Nous ne doutons pas que pour beaucoup de nos lecteurs le nom de cette association ne dit plus grand chose. Pourtant jusqu’à la disparition de la communauté de communes du Plateau de Gentioux, en décembre 2013, les habitants des communes de Faux-la-Montagne, Peyrelevade, Gentioux-Pigerolles, Saint-Marc-à-Loubaud, La Villedieu, La Nouaille et Saint-Yrieix-la-Montagne, recevaient dans leurs boîtes aux lettres un bulletin mensuel qui portait ce nom et dont le dernier (avril 2015) porte le n°318. C’était l’ultime rejeton d’une association qui avait été lancée trente ans auparavant.
Nous sommes au milieu des années 1980. Quelques élus volontaristes, les maires de Faux-la-Montagne, Gentioux-Pigerolles et Peyrelevade, François Chatoux, Pierre Desrozier et Bernard Coutaud, ont conscience de deux choses. D’une part que l’avenir de leurs communes passe forcément par une solidarité intercommunale. D’autre part que cette démarche de développement local ne peut se réaliser qu’en lien avec les habitants. Ils vont être les premiers en Limousin à créer une structure intercommunale en zone rurale : le syndicat intercommunal à vocation multiple (Sivom) du Plateau de Gentioux, ancêtre de la future communauté de communes du même nom qui lui succédera en 1992. Mais, pour le moment, rien de tel. Il faut monter ce que nous appellerions aujourd’hui « un projet de territoire » et ce qui s’appelait alors une « charte intercommunale ». Pour cela les maires organisent des réunions publiques – des assemblées d’habitants avant la lettre – pour connaître les besoins et les priorités de la population. Et comme ils veulent commencer à faire des choses ensemble, ils créent une association qui, à leurs yeux, préfigure leur future intercommunalité. Ils en sont membres, mais l’association est largement ouverte. Y adhèrent des agriculteurs installés dans le secteur une vingtaine ou une dizaine d’années plus tôt, des jeunes nouveaux arrivés, des associatifs, des habitants actifs et engagés, les prêtres ouvriers de Gentioux et de Peyrelevade (Henri du Puytison et Charles Rousseau), bref tout le petit monde qui se démène pour développer la vie sur le coin. Cette association se donne pour nom Vivre sur le Plateau.
Pendant plusieurs années, l’association se mobilise sur différentes actions : édition d’un bulletin local d’abord diffusé sur quatre communes (celui qui ira jusqu’au n°318), établissement d’un répertoire des logements disponibles sur le territoire (le manque de logements face à la demande des nouveaux arrivants se faisant déjà sentir), soutien à des associations locales s’occupant de la jeunesse et de l’enfance (c’est dans ce contexte que naît l’association Tom Pousse dont la crèche de Faux-la-Montagne est aujourd’hui l’héritière), etc. Bref, Vivre sur le Plateau est conçu comme un outil multiple, une sorte de couteau suisse du développement local. C’est ainsi que, lorsqu’en 1986 naît Télé Millevaches, la télévision, plutôt que de créer une nouvelle entité juridique, décide de s’affilier à Vivre sur le Plateau et de tester son activité sous ce chapeau (au bout de deux ans elle s’en émancipera en se dotant de sa propre structure juridique). Vivre sur le Plateau sert aussi à mobiliser des fonds publics ou à mener les études de préfiguration de la future intercommunalité. Elle est également repérée comme une porte d’entrée sur le territoire pour les nouveaux habitants qui y arrivent, jouant un peu le rôle d’un bureau d’accueil bénéficiant à la fois d’une reconnaissance institutionnelle (les maires sont membres de son bureau pour la plupart) tout en restant une structure ouverte, souple et pas du tout enkystée dans des fonctionnements bureaucratiques.
Lorsque se crée le Sivom, puis en 1992 la com com du Plateau de Gentioux, la pertinence de l’association est moindre. D’un côté des initiatives nées en son sein volent désormais de leurs propres ailes (Tom Pousse, Télé Millevaches), d’un autre les structures intercommunales jouent pleinement leur rôle sur d’autres aspects qui étaient temporairement portés par l’association. Pourtant, elle continuera à exister, les élus trouvant plus pratique de lui confier la publication permanente du bulletin fédérateur qui a fait ses preuves et répond à un véritable besoin d’information et d’échanges entre les habitants : les associations y annoncent leurs manifestations, les habitants y font passer leurs petites annonces, la com com communique par ce biais et en fait un outil de transparence démocratique en y publiant ses comptes-rendus de séance, etc. C’est ainsi que Vivre sur le Plateau, réduite à son bulletin, survivra sous le chapeau de la collectivité jusqu’à la fusion avec la com com d’Aubusson Felletin et la création en 2014 de Creuse Grand Sud. Aujourd’hui, le bandeau du bulletin de cette dernière entité, en changeant de titre (VSP devenant VSC), reste le dernier vestige d’une histoire trentenaire.
Depuis, quel sens pouvait avoir la conservation d’une association désormais en sommeil ? Une douzaine d’anciens administrateurs s’est donc réunie pour une assemblée générale de dissolution. Observant la vitalité actuelle du territoire et les nombreuses initiatives qui s’y développent, ils ont adopté l’adage coopératif selon lequel « l’important n’est pas de durer, mais de renaître ». Pour le manifester ils ont voté la dévolution du modeste reliquat financier à deux associations : Télé Millevaches qui avait vu le jour sous les auspices de l’association et la Fête de la Montagne limousine qui incarne parfaitement aujourd’hui la philosophie qui était celle de Vivre sur le Plateau à sa naissance. Un symbole de continuité qui prouve que la veine militante et associative du Plateau est profonde et reliée, à travers les années et les personnes, à une histoire, une volonté et une énergie toujours en mouvement.
Michel Lulek