Au début se trouve l’envie de plusieurs personnes ayant leur vie et leur métier en ville mais qui souhaitaient aller au-delà de leur appartenance urbaine pour vivre “A la Campagne !” une expérience qui s’inscrirait dans la durée. L’idée était de trouver un lieu en milieu rural qui pourrait servir de support pour des animations culturelles (expositions, théâtre…), sportives ou sociales, et rendre ainsi des rencontres humaines possibles. Rencontres entre artistes (professionnels ou amateurs) et public. Entre citadins et ruraux. Entre générations. De façon plus spontanée que réfléchie, nous sommes partis de la conviction que la ville ne peut ni ne doit détenir le monopole de la culture. Nous voulions donc faire venir “à la campagne” des artistes repérés en “ville” et inversement faire connaître à un public citadin et majoritairement parisien des artistes locaux.
Mais comment faire lorsque les membres d'A la campagne habitent à Paris, Cordoue, Toulouse, Rome, Orléans ou Rennes ?
Il se trouve qu’un des membres de l’association possédant en Corrèze une maison de famille qui se mourait faute d’habitants réguliers, A la campagne a trouvé une terre d’accueil sur la commune de Chamberet. L’association a alors redéfini son projet en concertation avec les élus et les commerçants du village et proposé d’organiser un festival qui, sur un week-end, mélangerait arts plastiques, musique, cinéma en plein air, théâtre et spectacles de rue.
En 1999, les premières “rencontres de la Porte Basse” furent organisées sur trois jours.
Un des objectifs était que les artistes se produisent dans des conditions différentes de leurs conditions habituelles : plein air, convivialité, proximité des spectateurs, etc. Pour créer cette convivialité, nous avons fait en sorte que le repas soit un des moments forts du festival au même titre que le cinéma, les spectacles de rue ou les concerts.
De plus nous avons cherché à nous inscrire dans l’économie locale en privilégiant les approvisionnements locaux. Cette logique, initiée les deux premières années avec les commerçants et artisans de Chamberet, a abouti en 2001 à un rapprochement avec des agriculteurs du canton. Du lait et de la viande produits sur la commune de Chamberet ont ainsi pu être servis aux festivaliers.
Après la troisième édition du festival plusieurs d’entre nous ne se retrouvaient pas dans la dérive “festivalo-centrée” que prenait A la campagne Une charte a alors été écrite qui définit les quatre points cardinaux (partager, inciter, respecter, échanger) entre lesquels les membres d’A la campagne tentent de positionner leur démarche. Dans les faits, la charte ne joue pas vraiment le rôle d’un cadre général donnant une certaine rigueur ou une cohésion à nos choix. Mais elle a mis en évidence qu’il était extrêmement frustrant et démotivant pour les fondateurs de l’association de voir l’identité d’A la campagne réduite à celle d’une “association qui organise un festival”. A la campagne souhaite que la Porte Basse vive en dehors de la période du festival en étant un lieu d’interactions, d’ouverture à l’autre, un lieu de propositions mais qui n’impose pas des solutions toutes faites ou uniques, un lieu de tentatives et d’apprentissage.
Nous voudrions rendre ainsi plus lisibles les valeurs qui nous animent jusque dans les choix faits pour la rénovation et l’aménagement du site de la Porte Basse.
Nous nous sentons collectivement responsables de ce lieu, de son devenir mais aussi du lien que nous avons créé entre nous, entre nous et nos partenaires. Ce lien si fragile n'est pas uniquement celui qui unit la ville à la campagne, il est de façon plus générale celui qui relie tout simplement des êtres humains entre eux qu'ils soient d'ici ou d'ailleurs.
Cela peut paraître une conclusion triviale après quatre années d’existence, mais il est vrai que ces premières années de vie associative nous ont rendus plus modestes ou moins audacieux. Je ne crois pas que derrière notre bonne volonté des débuts se soit cachée de l'arrogance. Nous revendiquions notre appartenance à la problématique des relations “ville-campagne” en toute bonne foi. Le seul problème est que nous n’avions pas mesuré la complexité et l’investissement que cela représentait. Cela peut paraître une évidence, mais nous avions néanmoins besoin de constater par nous-mêmes que le “tissu rural” corrézien se “redynamisait” tout seul et très bien sans nous. Il fallait que nous brûlions les ailes de notre naïveté à la réalité pour comprendre que la légitimité d'A la campagne était toute simple et qu'il n'était pas nécessaire d'aller chercher midi à quatorze heures.
Nous manquons de temps pour prospecter et intégrer des artistes locaux dans notre programmation. Nous n'arrivons pas toujours à suivre la vie quotidienne du Plateau de Millevaches, ni à en être un acteur régulier. Apprécions donc déjà à sa juste valeur la confiance qui nous est témoignée. Puisons du sens, de l'énergie et de l'envie dans les partenariats que nous avons et pourrons encore établir à l'avenir.
Certes, nous ne savons pas bien ou nous allons, mais n’est-ce pas ce qui fait aussi la saveur de cette aventure ? Si tout était limpide et déterminé d’avance, y avancerions nous avec autant d’enthousiasme ?
Solenne Piriou