territoire

  • 151 habitants c'est pas aberrant !

    Les assemblées des habitants

    Quoi de plus simple, de plus évident pour une petite commune comme la notre que de se réunir pour discuter et fixer ensemble les orientations et les choix dans la gestion des affaires communales. 

    Les premières assemblées des habitants à Saint Martin-Château sont ainsi nées de cette réflexion initiale au sein de la dernière équipe municipale. Une douzaine se sont déroulées depuis cinq ans et elles ont rassemblé entre trente et quarante participants en moyenne, ce qui constitue une belle proportion dans une commune de 150 habitants. La dernière avait justement pour objet de faire le point sur cette pratique : comment mieux formaliser les prises de position de l'assemblée ? Le vote est-il nécessaire ? Faut-il tenir compte de ceux qui ne participent pas et comment ? Le conseil municipal doit-il toujours traduire en termes de décisions les choix de l'assemblée ?  Bien des questions demeurent car l'assemblée des habitants n'applique pas des règles préétablies. Quelques points-clés sont toutefois reconnus par tous comme la nécessité d'annoncer à l'avance les questions abordées pour permettre à chacun de se préparer mais aussi l'importance de laisser certaines assemblées ouvertes aux choix des participants.  Enfin il semble difficile d'envisager un hiatus entre les positions adoptées par le conseil et les choix de l'assemblée. Dans les faits les discussions et les décisions au sein du conseil sont facilitées dans la mesure où elles s'appuient sur les orientations et les choix établis par les assemblées des habitants.

     

    miniature saint martin chateau 2019

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    Saint Martin-Château en quelques chiffres

    • 31,25 km2
    • 151 habitants
    • 50% de résidences secondaires ou vacants
    • 4,83 habitants au km2
    • Altitude min. 410 m, maxi 741 m
    • 70% de sa surface en forêts
    • 27 km de routes communales
    • 4 gîtes de particuliers
    • 4 associations : Éclats de Rives, l'ACCA, les Amis de l'Eglise et Aux Berges de la Cascade

     

    Biens communaux

    • 3 gîtes labellisés dont un “spécial“ randonneurs,
    • 2 anciens gîtes transformés en logements locatifs,
    • 3 maisons particulières rénovées affectées en logements,
    • 2 espaces de bureaux loués à des télétravailleurs de la commune,
    • la mairie et 3 maisons communales sont chauffées par une chaufferie communale à plaquettes
    • L'auberge de la cascade rénovée et mise en gérance,
    • la maison Forest (créateur de Barbarella) : en cours de discussion avec le propriétaire pour que cette maison devienne propriété de la commune d'ici la fin 2019
    • La commune, par le biais d'intégration de biens vacants, possède quelques parcelles ; trois d'entre elles sont prêtées à des habitants pour des potagers, et d'autres ont servies à des habitants pour faire du bois de chauffage.

     

    Biens vacants sans maître

    Saint-Martin-Château, des maisons habitées, des résidences secondaires et des maisons vides. Mais vides ne veut pas dire abandonnées ou “vacantes“, et encore moins “à vendre“ ou “à louer“. Les propriétaires sont plus ou moins lointains, parfois empêtrés dans des successions, souvent attachés aux souvenirs de la maison familiale, ou encore ignorants totalement l’existence de ces biens. 

    Après les rares petites annonces, ceux qui cherchent des maisons pour s’installer ici  passent par la mairie et le cadastre de la commune, les archives, les notaires en espérant identifier les propriétaires de maisons vides. Ils contactent les propriétaires et leur expliquent leur démarche. Parfois, cela suffit, souvent pas.

    En 2014, un couple qui cherche depuis plusieurs années à contacter les propriétaires d’une maison abandonnée de la commune, apprend l’existence de la procédure des “biens vacants sans maitre“. La mairie de St Martin Château étudie cette piste et constate que comme aucun impôt local n’a été perçu depuis plus de 30 ans sur ces biens, ils peuvent être soumis à cette procédure relativement simple. Au bout de 6 mois d’affichages et de démarches légales, aucun propriétaire ne s’est manifesté. La maison est incorporée dans le patrimoine communal et revendue à ceux qui sont à l’origine de ces recherches. Les terrains attenants sont revendus aux personnes voisines des parcelles concernées pour y faire ici un épandage ou  du pâturage. Sur les parcelles restants propriété de la commune, une demande est  faite par des habitants d’y installer un potager. Depuis d’autres parcelles non bâties ont été intégrées de la même manière dans le domaine communal. 

  • Agriculture, je crois en ton avenir

    Les agricultrices de la FDGEDA(fédération départementale des groupes d'études et de développement agricoles) de la Haute Vienne sont toujours en veine de créativité. IPNS dans son numéro n° 6 avait conté l'exceptionnelle aventure de leur atelier d'écriture sous la férule de Claire Sénamaud de l'association Princesse Camion. En 2003 elles ont tracé en mots les tourments et les espérances qu'elles ont éprouvés pendant et après la crise de la vache folle.

    Elles publiaient un bel ouvrage, riche d'émotion et de vérité : "De l'encre dans la prairie". Et, toujours avec l'ardent souci d'aller à la rencontre des populations urbaines, elles sont parvenues à séduire les talents de deux artistes volubiles dans l'art de la mise en mots. Ainsi en 2003 Eugène Durif, avec Catherine Beau et sa compagnie l'envers du décor ont mis en scène et en musique le voyage d'un citadin à la campagne dans "le plancher des vaches". La pièce a trouvé un large écho auprès du public limousin et même parisien puisqu'elle a été jouée au théâtre du Rond point des Champs Elysées. En 2004, elles ont confié leurs récits de vie à Pierre Laurent le conteur de la Compagnie de la Grande Ourse. Sous le double signe de la drôlerie et de la tristesse il les a comparés aux personnages des contes et légendes populaires. La "Vie sur terre" c'est grave et grand, mais comme la vie c'est plein d'espoir.

    fresqueCe message d'espérance les agricultrices souhaitaient aussi le transmettre aux habitants de Limoges. Elles ont sollicité l'artiste Arnaud Ruiz pour qu'en fresque, il laisse cette trace indélébile sur les murs de la ville. C'est quand même mieux que l'éphémère des placards publicitaires qui encombrent les frontons des carrefours et des places de la cité. Malheureusement la ville de Limoges n'a pas su capter le message des agricultrices. Elle leur a prêté les murs d'un local technique de la compagnie des TCL situé à l'angle de deux artères (Adolphe Mandonaud et Ferdinand Buisson) où le flux de la circulation automobile obstrue quelque peu la lisibilité. De plus, le site a contraint le fresquiste à modifier ses esquisses pour s'adapter à une surface angulaire et par surcroît à raz de terre. Ce choix de l'emplacement a brisé tout le sens de l'allégorie. Pourtant elle nous offre une image forte de la symbolique du don et du contre don dans le rapport que l'humanité entretient avec le vivant. A travers le lent découpage du geste de l'enfant cueillant un épi pour l'offrir à sa mère, l'artiste a traduit toute la vitalité que les agricultrices engagent d'elles mêmes et dans leur métier au service de la gestion du vivant. Pour achever de détruire cette harmonie, dans le dernier geste où l'enfant cueille l'épi, son visage se heurte à un panneau danger de mort. Il est inscrit sur une porte de sécurité de ce poste de transformation électrique. Et comble d'ironie, cette porte métallique s'insère juste en dessous du titre de la fresque : "Agriculture, tu dessines nos paysages, tu nourris les hommes, je crois en ton avenir".

    Alors on s'interroge sur l'intention qui a guidé le choix des édiles limougeauds. Il y avait mieux à offrir que ce local technique inapproprié et par surcroît éphémère. C'est d'autant plus étonnant que les limougeauds entretiennent des relations conviviales avec la campagne. Et dans une région où l'agriculture exerce une attraction culturelle non négligeable il est pour le moins surprenant que les élus de la métropole régionale manifestent une telle indifférence à l'initiative des agricultrices.

     

    Alain Carof
  • Collectivités locales, le chamboule-tout macronien prépare une France à plusieurs vitesses

    Et si le « séparatisme » se glissait au nom de la « différenciation » (il faut tout le temps apprendre un nouveau vocabulaire...) jusque dans les lois de décentralisation ? C’est en gros ce sur quoi nous alerte Roger Fidani à propos du « projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations » actuellement en discussion au Parlement.

     

    Avec les gouvernements successifs de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, les réformes territoriales promulguées selon la logique autoritaire, productiviste et de compétitivité de l’Europe néolibérale ont abouti à un cadre institutionnel du pays où les déséquilibres territoriaux se sont renforcés ; à une baisse drastique des dotations de l’État aux collectivités ; à un recul notoire des services publics ; à la mise en place de régions et d’intercommunalités XXL qui éloignent les populations des lieux de décision. L’idée même d’un aménagement du territoire national s’est évaporée.

     

    Émiettement territorial

    grands poissonsMais le projet de loi macronien sur le droit à la différenciation territoriale présenté en conseil des ministres en juillet 2020 se caractérise par une mise en cause grave et délibérée de l’universalisme républicain et constitue un nouveau palier dans l’émiettement territorial. Sous les prétextes fallacieux « de mieux adapter les politiques publiques aux réalités des territoires » (Jacqueline Gourault, ministre des relations avec les collectivités), « de libérer la créativité et l’énergie du terrain » (Macron) ou de « se rapprocher des territoires pour une prise de décision plus rapide », on casse en réalité l’égalité républicaine, la norme se modulant selon la collectivité. De quoi s’agit-il ? En 2003, la révision constitutionnelle a donné la possibilité aux collectivités territoriales de recourir temporairement à une expérimentation et si elle s’avérait bonne de la généraliser. Dans le cas contraire, elle était abandonnée. Avec le droit à la différenciation, le constitutionnaliste Benjamin Morel nous dit que « l’expérimentation pourra être perpétuée mais sur certains territoires seulement. À cela s’ajoute à terme la différenciation des compétences. Sur le RSA par exemple, certains départements pourront le centraliser, le transférer aux régions alors que d’autres ne le feront pas ».

     

    Cette réforme est un vrai danger car la différenciation est synonyme d’inégalité et de concurrence

     

    Concurrence des territoires

    Cette modification de la norme aux quatre coins du pays va creuser plus fortement encore les inégalités entre les citoyens et les territoires. C’est une rupture sans précédent dans l’égalité républicaine, une atteinte à la cohésion du pays avec une mise en concurrence aggravée des territoires. Une France à plusieurs vitesses. Une rupture qui permet aussi aux Régions « de se comporter comme des États dans l’État » (André Chasseigne). Ce droit à la différenciation, base d’un vaste projet de « décentralisation » appelé 3D (décentralisation, déconcentration, différenciation) dont l’objectif inavoué est de réduire l’aire de souveraineté de l’État, est un objectif en adéquation avec l’Europe des régions à rebours d’une République une et indivisible. C’est-à-dire le contraire absolu de la possibilité d’un aménagement planifié des territoires tenant compte à la fois de leur diversité mais aussi de leur égalité.

     

    Un vrai danger

    Ainsi, après avoir mis en place les grandes régions, comparables aux Landers allemands, dotées de compétences accrues, après avoir crée des agences régionales dans nombre de secteurs (par exemple la santé), la réforme du gouvernement Macron parachève le processus qui conduit à privilégier le niveau supranational européen au détriment des prérogatives de l’État national. Des prérogatives qui représentent encore à mes yeux, notamment en France, des entraves politiques et juridiques à une domination accrue des puissances économiques sur les territoires. Cette réforme est un vrai danger pour l’unité de la République car la différenciation est synonyme d’inégalité, de concurrence, d’une possible affirmation de revendications identitaires encouragées par de possibles baronnies locales. Au bout du compte, un renforcement inouï du néolibéralisme sur le pays. Ce projet de réforme adopté en conseil des ministres en catimini en plein été1 doit être dénoncé et combattu. La mobilisation organisée. Les élus ont un rôle particulier à jouer dans cette bataille.

     

    Roger Fidani

    1- Le texte a été présenté au conseil des ministres du 29 juillet 2020 par Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. La procédure accélérée a été engagée par le gouvernement. Le 3 novembre 2020, le Sénat l’a adopté en première lecture avec modifications. Il doit donc passer prochainement en première lecture devant l’Assemblée nationale.

     

     

  • Echos des assises du limousin

    Malgré les polémiques qui ont précédé leur déroulement, les premières assises du Limousin qui se sont tenues à l'Ecole nationale supérieure d'ingénieurs de Limoges les 9 et 10 février derniers, ont été un beau succès avec des interventions de qualité, une assistance nombreuse et une organisation sans fausse note.

     

    assisesLes deux principales associations organisatrices, Intelligence Verte et l'ALDER (Association limousine pour le développement des énergies renouvelables) avaient défini le double thème des assises : "Agriculture écorégionale et souveraineté alimentaire.

    Face aux risques climatiques et énergétiques, quels enjeux pour demain ?".

    L'étude d'Emmanuel Bailly (voir IPNS n°14) servait de support au premier thème alors que le second était plutôt le reflet des préoccupations de l'ALDER.

    Bien sûr, parmi les sept tables rondes présentées, avec pour chacune de deux à quatre intervenants, toutes ne présentaient pas le même intérêt ; certaines interventions étaient à mon goût trop techniques (sur le risque alimentaire ou la réglementation européenne sur le développement rural), d'autres à l'inverse restaient trop générales, mais dans l'ensemble les apports ont été très enrichissants et les interventions du public pertinentes et de qualité.

    Sur la crise énergétique, le coup d'envoi avait été donné la veille des Assises par Yves Cochet qui avait présenté lors d'une conférence les thèmes de son dernier ouvrage, Pétrole apocalypse (Editions Fayard). C'est cette même problématique qu'il a présentée aux Assises, en mettant l'accent sur le nécessaire changement de société qu'impliquent la raréfaction et le renchérissement inéluctables du pétrole. Pour lui, le passage démocratique d'une société de croissance à une société de sobriété, avec une relocalisation de l'économie, et notamment de la production alimentaire, ne peut se concevoir que dans le cadre d'une mobilisation sociale très forte, pour éviter que le choc n'entraîne le totalitarisme et l'aggravation des inégalités.

    D'autres points de vue furent développés sur ce thème. Sans entrer dans le détail, ni les citer tous, en voici quelques exemples.

    Christian Brodhag a défini quatre enjeux : la question énergétique, le climat, la dégradation des écosystèmes et celle des sols. Il en a montré les implications.

    Corinne Lepage constatant que la finance l'emporte sur l'économie, et a fortiori sur l'écologie, a demandé l'inversion des rapports entre économie et écologie.

    François Plassard, par une brillante intervention, générale et radicale, a souhaité replacer l'économie au service de la société et soumettre cette dernière à la priorité de la sauvegarde du milieu naturel.

    Patrick Viveret a fait une remarquable critique de la conception de la richesse qui domine dans nos sociétés (absurdité du PNB) ; il a constaté que l'humanité était principalement menacée par elle-même et a appelé à construire une société qui se donnerait d'autres objectifs que le développement de la production industrielle marchande.

    Albert Jacquard a présenté une critique de la finalité des sociétés humaines en stigmatisant notamment la compétition généralisée, la course à la puissance, la croissance devenue un dogme. Nous vivons dans un monde fini dont nous avons atteint les limites, il faut en tirer les conséquences.

     

    Sur l'écorégion et la souveraineté alimentaire, les interventions remarquables ont été nombreuses.

    Silvia Perez-Vitoria a montré que, dans le contexte énergétique et climatique, la crise est d'abord agricole et paysanne, et a affirmé que le XXIème siècle sera paysan ou ne sera pas.

    Emmanuel Bailly a présenté sa réflexion sur l'écorégion et la souveraineté alimentaire.

    Plusieurs interventions sur l'agriculture biologique ou autonome, ont montré à la fois la nécessité et les difficultés à mettre en place des pratiques agricoles allant à l'encontre du système productiviste dominant. André

    Pochon, Jacques Maret, Marie-Hélène Aubert, Henri Thépaud sont allés dans ce sens. Pour sa part, Robert Savy, ancien président du Conseil régional du Limousin, a soutenu à partir de son  passée, qu'il y a toujours "un possible et des outils du possible".

     

    Un des intérêts principaux d'une réunion de ce type réside dans les rencontres qu'elle peut susciter. Sur ce plan, les Assises ont été fécondes, puisqu'elles ont réuni un large public, avec des professionnels de l'agriculture et de l'alimentation, de nombreux membres du monde associatif (écologie, environnement, consommation), des fonctionnaires ou institutionnels divers (Région, ADEME, CNASEA, collectivités locales, agents de développement…) et beaucoup de jeunes, étudiants ou non, du Limousin ou d'autres régions, souvent en recherche ou déjà porteurs de projets d'installation en milieu rural. Les repas pris en commun sur place, les rencontres dans les couloirs ou autour des tables de publications ont été l'occasion de prolonger les débats.

