Nous sommes un collectif de personnes composé d’agriculteurs et agricultrices, de futurs.es installé.e.s et de personnes sensibilisées à la question de l’accès au foncier agricole. Les prix exorbitants des terres empêchent de nombreuses personnes de mener à bien leurs projets d’installation agricole au vu des emprunts nécessaires. En plus, si le projet ne rentre pas dans les clous technico-administrativo-économiques exigés aujourd’hui, l’installation devient impossible.
Nous avons profité de l’expérience des GFAM du Béarn et du Pays Basque et nous sommes inspirés de leur idée de mutualisation pour “La Tontinette“. En 2017, notre groupe met sur pied le GFAM “La Tontinette“. Les statuts de cette structure assurent que les terres qu’elle acquiert sont exclusivement à usage agricole, qu'elles resteront la propriété du GFAM et ne seront pas revendues à d’autres fins. Ses terres sont louées par bail à ferme (9 ans reconductibles) ce qui garantit une installation pérenne pour les futur.e.s agricultrices et agriculteurs.
À l’instar de Terres de Liens, “La Tontinette“ est un outil pour faciliter l’accès au foncier agricole et pour le préserver. Notre organisation locale favorise une gestion directe par les associé.e.s du GFAM et les locatrices et locataires des terres. Les réunions sont ouvertes à tou.te.s et les décisions sont prises ensemble sur la base d’une personne une voix et non en fonction du nombre de parts acquises. De plus, nous nous spécifions dans notre refus de soumettre les futur.e.s installé.e.s à une évaluation quelle qu’elle soit : ni étude préalable de dossier, ni contrôle ultérieur de pratique, plutôt une relation de confiance et l’adhésion à la charte qui nous réunit. Nous privilégions les échanges, les discussions et les partages d’expériences pour relier dans une dynamique collective les usagère.er.s des terres et les associé.e.s.
“La Tontinette“ ne se positionne pas comme un simple propriétaire mais comme une ressource de solidarité et d’entraide, à l’image d’un récent chantier collectif pour la construction d’une petite bergerie. Cet outil fonctionne et de nouveaux projets d’installation peuvent se concrétiser si de nouvelles personnes s’associent au GFAM en prenant des parts (de 1 à 40 parts par personne, 50 € la part) et/ou en participant à la dynamique collective autour des installations.
Aujourd’hui, une soixantaine d’associé.e.s ont permis l’installation d’une maraîchère sur la commune du Fossat et de deux éleveuses sur la commune de Madière (voir leurs témoignages en encadré). Nous aimerions inspirer et appuyer d'autres projets afin que se multiplient des structures de mutualisation, pour la reprise de foncier agricole ou pour d’autres activités, ici et ailleurs. Nous avons envie de continuer cette histoire, nous devons la continuer pour sortir plus de terre de la spéculation, pour permettre à de nouveaux projets d’éclore.
Le sous-titre de l'ouvrage d'Alice Raybaud, jeune journaliste au Monde, éclaire son propos et les échos qu'il peut susciter sur le Plateau : « Des liens politiques, des lieux de résistance ».
L'auteure a 26 ans, et le mentionner n'est pas anodin. C'est dire qu'elle a une sorte de familiarité avec le sujet qu'elle traite car, si elle consacre tout un chapitre aux femmes de la maison des Babayagas de Montreuil qui, à plus de 80 ans, décident de vieillir ensemble, l'essentiel de son ouvrage est alimenté par des exemples de jeunes gens qui ont en général entre 20 et 30 ans. Son propos et son enquête partent d'un constat : la survalorisation du couple romantique qui « représenterait l'unique façon de cheminer avec d'autres dans l'existence ».
