Nos collectivités territoriales : cent treize communes, trois départements, et la région, se sont engagées à mettre en œuvre la charte du Parc Naturel de Millevaches en Limousin.
Il appartient maintenant à tous les habitants du Plateau de Millevaches de s'approprier les objectifs et les projets de ce PNR tant attendu ou tant craint des uns ou des autres. La charte devient l'outil de référence pour assurer "la gestion et le développement harmonieux et durable du territoire de Millevaches·, pour une première période de dix ans. Elle fixe les règles d'une identité collective à construire. Ce n'est pas une mince affaire. Le syndicat mixte doit se doter d'un service de communication incisif et compétent pour sensibiliser tous les acteurs locaux à la construction d'une telle communauté de destin.
Mais chacun peut aussi faire ce travail d'appropriation en allant consulter les documents qui ont éclairé la décision des élus. Ils sont consultables dans toutes les mairies sous la forme de trois documents. Mais comme il s'agit de quelques 850 pages à feuilleter, on peut très vite se décourager. Il est préférable d'y aller par petites doses et progressivement.
Avant d'aborder le volume de la charte, on a tout intérêt à se pencher sur le volume du "Diagnostic territorial" . C'est le plus gros pavé. Mais il nous fait une présentation du territoire attrayante et passionnante. Pour voyager à travers le Millevaches, il nous offre un guide de lecture des paysages. Il nous apprend à découvrir comment l'espace s'organise autour des multiples combinaisons alvéolaires de l'action de l'eau et du relief. Les milieux naturels, l'habitat villageois, l'urbanisme, les routes comme les activités économiques en sont tributaires. Une leçon de géographie vivante qui surprendra plus d'un lecteur. Elle est soutenue par un appareil cartographique tout à fait remarquable en qualité et en lisibilité. Grâce à la performance de cet outil cartographique, une grande carte jointe au document permet de visualiser et de comprendre l'extrême complexité de l'imbrication des contours de nos paysages. A elle seule l'exploration attentive de cette carte permet à chacun de mesurer l'ampleur du travail qui reste à faire pour fonder une identité culturelle et citoyenne du Millevaches.
En prolongeant la réflexion sur ce diagnostic territorial on se doit de reprocher à ses auteurs une double omission au niveau économique et sur la place des services publics. Pressés par le temps les rédacteurs ne se sont pas suffisamment souciés de ce que font et ce que sont les femmes et les hommes sur ce territoire. Un grand chapitre présente ' Les hommes et leurs activités' . Il n'y a rien à dire sur le portrait démographique et le maillage territorial. En outre, parce que le travail des agriculteurs est très lié au milieu naturel on dispose d'une présentation relativement détaillée de l'agriculture et des agriculteurs. Par contre pour la forêt qui occupe la moitié de l'espace, si on connaît en détail ses composantes foncières et ses modes de gestion et d'exploitation, on est frustré sur la connaissance des propriétaires ou des travailleurs de la forêt et du bois. Qui sont-ils, que font-ils et où sont-ils ?
Eviter que le PNR ne devienne l'outil technocratique d'une structure de pouvoir
Cette triple interrogation prend encore plus d'ampleur pour toutes les activités économiques qui relèvent de l'artisanat du commerce et de l'industrie. Deux pages seulement pour en brosser un portrait plus que succinct, et cette fois sans soutien cartographique. Les statistiques collectées auprès des chambres consulaires ne peuvent rendre compte de ce qui s'invente et s'entreprend là où on échappe à l'emprise réductrice de la concentration administrative et urbaine. Nos rédacteurs auraient-ils été saisis du syndrome du "vide" et de " l'abandon" qu'ils accordent à l'étymologie du Millevaches pour passer quasi sous silence les services publics de proximité essentiels à tout projet de vouloir vivre ensemble à l'abri des tourbillons de la ville : l'éducation, la santé, la vie culturelle, les transports ... Une évidence à rappeler aux élus pour éviter que le PNR ne devienne l'outil technocratique d'une structure de pouvoirs complètement déconnectée des réalités du terrain.
Heureusement le dernier chapitre nous offre une perspective plus positive sur " l'identité patrimoniale et culturelle du territoire de Millevaches en Limousin·. La présentation exhaustive et multi cartographiée de l'inventaire patrimonial, sollicite fortement sa valorisation par les acteurs locaux. Elle ne le réduit pas à sa fonction de vitrine touristique même si celle-ci tient une place considérable dans les visées de la Charte. Il ne manque pas de mettre en exergue la dynamique exceptionnelle du tissu associatif sur le plateau qu'IPNS a déjà présentée dans sa première livraison. C'est en se reportant maintenant aux objectifs de la charte que s'inventeront et se développeront les articulations transversales entre cet héritage et la vie associative et culturelle des habitants du Millevaches.
C'est habité par ce diagnostic et les interrogations qu'il suscite que l'on peut ensuite se saisir de la Charte et travailler à la mise en œuvre de ses projets. C'est sur le terrain que les acteurs locaux valideront ou revisiteront cette recomposition intercommunale de toutes les activités sociales, économiques et culturelles du Millevaches.
Alain Carof