Quel avenir pour Vassivière et son syndicat ? Ces questions sont au cœur d’une étude fournie à la région par un cabinet spécialisé (le cabinet Astarté). Selon les éléments parcimonieusement fournis par le conseil régional (voir notre encadré), l’état des lieux dressé par le cabinet n’est pas très reluisant.
Selon le rapport qui a été présenté aux élus régionaux le diagnostic se résume en quelques lignes : “Le site de Vassivière apparaît dégradé, ne répondant plus aux attentes de la clientèle touristique et de loisirs malgré un site naturel protégé.“ Son atout : “Il dispose d’un potentiel de développement intact, en phase avec les tendances touristiques.“ Mais là où le rapport est le plus sévère, c’est lorsqu’il dresse “quelques constats avec lesquels il faut composer“ : “Vassivière n’a pas de stratégie. Vassivière n’est pas un site spontanément attractif. Le site est largement obsolète. L’organisation touristique est totalement inadaptée.“ S’en suivent, sur le plan de la structure du Lac une série de constats qui confirme sur le plan de la gouvernance “un défaut d’information, d’échanges et de participation“ qui s’explique peut-être par cet autre constat : “une présidence forte“, formule politiquement correcte pour dire que les décisions ont une légère tendance à être le monopole d’un seul élu... Autres constats : “Un manque de vision partagée, de plan pluriannuel de développement, d’où une gestion par opportunités“, “une absence de feuille de route, de reporting, d’indicateurs“, “pas de mesure du retour des opérations de communication“. Stéphane Cambou s’empresse donc de préciser lorsqu’on lui soumet ces quelques verbatims que le président Denanot, les élus régionaux et lui-même ne souscrivent pas à toutes les conclusions de l’étude. On veut bien le croire.
“Vassivière n’a pas de stratégie“
Cabinet Astarté
La “stratégie“ Cambou
Stéphane Cambou a au contraire l’impression d’avoir une stratégie qui, si elle n’est ni partagée par les élus des communes du Lac, ni lisible par l’auteur de l’étude Astarté, existe bel et bien : “En arrivant en 2008, j’ai regardé les études qui ont été faites sur Vassivière. Il y en a un stock infernal. Et je me suis appuyé sur l’étude du cabinet Détente pour reprendre l’idée d’un cœur de station à Auphelle (mais sans garder toute la partie concernant l’installation d’un centre aqua-récréatif).“ Un choix, qui n’est à ses yeux pas contradictoire avec la volonté de s’appuyer sur la charte paysagère de Gilles Clément. Et de citer, comme pour séduire le lectorat réputé écolo de notre journal : la charte zéro pesticide, la protection de l’environnement avec l’acquisition avec le conservatoire du littoral de 70 hectares sur la presqu’île de Chassagnas, des acquisitions foncières pour protéger l’espace autour du lac entre celui-ci et la route circum-lacustre, le soutien au pastoralisme, la remise en état de la lande de Puy La Croix et son sentier d’interprétation, un projet de jardins des simples, etc. Pourtant, il suffit de relire Clément pour toucher du doigt la contradiction : la proposition principale du “jardinier“ “consiste à valoriser une large épaisseur du territoire, située entre les rives elles-mêmes et les bourgs avoisinants nommés “Portes“. Cette épaisseur (…) oriente les aménagements au niveau des “Portes“ et non sur les rives, préservant le paysage du lac.“ Gilles Clément espérait que cette vision serait partagée par les élus, mais n’était pas naïf : “Elle se heurte à la vision des “développeurs“ dont les projets consistent à installer des pôles touristiques en rives, accompagnés d’ “Aqua Centers“ et autres produits de loisirs ordinaires, au risque de perdre les singularités paysagères et environnementales du lieu.“
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Faire feu de tout bois
Pour Stéphane Cambou, au contraire, Vassivière peut (presque) tout accueillir, y compris sur l’eau. “Avec 1000 hectares, il y a de la place pour un paquet de pratiques, sauf le jet ski dont les communes ne veulent pas et qui est une pratique mineure“ justifie Stéphane Cambou qui peut ainsi jouer la carte de la voile sans rejeter les bateaux à moteur pour lesquels une station essence sera construite à Auphelle – et qui du coup servira aussi aux voitures. Argument écolo à l’appui, le président défend cette station service controversée : cela évitera le transport (interdit) de jerricans d’essence, qui provoque des pollutions et ne permet pas aux plages du Lac d’obtenir le “Pavillon bleu des baignades“. De toute façon, tout ce qui peut créer de l’activité, faire venir du monde, conforter l’économie locale est bon à prendre, revendique-t-il : le rallye du Limousin (“Les hôtels restaurants font le plein en cette période de l’année un peu creuse“), les résidences d’artistes sur l’île, la fête de la Saint-Amour et son feu d’artifice, le festival Destination Ailleurs, etc. Et Stéphane Cambou d’assumer les 50 000 € que le Lac dépense pour avoir son logo aux côtés de celui du groupe pétrolier Picoty (“Sans lui, on ne pourrait pas se le payer“) sur une voile de la Route du Rhum...