     

    La diversité du public, que la présence d'intervenants connus a favorisée, laisse espérer que ces Assises auront donné une impulsion à des prises de conscience, des réflexions et des actions concernant la crise écologique et les nécessaires et radicales remises en question qu'elle implique. Il faut qu'il y ait une suite ou/et des prolongements à ces Assises (peut-être sous des formes différentes), mais il en restera forcément une trace.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Haut débit ou la maladie du tuyau !

    sourisLe haut débit : la publicité radio, télé ou papier nous en parle tous les jours ! Mais comment ça marche ? Est-ce disponible chez nous ? Avons-nous réellement accès à ces tuyaux comme les publicités nous le laissent croire ? Aperçu et décryptage pour les néophytes qui voudraient se brancher !

     

    La vitesse

    Généralement, on parle de haut débit pour désigner une connexion à internet permettant d'accéder à des informations de façon rapide, donc dans des conditions optimales. Qui dit rapidité, dit vitesse. Celle-ci est mesurée en kilo bit par seconde (Kbps) ou kilo octet (Ko/s). Ce sont les unités de mesure du débit. Le bit est l'unité de base pour mesurer le volume d'information numérique composée de 0 et de 1 (en binaire). L'octet (ou bytes en anglais) représente 8 bits. Par exemple, 128 Ko/s correspond à 1024 Kbps (ou 1 Méga). C'est cette 2e valeur qui sert de base dans la communication des offres commerciales. En effet, on parle "du 512 ou du 1024", ce chiffre est le débit entrant ou "descendant", donc la quantité d'information maximum que vous pourrez recevoir. Mais le débit de sortie ou "montant", est bien moindre avec l'ADSL (Asynchrone Digital Subscriber Line) : généralement de 128 voire 256 Kbps dans certains cas (débit asymétrique).

     

    Les tuyaux

    Pour faire circuler ces informations numériques, en quantités plus ou moins importantes, il est nécessaire d'utiliser des tuyaux. Ce sont les opérateurs de télécommunications ou fournisseurs d'accès internet (FAI) qui disposent de ces infrastructures. Ceux qui n'en disposent pas les louent, ce qui explique que plusieurs FAI utilisent les mêmes tuyaux. Différentes technologies sont utilisées pour constituer un maillage, support de ces multiples échanges entre continents, entre pays, entre régions, entre villes. C'est ce maillage, sans point central, qui constitue le réseau internet.

    Avec ou sans fil, seule ou de façon complémentaire, les technologies retenues sont la base d'une couverture optimale. Au-delà des critères économiques et de rentabilité, les choix sont fortement liés aux contraintes géographiques du lieu où un opérateur choisi "d'installer le haut débit". Le relief, la dispersion de l'habitat, les débits nécessaires liés aux usages des utilisateurs… autant de critères pris en compte dans les choix technologiques. Deux technologies sont présentées ci-dessous pour exposer les grands principes et les complémentarités.

     

    reseaudebit

     

    L'ADSL est la technologie la plus connue. ADSL = Asymetric Digital Subscriber Line ou Réseau de Raccordement Numérique Asymétrique. Elle utilise les fils de cuivre de nos lignes téléphoniques en occupant des fréquences laissées libres, permettant des débits 10 à 25 fois supérieurs au modem traditionnel (56Kbps). De ce fait, elle est plus simple à installer car une partie liaisons (lignes téléphoniques) est déjà en place. Dans le central téléphonique, l'opérateur installe un DSLAM qui va gérer les connexions, et chez l'abonné un modem capable d'interpréter les fréquences en question. Le central est lui raccordé au réseau global par fibre optique (dans la plupart des cas). La contrainte majeure repose dans la distance maximum entre le central téléphonique et l'abonné : elle est actuellement de 4 à 5 km. Au-delà, le raccordement n'est pas encore possible, même si les technologies évoluent dans ce sens. Les offres ADSL sont le plus souvent forfaitaires : paiement d'un abonnement mensuel pour un usage illimité (durée et volume d'information échangée). La ligne téléphonique reste libre même durant une connexion internet.

    Le Wifi est une autre technologie qui connaît un développement important actuellement. Cette technologie sans fil peut être utilisée à deux niveaux : à l'échelle d'un territoire (commune), ou dans un bâtiment (domicile, bureau…). En l'absence de fibre optique, l'installation d'une parabole satellite permet de recevoir et d'émettre le signal internet. Des antennes wifi vont ensuite relayer ce signal sur un rayon plus ou moins important selon la puissance : environ 1km. Avec l'évolution actuelle du Wifi en Wimax, cette distance passe à quelques dizaines de kilomètres. Chez soi, une borne wifi connectée sur sa connexion ADSL va permettre un accès mobile dans toute la maison sans fil.

    On pourrait aussi aborder la problématique du dégroupage ou présenter d'autres technologies : le sujet est vaste ! Nous nous contentons de donner un aperçu avant que chacun puisse aller plus loin en s'appuyant sur les ressources proposées ci-dessous, ou de consulter des professionnels.

     

    Les services

    Les tuyaux c'est bien, les services qui vont avec, c'est mieux ! Les opérateurs ne se privent pas de nous vanter tous les atouts de ces technologies haut débit. La prudence s'impose, car il faut retenir que l'ensemble du territoire national n'a pas accès aux mêmes services selon sa localisation. En fonction des investissements réalisés par les opérateurs, vous pourrez disposer d'options plus ou moins avancées. Sur le territoire qui nous concerne (petite partie !), le débit maximum est de 2048 Kbps contre 8 à 10Mbps dans les grandes villes. L'accès au téléphone gratuit via internet est désormais quasiment accessible partout où l'ADSL est disponible, par contre le panel de chaînes de télé accessibles gratuitement via le même réseau, est limité à certaines zones (dites dégroupées), donc pas sur les quelques communes du plateau concernées. On pourrait aborder l'ensemble des services ensuite disponibles sur internet : les télé procédures, l'accès à des banques d'information et de données, l'échange de fichiers, la visioconférence… bref, tout ce qui peut simplifier la vie d'un citoyen, d'un chef d'entreprise, d'un élu dans sa vie quotidienne et dans les projets qu'ils portent.

     

    Les fournisseurs

    On peut citer quelques fournisseurs d'accès internet (FAI), permettant de se repérer dans le paysage des offres proposées. Tous ne sont pas implantés en Limousin. Cela est lié à leur choix commerciaux, et aussi fonction des infrastructures dont ils disposent directement ou en location. Wanadoo, Tiscali, Free et Cegetel sont les plus implantés. N9 Télécom, Télé 2, Club Internet sont présents selon les localités. Le site www.degrouptest.com propose de tester la disponibilité du haut débit à son domicile. Avant de souscrire, le conseil principal qui peut être donné est d'être vigilant sur le contenu exact des offres : la durée de l'engagement (les prix baissent vite !), les équipements fournis ou loués, le prix des éventuelles options, les abonnements réduits quelques mois avant de payer plein tarif… Il ne faut pas se précipiter !

    L'important est de comparer les offres, de définir ses usages et d'étudier l'ensemble de son budget télécom (internet et téléphonie) pour imaginer des rééquilibrages bénéfiques.

     

    Sur le Plateau

    Le Plateau de Millevaches n'est pas équipé en infrastructures haut débit. Quelques communes situées en bordure du Plateau sont en zone de couverture ADSL, mais parfois que partiellement (du fait des distances abonné/DSLAM) : Eymoutiers, Felletin, Vallière, St Quentin la Chabanne, St Yrieix la Montagne, Feyt, Eygurande, Lamazière Haute, Monestier Merlines, Merlines, Meymac, Ambrugeat, Perols sur Vézère, Bugeat, Veix, Affieux, Treignac, Chamberet.

    Le projet porté par le Syndicat Mixte Dorsal (http://www.dorsal.fr/) a justement pour objectif de mettre fin à ces déséquilibres territoriaux. Le plan d'action doit garantir une desserte à  haut débit du Limousin, donc de créer les conditions favorables permettant aux opérateurs de s'implanter en Limousin, et d'y proposer des services identiques aux grandes villes, le tout dans un contexte de concurrence bénéficiant aux consommateurs. Quelques jours avant Noël, DORSAL a choisi l'opérateur d'opérateur qui assurera la mise en oeuvre opérationnelle du projet, et ceci au travers d'une délégation de service public de plus de 20 ans. C'est Axione-Sogetrel qui a été retenu. C'est une très bonne nouvelle ! Reste à voir comment dans les faits, la desserte majeure, puis la capillarité, seront assurées. L'enjeu est majeur pour l'avenir de notre territoire. L'absence de haut débit, c'est rendre impossible l'installation d'entreprises, de télétravailleurs, de nouveaux habitants… Les collectivités, les habitants, les acteurs socioéconomiques ont besoin de ces outils : ces tuyaux associés à des services de qualité sont essentiels pour assurer l'attractivité de nos communes.

    Au-delà des aspects techniques qui deviennent vite complexes, la mobilisation de tous est nécessaire pour exiger un vrai service haut débit en Limousin. Le Plateau de Millevaches autant, pour ne pas dire plus, que les autres, a besoin d'être équipé. Après les tuyaux ce sont les usages qui sont essentiels. Inventons ensemble ce qui sera demain une valeur ajoutée pour notre territoire : un usage intelligent des nouvelles technologies au service de nos projets !

     

    David Daroussin

    Citoyen et directeur d'Activeprod

     

    machineTémoignage

    Quasiment 5 ans d'action pour Activeprod à Felletin, avec une activité de production audiovisuelle orientée vers la diffusion sur internet. Sans le haut débit, c'était obligatoirement un autre choix géographique. Pourtant aujourd'hui, c'est 3 salariés qui peuvent vivre à la campagne, et associer technologie innovante, cadre de vie et projets au service du territoire et de ceux qui y vivent. N'est pas cela le développement local ?

    Anthony Raoult

     

    Quelques mots…pour mieux comprendre
    (Extrait du guide " Haut débit / Pour tous, partout" - Délégation aux usages de l'internet - Nov. 2004)

    ADSL : (Asynchrone digital subscriber line) : La technologie DSL consiste à réutiliser la paire de cuivre du réseau téléphonique commuté (RTC) qui aboutit chez les abonnés moyennant l'installation de nouveaux équipements dans le répartiteur de l'opérateur et chez l'abonné. L'ADSL est une technologie dite asymétrique car la vitesse de réception des données est plus importante que la vitesse d'émission. Mais d'autres technologies DSL offrent des débits à la fois plus importants et symétriques.

    Chat : bavardage en ligne sur internet en temps réel entre deux ou plusieurs utilisateurs au moyen d'un logiciel de messagerie instantanée.

    E-Mail : courrier électronique. Désigne l'envoi de messages d'un ordinateur à un autre à l'intérieur d'un réseau local ou d'un réseau étendu. Ex : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

    Dégroupage : cela consiste à permettre à un opérateur alternatif de louer à France Télécom la ligne téléphonique de l'abonné. Le dégroupage partiel lui permet seulement d'offrir de l'ADSL et son client est obligé de conserver son abonnement de téléphonie fixe à France Télécom. En revanche, le dégroupage total offre à l'opérateur la possibilité de délivrer à son client des services de téléphonie et d'ADSL ainsi que l'abonnement téléphonique.

    DSLAM : (Digital subscriber line access multiplexer) : situé sur le réseau de l'opérateur local, au niveau du répartiteur, il fait partie des équipements utilisés pour transformer une ligne téléphonique classique en ligne ADSL. La fonction du DSLAM est de regrouper plusieurs lignes ADSL sur un seul support, qui achemine les données en provenance et à destination de ces lignes.

    Fibre optique : les débits offerts sont quasi-illimités mais le coût de son déploiement dû aux travaux de génie civil pour l'enterrement des lignes la cantonne essentiellement aux réseaux longue distance et boucles de collecte. Elle peut toutefois être déployée comme boucle locale dans les grands quartiers d'affaires et zones d'activité.

    Modem : Modulateur-démodulateur. Appareil qui traduit les données numériques d'un ordinateur en signaux analogiques et inversement. Toute connexion internet nécessite l'existence d'un modem.

    RTC : réseau téléphonique commuté, le réseau traditionnel de téléphonie fixe.

    Voix sur IP : la téléphonie sur Internet Protocol (VOIP) consiste à utiliser le réseau internet pour transmettre la voix. Cette évolution va bouleverser le modèle économique de la téléphonie fixe conçu sur la base du réseau commuté. La VOIP pourrait conduire à la disparition de la tarification à la distance et à la durée.

    Wi-Fi (Wireless Fidelity) : cette technologie permet de créer des réseaux locaux sans fil à haut débit pour la desserte interne de bâtiments (par exemple couplée avec un accès ADSL), mais peut également être utilisée en environnement ouvert comme moyen de desserte locale, avec une portée de plusieurs centaines de mètres.


    Voir le Magazine du Plateau n°121 de Télé Millevaches qui a consacré récemment une partie de son émission à cette thématique.

     

    pnr millevachesLe PNR met 4 millions d'euros sur la table

    Une première salve de 23 actions a été votée par le bureau du Parc lors de sa réunion de décembre 2004. Des actions qui s'étaleront sur 2005 et 2006 et qui représentent un budget global actuellement chiffré d'environ 3,9 millions d'euros.

    L'action la plus importante concerne le logement, un problème majeur sur le plateau, dont nous reparlerons dans le prochain numéro d'IPNS. Il s'agit de l'opération programmée d'amélioration de l'habitat, qui à elle seule représente 44 % du budget global de ces 23 actions : 1 577 000 euros d'investissement (aides pour l'assainissement individuel, pour l'amélioration thermique et la valorisation du bâti, ainsi que des aides spécifiques à la gestion locative) et 161 000 euros de frais de fonctionnement correspondant au technicien et au chargé de mission chargés de suivre l'opération.

    Les 22 autres actions concernent des domaines assez variés. Il s'agit du programme agri-environnemental "Millevaches", de la préservation et de la valorisation des milieux et espèces remarquables du territoire, de l'élaboration de supports pédagogiques d'éducation à l'environnement, de la création d'une maison de la chasse et de la pêche, de l'établissement de chartes paysagères, d'une opération d'amélioration foncière et environnementale, de la mise en place d'un pôle technique de référence des pratiques agricoles et de gestion de l'espace.

    Tout un volet "tourisme" complète ce premier volet environnemental. Parmi les actions touristiques on retiendra les actions de signalisation touristique, socio-économique et patrimoniale du PNR, les actions de promotion touristique et la mise en place d'un site-portail du Parc. Une opération de restructuration de l'artisanat et du commerce, la promotion d'un véritable "éco-développement" du PNR, l'aide à la restauration de salles polyvalentes destinées à recevoir des manifestations culturelles et à des espaces muséographiques, une contribution au programme de desserte haut-débit font également partie des mesures annoncées.

    Pour ces 22 actions, un budget de 2 185 000 euros est mobilisé. Sur cette somme environ 1 million d'euros est destiné à des investissements et 313 000 aux frais de fonctionnement qui y sont liés. Enfin, 40 % de ce budget (872 000 euros), seront consacrés à toute une batterie d'études, de diagnostics et d'études de faisabilité. Ces prestations concernent par exemple des chartes paysagères sur le pays de la Courtine (70 000 euros) ou sur le cœur du plateau ("Les Sources", 90 000 euros), d'une étude sur l'image touristique (30 000 euros), d'une étude de signalisation touristique (70 000 euros), d'une étude sur le développement de produits randonnée à l'échelle du parc (61 000 euros), d'un diagnostic énergétique du patrimoine communal (50 000 euros) ou d'une étude destinée à fixer les conditions d'attribution de la marque PNR à des produits locaux (38 000 euros).
  • J'ai rêvé d'un parc

    Un témoignage d'un acteur local dans un PNR créé fin 1995.

    Les finalités de l'établissement d'un parc naturel régional sur un territoire représentent un modèle de développement pour tout le territoire français. L'environnement, la qualité de vie, la primauté de l'homme sur l'économie sont des axes à travailler partout. Alors dans un parc mieux qu'ailleurs ? Sans doute s'il s'agit de donner envie, de faire du développement désirable et désiré mais surtout pas s'il s'agit de sauver quelques espaces d'une urbanisation irréfléchie.
    La 101 Voynet qui a institué les pays, même si elle a été récemment modifiée, a coupé un peu l'herbe sous le pied aux parcs. Elle s'inscrit dans une volonté de développement durable et laisse la place à une large élaboration collective. L'innovation majeure réside dans les conseils de développement qui offre un cadre à la démocratie participative.
    Un parc apporte-t-il une réelle valeur ajoutée ?
    Les structures et la définition qu'en donnent les textes ne sont rien sans les personnes qui les habitent et le sens qu'elles donnent à leur action. Un PNR est parfois malheureusement dépendant de l'ambition politicienne d'un élu à vues étroites qui l'utilise comme strapontin. Plutôt que de critiquer un bilan ce qui est difficile car on vous répondra toujours que les actions ne sont pas parfaites mais qu'elles ont le mérite d'exister, je préfère décrire l'utopie d'un PNR au service d'un territoire et pas de ses élus.