Hors du couple et de la famille, point de salut ? Certainement pas, proclame-t-elle s'appuyant sur les nombreuses rencontres qu'elle nous rapporte où l'amitié perdure au-delà de l'enfance et de l'adolescence (les seules périodes où elle semble correspondre à une phase « normale » d'épanouissement) et où elle construit même un lien fondamental. Parfois résumée à une relation à deux – jusqu'à ces exemples extrêmes de couples amicaux qui décident de faire un enfant sans histoire sexuelle et amoureuse au sens traditionnel du mot – mais le plus souvent déclinée au pluriel, l'amitié raconte des histoires de confiance, de solidarité ou de connivence dans lesquelles Alice Raybaud perçoit « une dimension libératrice puissante » et « une force de dissidence et d'émancipation ». La multiplication récente sur le Plateau de collectifs en tous genres (dans tous les sens du terme) ou de colocations qui vont bien au-delà du seul partage économique d'un toit, fait écho aux différents chapitres du livre, en particulier ceux qu'elle consacre à « la bande queer », aux « copines de lutte » ou à ces tenants de « bases arrière pour temps tourmentés » qui cherchent à « contre-produire » ou à « bâtir des mondes plus fertiles ».
Le collectif de la Tête-bêche dans le Finistère, le Jardin des passages dans le Cantal, un collectif de vie en Isère, les bandes de « colleureuses » féministes, etc. montrent que « vivre entre ami.es invite ces groupes à réfléchir à une organisation sociale sur mesure, ce qui débouche souvent sur de nouvelles formes d'utopie politique. » A minima précise Alice Raybaud, « si l'idée de vivre collectivement n'est pas votre tasse de thé, penser la vie à l'échelle d'un groupe d'ami.es plutôt qu'à l'échelle du couple peut permettre d'imaginer une autre organisation, à certains égards moins absurde, de nos espaces comme de la gestion du quotidien. »
Elle-même se confie dans le livre en regardant ses propres ami.es s'engager dans des carrières ou des vie familiales qui pourraient les éloigner, voire les séparer : « Ces temps-ci, je ne peux m'empêcher de ressentir un grand stress en nous envisageant in fine tous et toutes isolé.es, en sachant la tournure des décennies qui se profilent. » Elle n'est sans doute pas la seule à avoir cette crainte et elle perçoit dans ce « retour de l'amitié » dont son livre est une analyse mais qui pourrait être aussi le catalyseur de sa prise de conscience, une promesse joyeuse pour un avenir plus serein et radieux. Un phénomène peut-être encore marginal mais néanmoins suffisamment repérable pour que la journaliste puisse y consacrer tout un livre. Pour elle « prendre soin » de toutes les amitiés est politique. « Donnons-nous, ensemble, les moyens de déployer nos galaxies. Revigorons-nous au foyer brûlant de nos amitiés, renforçons-nous sous leur regard protecteur. Reconstruisons autrement depuis leur antre. Là résident nos révolutions ».
L'Amicale Mille Feux, c'est une bande d'artistes, récemment diplômé·es, venu·es s'installer à Lacelle, sur la Montagne limousine, il y a un a un an et demi. Elle nous raconte pourquoi elle a atterri ici et ce qu'elle compte y faire.
À Paris, où l'on s'est rencontré·es, on s'est investis politiquement lors du mouvement contre la loi travail en 2016 en construisant des châteaux communs sur la place de la République, en lançant une occupation dans l'école des Beaux-arts, et en tissant des amitiés avec qui partageait la même envie de se réapproprier un espace politique. L'isolement urbain, avec ses minuscules chambres sous les combles, avec son décorum de sirènes hurlantes, nous a décidé à ouvrir un espace de vie collectif, de travail et de fête à Pantin (Seine-Saint-Denis). Pendant cette année, on a accueilli des ami·es, on s'est doté de grands espaces pour travailler, pour être ensemble et pouvoir s'organiser.
La manière que nous avons eu d'arriver dans cet endroit inoccupé depuis des années a révélé qu'il est difficile de s'installer là où on ne nous attend pas. Nous nous sommes alors efforcé·es de nous réunir avec le voisinage et d'ouvrir les espaces au plus grand nombre. C'est à travers des fêtes de quartier et des bourses aux plantes que nous avons réussi à nouer des liens avec le quartier qui nous accueillait.
