des coopérations se nouent entre la population, les techniciens de l’administration et les politiques. Il existe des conseils de résidents qui organisent les liens sociaux dans un quartier, des conseils de développement dont les membres débattent des données économiques et sociales d’un territoire et proposent des solutions aux élus, des budgets participatifs organisés dans des établissements scolaires par exemple : ils associent élèves, parents, enseignants et personnel administratif pour décider des investissements à privilégier. Avec ces dispositifs, les élus, loin de perdre les prérogatives de leur mandat électif voient celui-ci se légitimer et se renforcer. A l’heure de la crise de la représentation, voilà un aspect positif qui n’est pas négligeable.
Le projet de l’Arbre est dans l’air du temps. Ses racines sont encore à nu, mais gageons qu’elles trouveront bientôt à s’implanter en terre limousine. Des projets semblables viennent de naître en région Centre et en Occitanie. Ils suivent l’exemple de nombreux autres, plus de 500 en Europe.
Avant de formuler mon témoignage, je souhaite rendre hommage aux intervenants qui œuvrent au quotidien dans les maisons de retraite, pour les soins, la santé, le ménage, l'administration ou la cuisine. En effet, ils travaillent courageusement dans des conditions difficiles et je souhaite leur exprimer ma gratitude. Ils sont un peu comme des anges gardiens pour nos aînés et je les soutiens dans leurs revendications visant à améliorer leurs conditions de travail et la reconnaissance qui leur est due. Car ces conditions rejaillissent directement sur la qualité de vie des personnes. Par conditions difficiles, j'entends les effets d'un budget dramatiquement insuffisant accordé par l’État aux maisons de retraite et aux hôpitaux. Cette insuffisance engendre un manque de structures d'accueil et de lits disponibles, certaines personnes dépendantes devant attendre plusieurs semaines à l'hôpital qu'une place en maison se libère. Autrement dit : que quelqu'un meure. Du coup, les hôpitaux sont surchargés et gèrent comme ils le peuvent la surpopulation. Autres conséquences : un équipement insuffisant pour le confort des personnes, un espace vital restreint, un sérieux manque d'effectifs qui engendre découragement, frustration, stress et mésentente, voire, parfois, agressivité de part et d'autre. Chacun fait de son mieux mais même les plus grandes âmes s'usent à en faire trop avec pas assez. Les intervenants aimeraient disposer de plus de temps pour la qualité de leur service mais ils agissent perpétuellement dans l'urgence.
Certes, le maximum est accompli avec un minimum – nombreux ateliers créatifs, invitation de musiciens et de chanteurs – et, certes, la plupart des intervenants font preuve des meilleures intentions envers les résidents et multiplient les petites attentions à leur égard – je suis parfois le témoin de gestes d'une émouvante tendresse. Il résulte pourtant trop souvent de ce sous-effectif une ambiance préjudiciable à tous, du fait d'emplois précaires de personnes visiblement dépourvues de vocation. De surcroît, j'ai parfois l'occasion de constater que quelques personnes titulaires aux mines peu épanouies manifestent une dureté et un manque d'empathie qui me laissent sans voix. Je ne souhaite aucunement leur jeter la pierre, mesurant combien le désarroi peut rendre à ce point maussade et que nous ne sommes pas tous égaux en présence de la souffrance. A titre d'exemple, certains résidents peuvent rester un mois sans douche ! Sans compter qu'avec la cadence imposée pour la toilette on sacrifie la douceur au profit de la rentabilité. Pour parler crûment, certains résidents puent.