     

    pas de pnrJ'ai rêvé d'un parc qui soit une structure souple et dynamique, véritable boite à outils du territoire, d'une dizaine de salariés plus animateurs de la vie locale, médiateurs entre intérêts divergents, facilitateurs de projets que techniciens au service des collectivités locales. Cette agence de développement local humain et solidaire démultiplie son action par des partenariats étroits avec les acteurs (associations, entreprises, collectivités locales) qui veulent mettre leur compétence au service des territoires. Ces partenariats sont contractualisés sous forme de missionnement définis de façon paritaire ou par des conventions pluriannuelles. Les financements que le PNR mobilise grâce à son label jouent souvent un rôle déclencheur dans de nombreux montages financiers. Les compétences en ingénierie de projet de l'équipe de permanents permet de diversifier les sources de financement. La sécurité de savoir son budget assuré permet aux permanents de tenir une fonction de veille territoriale et d'anticipation.

    Des fonds européens sont mobilisés sur certains projets et rejaillissent sur la vie locale tout en permettant aux actions transnationales de favoriser les échanges avec d'autres pays. Ces nombreux contacts favorisent l'innovation dans tous les domaines. L'activité économique se diversifie grâce à cette dynamique et s'ouvre à des activités nouvelles.

    Le Parc suscite chaque fois qu'il le peut le regroupement des acteurs dans tous les domaines de la vie sociale, culturelle et économique locale. Il met en place des formations-actions regroupant des acteurs autour d'un projet. Rapidement des structures-outils sont créées pour prendre le relais de l'action initiale du Parc.

    Une agence de voyages est créée et s'appuie sur les prestataires touristiques du territoire et coordonne le travail des offices du tourisme pour la commercialisation de séjours. Une société locale financière recueille l'épargne de proximité en collaboration avec l'agence bancaire locale (qui ne peut jouer ce rôle étant tenue par les directives venues d'en haut). Ces fonds sont mobilisés pour des projets de développement local.

    Un groupement d'employeurs permet d'adapter au mieux les besoins des entreprises et l'intérêt des salariés. Une coopérative d'emploi et d'activités facilite le parcours des porteurs de projet.

    Enfin une innovation réside dans le choix de la structure porteuse du Parc : une société coopérative d'intérêt collectif. Différents collèges sont organisés : les usagers (habitants), les entreprises et associations (avec représentation collective), les salariés, les élus.

     

    Le collège des élus garde une minorité de blocage et un droit de veto sur les décisions mais ils ne peuvent prendre des décisions seuls. Ils ont besoin de l'appui des autres collèges. Dans la pratique, les décisions sont longuement élaborées pour recueillir un appui large. On s'est en effet aperçu que plus une décision recueillait d'avis favorables, plus elle avait de chances de se mettre réellement en place et d'être efficace. Ce travail d'élaboration en collège permettait souvent de faire le tour de la question et de ne pas produire des décisions qui finissent par être contradictoires en essayant de satisfaire des intérêts particuliers ou corporatistes.

    Dans son discours d'orientation, le président en activité (chaque président exerce un mandat de deux ans tournant avec les autres membres du bureau) insiste sur la non-durabilité du parc en tant qu'institution sur le territoire. Selon lui, l'efficacité de son action se mesure au nombre d'années où il sera devenu inutile et remplacé par des initiatives locales multiples et coordonnées.

     

    Le budget est élaboré selon un processus associant les habitants, les usagers et les organisations locales. C'est une construction participative totalement transparente élaborée sur la base des 20 années d'expérience de la ville de Porto Alegre au Brésil. Une part de 5 % du budget est affectée chaque année à des actions de solidarité internationale car il est difficile de parler de développement durable sans s'intéresser aux populations du sud.

     

    Les propositions touristiques ne cherchent pas à valoriser une vitrine tournée vers le passé et le mythe trompeur d'une vie rurale idyllique. Le tourisme est une occasion d'échange authentique et de compréhension des réalités locales actuelles.

     

    L'aménagement du territoire est envisagé comme un axe structurant d'une véritable politique de développement durable. Dans ce cadre, les collectivités locales investissent pour créer des réserves foncières ou des programmes immobiliers permettant l'accès au plus grand nombre à un logement décent. Les solutions collectives (habitat groupé, lotissement autogéré) sont mises en avant. Chaque fois que c'est possible, ces constructions prévoient dans leur environnement proche des espaces d'activités pour permettre l'implantation d'entreprises. La concentration en zone d'activités est évitée.

     

    En terme de méthode, la recherche-action est privilégiée chaque fois qu'une problématique se pose. Les acteurs concernés et volontaires sont associés et rémunérés pour leur participation si besoin. Ce groupe dispose d'un budget qu'il peut affecter en toute autonomie pour agir sur le thème étudié. Le recours à des cabinets extérieurs composés d'experts donnant leur avis sur les pratiques des autres est l'exception.

     

    Et pour clore ce rêve, demandons-nous ce qui empêche les parcs naturels régionaux de jouer ce rôle d'agent de développement local ancré dans l'innovation sociale ? En tout cas certainement pas sa structure juridique et administrative, ni ses finalités.
    Alors c'est à chacun de se poser la question...

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    Jean-Luc Chautagnat

    Massif des Bauges - Savoie
  • L’oeil de Roger Vulliez sur le plateau... en image

    La croix du mouton de Peyrelevade reliftée

    croix mouton 1988croix mouton 2005

    On sait depuis 20 ans que nos croix de chemin, nos lavoirs, nos vieux murs et nos fontaines ont été érigés au titre glorieux de "petit patrimoine rural". On s'est mis à en prendre soin, à le valoriser et à s'en servir pour attirer le touriste et redorer les fiertés locales. A Peyrelevade, la croix du mouton, emblématique de ce patrimoine, a bénéficié depuis 1988 de cette sollicitude. A l'époque, on le voit bien sur la photo, elle gisait là depuis des siècles, bancale et de travers sur un talus herbeux peu entretenu qui enterrait en partie la pierre levée qui se trouve sur la gauche. Un poteau téléphonique y était accolé et les bas-côtés de la route semblaient laissés à l'abandon.

    Si peu d'éléments nouveaux sont intervenus en 2005 (seuls les feuillus ont poussé encerclant le grand résineux qui ne semble pas avoir grandi), ce qui ressort de la photo, c'est le soin qu'on prend désormais du cadre où se trouve la croix. Celle-ci a été nettoyée (la mousse présente en 88 sur les flancs du bélier a disparu) et surtout redressée. La pierre levée a été dégagée du talus, celuici a disparu, on a éloigné l'incongru poteau téléphonique et le pré qui est derrière la croix est à nouveau entretenu : on y met des chevaux comme en témoigne le ruban électrique. Entre le décor laissé à lui-même et un peu abandonné de 1988 et celui nettoyé, lissé et amélioré de 2005, c'est l'effort de mise en scène désormais inscrit dans le paysage qui nous frappe.

     

    La naissance d'un étang et le grignotage de la forêt

    etang 1988etang 2005

    Il faut être attentif pour repérer que ces deux photos prises sur la départementale 109 entre Tarnac et Saint-Merd-les-Oussines, l'ont bien été au même endroit. On peut prendre comme points de repère sur la photo de 1988 le gros bosquet d'arbre à l'extrême gauche et les deux petits arbres isolés au centre de la photo, qu'on retrouve sur celle de 2005. Le paysage dès lors se recale sous nos yeux et l'on retrouve la rangée sombre de la plantation résineuse en arrière plan et le relief de l'horizon. Par contre tout le premier plan est profondément bouleversé. L'arbre et l'eau ont ici radicalement transformé ce qui en 1988 n'était qu'une vaste lande humide au fond sans doute tourbeux. Désormais ce fond mouillé (sur la photo de 1988 on remarque la couleur plus foncée du couvert herbeux à droite du gros bosquet) est devenu un véritable étang qui a noyé toute une partie de la zone. On aperçoit même sur la gauche une petite île sur laquelle des arbres ont poussé. Derrière cette étendue d'eau la végétation forestière a gagné du terrain en recouvrant tout l'espace entre nos arbres repères. De la même manière devant les sapins noirs qui sont sur la droite et qui ont grandi entre 1988 et 2005, une petite rangée de conifères et des touffes de feuillus se sont avancées sur la lande. Ces deux photos montrent avec quelle rapidité le paysage peut évoluer et comment l'eau et la forêt, deux éléments caractéristiques du plateau, peuvent conquérir de nouveaux espaces.

     

    Le lac Chammet fidèle à lui-même ?

    lac chammet 1988lac chammet 2005

    Les deux photos du lac Chammet à Peyrelevade vu depuis le barrage, apparaissent quasiment identiques. Bien sûr quelques arbres ont poussé : sur la berge à droite, le long de la route qui coupe la colline et surtout sur la crête où une plantation toute jeune en 1988 barre le sommet en 2005. Pour le reste tout semble figé. Les bouées sur le lac n'indiquent pas une activité nouvelle puisque le centre de loisirs d'EDF était déjà là il y a 20 ans. Peut-être disent-elles seulement un renforcement de la réglementation qui veut désormais que les espaces de navigation soient matérialisés ? Pourtant entre 1988 et 2005 la colline de Chammet que nous voyons sur ces photos a totalement changé de destination et d'activité. A l'époque de la première photo c'était une pâture à moutons. Depuis (cela date du début des années 90) c'est devenu un golf et ce que nous croyons n'avoir pas changé est passé du statut de pâturage à celui de parcours de golf. L'élevage a cédé ici sa place au loisir. La surprise est de constater que cela n'a en rien modifié l'aspect paysager du site. Confirmation que lorsque l'espace est entretenu par la main de l'homme (et il n'y a peut-être pas d'entretien plus minutieux que celui d'un green) le paysage change beaucoup moins que lorsqu'il est laissé à lui-même.

     

    La source de la Vienne a changé d'écrin.

    source vienne 1988source vienne 2005

    La vieille borne de granite qui marque la source de la Vienne au pied du Signal d'Audouze est le seul témoin permanent de ce petit coin du plateau qu'on ne reconnaîtrait plus si elle n'était pas là. En 1988 les plantations résineuses qui encerclaient la source venaient d'être coupées (une coupe rase manifestement). On voit les troncs abattus, les andains regroupés en tas et seuls deux ou trois perches maigres indiquent sur l'horizon la hauteur que devaient atteindre les sapins. C'est le vide qui domine cette photo, un vide qui n'est pas sans rappeler les paysages dévastés par la guerre que Roger Vulliez a photographiés au Sri Lanka. Au dessus du chaos du chantier forestier, un grand ciel vide permet au soleil d'inonder tout le paysage. En 2005, on a changé de décor et d'impression. La végétation a repris possession de l'espace dénudé de 1988. Des essences colonisatrices ont poussé (sans doute des sorbiers ou des alisiers) et la végétation pionnière caractéristique du "tiers paysage" de Gilles Clément (voir IPNS n° 9) s'est imposée : on voit essentiellement les fougères dont certaines atteignent largement la hauteur d'un homme. Autour de la borne, l'herbe piétinée et l'absence de végétation anarchique laisse penser que la source de la Vienne reçoit régulièrement quelques promeneurs qui descendent jusqu'au creux du vallon où la rivière prend sa source. Pour cela on s'enfonce dans un fouillis de feuillus intime et secret qui empêche désormais toute vue un peu générale sur le paysage alentour : "C'est un trou de verdure où chante une rivière".

  • La loutre est de retour !

    loutreLa loutre est de retour ! Et pas seulement sur le logo du PNR ! Sur l'ensemble du Limousin à présent, si nous nous promenons le long des rivières, des ruisseaux ou des étangs, un oeil attentif nous indique qu'elle est de nouveau présente sur notre région. Elle constitue une des richesses patrimoniales les plus remarquables du Limousin. Petite présentation avec un de ses spécialistes, Frédéric Leblanc.

     

    Comment repère-t-on la présence de la loutre ?

    De mœurs nocturnes dans notre région, la loutre est plutôt discrète. De fait, les indices de sa présence les plus précieux sont les "épreintes" (crottes composées de restes osseux de poissons ou d'amphibiens) déposées sur les rochers ou les souches dans le lit des cours d'eau, et les empreintes laissées sur les bancs de sable ou de vase.

    Comment savoir si cet animal aquatique discret et difficile à observer est présent sur l'ensemble des cours d'eau limousins ? Une étude récente menée par le GMHL (Groupe Mammalogique et Herpétologique du Limousin), financée par la Direction Régionale de l'Environnement, le Conseil Régional du Limousin et les Agences de l'Eau Adour-Garonne et Loire-Bretagne, a permis de mettre en évidence la présence de la loutre sur la très grande majorité du Limousin. L'étude, s'inscrivant dans le cadre du Plan de Restauration de la loutre en France, s'est déroulée sur deux ans (2003-2004) et a mobilisé de nombreux bénévoles. Les prospections se sont effectuées par bassin versant à partir du réseau hydrographique afin d'obtenir une meilleure compréhension de cette recolonisation de la loutre vers les bassins de la Charente, de la Vienne, de la Dordogne, de l'Indre, du Cher, de la Tardes et du Lot. En Limousin, la loutre fréquente aussi bien les marais, les étangs, les mares et les ruisseaux que les rivières plus larges et plus calmes.

    Les objectifs de cette étude sur la répartition actuelle de la loutre en Limousin ont été :

    • d'évaluer sa progression notamment vers les voies d'échanges potentielles entre les populations du Massif Central (au sens large) et celles du Centre-Ouest Atlantique ;
    • d'apprécier l'ampleur de cette recolonisation à partir d'éléments tangibles et détaillés, à l'instar de l'étude réalisée en 2000 en Poitou-Charentes ;
    • enfin, de pallier à une certaine carence de données fiables concernant la loutre en Limousin ces dernières années (entre 1994 et 2002).

     

    Petite histoire de la reconquête

    Jusqu'au milieu du XXème siècle, la loutre d'Europe était présente presque partout en Europe. Le piégeage et le tir, la pollution des eaux, la régression alarmante des zones humides et l'aménagement non réfléchi des rivières et de leurs vallées ont contribué à un déclin massif de l'espèce entre 1930 et 1985. Les départements de la Creuse et de la Charente-Maritime étaient devenus les seuls départements où ce mustélidé était encore commun.

    Depuis la fin des années 1980, la situation s'améliore et la loutre regagne progressivement les espaces perdus. Les populations limousines de loutre jouent un rôle très important dans la reconquête des bassins de la Loire et de la Dordogne.

    Notre région constitue maintenant une zone de grande importance permettant de relier les populations de la côte atlantique avec celles de l'Auvergne.

    Aujourd'hui, son aire de répartition présumée occuperait 95 % du réseau hydrographique régional en 2004 contre 55 % en 1989. (cf. carte)

    En France, l'espèce est protégée légalement depuis 1972. Elle l'est aussi au niveau international depuis 1979 par la convention de Berne et depuis 1992 par la Directive européenne "Habitats". Cet éventail de protections légales a contribué en grande partie à la sauvegarde de la loutre et à ce retour.

    La diminution de certains polluants en milieux aquatiques (métaux lourds et organochlorés notamment) est également un facteur favorable. L'apparition de nouvelles ressources alimentaires invasives constitue aussi un facteur favorable à la loutre, c'est le cas notamment des écrevisses américaines voire des ragondins. Chaque loutre défend un territoire dont la taille dépend de la ressource en nourriture (poissons, amphibiens, écrevisses). Il est délimité par les épreintes déposées en évidence sur les berges. Les mâles peuvent avoir besoin de 40 km de rivière alors que les femelles se contentent en général de 5 à 15 km. Plus la nourriture est abondante, plus la taille des territoires est faible. En Limousin, la principale zone où la loutre est absente est le sud-ouest de la Corrèze ; cela correspond aux zones de vergers intensifs, aux secteurs où les dépenses en produits phytosanitaires sont les plus importantes, aux principales zones irriguées, au regroupement le plus important de sous bassins hydrographiques aux peuplements piscicoles perturbés et à l'emplacement de quelques barrages de hautes chutes.

    Cependant, les rivières présentes dans l'aire de répartition présumée ne sont pas toutes très favorables à la loutre. C'est le cas des zones d'influences, en particulier en amont, des ouvrages hydroélectriques, de l'aval des grandes agglomérations et de certains bassins versants aux peuplements piscicoles dégradés en raison d'aménagements hydrauliques inappropriés.

     

    carte loutre limousin gmhl

     

    Un retour fragile

    Si la loutre est de retour sur l'ensemble du Limousin, les deux tiers de la France restent à reconquérir. L'étude menée en Limousin a montré que cette expansion progressait de 3,8 km / an. Ce qui est relativement lent d'autant plus que plusieurs facteurs peuvent freiner voire stopper ce retour.

     

    Trois freins à la reconquête

    La dégradation et la disparition des zones humides

    En France, mais aussi en Limousin, les zones humides ont régressé de manière importante et de nombreux marais ont été drainés, de nombreux cours d'eau ont été canalisés ou endigués. Ces aménagements sont très souvent préjudiciables à la faune piscicole et donc également à la loutre.

    La pollution

    La présence d'organochlorés ou de métaux lourds dans les rivières a globalement baissé depuis quarante ans. Cependant, tout ne va pas forcément mieux et d'autres polluants également très préjudiciables aux peuplements piscicoles et aux amphibiens se retrouvent de plus en plus dans la nature : par exemple les antibiotiques, les métabolites du glyphosate (herbicide).