Changer le nom du PNR
La concomitance de l’étude Astarté avec la révision de la charte du Parc naturel régional actuellement en cours, a conduit ses auteurs à étudier les interactions qui devraient se jouer entre le
PNR et le Lac de Vassivière. L’étude relève sur ce plan “le développement d’une image propre [du Lac] sans lien construit avec celle de la région ou du PNR.“ D’où la proposition sérieusement défendue par Stéphane Cambou de changer le nom du Parc pour l’appeler par exemple “PNR de Millevaches – Lac de Vassivière“ en laissant tomber le “en Limousin“ que le conseil régional avait imposé en son temps. D’un point de vue de “stratégie touristique“ et de “labellisation du territoire“ ce “en Limousin“ amène de la confusion et n’est pas assez identifiant selon le président du Lac. De là à soupçonner ce dernier de vouloir succéder au président du Parc il n’y a qu’un pas, “rumeur“ qu’aujourd’hui Stéphane Cambou dément. Pourtant, il y a quelques mois Jean-Paul Denanot avait tâté le terrain auprès de quelques élus du Plateau pour évaluer leur réaction devant une telle présidence. C’est peut-être leur moue dubitative ou quelques réactions un peu plus vives qui expliquent qu’aujourd’hui la langue de bois réponde que “la question ne se pose pas.“
Michel Lulek
(1) Gilles Clément, Une écologie humaniste, Aubanel, 2006, pages 188-189.- Une étude inaccessible
L’étude du cabinet Astarté est décidément bien difficile à se procurer. Même les élus du Lac de Vassivière n’en ont pas eu communication ! Rendue au conseil régional, son commanditaire, en mars 2013, il y a un an, les services régionaux nous avait indiqué qu’elle ne diffuserait ce document qu’après sa présentation au CESER (Conseil économique, social et environnemental régional) et au conseil régional, prévue six mois plus tard en décembre. C’est ainsi qu’IPNS recevait en janvier... non pas l’étude demandée, mais un rapport de quatre pages “sur l’évaluation du Syndicat du Lac de Vassivière“ qui, certes, reprend des éléments de l’étude mais de manière évidemment très résumée. Relancée par IPNS, la région souhaite encore attendre que l’intégralité de l’étude soit communiquée aux élus régionaux et l’on nous parle désormais d’un nouveau délai... juin 2014 ! Si Stéphane Cambou nous a assuré qu’elle nous serait prochainement transmise, on attend toujours, et cela en contradiction totale avec le texte de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 qui reconnaît à toute personne le droit d’obtenir communication des documents détenus dans le cadre de sa mission de service public par une administration. Cette loi précise en effet qu’elle s’applique “à des documents achevés“, ce qui incontestablement est le cas d’une étude fournie par un cabinet. On attend donc le passage du facteur, à défaut de saisir la commission d’accès aux documents administratifs.