Les femmes de ménage, elles aussi, effectuent leur travail avec la meilleure volonté du monde et avec bonté, cependant, trop peu nombreuses, elles ne peuvent qu'assurer un service minimum. Elles me confient qu'elles ne voient plus très bien le sens de leur métier dans de telles conditions, si ce n'est la compassion qu'elles ressentent pour les gens. Par ailleurs, certaines infirmières affichent un autoritarisme infantilisant, formation ou déformation professionnelle ? Je reconnais que l'autorité permet de gagner du temps. Elle évite toute discussion. Certains justifient cet autoritarisme en prétextant qu'avec l'âge, on retourne en enfance. Argument bien commode. Moi je crois qu'avec la dépendance, on se retrouve aussi démuni de défense que les enfants ! La vraie raison réside probablement dans le fait que la patience est un luxe dont elles n'ont pas les moyens. Toujours est-il qu'elles interdisent des choses aux personnes, pour leur bien et pour préserver leur santé, certainement avec raison et prudence. Cependant, un autre débat pourrait être consacré à l'équilibre entre la raison, parfois vécue comme du “flicage“ frustrant, et la nécessaire joie de vivre.
Ce qui me choque le plus, c'est la chosification des êtres. On parle des concernés à la troisième personne en leur présence ! Un jour où Marie et moi traversions le hall une infirmière m'a ainsi interpellée : “Aujourd'hui, c'est la visite du médecin, il faut la remonter immédiatement dans sa chambre !“ Je me suis plantée devant mon amie, demandant sa décision, afin de rétablir sa souveraineté. Marie a saisi la balle au bond, demandant que le médecin termine ses visites par elle, ainsi nous pourrions profiter du soleil. Une autre fois, à mon arrivée dans sa chambre, j'ai trouvé Marie, assise dans son fauteuil roulant, coincée près de son lit. Un stagiaire était venu faire le ménage, avait poussé Marie et le lit dans un coin et avait poursuivi ses tâches en l'oubliant là ! En une autre occasion où je m'étais enquise au bureau des infirmières du fait que Marie était encore au lit en début d'après-midi, deux aides-soignantes sont arrivées dans la chambre pour m'expliquer que mon amie semblait fatiguée le matin et que l'infirmière avait opté pour une journée de repos. Et de commenter : “De toutes façons, ça leur fait du bien de rester à l'intérieur de temps en temps !“ Outre que Marie trouve une raison de vivre dans sa joie quotidienne de sortir prendre l'air et qu'elle est encore assez lucide, je me demande bien de qui on me parlait ainsi au pluriel devant elle ! Alors, hormis la pénurie budgétaire, je verrais une utilité à une remise en question de la communication envers nos aînés, cela passerait sans doute par une formation pour un changement de paradigme sur le thème du respect de l'être.
Un autre aspect du malaise ou de cette maltraitance se pose pour les personnes qui apprécient leur intimité et ont besoin de silence : il n'y a pas d'espace pour cela, pas de petit coin tranquille pour se recueillir, ni en intérieur, ni en extérieur. Les personnes dépendantes ont le choix entre rester enfermées dans leur chambre ou partager les espaces collectifs. Ceux qui veulent y échapper passent des heures tous les jours à observer les murs, en faisant abstraction du bruit des autres, de la télévision qu'il n'ont ni envie de regarder ni d'entendre et des sollicitations non souhaitées de leur entourage. Ou alors, ils ferment leurs yeux pour qu'on les laisse tranquilles et pour ne pas se sentir obligés de répondre à cinquante « bonjour » qu'on leur lance malgré eux. En bref, lorsqu'on est dépendant, on est exposé. Quoiqu'il en soit, ceux qui, à tous égards payent le prix fort de l'insuffisance budgétaire, ce sont les résidents, atteints jusque dans leur dignité. Eux n'ont pas le choix de vivre ailleurs. Or, par économie, le gouvernement, non seulement a créé des emplois précaires non qualifiés, payés au Smic, au grand dam de tous, mais en plus, il souhaite maintenant en supprimer ! Le pire reste-t-il donc à venir ? Certains résidents hurlent à la mort et je les comprends !