Quand l'expulsion a été déclarée, trois d'entre nous voulions quitter Paris pour la campagne, et c'est ainsi que nous avons rencontré Lacelle. Le Plateau ne nous connaissait pas, mais nous, nous connaissions, un peu, le Plateau. Nous étions attentifs, par exemple, à ce qui se passait à Tarnac, au travail de Peuple et Culture Corrèze, à la fête de la Montagne limousine, à l'école de la Terre, bref, à l'effervescence politique et philosophique de ce pays. Ce n'est sûrement pas un hasard si deux groupes d'ami·es de Paris se sont installés dans la région au même moment, et sans que nous nous soyons concertés : les uns font du théâtre à Eymoutiers, les autres ont lancé l'occupation du centre de vacances abandonné du Chammet.
Nous avons trouvé, à Lacelle, ce vieux et grand bâtiment à vendre sur la place du village qui nous convenait bien. Il était suffisamment grand pour y créer des espaces de vie, des ateliers, et surtout il s'ouvrait sur la gare et jouxtait la route principale, il n'était pas reclus. La mairie nous a fait confiance et nous a tout de suite aidé en nous apportant son soutien. Pour nous, Lacelle, ce n'est pas la ville saturée d'espaces inaccessibles et calibrés, ce n'est pas non plus le charmant petit village de province englué dans le pittoresque, loin de là. C'est un village dépeuplé dont le charme réside chez ses habitants et ses habitantes qui ont en commun cette folie joyeuse de regarder les camions passer plutôt que les arbres pousser. C'est un village en transition mais qui revit avec, entre autres, le garage associatif GASEL, l'espace créations de la gare et les fêtes du syndicat agricole MODEF. Il semble que cette terre soit belle et bien fertile.
Notre présence ici nous permet enfin de travailler dans nos domaines respectifs, avec l'envie de créer quelque-chose collectivement, de prendre le temps de nouer des liens dans un territoire dans lequel on se sent bien, dans lequel on peut grandir. Ici l'existence redevient tangible. Si on aime être plusieurs, on aime aussi être pluriels et différentes choses nous tiennent à cœur. Grâce au soutien de l'Arban, nous pouvons nous projeter à long terme dans cet espace. Une fois l'acquisition de la maison assurée, nous aimerions créer des espaces d'accueil pour des séjours adaptés à des enfants et des adultes en situation de handicap mais aussi pour des résidences artistiques, en supposant la prodigalité de ces futures rencontres. En somme, réunir au sein de l'Amicale, ce que l'on a fait depuis plusieurs années ailleurs et de manière séparée.
Nous souhaitons également créer des espaces de travail, des logements mais aussi, faisant le malheureux constat que le bar du village ferme ses portes dans les prochains mois, nous avons envie de réhabiliter l'ancien bar de notre bâtiment pour maintenir un lieu d'échanges et de convivialité dans le village. Nous ne sommes pas venus pour nous isoler mais, bien au contraire, pour rencontrer le village, la Montagne limousine, et tous ceux que ce projet intéresse. Gageons que nous nous rencontrerons d'ici peu, autour d'un café matinal ou d'une bière dansante. Le contrat d'occupation qui nous lie aux propriétaires arrive à son terme cet été et nous avons donc fait appel à l'Arban pour rassembler la somme nécessaire, gérer l'acquisition puis les travaux d'aménagement en accompagnement. Nous serons tous et toutes présent·es le samedi 30 mars, accompagné·es par la plupart des camarades qui nous ont aidés ou portés depuis. Nous lancerons alors la campagne de don autour d'un goûter, d'un repas et d'une soirée de soutien que l'on souhaite festive. Venez en nombre !