    Le trafic routier

    Les routes traversent parfois des rivières sur des ponts inappropriés qui obligent les loutres à passer sur la chaussée pour traverser. Les cas de collisions mortelles peuvent être parfois importants sur certaines chaussées. En Bretagne par exemple, 3 à 5 % de la population disparaît de cette manière.

     

    Une cohabitation difficile ?

    La loutre revient d'elle-même dans nos rivières, sans aide, sans gestion ni programme coûteux de réintroduction. C'est une chance et un très grand espoir de préserver notre patrimoine naturel. Cependant, la présence nouvelle de la loutre peut être localement source de mécontentement pour les pisciculteurs ou pour certains usagers des rivières. Des solutions existent : ainsi un partenariat entre un pisciculteur de Haute Corrèze et Limousin Nature Environnement, avec le soutien de la DIREN, du Limousin a permis d'aménager son exploitation piscicole afin d'en interdire l'accès à la loutre. Grillages et clôture électrique évitent à présent toute prédation sur les bassins.

    Intérêts humains et présence de la loutre ne sont donc pas incompatibles, ils sont même concordants et tant qu'il y aura des loutres, nous aurons l'assurance de la richesse et de la bonne santé de nos rivières et de nos zones humides.

     

    Frédéric Leblanc

    Frédéric Leblanc est naturaliste, administrateur du Groupe Mammalogique & Herpétologique du Limousin (GMHL) : 11, rue Jauvion - 87000 LIMOGES. Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
    Il est également secrétaire de la Société Française pour l'Etude et la Protection des Mammifères (SFEPM) : c/o Muséum d'Histoire naturelle - Parc St PAUL - 18000 BOURGES. Courriel : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. 
    Pour en savoir plus BOUCHARDY, 2001. La Loutre d'Europe. Histoire d'une sauvegarde. Ed. Catiche Production. 31 p. ETIENNE P., 2005. La loutre d'Europe. éd. DELACHAUX & NIESTLE, Les sentiers du naturaliste, 192 p. ROSOUX R. & GREEN J., 2004. La loutre. Ed. Belin - Eveil Nature, 95p.
  • Le PNR, nouveau désert

    Depuis plus de deux ans que le PNR existe, celui-ci demeure encore en grande partie étranger à bon nombre d ‘habitants du plateau. Que fait-il ? Que font les quelques vingt personnes qui y travaillent ? A quoi sert-il ? Quels liens quotidiens, réguliers et complices tisse-t-il avec la population ? Pour beaucoup, le PNR demeure une structure mystérieuse, lointaine et compliquée. Pour certains elle est devenue une structure bureaucratique et technocratique coupée des préoccupations locales. Un fossé, doucement mais sûrement, se creuse entre elle et les associations les plus dynamiques du territoire, entre elle et des élus de base qui en ont marre de ne pas être écoutés. Quelques uns d’entre eux, corréziens comme creusois, envisagent même de boycotter les réunions du parc où ils ont le sentiment de ne faire que de la figuration.

    Encore ailleurs, des personnes s’interrogent sur le projet de territoire porté par le parc. Elles ne se reconnaissent pas dans la vision patrimonialisée que le parc promeut au travers de certains de ses documents.

    En ouvrant cette page aux débats dont le parc fait l’objet, nous invitons tous ceux qui se reconnaissent dans ces questionnements à nous faire part de leurs réactions et de leurs propositions. Nous alimenterons ainsi une réflexion qui souhaite que les critiques contre le parc fassent l’objet d’un véritable débat public. Pour commencer, nous publions sous le titre «PNR, nouveau désert», un texte issu de la réflexion collective de quelques habitants du plateau.

     

    agriculteur entretien espaceLa modernité a frappé le monde paysan comme la foudre. Pour le plateau de Millevaches, modernité a d’abord signifié : exode rural, mort du patois, explosion de la communauté traditionnelle, sentiment d’être laissé à l’écart de l’histoire, de la civilisation, terreur de ne pas en être. Toute une région autrefois densément habitée, vivante, s’est trouvée désemparée, complexée, exsangue.

    Au terme de ce processus apparaît finalement une proposition à première vue bénéfique et prometteuse : le Parc naturel régional (PNR). Il s’agit de «revitaliser», «désenclaver », «dynamiser» le territoire. Le PNR, à travers ses conseils consultatifs, ses chargés de mission, ses brochures en quadrichromie, ses panneaux d’interprétation, capte un ensemble de questions dont aucun de ceux qui habitent ici ne peut nier qu’elles le concernent.

    On ne peut pas dire que le PNR cache son jeu. Au contraire, il a rédigé une charte, un diagnostic territorial qu’il convient de lire pour savoir un peu à quelle sauce on voudrait nous aménager.

    Tant que le plateau était peuplé, c’était une terre de champs, de landes et de tourbières. C’est, au fur et à mesure de sa désertification, devenu une terre de plantations, où ne subsistent que quelques exploitations compétitives. Le PNR se saisit de cet abandon, se fait fort de l’aménager en paysage, paysage qu’il s’empresse d’exhiber aux foules stressées et déracinées des métropoles en leur disant : «Allez passer vos vacances par là, là-bas, c’est la nature». Il constitue ainsi la campagne en passé idéal, maintenant que la modernité l’a réduite à si peu. Après des siècles de honte de leur origine faite aux paysans, aux artisans, on les exhibe avec fierté comme gage de l’authentique, de la communauté, de ce contact avec la nature et entre les humains dont nos contemporains manquent si fort. Et c’est sur la base de cette image que le PNR ambitionne en fin de compte de «restructurer le territoire», de construire le territoire- entreprise, doté d’un logo, d’un label, d’une identité visuelle et culturelle.

    Il se lance dans ce fameux «marketing territorial» où tout doit être «valorisé», afin de devenir un «gagnant» dans la «mise en concurrence européenne des territoires». Sous prétexte de le faire connaître, c’est le pays que l’on vend.

    Ecologie, tourisme, agriculture, le PNR porte ainsi avec lui un ensemble de projets, de pratiques, dont le trait commun est la constitution du territoire en patrimoine, et ce de la sphaigne aux maisons en passant par le feu de bois. Les agriculteurs ont d’ailleurs vocation, dans ses termes et à défaut d’être réellement compétitifs, à devenir de simples «gardiens du paysage» tandis que les habitants se changeraient en autant d’acteurs du terroir.

    Nous pensons que le soi-disant sous développement» du plateau n’est pas une condition simplement subie, un pur malheur, mais aussi le fait d’une résistance, au travers d’un ensemble d’usages, d’habitudes, à une logique de développement qui a montré, à l’échelle mondiale, son caractère de désastre. Nous croyons que ce sont ces pratiques, et la communauté qu’elles créent, qui ont permis au plateau, sous une certaine Occupation, de s’opposer comme nulle part ailleurs au désastre environnant. Contrairement à ce que soutient le parc, nous croyons que le plateau est habité, habité par d’autres désirs et d’autres pratiques que ceux d’en faire un musée, un capital à faire valoir.

  • Les pays en université

    Vendredi 4, samedi 5 et dimanche 6 juin 2004 se tenaient à Eymoutiers les 4èmes Universités des Pays organisées conjointement par l'Association interterritoriale des Universités de Pays, le Syndicat Intercommunal de Monts et Barrages et le Conseil de Développement du Pays Monts et Barrages. Ce fut l'occasion pour le Pays Monts et Barrages de confronter sa démarche de construction à celles des autres pays présents et d'enrichir ses réflexions quant à la finalisation de la charte de Pays.

     

    Des pays et des rencontres

    universite 1L'Association interterritoriale des Universités de Pays, créant les conditions de l'échange d'expériences sur différents territoires et la mise en réseau, a proposé au Pays Monts et Barrages, présidé par Jean-Pierre FAYE, de recevoir les 4èmes Universités de Pays.

    Pendant ces trois jours, ce ne sont pas moins de 200 personnes, venues de Monts et Barrages ou représentants d'une trentaine de Pays jusqu'à la Guadeloupe) structures ou associations de développement, habitants ou élus, qui se sont rencontrées pour échanger.

    Cette fin de semaine fut l'occasion de travailler sur des thèmes forts comme ceux de l'habitat, du patrimoine, de l'accueil et de l'encouragement des entrepreneurs, des services, de la participation des jeunes, tout en favorisant la rencontre et l'échange d'idées et d'expériences. "Cet événement permet la rencontre et l'enrichissement mutuel entre des territoires ayant des projets proches ou non et qui sont plus ou moins avancés" estime Jean-Luc Seignez, président du Conseil de Développement de Monts et Barrages.

     

    Un programme riche

    universite 2Un moment fort comme les Universités ne s'improvise pas. Le mot Université peut en rebuter plus d'un : "ce terme n'est pas à comprendre dans un sens élitiste où d'éminents chercheurs, savants et intellectuels se retrouvent pour théoriser ; non ce terme est à prendre au sens "d'université populaire·, celle où les acteurs de terrain se rassemblent pour se connaître, pour échanger sur leur pratique, pour créer un réseau vivant de citoyens responsables du futur." insiste Jean-Luc Seignez.

    Le programme de ces 4èmes Universités le prouve :

    • deux tables rondes intitulées : "Le développement participatif : les habitants source de changement ?" et "Le développement durable : du concept à la pratique"
    • neuf ateliers thématiques, proposant une réflexion et des échanges
    • une foire aux initiatives et aux projets regroupant une vingtaine d'acteurs du pays (associations, représentants d'activités économiques, projets du Syndicat Monts et Barrages)
    • des randonnées et visites à thème (énergies renouvelables, agriculture, patrimoine).

    La compagnie Origamini a ponctué les travaux par des impromptus théâtraux pleins de sensibilité et de bon sens. Des moments musicaux ont été animés par Manivelles & p 'tits trous (de Bujaleuf) et le Bourbon street blues band. La convivialité ne pouvait être absente de ce rendez-vous.

     

    Les Universités de Pays, un moment charnière dans la démarche du Pays Monts et Barrages

    "La démarche de pays engagée depuis décembre 2001 arrive à une étape importante : la présentation du projet de développement du territoire" précise Dominique Traineau, animateur de Pays, qui ajoute : "afin d'enrichir ce travail et de permettre son appropriation, le Syndicat Intercommunal et le

    Conseil de Développement invitent les habitants, des femmes et des hommes venus des pays de France à découvrir, à échanger et approfondir le projet de développement. Nous avons tenu à marquer cette volonté d'appropriation par le slogan suivant : la Charte de Pays - un projet qui nous ressemble, un projet qui nous rassemble".

     

    IPNS : À propos des ateliers, vous dites que les questions abordées s'inscrivent dans les objectifs opérationnels de la charte. Comment êtes-vous arrivés à définir ces axes opérationnels ?

    Logo Monts et Barrages"La définition de ces axes opérationnels est le fruit d'un long travail et le résultat de la démarche participative mise en route dès l'origine du projet" précise D. Traineau.

    J.L. Seignez ajoute ·La construction collective du projet de territoire ne s'est pas inscrite dans un processus linéaire - état les lieux-diagnostic-projet - où chaque phase de travail ne débute que quand la précédente est achevée. Avec le soutien d'Ariane Développement Local, c'est au contraire une dynamique d'allers-retours entre /'expression des habitants et une formalisation progressive qui ont permis de préciser simultanément les éléments de diagnostic, le problème central du territoire, de même que la colonne vertébrale de la charte (but, finalités, objectifs) et les actions à envisager".

    Pour le Pays Monts et Barrages, le diagnostic a été réalisé en plusieurs temps. Il s'est appuyé sur les travaux des commissions du Conseil de développement ouvertes à l'ensemble des personnes du territoire intéressées, sur deux séminaires d'une équipe prospective représentative des différentes composantes socioéconomiques et géographiques du territoire.

    Des réunions publiques ont permis de le partager et de le compléter avec les habitants.

    "De ce travail en allers et retours, des réflexions collectives, se sont dégagés 9 axes dits objectifs opérationnels. Ils seront remodelés suite au travail des groupes-projets réunis en mai et des ateliers de l'Université de Pays• précise Jean-Pierre Faye. ·Je tiens à ajouter que cette démarche constitue un des leviers pouvant faire évoluer les mentalités, faire que chacun se sente acteur et responsable du développement local. Cependant, aucune loi ne pourra décréter la participation citoyenne : c'est une question de motivation, d'envie, mais aussi de possibilité de faire. Cela s'apprend, cela s'organise, cela se pratique."

     

    IPNS : Jean-Pierre Faye, quelles sont les prochaines étapes de la démarche de Pays ?

    "Après l'avis de l'ensemble des acteurs sur le problème majeur du territoire, un projet est défini, c'est-à-dire un ensemble d'actions d'aménagement et de développement orientées vers un but commun visant à la résolution du problème. Les prochaines étapes sont donc la finalisation de la Charte de Développement dont la version définitive va être présentée au Comité syndical. La Charte sera ensuite approuvée par les 32 communes du territoire en début d'été. S'en suivra le Contrat de Pays qui contiendra les premières actions qui seront menées en 2005 - 2006, contrat qui doit être signé avec l'Etat, la Région et le Département avant le 31 décembre 2004 ."

     

    Marc Albin

    Contact : Syndicat Intercommunal Monts et Barrages

     

    Le Pays Monts et Barrages

    21 415 habitants
    32 communes
    3 bourgs centres de services : Saint-Léonard-de-Noblat, Châteauneuf-la-Forêt, Eymoutiers
    2 communautés de communes: de Briance-Combade (qui regroupe les 10 communes du canton de Châteauneuf-la-Forêt), et celle des Portes de Vassivière (qui regroupe 11 des 12 communes du canton d'Eymoutiers); une troisième est en cours de construction sur le canton de Saint-Léonard-de-Noblat.
    Parallèlement 16 communes sont engagées dans le Parc Naturel Régional de Millevaches en Limousin, 3 adhèrent au Syndicat mixte de Vassivière.

     

    Les 9 axes opérationnels de la future charte

    1. Créer et renforcer à l'échelle du territoire les conditions pour entreprendre
    2. Développer une offre de logements adaptée
    3. Dynamiser la vie inter-associative et l'articuler avec les dispositifs publics
    4. Valoriser et préserver les milieux naturels
    5. Aménager le territoire de façon équitable et cohérente
    6. Améliorer la vie au quotidien en adaptant les services aux évolutions du territoire
    7. Favoriser la participation des habitants au développement de leur territoire
    8. Affirmer le Pays comme échelle pertinente d'organisation des acteurs touristiques
    9. Accompagner la démarche de pays
  • Limousin... Lequel ?

    L 'écrivain Richard Millet a confié au Nouvel Observateur (n° du 1er au 7 avril 2004) une chronique limousine dans laquelle il brosse le portrait d'une région "qui n'existe pas". Eric Fabre l'a lue et nous parle d'une autre région - la même - dans laquelle il vit et existe. Mais alors... Limousin où es-tu ?

     

    angelus milletLe régionalisme contre la province

    Le Limousin intrigue et rebute, quand il ne prête pas à sourire : plus qu'une région, il est un désert vert, à peu près inconnu, un territoire maudit de l'imaginaire français. On n'y voit le jour que pour s'en aller, comme le cardinal Dubois a fui Brive, Giraudoux Bellac, Jouhandeau Guéret, Rebeyrolle Eymoutiers, Rohmer Tulle. Une terre inhabitable, que mes ancêtres quittaient pour aller travailler comme maçons à Paris ou négociants en vins à Bordeaux. Avec Guéret, Tulle ou Brive, Limoges, sa capitale, est un des symboles de l'ennui provincial : comment ne pas périr dans une ville qui a donné le verbe limoger ? Comment ne pas se souvenir du pédant charabia de l'escholier limousin de Rabelais ou du Limougeaud Pourceaugnac de Molière, parangon du ridicule de province ? Quant aux hommes politiques qui y naissent, ils continuent d'incarner le vieux rêve "rad'soc" d'une France où tout le monde serait de gauche, même à droite.

    Voilà donc une région qui a rempli sa fonction de terre balzacienne : on nait en Limousin pour devenir Parisien, c'est à dire en reniant son origine provinciale.