J'arrive à la porte au moment où un homme en fauteuil cherche à sortir, “on“ le lui interdit formellement, “il a un rendez-vous dans l'après-midi“. Pourtant il veut juste un instant au soleil et me demande de lui tenir la porte. Finalement, l'autorité le lui permet, à condition qu'il ne tarde pas trop. À la bonne heure ! Je traverse le hall, qui sert de salle commune, où sont assis une quinzaine de résidents. L'un est dépité de ne pouvoir jouer du piano, ce qui en dérange d'autres. En l'absence de tout personnel disponible, je suis hélée par une dame en fauteuil roulant : elle a froid et me demande de monter lui chercher son gilet, oublié dans sa chambre. Je rends ainsi régulièrement service aux uns et aux autres, avec une joie mêlée de compassion. Un homme est coincé dans la salle des WC et hurle qu'on veuille bien le sortir de là. La maison de retraite ne dispose pas de fauteuils électriques à prêter – trop cher. De ce fait, il faut des muscles pour se mouvoir, ce dont la majeure partie des intéressés ne dispose pas, les réduisant ainsi à une dépendance encore plus grande.
Parvenue à l'étage, je me rends d'abord dans la chambre de Marie pour lui préparer une boisson. Je l'apporte dans la salle commune où elle prend tous ses déjeuners. Cela la réconforte car, malgré la nécessité de s'hydrater personne n'a pensé à lui donner à boire. Lorsqu'elle me voit, elle s'écrit : «je veux partir de là ! » En effet, toutes les personnes invalides demeurent dans la salle le restant de l'après-midi et il est difficile de se frayer un passage parmi tous les fauteuils. Certains sont installés roues contre roues et je dois déranger deux autres personnes pour pouvoir extraire mon amie. En l'absence de personnel, je pique des verres dans la cuisine, prélève de l'eau au robinet pour servir d'autres personnes autour qui réclament. L'une d'elle pleure et crie à qui veut l'entendre “emmenez-moi ! Je veux mourir !“ Je m'approche et lui prends la main. Nous nous étreignons. Je la tiens un moment dans mes bras mais Marie m'attend. Un homme clame qu'il voudrait rentrer chez lui. Un peu ébranlée, j'aide Marie à enfiler son anorak. Nous emportons également châles et couvertures au cas où elle en ressente le besoin.
Nous circulons dans les couloirs en direction de l'ascenseur. Notre parcours est interrompu pour pousser un chariot encombrant le passage. Parfois, nous nous heurtons à une porte fermée que nous franchissons à reculons, pour maintenir la porte ouverte avec le pied. En effet, en raison de la présence de personnes atteintes de maladies mentales dégénératives, les portes se ferment automatiquement et certaines sont même munies de codes digitaux. Là, il faut trois mains : une pour saisir le code pendant que la deuxième ouvre la porte, la troisième servant à tracter le fauteuil. Une voix plaintive émane maintenant d'une chambre : “Madame, Madame !“ Je passe la tête dans l'embrasure de la porte. Une dame est là, assise dans un fauteuil. Elle a très soif, sa table, avec toutes ses affaires dessus, se trouve de l'autre côté de la pièce. Elle ne peut ni marcher, ni-même se lever et ne peut non plus appeler, vu que la sonnette d'appel est attachée de l'autre côté du lit. Je lui approche toutes ses affaires et lui sers un grand verre d'eau. La dame se met à pleurer et me serre dans ses bras.
Par le même parcours d'obstacles, je reconduis Marie dans sa chambre, avec une série de manœuvres savantes pour tourner le fauteuil. Il faut tout pousser : la porte de la salle de bain restée grande ouverte et le lit. Avant de la quitter, je transfère toutes ses affaires restées sur sa table de chevet, inaccessible pour elle, à savoir : téléphone, télécommande, sonnette d'appel, lunettes et lectures. J'en profite pour rapprocher la table du lit, car, les aides-soignantes la repoussent toujours pour aider Marie à se coucher. Je pars à la recherche de tout ce qui manque : serviette de toilette pour la salle de bain et serviette de table. Je me sers moi-même sur les chariots des couloirs ou dans le placard de la salle commune. Je réclame une petite cuillère, un détail qui a toute son importance. En effet, devant la pénurie de petites cuillères, on sert les goûters, une crème dessert dans un petit pot de plastique, avec une cuillère à soupe. Or, maintenant, Marie ne peut plus tenir le pot d'une main et la cuillère de l'autre. La grande cuillère, trop lourde, renverse le pot, souillant jusqu'au lendemain la table et tout ce qui se trouve dessus. Pour pallier cet inconfort, après des mois de vaines réclamations, j'ai apporté une petite cuillère de chez moi avec le numéro de la chambre sur le manche. Il est même arrivé une fois qu'une aide-soignante glisse sur de la crème répandue par-terre et se blesse. Encore hélas, cet accident ne semble pas avoir motivé les décideurs à trouver un budget pour investir dans les précieux couverts.