L'ancienne colonie du lac Chamet sur la commune de Faux-la-Montagne, qui était abandonnée depuis dix ans, est à nouveau habitée. Le collectif qui s'y est installé veut en faire un lieu d'étude. Mais de quoi pourrait-il s'agir ? Leur réponse sous forme d'un petit “Discours de la méthode“...
Pour celles et ceux qui se demandent ce qui se passe dans l’ancien centre de vacances du lac du Chamet, il ne suffira pas de dire qu’on y est depuis juillet 2018, qu’on a retapé trois bâtiments, que dans l’ancien “accueil“ renommé “la soucoupe“ on garde un piano comme un trésor volé aux dieux, et que dans ce qui fut la maison du directeur une bibliothèque est en train de naître. Il ne suffira pas non plus de dire quels sont les projets qui se dessinent, et comment seront les mois à venir. Tout se passe vite, et en même temps on apprend la lenteur juste, le rythme propice. Car c’est la fin d’un monde qui jalonne les commencements de ce lieu d’étude. Voici quelques pistes.
De même qu’il est impossible de continuer à penser sereinement la planète comme un stock de matières premières qui sert notre développement et notre Progrès, il est impossible de continuer à considérer que c’est d’engranger un stock de connaissances qui fait devenir plus intelligent·e. L’idée de l’exploitation infinie de la nature et celle de l’empilement infini des expertises dans une tour d’ivoire savante appartiennent aux mêmes mythologies et pulsions d’accumulation.
Descartes, du fond de son lit où il avait l’habitude de faire la grasse matinée jusqu’à 14h, s’appliquait à écarter de son esprit toutes les impuretés qui l’entouraient, choses trivialement matérielles ou êtres bassement émotifs : les bruits qui arrivent par la fenêtre, les sensations, mais aussi la femme qui lui a préparé son petit-déjeuner, les gens qui ont construit sa maison et son lit... À force d’écarter toutes ces choses vivantes confuses, à force de se rendre méticuleusement indifférent à ce qui l’entoure, à force d’opiniâtreté pour anéantir l’empathie et la curiosité, Descartes a fini par trouver ce dont il était sûr : il existe... Ce départ de la pensée moderne ne pouvait être que de mauvais augure.
La méthodologie de la tabula rasa, transmise explicitement ou implicitement pendant de longs siècles, a participé à rendre acceptable l’idée, appliquée à plein de situations, qu’il faut d’abord commencer par raser : il faut raser ce à quoi l’on croit avant de commencer à raisonner, il faut raser les forêts pour les replanter bien droites, il faut raser les poils pour que les peaux soient comme des statues, il faut raser le Chamet pour conjurer une Zad (dixit la Préfète).
Mais voilà qu’au Chamet on a pris le parti des broussailles : on préfère les attachements et les volutes des branches aux horizons plats et vides, comme on préfère l’indisciplinarité aux champs académiques rectilignes.
Ce que la science objective démontre le mieux aujourd’hui, ce sont ses propres impasses ; on pourrait donc abandonner, en même temps que l’objectif, les méthodes qui le soutiennent. Par exemple, on pourrait changer nos rapports aux concepts et aux définitions. Le besoin de commencer toute réflexion ou action par une recherche de définition est généré par la vieille conception moderne du savoir comme accumulation, et produit généralement surtout de l’anxiété. Ainsi, souvent, l’anxiété n’est pas existentielle mais épistémologique : non pas due à la vie même, mais à ce que la pensée a fait d’elle.Il y a d’autres manières de commencer à penser. Partir des mots que l’on entend, des êtres que l’on rencontre. Partir de ce dont on a envie. Faire confiance à ses désirs, non pas en tant qu’objectifs à accomplir ou assouvir coûte que coûte, mais en tant qu’impulsions justes.
Les principes immuables ne sont plus garants de justesse, dans le chaos qui s’annonce. Pour être à la hauteur des enjeux de notre époque, mieux vaut miser sur nos capacités de bond et de rebond. Ce qui est nuisible, on le sent : un geste juste pourrait être d’arrêter de faire ce qu’on n’aime pas faire.
