À peine deux ans après la fusion entre les communautés de communes du Plateau de Gentioux et d’Aubusson-Felletin, Monsieur le Préfet de la Creuse a fait une proposition visant à créer quatre communautés de communes dans le département. Proposition qui a été rejetée par plus de 80 % des conseils municipaux et des conseils communautaires. Pour lui chaque entité doit regrouper entre 25 000 et 30 000 habitants pour être visible dans une région comme l’ ALPC (Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes) qui dépasse la taille d’un pays (la nouvelle région est, parait-il, plus vaste que l’Autriche !). Le discours officiel est de considérer qu’ il est nécessaire de créer des communautés de communes encore plus puissantes. Le propos est bien rôdé, et, en guise de carotte, on fait miroiter plus de dotations. Mais le refrain se répète, nous avons cru lors de la précédente fusion qu’en regroupant nos savoir-faire, nos compétences, pourrait émerger un territoire riche de projets, d’actions innovantes... Or, au bout de deux ans, on observe une baisse des dotations, plus de contraintes, moins de liberté d’action, plus de lourdeurs, le tout dans un contexte économique global qui se dégrade... Cette croyance du toujours plus gros, plus fort, plus compétitif, au nom des économies d’échelle, des enjeux internationaux, du “global“ et du “mondial“, n’est qu’une vaste supercherie. L’enjeu, derrière cette doctrine officielle, est bien évidemment d’une toute autre nature. Le but est d’éloigner les habitants des lieux de décisions, de les empêcher de prendre en main leur devenir, de rendre impossible tout débat qui permet de construire ensemble, de s’interroger sur les projets que nous voulons voir éclore, d’exprimer les valeurs que nous souhaitons transmettre...
Cette année, en travaillant sur le budget communal avec l’équipe municipale, j’ai perçu avec acuité la volonté qu’il y a de réduire l’autonomie de nos communes, leur capacité à être force de proposition. Bref, le rouleau compresseur qui va les faire disparaître est en marche... En bruit de fond, cette rengaine inlassablement répétée : “35 000 communes en France, c’est beaucoup trop !“.
Le passage programmé à l’échelon intercommunal de la compétence “eau“ en sera la triste illustration. Devant l’ampleur du chantier à mettre en œuvre, on nous dira que seules des multinationales auront les reins assez solides pour en assurer la gestion sur un grand territoire.
Et ce “bien commun“ nous sera confisqué... D’un autre côté le désengagement de l’État se poursuit : disparition des missions de la DDT, de l’aide d’ingénierie aux communes, à la rédaction d’arrêtés, au suivi de droit des sols (permis de construire, déclarations de travaux). Du côté du conseil général les aides FDAEC à toutes les communes de la Creuse qui pouvaient chaque année faire des travaux routiers ou de bâtiments s’amenuisent, ce qui va menacer à terme les infrastructures (routes, ponts, aqueducs). À ce rythme, dans 20 ans tout s’écroule car les communes rurales n’auront pas les moyens de faire faire le suivi par des bureaux d’études privés.
Les élus qui siègent à la CDCI (Commission départementale de coopération intercommunale) ont été incapables de se mettre d’accord pour proposer des solutions alternatives à la proposition du préfet ou, pire encore, quand elles existaient les ont enterrées. Rivalités, prés carrés... Aujourd’hui des recours ont été déposés par les uns et les autres contre cette proposition préfectorale... Et les habitants dans tout cela ? Oubliés... Depuis des mois, les élus de toute la France se focalisent sur cette nouvelle réforme des périmètres intercommunaux, un sujet pondu par les technocrates. C’est une manière de les occuper ! Que d’énergie perdue ! En attendant personne ne parle plus du fond : à Creuse Grand Sud, le projet de territoire n’a pas avancé d’un iota, on gère au fur et à mesure les projets, les urgences... mais le prochain sujet sera la course aux élections présidentielles ! Histoire de garder la tête des élus dans le guidon.
Le pré d’à côté est-il toujours plus vert ? Nos voisins de Bugeat Sornac se sont séparés dans la douleur. Certaines communes ont choisi d’aller vers Ussel-Meymac, d’autres sont contraintes de rester ensemble de par leur situation géographique. On a vaguement l’impression de revenir à une micro région dont les forces s’éloignent du centre vers la périphérie, comme nos rivières... Une force centrifuge qui va à l’inverse de tout le travail précédent qui, depuis près de trente ans, consistait à se serrer les coudes sur ce territoire, à le revitaliser.
Tout pourtant n’est pas perdu. J’en veux pour preuve qu’à Faux-la-Montagne, le recensement 2016 indique que les actions menées en termes d’accueil, de maintien des commerces, des services, de soutien à la vie associative et culturelle, de travail sur le logement, ont porté leurs fruits : la population a augmenté en cinq ans de 57 habitants soit près de 15 %, ce qui est rare dans nos contrées. Il convient bien sûr de rester prudent, la situation demeure fragile et les aléas toujours présents. Mais, je veux voir un signe dans cette évolution, celui de l’engagement et de la participation. Ce résultat est collectif, il témoigne, malgré les accros, les tensions passagères, les frictions normales, d’une forte mobilisation des uns et des autres. Il n’y a donc pas de fatalité ou de miracle mais juste une communauté de personnes qui réfléchit, essaye, avance, se bat et se mobilise pour garder du pouvoir sur ce qui la concerne.
Catherine Moulin