Gérard Bono, directeur de la scène nationale d’Aubusson, théâtre Jean Lurçat.
La question de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités est au cœur de la réforme. Alors que la loi entérine la suppression de la clause de compétence générale, seuls les domaines de la culture, du sport et du tourisme pourront encore faire l’objet de financements croisés après le 1er janvier 2015. Comment ces évolutions sont-elles vécues dans une structure culturelle décentralisée, au cœur d’un bassin de vie rural ? La parole à Gérard Bono, directeur de la scène nationale d’Aubusson.
Comment s’organise aujourd’hui le financement de la scène nationale ?
L’Etat prend à sa charge entre 30 et 40 % du budget du théâtre, les collectivités locales (Région - Département de la Creuse - Ville d’Aubusson) se répartissant le reste. Cette ventilation se retrouve à peu de chose près dans tous les équipements de ce type : 1/3 pour l’Etat, 2/3 pour les collectivités.
Cette clé de répartition sécurise le projet artistique : non seulement elle oblige au débat et nous amène à rendre compte, mais elle conduit également à équilibrer les visions des différents partenaires et permet une réelle liberté d’action.
Malgré le maintien de la clause de compétence générale, l’argent public se fait de plus en plus rare. Comment voyez-vous, dans ce contexte, l’avenir du théâtre Jean Lurçat ? Faut-il craindre pour sa pérennité ?
A l’heure actuelle, la scène nationale peut se prévaloir de sa réussite. C’est un acquis qui peut protéger. D’ailleurs, l’Etat, aujourd’hui, n’est pas en retrait. Quant au label ”scène nationale”, d’une certaine façon, c’est une protection.
Cela dit, l’évolution des critères d’attribution du label nécessitera demain d’accroître le budget pour atteindre la taille critique demandée. C’est clairement un point de fragilité car cela suppose un effort supplémentaire des collectivités locales.
En contrepartie, cela nous demande d’être imaginatif, ouvert, de savoir mutualiser nos spectacles au sein d’un réseau régional des acteurs culturels. Cela nécessite également de multiplier les partenariats financiers, y compris privés. Notre présence sur la communauté de communes du plateau de Gentioux, par exemple, est autant un moyen de conforter notre budget que de faire des choses proches du terrain, en étant très réactif.
Car le plus grand danger, ce n’est pas de devoir supporter les diktats de tel ou tel financeur, c’est l’amputation du budget. Ici, en Creuse, si un partenaire ne finance plus, une grande partie des lieux culturels disparaît. Or, la culture n’est pas une variable d’ajustement.
Les débats autour de la clause de compétence générale ont contribué à interroger la place et le rôle de la culture sur les territoires. De ce point de vue, comment voyez-vous la scène natio-nale ?
La scène nationale remplit une mission de service public. Je suis arc-bouté sur cette définition, hors du champ de l’économie, même si l’activité du lieu génère bien entendu du travail - 10 emplois salariés et 4-5 intermittents.
Nous sommes une agora, un espace de création artistique mais aussi un lieu de rencontre où se joue et se noue le lien social. A ce titre, notre présence est vitale, et contribue d’ailleurs à l’attractivité d’Aubusson.
Propos recueillis par Stéphane Grasser