    On me dira que la littérature n'est plus le référent idéal français, que l'opposition entre Paris et la province est dépassée. On ne croit pas si bien dire : c'est peut-être Paris, donc la France, qui est en train de se diluer dans l'Union européenne, de se provincialiser au sein d'un monde remodelé par l'Amérique. D'aucuns me soufflent que c'est justement maintenant que les régions ont un rôle à jouer, que les nations sont des cadres obsolètes, et les racines nécessaires, une fois lavées de leurs connotations barrésiennes ; et de redéployer le "potentiel" de la "région Limousin" (label auquel je préfère, somme toute celui de province). Je leur réponds que le Limousin n'existe pas : que, des trois départements qui le composent, la Haute-Vienne est tournée vers les Charentes, la sinistre Creuse soupire vers les plaines du Bourbonnais, et la Corrèze vers le Quercy et le Bordelais. Le Limousin est une fiction à quoi la Montagne limousine a donné un semblant d'unité, comme un ensemble de terres rassemblées autour de sa forteresse. Une forteresse, dont le donjon est le plateau de Millevaches, bientôt classé parc naturel régional, donc muséifié. Le régional contre le provincial. Tel serait le salut de ces terres perdues mais sauvées par ses traditions anciennes et récentes : la porcelaine, la liqueur de noix, les bovins à robe rousse, les pommes golden, l'école de Brive, les cèpes, le festival théâtral des Francophonies de Limoges, les centres d'art contemporain de Vassivière et de Meymac, le tourisme vert, le haras de Pompadour - autant dire pas grand chose puisque tout cela est inclus dans une économie qui ne produit plus de symbolique. Le Limousin est mort dans les années soixante avec ses paysans, ses maçons et sa langue ; il n'est plus qu'une entité administrative qui se rêve un avenir que ses villes ne sauraient lui assurer, puisque géographiquement inaccessibles, et un destin culturel sous perfusion des deniers publics. La vraie culture, nous le savons, nous autres écrivains, est ce que Paris transforme en universel. C'est pourquoi je refuse d'être considéré comme un écrivain limousin. Non que je renie mes origines ; bien au contraire, je tâche dans mes livres de faire entendre ce qu'ont été les hivers interminables, le souffle des bois et de la grande nuit contre laquelle mes ancêtres ont lutté sur le haut plateau granitique. Mais le fait d'être originaire de cette province ne saurait m'assigner à résidence : la vraie culture a lieu hors territoire, sur les terres de l'imaginaire, là où les paysans limousins rejoignent les pauvres hères du Mississippi ou d'ailleurs.

     

    Richard Millet

     

    Le territoire comme œuvre d'art

    les demoiselles d avignonPalais des Papes. Avignon. La vieille dame contemple les Demoiselles exposées là, devant elle, sur le mur de pierres claires. Perplexe, elle s'approche de l'artiste pour lui dire son incompréhension. " Parlez-vous le chinois ? ", lui demande Picasso. " Non ", répond-elle et le peintre d'ajouter alors : "cela s'apprend, madame ! " Saint - Priest - Taurion. Soixante ans plus tard. Une initiative privée fait venir dans ce petit village du Limousin plusieurs dizaines de dessins du même Picasso pour trois jours d'exposition publique.

    C'est avant que ne s'ouvre à Eymoutiers l'Espace Rebeyrolle situé non loin du Centre National d'Art et du Paysage de Vassivière, lui-même proche de Meymac, cet autre bout d'une route d'art contemporain unique en France et qu'ouvre, aux confins charentais, le merveilleux château de Rochechouart.

    En ce même Limousin se dessinent d'ailleurs chaque jour d'autres œuvres (codeurs optiques, interrupteurs, voitures, assiettes, rotules, parfums, aliments, veaux, vaches, moutons, jouets... ) qui font le tour du monde 1 Tiens, j'entends dans la merveille des prairies jaunes et vertes de notre printemps passer les airs baroques, électroniques ou électro - acoustiques, de musiques vivantes qui font connaitre cette région de France partout en Europe et au - delà.

    Et cette Montagne Limousine qui dessine, elle, les contours de nouvelles solidarités ; et cette Région (r majuscule) qui est la première en France, et l'une des premières en Europe, à utiliser les outils de la prospective pour penser, écrire et construire son avenir (Limousin 2007, Limousin 2017) ; tout cela fait des choses qui sont un peu autre chose que pas grand chose. Ici s'inventent aussi entre Corrèze, Creuse et Haute-Vienne, de nouveaux matériaux, d'intelligentes manières d'utiliser l'eau pour ici et pour le monde, et puis du théâtre, et puis des meubles en châtaignier et puis de la cuisine, une Technopole rien moins que symbolique et puis... Et puis, c'est tout simple : ici c'est vrai qu'on est bien !

    Evidemment, ici l'on a aussi des problèmes, voyez-vous, ici l'on meurt, ici l'on a parfois des envies d'ailleurs comme d'ailleurs dans le métro de Bastille à La Défense ou de Place d'Italie à Bobigny. La région, d'ailleurs, accueille ici chaque année quelques survivants désireux de vivre autrement. Bien sûr que j'aime aussi d'amour Paris, lie de France, contre les raisons mêmes de désespérance que suscite cette région (car région là aussi il y a). Je l'aime pour ce qu'elle est et m'apporte d'universel et de singulier. Comme toutes les régions, elle est un lieu inventé par cette relation unique que tissent entre eux les hommes et la terre. Tout territoire est une œuvre d'art disait Greppi, géographe italien paraphrasant Heine, le poète allemand.

    Chaque jour, ici, les habitants, comme ailleurs, créent leur vie et leur région. Avec le Limousin la vie a dessiné une œuvre singulière. Pour la comprendre dans toute sa réalité, sinon l'aimer dans sa vérité, encore faut-il l'apprendre, donc la connaitre. A la préciosité ridicule des brochettes à poncifs même bien cuits sur la culture et sur le Limousin, j'ose donc préférer le jus savoureux de nos viandes qui expriment dans leurs fibres leur histoire, leur terre, leur matière, leur sol. Aux bavardages hors sol, j'ose préférer nos œuvres d'ici ; aux "universaux" mal pensés, nos moissons vraies qui sont, comme toute création, de la culture ; et à tous les métropolismes même intellectuels, nos résistances, fussent - elles modestes.

    Vivent toutes les régions, tous les lieux, vive notre Limousin battant, de toute sa sacrée nature, de toute sa création et de toute son histoire.

    Et bien le bonjour à tout le monde !

     

    Eric Fabre

    Homme du XXIe siècle. habitant limousin d'adoption. Planète : Terre
  • Loi engagement et proximité

    “Les représentants de l’État doivent être à l’écoute de leur territoire et au service des élus“

    Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités territoriales, a sollicité fin juin l’avis des maires concernant son projet de loi « Engagement et Proximité » qui devrait être prochainement discuté au parlement. Ce projet de loi vise, selon les mots du ministre, « à renforcer les droits des élus mais également accorder plus de libertés locales pour agir au plus près du terrain » avec « un seul objectif : une meilleure reconnaissance de l’engagement des maires et de la commune. » Catherine Moulin, maire de Faux-la-Montagne, qui a lu les propositions du ministre lui a fait part de ses commentaires. 

     

    liberte egalite flashball

     

    Je commencerai par le positif. Enfin ! Une analyse un peu objective des dégâts des réformes territoriales précédentes ! Enfin ! Les aberrations d’une loi Notre qui s’est fourvoyée dans le fantasme de “grandes régions“ plus fortes, plus attractives, et, comble de l’ironie, “plus proches des citoyens“ - c’est l’argumentaire que l’on nous a servi en 2015 – sont peu ou prou admises par le Premier ministre en personne (“Des grandes régions qui sont parfois encore contestées et n’ont pas forcément contribué à rapprocher les citoyens des lieux de décision“ disait-il le 13 juin 2019 devant le Sénat, lors de sa déclaration de politique générale). Enfin ! Le fiasco des intercommunalités regroupées ou grossies à marche forcée est à demi-mot reconnu (Édouard Philippe toujours, lorsqu’il a évoqué “la création d’intercommunalités de taille XXL“). Je me réjouis donc de cette prise de conscience qui, même tardive, ne peut que satisfaire les élus et les citoyens (ils ont été nombreux dans ma commune) qui ont alerté sur cette dérive du “big is beautiful“.

     

    La concertation demande du temps

    Je ne suis pas pour autant réconfortée, puisque j’imagine mal un retour en arrière radical et ne vous proposerai donc pas des choses impossibles qui, à vous comme à moi, nous feraient inutilement perdre du temps. Sauf si le Gouvernement voulait vraiment reprendre les choses à la base – ce qui ne me semble guère être le cas. Mes remarques porteront donc sur plusieurs points de vos propositions telles que vous me les présentez dans votre mail du 19 juin 2019, reçu le 20, et telles qu’elles ont été dévoilées dans Le Monde quelques jours plus tôt, le 15 juin 2019 (journal daté des 16-17 juin 2019). Au passage, je m’étonne toujours qu’on sollicite dans l’urgence notre avis puisque je ne dispose qu’à peine de 10 jours pour faire un retour... Ce sera donc ma première remarque : toute démarche de co-construction, de participation, demande du temps et exclut la précipitation.

     

    Le dynamisme, l’innovation, la créativité d’une commune ne sont pas liés à un volume de population

     

    Demander leur avis aux élus dans un délai de 10 jours, comprenant deux week-ends, en une période de fin d’année scolaire traditionnellement chargée en activités, alors que les grandes lignes du projet sont déjà ficelées, qu’elles sont même déjà parues dans la presse avant même qu’on sollicite notre avis, est à peu près l’illustration parfaite de ce qu’il ne faut pas faire... On ne peut recueillir des avis et en tenir compte dans un tel contexte. C’est dommage.

     

    Richesse des “petites“ communes

    Autre point positif : je remarque que les “petites communes“ font l’objet dans le projet de loi d’une attention particulière. Il est vrai que l’on ne précise pas ce que l’on entend par là et l’on peut se demander si le terme “petites communes“ n’est pas en réalité une manière de parler de tout ce qui n’est pas ville... Certes je vois évoqué, plusieurs fois le seuil de 1 000 habitants, je suppose donc que notre commune (une “grosse“ commune, 420 habitants, comparée au 50 % de communes du Parc naturel régional de Millevaches qui ne dépassent pas 200 habitants) est encore pertinente dans le paysage institutionnel de la République. J’ai craint l’an dernier que ce ne soit plus le cas quand j’ai entendu notre député, Monsieur Moreau, déclarer, que “les communes de moins de 150 habitants c’est une aberration“, quand j’ai lu qu’aux yeux d’un DGS d’une “grosse“ commune creusoise, qu' “en dessous de 500 habitants ça n’a plus trop d’intérêt“, quand la préfète de la Creuse a proposé (sans succès au demeurant) à 70 communes de fusionner pour créer 23 communes nouvelles, en leur donnant dix jours pour répondre à cette proposition. Je vois que ces points de vue sont, si ce n’est, abandonnés, du moins largement atténués par la prise en compte des petites communes. Réagir en fonction d’une taille, d’un nombre d’habitants, c’est méconnaître une réalité : le dynamisme, l’innovation, la créativité ne sont pas liés à un volume de population. Je me permets de vous renvoyer à l’étude commandée par le Cget en 2015 “Innovation et territoires de faible densité“ qui montre comment l’innovation est loin de n’être qu’un phénomène urbain : “Les territoires de faible densité, y lit-on, représentent un potentiel d’innovation formidable à mieux exploiter.“ Et les travaux d’un géographe comme Jean-Baptiste Grison (Université Grenoble-Alpes) montrent que dans les très petites communes (moins de 50 habitants) “l’attachement des individus à leur localité est un des moteurs de leur valorisation, qui se traduit aussi dans une volonté de développement ou de préservation, selon les circonstances.“ Il insiste également sur la dimension démocratique de cette réalité : “On peut ajouter à cela le rôle des singularités de la gestion politique locale, lorsque le nombre d’électeurs inscrits ne dépasse pas quelques dizaines, et que la majorité des familles sont représentées au conseil municipal. Les détracteurs de ces cas extrêmes diront que l’absence d’un choix suffisant lors des élections limite leur intérêt démocratique, mais ne peut-on pas affirmer, au contraire, que l’implication plus ou moins forcée de toutes les couches de la population serait un gage de contrôle direct du territoire par ses citoyens ?“

     

    Pour des intercommunalités à géométrie variable

    Sur la question des “libertés locales“ et de la répartition des compétences et responsabilités entre les intercommunalités et communes, je crois que “la libre administration“ des collectivités doit redevenir une réalité. Il faut autoriser toutes les reconfigurations territoriales possibles dès lors que certaines communes souhaitent collaborer avec d’autres hors de leur cadre intercommunal actuel. Il faudrait aller vers des communautés de communes à géométrie variable selon les sujets et les compétences, permettre des coopérations intercommunales ponctuelles, faciliter les mutualisations locales entre communes limitrophes, en dehors même des limites et contraintes administratives. Il y aurait là des possibilités d’expérimentations plus grandes, le cadre figé de l’intercommunalité bloquant les initiatives innovantes lorsqu’elles ne sont le fait que de quelques communes volontaires face à une majorité de communes réticentes. Bref, tout ce qui contribuera à réaffecter à l’échelon communal la décision politique sera le bienvenu. Si le projet de loi cherche à résoudre les problèmes engendrés par les “intercommunalités démesurément grandes“ (les XXL de M. Édouard Philippe), il ne doit pas seulement aborder la question, là encore, selon le critère unique de la taille. “Grande“ ne signifie pas la même chose en Isère, en Creuse ou en région parisienne... Le seuil des 15 000 habitants pour les communautés de communes, et même celui dérogatoire de 5 000, ne devraient pas exister. Il faut penser “territoire“, “projet de développement“ et, comme pour les communes qui peuvent aller de 50 habitants à un ou deux millions, la même latitude devrait être permise pour les intercommunalités. Mais là, je rêve sans doute.

     

    Subsidiarité et déconcentration

    Faisant référence au discours de politique générale d’Édouard Philippe mentionné ci-dessus, vous évoquez la “réorganisation des services de l’État, autour du préfet, dans une logique de subsidiarité et de déconcentration“. Je n’ai guère trouvé dans le discours du Premier ministre au Sénat matière à m’éclairer sur cette formulation. S’agit-il de faire descendre du niveau national plus de choses et de décisions, aux niveaux départemental et régional, autour des préfets ? C’est ainsi que je le comprends. Dans ce cas, je souhaiterais vous alerter sur le risque qu’une telle déconcentration (une décentralisation interne à l’État en quelque sorte) peut poser. C’est la question du rôle même de l’agent préfectoral que je pose. Il est certes la courroie de transmission de l’État et de ses politiques sur le terrain, mais il se doit d’être aussi à l’écoute de son territoire et au service des élus. De tous les élus. Il faudra faire preuve d’une grande inventivité pour que le dialogue se consolide à partir de points de vue parfois très divergents. Les réalités et les dynamismes que nous vivons au jour le jour sur notre territoire nous amènent par exemple à soutenir des projets associatifs dynamiques mais qui peuvent paraître d’un point de vue strictement administratif, utopiques ou originaux. Et pourtant, ces projets qui trouvent écho auprès de partenaires aussi sérieux que la Région, la CAF ou la Communauté de communes sont mis en danger quand des incompréhensions amènent à ce que ne soient pas reconduits des emplois aidés par exemple.

     

    Jamais les problématiques ne sont aussi bien gérées que quand elle peuvent l’être au niveau le plus local

     

    De même, nous avons eu à reprendre en régie municipale la station service inter-communale parce que la nouvelle Communauté de communes ne voyait pas l’intérêt de conserver cet outil qui est pourtant vital pour le maintien de la vie de notre territoire (50 kilomètres sans station service entre Felletin et Eymoutiers). Citons encore les indispensables travaux de mise aux normes et d’agrandissement de l’école communale pour faire face à l’augmentation actuelle et future de la population scolaire qu’amène l’arrivée de jeunes couples sur notre territoire. La remise en cause ou la diminution des financements d’État sur ce type de projet, sans qu’aucune concertation n’intervienne, aurait des conséquences dramatiques aussi bien en matière d’obligation de scolarisation (porte ouverte à la déscolarisation) qu’en matière d’ordre public. Que pourrions-nous dire à ces jeunes femmes et hommes dans l’incapacité de scolariser leurs enfants sur leur lieu de vie ? (Nous parlons ici de cinquante huit enfants à scolariser). Nous comprenons tout à fait que les côtés atypiques de notre développement puissent être déconcertants. Ce fut le cas lorsque l’Insee a remis en question les résultats du recensement de 2011 en sous-entendant que les données pourraient avoir été faussées et en diligentant des contrôles. Il aura pourtant bien fallu qu’il se rende à l’évidence lors du recensement suivant et constate que nos 420 habitants étaient bien réels.

     

    Un État méfiant, voire hostile

    Enfin, je souhaite pointer le risque avéré d’arbitraire d’un État décideur en fonction d’une idéologie ou d’une logique privilégiée de maintien de l’ordre que nous avons eu à subir ces dernières années sur notre territoire. De façon plus grave, il est maintenant nécessaire d’arrêter la chasse aux sorcières et de remettre les choses en ordre de marche. Depuis l’affaire de Tarnac et le jugement en relaxe prononcé sereinement par la justice, il semble que les services de renseignements n’ont pas digéré cette conclusion et ils n’ont de cesse de relancer la machine à suspicion par des rapports sur l’ “ultra gauche“, qui, à les lire, voudraient faire croire que des groupes particulièrement dangereux tenteraient sournoisement de saper les fondements de la République… On s’aperçoit incidemment que tel responsable d’association, tel élu, fait l’objet de “fiches spéciales“, sa photo et son identité sur des documents de police exhibés lors de contrôles intempestifs en étant la preuve. On retrouve dans la presse des sous-entendus des services de l’État sur la radicalisation du Plateau, qu’ici se verserait “le premier sang“, pour reprendre mot pour mot les propos qu’un haut responsable de la préfecture prononça devant moi. Cette paranoïa pourrait faire rire quand on connaît bien tous les acteurs du territoire, mais à force cela fatigue, surtout quand l’ostracisme s’y met et a une dimension idéologique sous-jacente indéniable, et que ce positionnement relève de l’arbitraire et pas d’une vision d’un État partenaire des territoires. 