Les ressources pour étudier autrement pourraient être celles-là mêmes que la modernité a méprisées, dédaignées, mises au rebut : les sensations, les anecdotes, les points de vue des femmes, l’imprévu. Si la pensée moderne se caractérise par sa volonté de tenir à distance les éléments qu’elle ne maîtrise pas, alors c’est à l’accueil des bouleversements qu’on peut travailler : accueillir l’inouï, l’exode, les récits, les formes du vivant.
Pour accueillir pleinement les transformations, mieux vaut faire le deuil de ce qui n’existe déjà plus : une planète en pleine forme, un avenir simple, les pyramides en verre du Chamet intactes... Comme pour le deuil d’un être aimé, faire le deuil d’un monde permettra de libérer des énergies engourdies. On préfère éviter, en tout cas, la science critique ou analytique de la fin du monde : ce serait en rejouer les causes.
Nous avons commencé à habiter le Chamet sans autorisation. Nous avons aimé le mouvement de se saisir de ce lieu abandonné ou dévalorisé pour le réhabiliter et le réinventer, ici et maintenant. Mais le destin du site du Chamet n’est pas dissociable du pays où il est. En ce moment la contestation s’étend dans le temps et dans l’espace, chaque contrée peut trouver des formes qui correspondent aux situations présentes et à venir. La construction du syndicat de la Montagne limousine ou l’assemblée des gilets jaunes du plateau de Millevaches en donnent des exemples. Étant donné la pluralité et l’imprévisibilité des événements, plusieurs fronts sont et seront à tenir.
Le week-end des 22 et 23 juillet 2023, on pouvait voir des petits groupes de personnes parcourir les prairies et la zone humide de la Goutte molle à Égletons. Munis de jumelles, de filets à papillon, de carnets et d’appareils en tous genres, de nombreux naturalistes professionnels et amateurs arpentaient ces 16 hectares de terres menacées par leur géant voisin. Ils et elles guettent les vivants qui peuplent les lieux. Juste derrière, d’épaisses fumées se dégagent jour et nuit de la zone industrielle. Malgré les chants d’oiseaux et des criquets, l’envol des libellules et le saut des grenouilles, impossible d'oublier où l'on se trouve.
Le groupe Piveteau Bois, propriétaire de la dite « méga-scierie » d’Égletons, prévoit encore de s’agrandir. Il y a quelques décennies maintenant, c’était encore une scierie familiale, appartenant à la famille Farges appréciée par toutes et tous à Égletons. Mais voilà : en 2004, les deux frères Piveteau, originaires de Vendée, rachètent la scierie. Depuis, le site ne cesse de s’étendre et d’avaler des forêts. On estime que sa production de bois de sciage et de granulés représente actuellement l’équivalent de 600 hectares de coupes par an. Avec le projet d’extension, approvisionner cet industriel nécessiterait d'en raser plus de 1000 hectares. Cette extension se ferait au prix de la destruction d’habitats naturels, mais aussi de terres agricoles et d'une maison familiale. En effet, dès le 27 août, une octogénaire sera officiellement expropriée, et peut-être expulsée de chez elle. Deux éleveurs verront aussi une partie de leurs terres confisquées et artificialisées, et le ruisseau de la Goutte Molle risque de disparaître définitivement. Une catastrophe pour les continuités écologiques et les mosaïques de milieux présentes sur et à proximité de la zone. Tout ceci est rendu possible par une Déclaration d’utilité publique (DUP) permettant à la Communauté de communes Ventadour-Égletons-Monédières de spolier les terres cultivables, qui seront déclassées en « zone à industrialiser », pour les vendre à notre cher Piveteau.
