NUISIBLE, du verbe nuire, du latin nocere : nuire, faire du mal, porter préjudice à.
Nuire à qui, à quoi, lorsqu’on parle d’un animal dit “nuisible“ ? On remarquera que l’adjectif est souvent employé comme nom commun : ne lit-on pas sur les notices d’utilisation de divers “pesticides“ : élimination des “nuisibles“ ? De même, sur les panneaux d’affichage de nos mairies rurales : campagne d’éradication des “nuisibles“ ?
On part donc du postulat que des animaux, peuplant comme nous la planète, nous seraient, à nous les êtres humains, nuisibles. Il s’agit là d’une affirmation uniquement “anthropo-centrée“, c'est-à-dire qui place l’homme au centre du problème, non pour le responsabiliser, mais pour lui octroyer le droit de vie ou de mort sur les règnes animal et végétal. Ainsi, la désignation de tel ou tel animal comme “nuisible“ suit les variations humaines de temps et de lieu. À l’époque où nos ancêtres s’abritaient des bêtes sauvages dans des cavernes, l’animal nuisible avait une toute autre figure que le “rat-taupier“ ou le renard d’aujourd’hui. Et si l’on se déplace sur d’autres continents, le lion, l’éléphant, le jaguar ou autre crocodile ont dû avoir, et pour certains ont encore, ce statut de “bêtes à abattre“.
Relativisons donc ce qui nous nuit, aujourd’hui en France au XXIe siècle ! Ce ne sont plus directement nos vies qui sont en danger ou notre survie qui est menacée…Non, il s’agit de préserver un certain confort dans le travail agricole mécanisé ou dans nos loisirs liés à la chasse. Pour reprendre les exemples du rat taupier et du renard, ces deux-là, à l’évidence, menacent les prairies artificielles, les poulaillers ou, pire, concurrencent sans aucune loyauté les jeux cynégétiques du dimanche, dès que revient l’automne.
Le potentiel de nuisance de tel ou tel animal dans ce contexte, c’est donc l’être humain qui le définit après s’être auto-investi du pouvoir de régulation. Cela est déjà en soi la manifestation d’un certain manque d’humilité... pour rester très poli. En toute connaissance de cause, qui peut prétendre savoir, de façon universelle et durable, si une espèce animale doit être supprimée de notre environnement, à un moment de l’histoire planétaire où LA question serait plutôt de savoir comment les préserver ? Ceux qui ferment encore les yeux sur le déclin vertigineux de la “biodiversité“, en vertu de quoi les équilibres de la vie sur terre se disloquent pour menacer à plus ou moins long terme toutes les espèces vivantes, y compris les humains, continuent à mener leurs entreprises “d’éradications“. Associations de chasseurs, groupements d’agriculteurs en sont apparemment encore là, quitte à déverser des poisons, à dérégler pour des décennies les équilibres naturels, à tuer et détruire, en fin de compte, puisque c’est là que réside depuis toujours la “domination“ humaine qui a mis son ingéniosité au service du massacre, pour son propre profit ou son propre plaisir.
Devant telle situation, une des premières mesures, la plus urgente et la plus pertinente, serait d’étudier pourquoi certains animaux ont proliféré de façon excessive depuis quelques années et qui est réellement à l’origine de ces désordres ? Et d’oser donner les vraies réponses ! L’introduction de races de sangliers hyper prolifiques, dans le seul but de pouvoir tirer plus de cartouches, l’éradication systématique du renard, prédateur naturel du rat taupier, ne sont-ils pas des faits à prendre en compte ? Ces questions ont fini par devenir purement politiques, tant les lobbies de la chasse et de l’agrochimie ont étendu leurs tentacules à tous les niveaux des instances gouvernementales. Un vaste sujet qui, pourtant, intéresse de près notre interrogation de départ, et qui donnerait envie de conclure par une autre question : dans tout cet imbroglio de causes et d’effets, ne serait-ce pas l’homme (le bien mal nommé homo sapiens) qui mériterait le plus le qualificatif de “nuisible“ aujourd’hui sur terre ?
J’en veux pour preuve le choix des Français pour l’élection présidentielle. La pauvreté des programmes, en matière d’écologie, des deux candidats qui s’étaient retrouvés en lice pour le deuxième tour était déjà révélatrice du manque d’intérêt pour les questions environnementales dans notre pays. Emmanuel Macron, ne prêchant que pour sa paroisse, la croissance et le développement économique, ce qui a rassuré la plupart des angoissés de la finance et de la “valeur travail“, va avoir du mal à concilier son projet avec les enjeux écologiques. Faudra t-il un cataclysme pour espérer une vraie prise de conscience dans ce domaine ? Espérer ne semble plus être à l’ordre du jour. “L’espoir aussi est un poison quand sa morsure se prélasse“ (Joan Pau Verdier).
Maryse Villain
Espèces / Départements | Haute-Vienne | Corrèze | Creuse |
Renard | x | x | x |
Martre | x | x | x |
Corneille noire | x | x | x |
Corbeau freux | x | ||
Etourneau | x | ||
Fouine | x |