    On pourrait aussi s’en offusquer : nos impôts qui payent les personnels de renseignement sont-ils si mal utilisés ? Il ne s’agit pas ici de régler des comptes mais de montrer comment, quand l’aveuglement idéologique est en marche, une décentralisation des pouvoirs excessive peut entraîner des dysfonctionnements importants et contre-productifs. Dans les rencontres que mon travail d’élue m’amène à faire, y compris hors du département, je m’aperçois ainsi que notre cas est loin d’être isolé. Car on retrouve ici et là, plus que je me l’étais imaginé, des comportements qu’on pourrait qualifier d’anormalement autoritaires, frisant l’abus de pouvoir…

    Nous avons collectivement des défis capitaux à relever pour les décennies à venir, toutes les énergies sont nécessaires pour y parvenir, à tous les niveaux du pays et la seule méthode pour réussir c’est le partenariat, la confiance, le respect, l’imagination créative. Et surtout, enfin comprendre qu’à chaque fois qu’une décision peut-être prise au plus petit niveau, c’est une bonne décision. Que jamais les problématiques ne sont aussi bien gérées que quand elle peuvent l’être valablement au niveau le plus local. Dit autrement : quels seraient les garde-fous à une réorganisation des services de l’État qui donnerait encore plus de marge à l’échelon préfectoral ?

     

    L’engagement n’est pas que “municipal“

    Enfin, vous abordez la manière “d’encourager des citoyens nouveaux à s’engager sur nos territoires“. Sur ce point deux choses : l’engagement ne se traduit pas seulement par un mandat d’élu. Nombre de mes concitoyens s’engagent largement pour leur commune et leur territoire dans d’autres cadres que celui du conseil municipal : associations, initiatives citoyennes, groupes informels, entreprises, etc. Il est très important de reconnaître ces engagements au même titre que celui des élus municipaux. C’est pourquoi toute politique qui soutiendra l’emploi et l’engagement associatif est indispensable et complémentaire de toute politique visant à soutenir l’engagement municipal (rappelons-nous que l’engagement associatif est souvent un sas vers l’engagement politique, particulièrement en milieu rural où, selon une enquête menée en Côte d’Or, 56 % des élus adhéraient à une association et où seulement 22 % d’entre eux n’avaient jamais rejoint un groupement associatif). Second point : l’attractivité du mandat municipal n’est pas seulement liée à une indemnité plus importante, des simplifications administratives ou une sécurisation juridique concernant les responsabilités du maire, bien que toutes ces mesures me paraissent très positives. L’essentiel, ou pour le dire plus justement, le préalable est que l’État renoue avec les élus municipaux une relation de confiance et de collaboration dans laquelle nous aurions la sensation d’être des interlocuteurs reconnus et non des “empêcheurs de tourner en rond“, d’être écoutés avec attention comme reflets et porte-paroles de nos administrés et non comme des coqs de village qui n’ont d’horizon que leur clocher, d’être encouragés dans nos initiatives fussent-elles originales, hors normes ou pas dans l’air du temps, et non découragés d’entreprendre et de défricher de nouveaux territoires, d’être estimés comme des partenaires, non comme des subalternes.

     

    Catherine Moulin
    Maire de Faux-la-Montagne.

     

  • Parc Naturel Régional - Vaille que vaille...

    10 ans de placardIl ne faut jamais désespérer

    Tout peut arriver, même la création d'un parc naturel régional sur le plateau de Millevaches ! Après des années de surplace, de laborieuses querelles politiques et des tonnes de réunions, il se pourrait bien que nous approchions du but. Début janvier les gros morceaux d'une charte encore incomplète arrivaient dans les mairies. Six mois plus tard l'ultime version de la charte était rendue publique et envoyée à toutes les collectivités locales (sur cette charte lire ci-contre : "s'approprier un territoire'). Les communes, les communautés de commune et les départements étaient appelés à délibérer et à se positionner vis à vis du projet. Elles avaient un peu plus de quatre mois pour cela, le 20 octobre 2003 ayant été fixé comme date butoir des délibérations. Au-delà, les collectivités qui n'auraient pas pris de position seraient réputées avoir rendu un avis défavorable.

     

    Résultat des courses

    Les communes étaient donc appelées à approuver la charte, à adhérer au futur parc et à désigner leurs représentants dans l'organisme de gestion (le syndicat mixte de Millevaches qui se transformera en syndicat de gestion du parc dès que celui-ci sera effectivement créé). Les résultats sont globalement favorables au projet, puisque sur les 121 communes concernées, seulement huit n'y adhèreront pas. Il s'agit en Corrèze de Feyt (canton d'Eygurande), et en Creuse - où dans la partie nord-ouest du territoire se situent toutes les communes récalcitrantes - de Pontarion, Vidaillat, St Pierre Bellevue, St Moreil, St Junien la Brégère, Faux Mazuras et St Martin Château : les "7 ringards" que notre dessinateur épingle à la une de ce numéro d'IPNS. Pour la plupart d'entre elles les arguments opposés au projet de parc reprennent les vieux refrains rabâchés sans esprit critique depuis des lustres : "on ne pourra plus chasser", "on ne sera plus maître chez soi", "ça va coûter cher", "une structure de plus", etc.

    Le parc se fera donc avec 113 communes. Heureusement, se félicite-t-on au Conseil Régional aucune défection ne provoque une enclave à l'intérieur du futur parc. Tout juste au rat- on un peu de dentelle du côté des cantons de Royère et Bourganeuf.

     

    Une décision pour dix ans

    La défection de sept communes de Creuse renforce la prééminence de la Corrèze représentée par 63 communes sur les 113. On entend déjà, ça et là, quelques creusais qui s'en inquiètent. Mais il faudra faire avec, car les délibérations qu'ont prises les communes ne peuvent pas être remises en cause dans un an ou deux (à l'occasion d'un changement d'équipe municipale par exemple). En effet, le parc n'est pas une auberge espagnole dans laquelle on rentre ou dont on sort comme on. veut. Les décisions qui ont été prises aujourd'hui engagent l'avenir de chacune des communes sur une durée de dix ans, et c'est bien ce délai que devra attendre une commune qui déciderait de rejoindre un jour le parc.

    C'est pourquoi l'option prise par St Martin Château, membre du syndicat de Vassivière et la moins périphérique des communes opposées au parc en a étonné plus d'un. Comment une commune si liée à Vassivière et aux dynamiques touristiques, environnementales ou économiques portées par le parc a-t-elle pu s'en exclure ?

     

    La suite des opérations

    Le 31 octobre 2003 le Conseil Régional a, à son tour délibéré favorablement sur le parc. Du coup, la procédure de validation du parc est désormais enclenchée. Le président du Conseil régional a transmis au Préfet de Région l'ensemble des délibérations favorables. Celui-ci fera suivre auprès du Ministère de l'écologie et du développement durable. La demande de classement en parc sera alors soumise à trois avis : celui du bureau de la fédération des PNR ; celui de la commission PNR du Centre national de la protection de la nature ; celui, enfin, du Ministère de l'écologie. Ceux-ci ont trois mois pour rendre leurs avis qui seront donc théoriquement connus avant fin janvier.

    Ensuite, on attendra le décret du Premier Ministre qui instituera, enfin, le parc naturel régional du Millevaches. Peut-être y aura-t-il encore quelques retards car, comme chacun sait on sera alors en période électorale (les élections régionales et cantonales auront lieu les 21 et 28 mars). Ce ne serait pas la première fois... Mais si ça pouvait être la dernière!

     

    Michel Hulek

     

    Tous vigilants

    Aujourd'hui nous connaissons la physionomie du futur parc naturel régional du Millevaches. Pour la partie creusoise, sept conseils municipaux ont refusé d'adopter la charte et ont donc exclu leurs communes et leurs habitants du projet territorial. Les 113 communes , les communautés de communes, les trois départements et la région limousin qui ont adopté ce document se rassemblent autour de plusieurs objectifs : aménagement du territoire, développement économique, gestion adaptée des milieux naturels et des paysages, projet social et culturel.

    Les deux programmes "Leader" 1 et 2 et l'OPAH précédemment menés sur ce territoire ont démontré la pertinence et l'efficacité sur le terrain de ce type d'actions. Demain, le parc se mettra en place avec un conseil de gestion composé d'élus, de représentants sociaux professionnels avec également une équipe de salariés et de techniciens. Plusieurs conditions devront être réunies pour que ce futur parc fonctionne bien et pour que chaque citoyen se sente à la fois écouté, compris et concerné. Les représentants communaux dans le futur syndicat de gestion doivent pouvoir faire entendre leur voix et pour cela être correctement informés des programmes en cours, de l'enjeu des décisions à prendre. Ils devront travailler dans ce sens, apporter leur contribution à l'édifice et être toujours à l'écoute de la population et des associations présentes sur le terrain.
    Le parc sera bien perçu et efficace dans ses actions si sa "gouvernance" est complètement transparente, parfaitement en phase avec les acteurs locaux et sans cesse attentive aux dérives qui guettent ce type d'appareil.

    Parmi ceux qui ont refusé d'adhérer au futur parc, nombreux le décrivent comme un échelon technocratique supplémentaire et une coquille vide... Nous qui voulons ce parc naturel de Millevaches devons continuer à réfléchir, à travailler ensemble, à faire avancer cet espace où qualité de la vie, lien social, solidarité et innovation sont toujours des valeurs essentielles.

    Thierry Letellier
  • Place aux jeunes

    logo mrjcCellule d'accueil du Conseil Régional, Réseau d'Acteurs de la Montagne Limousine, Pôles locaux d'accueil, foire à l'installation en milieu rural… Aujourd'hui la région Limousin par cette multitude d'outils peut être citée en exemple pour sa politique d'accueil et l'implication de sa population pour favoriser l'arrivée de nouveaux habitants sur son territoire.

    C'est pour cela que le MRJC (Mouvement rural de la jeunesse chrétienne) a choisi d'organiser son séminaire sur l'Insertion Socioprofessionnelle des Jeunes en Milieu Rural à Limoges. C'est donc une centaine de jeunes de toute la France qui se sont réunis du 18 au 22 décembre 2004 autour de chercheurs, de politiques, et de praticiens.

    Que dire de la question en Limousin ? C'est qu'il y a encore du boulot ! En effet notre région attire. Mais qui part ? Les jeunes bien sûr ! Ainsi la tranche des 18-28 ans est la seule dans la population limousine à montrer un solde migratoire négatif. Le parcours type d'un jeune rural est de partir au collège vers la ville la plus proche, puis au lycée ; enfin il finira ses études à Limoges ou bien il quittera la région pour chercher un travail dans les régions limitrophes ou sur Paris pour les plus diplômés… Reste donc en Limousin, les amoureux de la région et ceux qui préfèrent la sécurité du cercle familial à l'aventure des études.

    Alors comment expliquer que la région attire du monde mais fait fuir ses jeunes ? Encore dur à dire aujourd'hui, mais puisque nous ne sommes pas la seule région à voir les jeunes quitter leur campagne, voici des éléments sur le travail réalisé par le MRJC. La première chose à faire est de cerner le sujet. Qu'est ce que le milieu rural aujourd'hui ? Quelle est la place des jeunes sur ces territoires ? Des diagnostics réalisés par des militants du MRJC sur leurs territoires, confrontés aux travaux de différents chercheurs, montrent la diversité des territoires ruraux. Nous pouvons relever entre autre l'influence du dynamisme des villes et des bourgs sur les campagnes environnantes. Il n'est plus possible de différencier la ville et la campagne comme nous pouvions le faire jusqu'au début des années 80. Désormais, nous reconnaissons une diversité d'espaces ruraux des "banlieues vertes" au "rural profond". En effet avec le nivellement du mode de vie entre les populations rurales et urbaines et le développement des axes de communication et de la voiture, nous observons des différences d'utilisation de l'espace rural suivant la ville d'attraction et sa proximité (production, résidentielle, loisir…).

    Et les jeunes s'ils se sentent mieux ailleurs pourquoi essayer de les retenir et de les faire venir en Limousin? La jeunesse, avant d'être un facteur d'insécurité d'un territoire est avant tout l'avenir de ce territoire. Pour exemple si on en croit les statistiques de l'INSEE la population Limousine va voir sa population d'actifs fondre d'ici 20 ans. Cette perspective pose des questions importantes quand à l'autonomie de la région surtout dans un contexte de décentralisation. Sans parler du dynamisme de la vie associative, du renouvellement de la population ou plus simplement la possibilité de chaque individu à choisir un territoire de vie.

    Dans ce contexte, comment faire pour ancrer les jeunes aux territoires ruraux ? Nous avons relevé quatre facteurs primordiaux à leur intégration sociale et professionnelle.

     

    L'emploi ou l'activité

    Si je n'ai pas de travail, je pars en chercher là où je pense avoir une chance d'en trouver, donc je quitte le Limousin. Pour info le Limousin est une des régions où le taux de chômage est le plus faible, mais une des régions où le chômage des jeunes est le plus élevé. C'est aussi une des régions où les revenus sont les plus faibles avec des perspectives minimes d'évolution dans l'entreprise. Autant dire que la plupart des jeunes diplômés vont chercher ailleurs ! Le faible taux de création de postes à responsabilité induit peu de création de postes d'employés ou d'ouvriers pour les jeunes faiblement qualifiés.

     

    Le logement

    Malgré un taux de vacance de prés de 10%, nous avons en Limousin une faible proposition de logements locatifs et le nombre de logements sociaux en milieu rural est insignifiant. Nous ne sommes pas encore dans des situations aussi dramatiques que des régions comme la Franche-Comté ou le Languedoc, mais si nous voulons poursuivre une politique d'accueil de travailleurs, il faut que nous nous prenions en main. Les actions à mener sont de l'ordre de la réfection et de la création de logements sociaux, sans oublier la maîtrise de la flambée des prix de l'immobilier.

     

    Les services

    Les services publics, certes mais également tous les autres : le boulanger, le taxi ou les relais d'assistantes maternelles sont indispensables à la vie urbaine comme à la vie rurale. Cependant seulement 40% des bassins de vie ruraux peuvent être considérés comme autonomes. Cette problématique est un frein notamment à l'arrivée d'une population urbaine qui attend un niveau de service équivalent à celui qu'elle a quitté. Selon nous ils faut favoriser les partenariats publics-privés et inciter les populations à participer à cette réflexion. Ce qui de surcroît favoriserait l'émergence de réponses coopératives et associatives.

     

    Le vivre ensemble

    Un peu différent des trois points précédents puisque ce besoin ne peut avoir de réponse strictement financière. Mais il favorise les autres. Nous souhaitons donc voir la mise en place de rapports de coopérations et de projets de territoire comme base du vivre ensemble. Cela passera par la mise en place de carrefours intergénérationnels et de mixité sociale. Base de la création d'une culture commune, moteur d'une citoyenneté associative, professionnelle, politique de la part de chaque habitant.

    Des propositions existent, des outils pertinents également. Nous espérons que chacun a pensé à tel ou tel dispositif public ou associatif en lisant ces quelques lignes. Aujourd'hui l'enjeu est de mettre en place ces actions en fonction de chaque territoire et de mettre en lien acteurs publics et population pour une prise en compte commune de la situation des jeunes sur les territoires ruraux. Car le retour des jeunes ne pourra se faire que si nous arrivons à cibler ses freins et à agir efficacement contre. Pour plus d'infos ou pour toutes propositions, n'hésitez pas à nous contacter.

     

    La commission insertion socio-professionnelle des jeunes en milieu rural du MRJC

    MRJC Limousin 15 rue E.Varlin 87 036 Limoges Cedex 05.55.06.17.83

  • S'approprier un territoire

    Nos collectivités territoriales : cent treize communes, trois départements, et la région, se sont engagées à mettre en œuvre la charte du Parc Naturel de Millevaches en Limousin.

     

    logo parc naturel regional millevaches en limousinIl appartient maintenant à tous les habitants du Plateau de Millevaches de s'approprier les objectifs et les projets de ce PNR tant attendu ou tant craint des uns ou des autres. La charte devient l'outil de référence pour assurer "la gestion et le développement harmonieux et durable du territoire de Millevaches·, pour une première période de dix ans. Elle fixe les règles d'une identité collective à construire. Ce n'est pas une mince affaire. Le syndicat mixte doit se doter d'un service de communication incisif et compétent pour sensibiliser tous les acteurs locaux à la construction d'une telle communauté de destin.

    Mais chacun peut aussi faire ce travail d'appropriation en allant consulter les documents qui ont éclairé la décision des élus. Ils sont consultables dans toutes les mairies sous la forme de trois documents. Mais comme il s'agit de quelques 850 pages à feuilleter, on peut très vite se décourager. Il est préférable d'y aller par petites doses et progressivement.