Direction la sortie. Une dame en fauteuil roulant, cela fait des heures qu'on l'a mise là, dans le hall, alors qu'elle n'en avait aucune envie. Je l'avais déjà remarquée à mon arrivée. Elle réclamait déjà à être reconduite dans sa chambre. Retour à l'accueil : promesse de retour a bien été faite, malheureusement, les aides-soignantes étaient occupées tout l'après-midi. Je retourne vers la dame et lui demande si je peux la reconduire moi-même. Elle accepte avec gratitude. Mais elle ne se souvient plus de l'étage ni du numéro de sa chambre. Nous sillonnons donc étages et couloirs, nous finissons par trouver. Elle voudrait que je l'aide à se mettre au lit, ce dont je ne me sens ni la force physique ni la compétence technique. Je lui remets la sonnette entre les mains, sachant que l'attente risque encore d'être longue. La dame pleure, clamant qu'elle veut partir d'ici, mais je me sens bien impuissante.
Aujourd'hui, un résident voudrait me parler. Il a un service à me demander. Je lui ai promis de venir le voir, mais c'est l'heure de la distribution des goûters. L'épouse du résident est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle a un besoin urgent d'aller aux toilettes et demande qu'on l'y emmène, elle a sonné, personne n'est venu. L'aide-soignante lui explique avec bonhomie que, vu qu'elle est seule pour tout l'étage, elle ne peut tout assurer en même temps, ajoutant avec un large sourire : “mais ne vous faites pas de soucis, vous êtes munie d'une protection“. Eh oui ! En l'absence de personnel disponible, grâce aux protections, on peut se ch... dessus ! Vive les couches qui permettent l'économie de personnel ! Pour couronner le tout, fermeture de la porte principale à 17 heures ! Tout visiteur tardif ou tout résident réintégrant son domicile doit alors sonner. En l'absence de portier ou de concierge, plus personne à l'accueil, il poireautera longtemps. Une résidente en a fait l'expérience : elle a attendu une demi-heure dans le froid. J'ai également eu l'occasion de venir un soir et, lorsque j'ai sonné, une voix féminine dans un micro m'a annoncé “un moment s'il vous plaît, je suis occupée“. La probabilité d'une attaque de pirates dans la maison de retraite d' un trou perdu vaut-elle qu'on emmerde les gens à ce point ?
En attendant, je prie pour que les décideurs veuillent bien orienter leur volonté politique et les budgets nécessaires pour insuffler un mieux-être et une plus grande joie de vivre à toutes celles et ceux arrivant au soir de leur existence. A nous tous, il incombe de l'exiger. Nos vieux se trouvent réduits à l'état végétatif ou de mobilier qu'on pousse pour faire le ménage ! On leur met des couches parce qu'on n'a pas le temps de les accompagner aux toilettes ! Or, nos aînés, maintenus ainsi dans une situation de vulnérabilité et de dépendance indigne, méritent beaucoup plus : être choyés et entourés comme nous aimerons l'être lorsque nous les remplacerons. Ils méritent notre gratitude et notre respect. Au soir de leur vie, certains ont de nombreuses peurs et angoisses, ont besoin de présence, de se sentir aimés, entourés, soutenus, réconfortés et accompagnés. Au lieu de cela, ils sont réprimandés par un entourage débordé et stressé. Valoriser le service à la personne dans notre pays créerait des emplois plein de sens et motivants. Il n'est point besoin de diplômes pour aimer mais des fonds sont nécessaires pour rétribuer des intervenants compétents et financer des équipements, pour une vie meilleure ici et maintenant.