En décembre 2008, Bristol-Myers-Squibb annonçait qu’il allait fermer les portes de son centre de recherche sous contrat de Meymac, spécialisé dans la fabrication de médicaments de pointe pour lutter contre les maladies marquantes d’aujourd’hui : Sida, cardio-vasculaire, dépression, douleur. Des bâtiments spécialement conçus en 1989-1990 pour accueillir des laboratoires avec des équipements ultra perfectionnés, à l’abri de toute influence extérieure, au lieu-dit Goualle, un site isolé de toute habitation, à quelques trois kilomètres du centre de Meymac.
Ce complexe pharmaceutique d’avant garde est l’un des joyaux de la modernité introduit par Jacques Chirac sur le plateau de Millevaches pour y maintenir une population jeune et diplômée. Malgré une longue négociation au plus haut niveau et une grève de 33 jours très largement suivie, la firme américaine n’a pas cédé et maintient sa décision de fermer son site de Meymac en juin 2010 afin de concentrer ses activités industrielles en France sur le site de l’UPSA à Agen dont elle a pris le contrôle depuis 1994.
La région de Meymac est consternée. Mais pas seulement ! L’ONG Oxfam et l’organisation internationale UNITAID condamnent cette fermeture. En juin 2010, une quinzaine de militants d’ACT-UP manifestent en se couchant devant le siège français de Bristol-Myers à Rueil-Malmaison, avec le slogan “Par dessus nos corps morts, Sida on se meurt, l’indifférence demeure !“. La colère de ces ONG alerte l’opinion publique sur l’importance de l’usine de Meymac dans la production d’une quantité de médicaments pédiatriques pour soigner les nombreux enfants atteints du Sida dans les pays en voie de développement.
La fermeture du laboratoire-usine est une catastrophe pour la Haute-Corrèze, une véritable hémorragie dans la population jeune. Elle suscite un climat de solidarité qui se concrétise avec la création de l’association Solidarité Ex BMS. Pour cette région du plateau de Millevaches c’est une lourde perte de compétences professionnelles et d’emplois très qualifiés. Une professionnalisation dans laquelle la Région Limousin s’était fortement impliquée, l’université de Limoges et ses facultés de médecine et de pharmacie ayant créé et mis en place en 1989-1990 des modules de spécialisations pour répondre à ces nouveaux besoins de formations qualifiantes.
Parmi les candidats à la reprise du site prestigieux de Goualle, Bristol-Myers impose encore sa loi. Pour lui éviter d’avoir à payer trop d’indemnités, après d’âpres discussions, le géant américain introduit auprès des négociateurs une entreprise algérienne spécialisée en contrat de façonnage pour la fabrication de médicaments génériques à destination des populations du Maghreb : les Laboratoires Salem. Pourtant, leur offre ne présente pas de meilleures perspectives de compétences et d’avenir que la proposition de 3iNature, un leader dans le marché des compléments alimentaires et des médicaments à base de plantes en France, un groupe para-pharmaceutique aujourd’hui en pleine expansion sur ses sites auvergnats de l’Allier et du Cantal.
En septembre 2010 Bristol-Myers vend pour le franc symbolique son site de Meymac aux laboratoires Salem. En réalisant l’immatriculation de leur société en France dès le mois de juin 2010 ceux-ci souhaitent élargir leur marché bien au delà de l’Algérie et du Maghreb. Le président de la société, au cours d’une interview, s’engage à démarrer la production dans le courant de l’année 2011 avec une quarantaine de salariés, pensant bien atteindre assez prochainement un niveau d’emploi équivalent à ce qu’il était à Bristol-Myers. Si le chiffre d’affaires déclaré en 2012 et 2013 permet d’apprécier le fonctionnement de l’entreprise, en 2014 il chute vertigineusement et au 21 avril 2015 les laboratoires Salem sont en redressement judiciaire. Malgré les appels à l’aide, le tribunal de Brive prononce leur liquidation judiciaire le 22 septembre et les 35 salariés sont mis au chômage dès le mois d’octobre.
Parmi les quelques industriels tentés de reprendre les laboratoires Salem, s’impose très vite la proposition d’un groupe pakistanais. L’entreprise Martin Dow, créée en 1960 au Pakistan, se présente comme créateur de nombreuses licences de médicaments et fabricant de médicaments génériques dans ce grand pays de 250 millions d’habitants. Avec le soutien de la municipalité de Meymac, en décembre 2015, il achète le site des laboratoires Salem pour la somme de 1 million 500 mille euros. Il s’engage à reprendre les 35 salariés au chômage ainsi qu’à poursuivre les fabrications de Salem, tout en lançant de nouveaux investissements pour porter les effectifs de l’entreprise à une centaine de salariés d’ici 5 ans. Au cours de cette transaction on apprend que Martin Dow s’est porté acquéreur en 2014, à Gien, dans le Loiret, d’une société, V2PHARM, fabricant de compléments alimentaires. Cette entreprise, fermée depuis 4 ans, a repris ses activités en juillet 2015 avec 40 salariés.
Au cours d’un déplacement à Meymac, le président de Martin Dow précise qu’il a choisi d’établir une tête de pont en France pour lui permettre de développer les nombreuses licences de médicaments qu’il fabrique mais qu’il ne pouvait exporter depuis le Pakistan. Avec sa vitrine de Meymac il entend se confronter et s’harmoniser aux normes de la France et compte ainsi se développer en Europe puis aux Etats-Unis.
Nul doute qu’aux yeux du maire de Meymac Martin Dow est un formidable gage d’espérance et d’optimisme. Il n’est pas qu’un façonnier de génériques, il est en capacité de relancer et développer la vocation du centre de recherche et développement créé par Bristol-Myers sur ce site exceptionnel de Goualle où des emplois hautement qualifiés peuvent être maintenus et introduits en Haute Corrèze. Au premier juin 2016 les salariés de Salem sont au travail dans l’entreprise Martin Dow dont l’activité de production sera opérationnelle en 2017.
Le directeur de l’entreprise n’est pas inconnu à Meymac : M. Schwenk était le dernier directeur de Bristol-Myers en 2010. C’est lui qui a assuré jusqu’en 2011 la transition avec les laboratoires Salem avant de quitter Meymac... Comprenne qui pourra !
Alain Carof