    Avant d'aborder le volume de la charte, on a tout intérêt à se pencher sur le volume du "Diagnostic territorial" . C'est le plus gros pavé. Mais il nous fait une présentation du territoire attrayante et passionnante. Pour voyager à travers le Millevaches, il nous offre un guide de lecture des paysages. Il nous apprend à découvrir comment l'espace s'organise autour des multiples combinaisons alvéolaires de l'action de l'eau et du relief. Les milieux naturels, l'habitat villageois, l'urbanisme, les routes comme les activités économiques en sont tributaires. Une leçon de géographie vivante qui surprendra plus d'un lecteur. Elle est soutenue par un appareil cartographique tout à fait remarquable en qualité et en lisibilité. Grâce à la performance de cet outil cartographique, une grande carte jointe au document permet de visualiser et de comprendre l'extrême complexité de l'imbrication des contours de nos paysages. A elle seule l'exploration attentive de cette carte permet à chacun de mesurer l'ampleur du travail qui reste à faire pour fonder une identité culturelle et citoyenne du Millevaches.

    En prolongeant la réflexion sur ce diagnostic territorial on se doit de reprocher à ses auteurs une double omission au niveau économique et sur la place des services publics. Pressés par le temps les rédacteurs ne se sont pas suffisamment souciés de ce que font et ce que sont les femmes et les hommes sur ce territoire. Un grand chapitre présente ' Les hommes et leurs activités' . Il n'y a rien à dire sur le portrait démographique et le maillage territorial. En outre, parce que le travail des agriculteurs est très lié au milieu naturel on dispose d'une présentation relativement détaillée de l'agriculture et des agriculteurs. Par contre pour la forêt qui occupe la moitié de l'espace, si on connaît en détail ses composantes foncières et ses modes de gestion et d'exploitation, on est frustré sur la connaissance des propriétaires ou des travailleurs de la forêt et du bois. Qui sont-ils, que font-ils et où sont-ils ?

     

    Eviter que le PNR ne devienne l'outil technocratique d'une structure de pouvoir

     

    Cette triple interrogation prend encore plus d'ampleur pour toutes les activités économiques qui relèvent de l'artisanat du commerce et de l'industrie. Deux pages seulement pour en brosser un portrait plus que succinct, et cette fois sans soutien cartographique. Les statistiques collectées auprès des chambres consulaires ne peuvent rendre compte de ce qui s'invente et s'entreprend là où on échappe à l'emprise réductrice de la concentration administrative et urbaine. Nos rédacteurs auraient-ils été saisis du syndrome du "vide" et de " l'abandon" qu'ils accordent à l'étymologie du Millevaches pour passer quasi sous silence les services publics de proximité essentiels à tout projet de vouloir vivre ensemble à l'abri des tourbillons de la ville : l'éducation, la santé, la vie culturelle, les transports... Une évidence à rappeler aux élus pour éviter que le PNR ne devienne l'outil technocratique d'une structure de pouvoirs complètement déconnectée des réalités du terrain.

    Heureusement le dernier chapitre nous offre une perspective plus positive sur " l'identité patrimoniale et culturelle du territoire de Millevaches en Limousin·. La présentation exhaustive et multi cartographiée de l'inventaire patrimonial, sollicite fortement sa valorisation par les acteurs locaux. Elle ne le réduit pas à sa fonction de vitrine touristique même si celle-ci tient une place considérable dans les visées de la Charte. Il ne manque pas de mettre en exergue la dynamique exceptionnelle du tissu associatif sur le plateau qu'IPNS a déjà présentée dans sa première livraison. C'est en se reportant maintenant aux objectifs de la charte que s'inventeront et se développeront les articulations transversales entre cet héritage et la vie associative et culturelle des habitants du Millevaches.

    C'est habité par ce diagnostic et les interrogations qu'il suscite que l'on peut ensuite se saisir de la Charte et travailler à la mise en œuvre de ses projets. C'est sur le terrain que les acteurs locaux valideront ou revisiteront cette recomposition intercommunale de toutes les activités sociales, économiques et culturelles du Millevaches.

     

    Alain Carof
  • Un 14 juillet à Lioux-les-Monges

    À Lioux-les-Monges, petite commune d’une cinquantaine d’habitants du canton d’Auzances, en Creuse, le 14 juillet est traditionnellement réservé au salon du livre joliment appelé “Plumes aux champs“, une des manifestations de Vivalioux, une des trois associations actives dans la localité. Un dynamisme qui prouve une fois encore que la taille n’a guère à voir avec ce qu’on peut faire (ou ne pas faire) dans une commune. Jean-François Pressicaud est allé y faire un petit tour.

     

    En y allant, nous avons découvert un bourg très coquet, avec des habitations restaurées avec goût, une belle église et un jardin de la cure dédié à la botanique avec des espaces pour les activités festives. Nous avons été accueillis dans la rue par des retraités d’un village de Lioux, qui ont retrouvé le berceau de leur famille après une vie professionnelle urbaine et qui sont habitués à participer aux manifestations associatives. Ils nous ont présenté le maire, Jacky Paillard, qui veille avec une autorité bienveillante à ce que les différentes composantes sociales de sa commune (les agriculteurs, les autres actifs, les retraités ayant ou non des racines dans la commune) vivent le plus possible en bonne intelligence.

     

    Des livres...

    La journée du livre avait lieu dans La Grange, une salle municipale dans laquelle se déroulent tout au long de l’année des conférences, des expositions, du théâtre et diverses manifestations festives. Cette année, dix auteurs étaient présents avec des productions très diverses. Parmi eux, les auteurs de romans et d’oeuvres poétiques étaient majoritaires, mais nous avons aussi rencontré d’autres personnages. Olivier Noaillas, par exemple, qui est le président de Brézentine environnement. Il raconte dans Une rivière en résistance l’engagement associatif d’habitants de Dun-le-Pallestel et des alentours pour sauver la Brézentine des pollutions qui l’asphyxiaient, principalement celles de l’usine d’équarrissage. Il y avait aussi Hervé Krief qui présentait son essai Internet ou le retour à la bougie, une critique radicale du numérique, et Julien Dupoux qui, dans son pamphlet Requiem pour un pays sauvage, dénonce les laideurs de l’architecture et de l’aménagement modernes (ces deux ouvrages ont été présentés dans IPNS n° 65). Martine Castello, présidente de Vivalioux, donnait, elle, dans l’autobiographie avec Nature morte aux quatre citrons.

     

    nature morteRequiem pour un pays sauvageriviere resistance

     

    … et des associations

    Arrêtons-nous sur son histoire personnelle. Avant de vivre sa retraite à Lioux-les-Monges, elle a eu une vie bien remplie. Enfance en Algérie, exode en métropole après l’indépendance, puis une vie professionnelle parisienne. Journaliste scientifique, elle a d’abord travaillé à Libération, pendant les premières années du journal où avaient été instituées l’égalité des salaires entre toutes les catégories de travailleurs et la pratique des décisions collectives. Elle en a gardé un souvenir ému et quelque peu nostalgique. Après cette expérience marquante, elle a travaillé au Figaro et publié de nombreux ouvrages scientifiques allant de l’astronomie à la géologie en passant par la biologie. Depuis sa retraite à Lioux-les-Monges, son dynamisme, son sens du collectif et ses capacités d’animation de groupes ont grandement contribué au dialogue associatif dans la commune. Outre Vivalioux, deux autres associations y sont actives : Passerelles, présidée par le peintre Pierre Passani, qui organise des stages d’art plastique, et La Souillarde, animée par Anne Lemeunier, qui consacre son activité au théâtre et au chant. Une de ses récentes manifestations a consisté à présenter de façon collective et théâtrale les résultats d’une enquête menée par les membres de l’association auprès des agriculteurs du secteur concernant leur travail quotidien et leur vision de l’avenir. Ce qui a donné lieu à un débat approfondi et parfois conflictuel sur le monde rural.

     

    Le dynamisme des associations et des habitants de Lioux-les-Monges démontre que l’intensité de la vie sociale d’une commune ne dépend pas de son nombre d’habitants, mais de la volonté de ceux-ci de pratiquer la convivialité et d’avoir le souci du collectif.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Un entretien avec l'ancien Président du Conseil Régional Robert Savy

    savySavy, son oeuvre, ses soucis.

    Les campagnes sont en émoi. Mobilisation rurale pour la sauvegarde des services publics ; questionnements quant à leur devenir dans un contexte qui n'est plus franco français mais désormais européen ; interrogations face à une décentralisation parfois jugée à risques pour les territoires les plus fragiles… Sur tous ces sujets, s'il est en Limousin un homme que sa pratique politique et, pourquoi ne pas le reconnaître, la hauteur de vue pouvaient nous aider à penser toutes ces questions, c'est bien Robert Savy. Après 18 ans à la tête du Conseil régional, il a bien voulu répondre aux questions d'IPNS et de Télé Millevaches.

     

    IPNS Robert Savy, vous avez présidé le Conseil Régional du Limousin pendant 18 ans (vous avez cessé d'occuper cette fonction l'année dernière). Vous avez également eu des responsabilités nationales, par exemple en tant que Président de la Commission permanente du CNADT ou au niveau européen au sein de l'Assemblée des Régions d'Europe (ARE). Ces expériences vous ont amené bien sûr à vous pencher sur la question des services publics, et plus largement sur la question du rôle des collectivités locales dans la vie et le développement d'une région comme le Limousin. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous dire si vous avez gardé aujourd'hui des responsabilités en lien avec vos engagements antérieurs ?

    Robert Savy : Responsabilités, ce n'est plus le mot. Par contre, bien sûr, j'ai toujours un fort intérêt pour toutes ces questions et il m'arrive même d'avoir quelques activités épisodiques. Mais de responsabilités institutionnelles et permanentes, je n'en ai plus, si bien que ma liberté de parole est encore plus complète que par le passé.

     

    IPNS : De vos expériences passées, pouvez vous nous dire deux mots de celles que l'on connaît le moins : le CNADT et l'Assemblée des Régions d'Europe.

    Puisqu'on parle de service public, je crois qu'il est bien en effet de parler de ces deux expériences. L'enjeu des services publics ne se joue pas seulement, ni même principalement, sur le terrain. Il se joue aussi à Paris pour ce qui relève des pouvoirs publics français et à Bruxelles pour ce qui relève de l'Union Européenne. Je me suis aperçu très vite que l'on ne pouvait pas s'occuper d'un territoire si on n'était pas présent, d'une manière ou d'une autre, dans les lieux où se prennent les décisions qu'on aura à faire vivre où à supporter sur le territoire dont on s'occupe. Et de ce point de vue Paris et Bruxelles sont deux endroits incontournables pour un responsable territorial.

    A Paris, j'ai présidé la Commission permanente du CNADT, le Conseil national d'aménagement et de développement du territoire. C'est un organe consultatif qui donne des avis au gouvernement. Ce n'est pas un endroit où on décide mais c'est un endroit où on peut avoir de l'influence.

     

    IPNS : Alors est ce que vous avez eu de l'influence ?

    Au sein du CNADT, nous avons convenu que si le gouvernement nous demandait un avis c'était pour qu'on le lui donne et nous avons toujours essayé d'avoir une grande liberté de comportement vis à vis de ce qu'il attendait. A l'époque, c'était le gouvernement de Lionel Jospin. En nous prononçant sur le zonage des aides nationales ou européennes, nous avons souhaité que priorité soit donnée aux zones les plus faibles au nom de la cohésion territoriale. Nous avons aussi engagé des études pour mieux connaître les effets des politiques européennes - la concurrence par exemple - sur les territoires. Il est évident que la question des services publics n'était pas loin… J'ai été amené à démissionner du CNADT lorsque le gouvernement a décidé de supprimer le projet de liaison à grande vitesse entre Paris et Limoges sans en parler à personne. Il m'a semblé que continuer à avoir des fonctions consultatives auprès d'un gouvernement qui prenait une telle décision sans demander l'avis de personne, ça n'avait pas beaucoup de sens. J'ai donc démissionné à ce moment là.

     

    IPNS : Et au sein de l'Assemblée des Régions européennes ?

    A Bruxelles je me suis occupé pendant longtemps d'une organisation non gouvernementale : l'Assemblée des Régions d'Europe qui regroupait 130 à 140 Régions de l'Union Européenne et même au delà.

    Dans cette assemblée, j'ai pris, avec un collègue britannique, l'initiative d'une enquête auprès de toutes ces régions pour savoir quels étaient les effets, sur leurs territoires, des politiques de l'Union Européenne. C'était un travail qui n'avait jamais été fait. On faisait des bilans globaux, mais jamais de façon différenciée selon les régions. C'est utile, par exemple, de savoir que le Portugal dans son ensemble va plutôt mieux, mais si on est dans l'Alentejo, une région pauvre du Sud du Portugal, ça va beaucoup moins bien que dans une ville plutôt dynamique comme Porto. Or notre enquête a montré le grand contraste entre les territoires qui bénéficient des politiques européennes et les territoires qui souffraient le plus en Europe. L'Assemblée des Régions d'Europe a alors voté un texte qui mettait en avant la cohésion territoriale comme facteur fort de la construction européenne. Et c'est à la suite de ce travail, qu'au Traité d'Amsterdam on a vu apparaître cette idée de cohésion territoriale qui se retrouve aujourd'hui dans le projet de Constitution.

    Ce que je retiens de tout cela, c'est qu'un élu politique territorial, aujourd'hui, ne peut pas se contenter de gérer les affaires de sa circonscription. Il faut qu'il soit porteur de l'attente de son territoire en étant présent là où les choses se décident, c'est à dire à Paris, mais aussi à Bruxelles. Ce que je retiens encore, c'est qu'il ne faut pas être passif devant ces évolutions, parce qu'il y a toujours des marges de manœuvres. Parce qu'on aura su à temps appeler l'attention sur les dangers de telle ou telle politique, on aura pu au moins les infléchir à défaut de les changer.

    Pas tout seul bien sûr ! J'aimerais que tout le monde se persuade qu'on n'est pas là, en tant qu'élu territorial, pour jouer seulement un rôle compassionnel ou pour regretter que les choses aillent si mal… Non, on est là pour essayer de faire en sorte qu'elles aillent un peu mieux ou un peu moins mal, et mon expérience à moi c'est que même si on n'est pas un grand ministre d'un grand gouvernement, même si on n'est pas le président d'une grande région, la réflexion et l'acharnement peuvent porter leurs fruits. Et cela me paraît plutôt réconfortant…

     

    IPNS : L'actualité de la fin 2004 a mis la Creuse à la une, sur la question des services publics. Les démissions d'un certain nombre d'élus ont suscité beaucoup de réactions et une forte couverture médiatique. Comment avez vous analysé la fronde des élus creusois ?

    Je crois qu'elle a été utile. Ils ont réussi ou ils ont eu la chance, que leur protestation soit médiatisée si bien qu'ils ont joué un rôle très positif. Que la défense des perceptions rurales soit le champ de lutte le plus stratégique je n'en suis pas sûr… En revanche la question des services publics a été posée.

    Pourquoi ? Parce que le réseau des services publics est un élément de compétitivité des territoires. Aucune activité ne s'installera sur un territoire s'il n'y a pas de desserte convenable par les réseaux que constituent les services publics d'aujourd'hui.

    C'est également un élément très fort de l'égalité des territoires. Si il y a des portions de territoire qui sont désertées par tout ce dont la vie sociale et économique a besoin, on les enfonce définitivement. Or la réaction creusoise à cet égard a été utile, parce qu'elle a contribué à attirer l'attention sur ce problème qui est dans tous les discours. Vous n'entendrez jamais un responsable politique dire qu'il est contre les services publics. Au contraire tout le monde dira qu'il faut les sauver ! Il reste à le faire…

     

    IPNS : Y-a-t-il une définition qui fasse consensus de ce qu'on appelle les "services publics" ? Et si non, quelle est la vôtre ?

    Je n'ai pas de définition particulière et d'ailleurs il faut le moins de définitions particulières possibles. Je crois qu'on peut s'en tenir à la définition de l'Union Européenne parce que l'Europe est devenue aujourd'hui le cadre naturel des politiques. Pour l'UE, ce sont les services d'intérêt général, c'est à dire les services dont on ne peut pas se passer à un endroit donné. Pour l'Europe il y a deux catégories de services publics. Ceux qui sont marchands, c'est à dire que l'initiative privée et le marché peuvent produire (que ce soit de manière convenable ou non, c'est un autre débat) et les services non marchands. Ces derniers échappent aux règles européennes sur la concurrence et sont organisés par les autorités de chaque Etat. C'est la défense ou la justice par exemple. Ce qui est en question dans le débat actuel ce sont les services qui peuvent être marchands (pour une part au moins) et qu'on appelle les services d'intérêt économique général. La question de fond posée par l'UE est : dans un grand marché faut-il que ces services soient ouverts à la concurrence ? Pour y répondre, il faut différencier les territoires. Il y a des endroits, des lieux, des territoires où le marché peut faire cela très bien : là où il y a beaucoup d'habitants et où la fourniture du service est rentable. Seulement, il y a aussi tous les lieux, avec leurs habitants, où ça ne marche pas. Et là, ce qu'il faut, c'est trouver les moyens d'apporter quand même ces services. Même si c'est au prix de subventions publiques ou au prix d'atteintes à la concurrence. Tout le débat politique est là : où met-on le curseur ?

