Comme l’ensemble de la France, le Plateau a porté plus de 80 % de ses suffrages sur les quatre mêmes candidats. Ce qui fait son originalité, c’est l’ordre dans lequel il les classe. Mélenchon arrive 1er au lieu de 4e avec 23,4 % au lieu de 19,6 %. Macron arrive 2e au lieu de 1er avec 22,5 % au lieu de 24 %. Fillon arrive 3e comme au niveau national avec 18,3 % au lieu de 20 %. Le Pen arrive 4e au lieu de 2e avec 17,1 % au lieu de 21,3 %. Mais si le classement est différent, il n’en reste pas moins que les ordres de grandeur de chaque candidat ne sont pas si différents.
En 2012, la gauche était majoritaire dans 78 des 114 communes du Plateau retenues, tandis que la droite ne l’était que dans 10 communes. Le vote Bayrou ne perturbait le partage que dans 26 communes. En 2017, la gauche n’est plus majoritaire que dans 8 communes tandis que la droite l’est devenue dans 26. Mais le vote Macron perturbe le partage dans 80 communes, sans toutefois être jamais majoritaire.
Hollande recueillait 36,1 % des suffrages en 2012, tandis que Hamon n’en recueille plus que 6,7 % en 2017. Ce score est équivalent au niveau national (6,4%) et plus faible qu’en Limousin (7,3%). La fin de la Hollandie est ici particulièrement brutale. Cette déroute est générale puisqu’il ne dépasse jamais les 20 % et ne dépasse les 10 % que dans 13 communes. Cet effondrement de près de 30 % profite probablement pour moitié à Macron, pour un tiers à Mélenchon auxquels il faut ajouter les 3 % de Lassalle.
On essaye de nous faire croire qu’avec moins d’un quart des suffrages exprimés un monde nouveau s’annonce dépassant le clivage droite-gauche. Sur le Plateau il n’est pas sûr que ce soit le cas. Au contraire, la fin de la Chiraquie et de la Hollandie semble faire ressurgir dans toute sa netteté le clivage géographique qui n’avait pas totalement disparu : la gauche à l’ouest et la droite, extrême-droite comprise, à l’est et au nord. Comme en témoignent historiens et chercheurs, ce clivage date de plus d’un siècle, depuis l’implantation du socialisme puis du communisme en Limousin. L’est du Plateau, particulièrement clérical, a durablement résisté à cette progression. Les démographes Hervé Le Bras et Emmanuel Todd prétendent que l’arrivée dans une région de personnes d’autres régions ne change pas les structures idéologique et politique de la région, les nouveaux arrivants se coulant rapidement dans celles-ci. Il serait intéressant de savoir ce qu’il en est sur le Plateau qui maintient un tel clivage si longtemps alors que le renouvellement de population n’est pas négligeable. On sait en effet que dans certaines communes la majorité de la population n’est pas née en Limousin.
C’est évidemment la progression de 8 points de Mélenchon (de 15,4 % à 23,4%) qui, après la percée de Macron, est le fait marquant de cette élection sur le Plateau. À noter que Mélenchon arrive en tête sur le Plateau, 1 point devant les 22,4 % de Macron, et en tête dans pratiquement la moitié des communes. Il fait ainsi mieux qu’en Limousin (21,6%) et mieux qu’au niveau national (19,6%). Les candidats trotskistes représentent quant à eux, comme en 2012, moins de 3 % des suffrages. Avec 26 % des suffrages, la gauche de la gauche fait ainsi son meilleur score, loin devant les 19 % de 2012 mais aussi des 22 % de 2002. Cette progression ne modifie pas la carte de l’implantation de la gauche de la gauche à l’ouest du Plateau ; elle la densifie et l’étend quelque peu. On le voit sur la carte où apparaissent en gris clair les communes où Mélenchon fait mieux que son score moyen du Plateau ; en noir, les communes où il dépasse 30 %.
Avec 18,3 % des suffrages, Fillon fait moins bien que Sarkozy en 2012 (21,4%), en 2007 (26,9%) et que Chirac en 2002 (34,2%). Pour la Chiraquie aussi la chute est sévère. Il faut donc abaisser le seuil à 18,5 % pour faire apparaître les communes où Fillon fait mieux que sa moyenne du Plateau et à 25 % pour les communes qui sont des “bastions“. La carte est alors pratiquement le négatif de celle du vote Mélenchon avec une forte présence au nord-est du Plateau (le sud de la Creuse), mais aussi au coeur du Plateau et dans le canton de Treignac.
On a dit au niveau national que parmi les meilleurs scores du FN, il y avait les petites communes rurales. Ce n’est pas le cas du Plateau, qui fait pourtant partie du “rural profond“. Mais, avec 17,1 %, Le Pen continue sa progression sur le Plateau. Rappelons l’évolution : 2002 = 8,3 %, 2007 = 7,8 %, 2012 = 13,6 %. Le FN fait désormais plus de 17 % dans presque la moitié des communes et plus de 23 % dans 18 d’entre elles. Il arrive en tête dans 16 communes. La carte est très similaire à l’implantation de la droite : Le nord du Plateau (le sud de la Creuse) mais aussi l’est (plus largement que pour la droite), le coeur du Plateau mais pas le canton de Treignac.
Le Plateau est à peine moins sensible à l’effet Macron que l’ensemble de la France : 22,5 % au lieu de 24 %. Mais il arrive tout de même en deuxième position et il est en tête dans 29 communes. De même que Macron fait 5 points de plus au niveau national que Bayrou en 2007, il réussit sur le Plateau la même progression : Bayrou faisait 17,7 % et Macron fait 4,8 point de plus. La carte est assez disparate, hormis au centre du sud du Plateau où se concentre la moitié des communes de très forte implantation et autant de communes de bonne implantation.
Christian Vaillant