     

    IPNS : Derrière le débat sur les services publics on sent bien qu'on touche à des enjeux fondamentaux. Quels sont ceux-ci pour le Limousin ?

    Au niveau régional, chacun sait que nous avons l'inconvénient d'être une petite région où la densité de population est faible et où, dans bien des domaines, la fourniture des services d'intérêt général coûtera plus cher qu'elle ne rapportera. Ca veut dire que si on s'en remet aux mécanismes du marché …on n'aura rien. On a failli le voir avec l'Internet à haut débit. Si on avait laissé les mécanismes du marché agir, on passait à côté avec toutes les conséquences défavorables qu'on peut imaginer.

    Du côté des services non marchands prenons l'exemple de l'éducation nationale. Il est évident que les réseaux d'écoles et de lycées deviennent d'un coût insupportable si les effectifs scolaires sont très faibles… D'un autre côté, il faut bien que tous les enfants, où qu'ils soient, accèdent à l'instruction. Est-ce que cela veut dire qu'il faut pour autant maintenir toutes les écoles telles qu'elles étaient, il y a trente ans ? Sûrement pas ! Parce que ce se serait d'une part trop coûteux et d'autre part mauvais sur le plan pédagogique. Il y a dans notre région des collèges de moins de 100 enfants. Est-ce que c'est une bonne chose que de maintenir des collèges de moins de 100 élèves ? Moi, je n'en suis pas sûr du tout, et ce qui m'intéresse ce n'est pas qu'il y ait un collège ou un lycée par chef lieu de canton - ça c'est tout juste bon pour le prestige ! Si c'est une mauvaise action pour les jeunes, il ne faut pas le faire. Ce qui m'intéresse c'est comment on fait pour apporter l'éducation à tout le monde d'une manière abordable.

     

    "Même si on n'est pas un grand ministre d'un grand gouvernement, même si on n'est pas le président d'une grande région, la réflexion et l'acharnement peuvent porter leurs fruits"

     

    Peut-être faut-il imaginer des regroupements, peut-être faut-il utiliser d'avantage les nouvelles technologies par exemple pour l'enseignement à distance des langues vivantes afin d'offrir plus d'options aux élèves. Il y a donc nécessité de réinventer un mode de fonctionnement du service. Mais il ne s'agit pas de faire disparaître le service : il faut que tout jeune puisse aller à l’école, au collège et au lycée... On pourrait dire la même chose pour la poste. Il faut que, dans toutes les communes de France, les gens qui ont envie d'utiliser la poste aient à proximité les moyens de le faire. Alors, "maison de services publics", activités complémentaires dans un café ou dans un commerce, moi je n'ai aucune réserve de principe. Ce que je veux c'est que chacun puisse accéder aux services de la poste à un prix abordable.

    La question du prix abordable est capitale. Regardez ce qui a été fait en matière de transport aérien. On a ouvert le transport aérien à la concurrence. Du coup si vous voulez aller de Limoges à Paris ou de Rodez à Paris, le tarif sera plus élevé que sur des lignes plus fréquentées. L'accès au service n'est donc pas garanti dans des conditions égales pour tous. Donc il faut inventer de nouvelles modalités. Je crois que le travail des politiques est de rechercher la meilleure manière d'apporter le service, la meilleure manière de remplir le besoin au coût le moins élevé possible. Et pas forcément la meilleure manière de conserver le service comme il est.

     

    robert savyIPNS : Une posture qui ne soit ni défense crispée de modalités de services publics peut-être dépassées, ni dérégulation totale et confiance aveugle dans la fameuse main invisible du marché, est-elle possible ? Qui peut en être le promoteur ?

    Je crois qu'il y a beaucoup de possibilités dès lors qu'il y a la volonté d'aboutir. Même l'Union Européenne met de l'eau dans son vin lorsqu'elle dit qu'il ne faut pas tout ouvrir à la concurrence.

    Alors, qu'est ce qu'on peut faire ? Cela dépend des sujets. Prenons l'exemple de la desserte du territoire par l'Internet haut débit. Le problème qui nous a été posé était simple : on voyait bien que les opérateurs iraient spontanément à Limoges, peut-être à Brive, peut-être encore à Tulle… et qu'ailleurs il ne se passerait rien ! Telle imprimerie importante installée à St Yrieix commençait à se dire que si l'Internet haut débit n'arrivait pas chez elle, elle devrait déménager…

    Constatant qu'en dehors de Brive et Limoges, l'installation de l'Internet n'était pas rentable, on a décidé de mutualiser l'ensemble de la demande de la région, avec les départements, les villes principales, les hôpitaux, les universités. On s'est mis ensemble et on a dit aux opérateurs : si vous voulez notre clientèle c'est tout le monde ou personne. Un syndicat s'est monté, tout le monde a joué le jeu, ce qui va permettre la desserte d'un endroit perdu d'une zone rurale (je n'en citerais pas !) au même prix qu'à Brive ou à Limoges. Le travail des élus, c'est d'anticiper les problèmes : la Région a mené les premières études sur ce sujet de l'Internet haut débit il y a sept ou huit ans. Il faut donc inventer nous-mêmes des solutions et les vendre ensuite aux opérateurs. Ce n'est pas facile, mais c'est cela qu'on doit attendre, voire exiger, des élus.

     

    IPNS : La politique actuelle du gouvernement va dans le sens d'un désengagement qui n'est guère favorable aux régions comme la nôtre…

    Il est vrai que le sens de la politique menée par l'Etat pèse énormément. Et quand l'Etat décide de réduire les dépenses publiques ça veut dire que plein de choses comme celles dont on vient de parler sont compromises. Les collectivités locales ne pourront pas se substituer à l'Etat dans tous les domaines. Leurs ressources ne le permettent pas.

    C'est ainsi que le désengagement de l'Etat, en particulier sur la question des services publics, peut-être créateur de très profondes inégalités. Certaines régions pourront faire à la place de l'Etat ce qu'il ne fait plus, mais la plupart des régions françaises ne le pourront pas. Il faut savoir que la pression fiscale en Limousin représente le triple de ce qu'elle est en Ile de France et le double de ce qu'elle est en Rhône Alpes. Les Limousins doivent payer trois fois plus qu'ailleurs les services qui leur sont offerts ! Je me suis quand même fait réélire deux fois malgré cela, ce qui montre que cet effort peut être accepté. Il peut-être accepté quand c'est deux ou trois fois plus qu'ailleurs, mais il y a tout de même des limites. Si le mouvement se poursuit, on ne pourra pas demander aux Limousins de payer 25 fois plus !

    Je suis très préoccupé par cette dérive idéologique et politique qui consiste à dire que réduire les dépenses publiques, c'est un bien en soi. Bien sûr que si une poste ou une perception ne fonctionne que pour une personne par jour, il faut la fermer. C'est un gaspillage public, il faut le supprimer. Mais les services publics c'est de la cohésion sociale, de la solidarité et du vivre ensemble. Et si on réduit la dépense publique alors on voit réapparaître des tensions et des inégalités qui remettent en cause l'unité nationale.

     

    IPNS : Vous avez été à l'origine de l'idée de péréquation financière entre les régions. Pouvez-vous nous dire ce qu'en était la philosophie et comment cela s'est, ou non, concrétisé ?

    Je me suis très vite aperçu que l'idée de décentralisation était dangereuse pour l'égalité entre les territoires. Quand l'Espagne décide que l'enseignement sera confié aux communautés autonomes, ça veut dire que la Catalogne qui a les moyens de le faire, peut se payer une Université, mais qu'en Estrémadure ou en Galice c'est plus difficile. En Allemagne les choses sont un peu plus compliquées. C'est l'Allemagne qui, la première, a découvert cette problématique. L'Allemagne est un état fédéral avec des Länder riches et des Länder pauvres. Le fédéralisme ne pouvait pas aller sans un système de péréquation des ressources de ses différentes composantes. Si bien qu'en Allemagne on a un système très précis, prévu par la Constitution, qui définit dans ses moindres détails comment les ressources doivent être réparties entre les Länder, de telle sorte que le Land qui a le plus ne dépasse pas 100,5 et celui qui a le moins 99,5 par rapport à une moyenne de 100. Autrement dit, il y a en Allemagne un très grand mécanisme d'égalisation des ressources entre les territoires, qui passe à la fois par des modalités de répartition des impôts nationaux mais aussi par des versements d'un Land à un autre.

    Vous voyez donc que l'idée de péréquation entre les territoires est une idée que je n'ai pas inventée. En France c'est une idée qui est venue tard. Mais dès lors qu'on s'engage dans la voie de la décentralisation, cette question se pose. Est-ce que les lycées devront être trois fois plus beaux en Ile de France qu'en Limousin, avec du matériel scientifique trois fois plus moderne ? Ça n'est évidemment pas admissible au nom de l'unité nationale et au nom de l'égalité entre les citoyens. D'où l'idée de péréquation : inventer des systèmes qui font que, même des territoires pauvres, reçoivent les moyens de faire à peu prés l'équivalent de ce que font les autres. J'ai posé cette question en 1991 quand on a voté une grande loi sur l'administration territoriale de la République. J'ai proposé un système de compensation entre les régions, mais je dois dire que cette idée a été très mal accueillie ! En particulier par toute la droite qui a voté contre l'initiative que j'avais prise. Mais là encore, il faut du temps pour que les idées évoluent. Au fur et à mesure qu'on a décentralisé, on s'est aperçu de cette conséquence de la décentralisation. Quand les départements doivent s'occuper des personnes âgées et que plus les départements sont pauvres et plus ils ont de personnes âgées, on s'aperçoit que les deux phénomènes (l'âge de la population et les faibles ressources) se conjuguent pour aggraver les choses. Si bien que l'idée de péréquation est une idée désormais complètement admise. Le problème c'est qu'il ne reste plus qu'à la faire !

    On a voté une réforme de la Constitution dans laquelle on a introduit l'idée de péréquation. J'en ai ressenti une immense fierté. Vous vous rendez compte, un petit parlementaire provincial fait voter un jour un amendement sur ce point qui, quelques années plus tard se retrouve dans la Constitution !

    Seulement quand on regarde la manière dont la constitution s'exprime sur ce point, elle le fait en termes tellement vagues, qu'il en reste seulement une intention. C'est un des drames de la politique aujourd'hui. Il ne reste donc plus qu'à passer aux actes. Mais je ne vois pas quelles régions parmi les plus riches de ce pays sont prêtes à faire un effort pour les plus pauvres.

    Malheureusement, aujourd'hui, il faut des grandes catastrophes pour que la solidarité se manifeste… Mais, là encore, cette idée de péréquation illustre le fait qu'on a toujours la possibilité de peser sur les choses même si on n'y arrive pas toujours, ou si on n'y arrive pas du premier coup !

     

    IPNS : Concrètement y-a-t-il quelque chose qui a été mis en place et, le cas échéant, qu'est-ce que ça représente pour le Limousin ?

    Il y a la péréquation que j'ai fait voter en 1991 mais qui est très faible. Si on appliquait le système allemand ce serait beaucoup plus ! Mais si c'est si faible, c'est révélateur de la manière dont les habitudes se défendent. Quand j'ai fait ma proposition le gouvernement était dirigé par mes amis politiques. On m'a dit : "oui c'est une bien bonne idée, on va la soutenir"… Seulement, là où il aurait fallu 4,5 milliards d'euros on en a mis 0,5 ! On a retenu l'idée mais on l'a vidée de sa substance parce que les régions qui allaient bénéficier de ce système étaient plutôt pour, mais celles qui n'en bénéficieraient pas et devraient payer étaient très puissantes… C'est un débat éternel !

     

    IPNS : Face au désengagement de l'Etat, à la critique du "trop d'Etat", "trop de public" et face au discours dominant sur la libéralisation des services publics, on a l'impression d'un grand fatalisme - ranimé du reste par le débat sur la Constitution européenne qui signerait dit-on définitivement la victoire du libéralisme.

    Moi, j'espère vous avoir convaincu que le fatalisme ne sert pas à grand chose et qu'il y a des marges de manœuvres ! Ces marges, il faut les jouer à tous les niveaux. Je crois qu'un des lieux essentiels pour mener le débat c'est l'Europe. Le projet de Constitution Européenne me paraît porter un certain nombre d'avancées dans le domaine des services publics. Il y est dit que les services d'intérêt général font partie des valeurs de l'Europe. Je trouve qu'il est important que ce soit consacré dans un traité constitutionnel.

    Il faut agir aussi sur le plan national. Ce qui me frappe c'est que le gouvernement conservateur actuel prend des mesures très négatives en se cachant derrière l'Europe, en faisant comme si des contraintes européennes lui dictaient sa politique, alors que bien souvent la contrainte européenne n'existe pas !

     

    IPNS : On parle beaucoup depuis quelques temps de démocratie participative. Y-êtes-vous sensible, attaché ?

    J'hésite à le dire parce que je ne suis pas sûr que ma pratique ait toujours donné le meilleur exemple… Je crois que pour faire des choses intelligentes il faut du temps, et il est sûr qu'on ne fait rien de bien tout seul et dans l'urgence.

    Pour moi la démocratie participative ne veut pas dire que l'autorité qui décide doive partager son pouvoir de décision avec les autres. Je crois que le pouvoir de décision revient aux élus parce qu'il va avec la responsabilité. La démocratie participative c'est capital dans la phase de préparation de la décision mais il faut que l'autorité fasse le choix.

    Pour des questions aussi complexes que les services publics, il faudrait pouvoir se donner un horizon, se dire que dans cinq ans ou dans dix ans, on aura réorganisé tel dispositif pour qu'il soit accessible par tout le monde dans des conditions de qualité convenable. Qu'on se donne le temps d'inventer des solutions. Le drame, c'est que le temps des réformes est un temps long et que le temps des politiques est un temps court… Il ne faut pas que la réforme qui fait mal arrive trop près d'une élection n'est-ce pas ? Et puis on a envie d'avoir des résultats très vite… Je suis persuadé que c'est un défaut de notre système.

    Une réforme ça demande du temps et qu'on en discute avec les gens. Mais ce serait là un changement de mode de gouvernance !

     

    IPNS : Vous avez fait trois mandats de président du Conseil régional, soit 18 ans à la tête de la région. C'est la raison pour laquelle vous n'avez pas sollicité un quatrième mandat ?

    De temps en temps l'idée de votre état civil vous traverse l'esprit et on se dit alors qu'il y a un âge pour tout… Je crois aussi que trois mandats, c'est…

    C'est peut-être trop ! Il me semble que ce qu'on n'a pas fait au bout de douze ans on aura beaucoup de mal à le faire. Je ne regrette pas d'avoir fait trois mandats, notamment parce qu'au cours du troisième il y a eu cette question capitale de l'Internet et que je suis plutôt content qu'on ait trouvé une solution relativement originale et qui devrait marcher.

    Mais, franchement, au bout de douze ans il serait raisonnable de s'en aller pour que quelqu'un d'autre vienne, qui n'ait pas la même vision, qui ait ses propres priorités, ses propres intérêts. Parce qu'une institution ça a besoin, de temps en temps, d'être renouvelée.

    Il y a un autre phénomène dans lequel il faudrait remettre de l'ordre. Je crois que le cumul des mandats est une catastrophe pour la vie politique française - c'est du reste une singularité française. Le cumul des mandats me paraît avoir au moins deux inconvénients.

    Le premier, c'est que, sauf à être un surhomme, je ne vois pas comment un individu normalement constitué peut se consacrer pleinement à deux mandats différents. Je le sais : je l'ai fait ! J'ai été député et président de région pendant cinq ans. Je crois que j'ai travaillé au moins autant que d'autres comme député et essayé de travailler comme président de région. Ce n'est pas raisonnable, et c'est pourquoi, après avoir fait ça pendant cinq ans, j'ai renoncé.

    Le deuxième inconvénient c'est que l'électeur ne s'y retrouve pas. Il a besoin d'identifier le responsable d'une politique. Le député, on le renvoie quand la politique nationale qu'il a soutenue n'est pas satisfaisante. Un président de région on le renvoie si ce qu'il a fait dans sa région ne convient pas. Or, lorsque je regarde mes scores électoraux au fil des années, je constate que les Français ne votent pas du tout en répondant à la question qui leur est posée… Quand la gauche va mal sur le plan national, j'ai toutes les peines du monde à être réélu, et quand elle va bien sur le plan national, alors je passe très facilement !

    Et cela, parce qu'on n'arrive pas à séparer les enjeux. Mon rêve, ce serait qu'en France on ne vote pas dans toutes les régions le même jour. Un jour on voterait en Alsace et deux mois plus tard on voterait en Provence Alpes Côte d'Azur. Ce serait une manière de centrer le débat sur les questions de l'Alsace ou de la Provence Alpes Côte d'Azur… Mais là je n'ai aucune inquiétude : je ne crois pas que cette suggestion soit reprise très prochainement !

     

    Propos recueillis par Samuel Deleron et Michel Lulek.

    Vous pouvez retrouver l'essentiel de cet entretien, accompagnés de reportages sur la question des services publics, dans le Magazine du Plateau de Télé Millevaches n° 123 de février 2005 (contact au 05 55 67 94 04).