Le projet est certainement d’intérêt primordial, national ! Comme souvent, la DUP soutient que l’industrie crée de l’emploi. C’est pour ça qu’elle serait si nécessaire et permettrait de détruire des terres agricoles et couper toujours plus de forêts ! Mais pourquoi alors, les petites scieries disparaissent-elles les unes après les autres ? Les scieries artisanales créent 5 fois plus d’emplois par mètre cube que les sites industriels. Mais la course à l'industrialisation et à l'agrandissement les fait disparaître : en moyenne, ce sont 100 scieries par an qui ferment en France depuis plusieurs décennies, ce qui laisse les forêts à la merci des gros. L’extension de Piveteau, c’est moins de personnes en forêt et plus de machines, moins de personnes à observer le bois que l’on scie mais plus à regarder au rayon X les grumes devant eux, c’est plus de coupes rases suivies de plantations financées par l’État, c’est toujours plus de monocultures de douglas, de mélèze et d’épicéas à perte de vue. L’industrie est calibrée pour une certaine sylviculture, et en bout de chaîne, c’est cette même industrie qui gère la façon dont la forêt doit se tenir. Bien droite et en rang, pour ne pas nous compliquer la tâche !
D'après l'enquête publique de 2020, les terres concernées par l'extension de la méga-scierie ne présenteraient pas d'intérêt écologique particulier. L’un des arguments est que la commune ne fait pas partie du Parc naturel régional. Facile ! Il aura suffit de quelques escapades à la fin du printemps, de quelques pièges photos et d'un week-end d’inventaires pour prouver le contraire. Fin juillet, de nombreux naturalistes professionnels accompagnés d'amateurs se sont rassemblés pour étudier le site convoité par Piveteau Bois. Au vu de leurs premières observations, il est déjà possible d'attester de la présence d'une faune et d'une flore riches et variées. Il y a de nombreux oiseaux qui passent, d’autres qui nichent, notamment parce qu’ils sont attirés par les insectes qu’ils peuvent trouver sur place. À l’abord du cours d’eau, grenouilles, crapauds et reptiles ont trouvé refuge ici. Des fourmis comme nous n’avions pas vu ailleurs en Corrèze, des libellules éclatantes, des chauves souris en pagaille à la nuit tombée, des chouettes qui nous répondent le soir pour signifier que l’on est ici chez elles. Des sphaignes (mousses) de plusieurs sortes, une forêt mixte repartie sur une ancienne tourbière. Certaines de ces espèces sont protégés, en Limousin, en France ou en Europe, d’autres non, mais toutes témoignent de la nature des lieux – habités par des vivants de toutes sortes, par des bovins et des ovins qui pâturent dans les prairies, par une dame qui tient à sa maison et qui voit le ruisseau de la Goutte Molle s’assécher d’année en année. Ce week-end n’aura pas été que l’occasion d’inventaires, mais aussi et surtout, d’attachements aux lieux que des dizaines de personnes connaissent désormais plus finement. Mieux, elles se sont émerveillées devant ce que les terres d’Égletons abritent.
Ces dernières années, les oppositions à des projets qui nuisent à la forêt ont connu plusieurs victoires. En octobre 2013, un site industriel dans le Morvan devait accueillir une plateforme de sciage et de fabrication de granulés destinés à la production électrique et centrale de biomasse. Dans un premier temps, le tribunal de Dijon a statué sur le fait que le projet ne comprenait pas de « raisons impératives d’intérêt majeur » qui justifierait la destruction d’habitats d’espèces protégées (notamment de chauve-souris et de batraciens). Quand le dossier fut finalement porté au Conseil d’État, celui-ci confirma la décision du tribunal de Dijon en y ajoutant que l’argument de la création d’emploi n’était pas valable.
À l’été 2022, c’est dans les Pyrénées que des habitant.es entravaient l’installation d’une méga-scierie spécialisée dans la coupe du hêtre. Cette scierie prévoyait d’exploiter la quasi-totalité des forêts de hêtres dans les Pyrénées, de la côte Atlantique à la Méditerranée. L'entreprise projetait de scier 250 000 m3 de bois par an (c’est 600 000 m3 qui sont prévus à Égletons si l'extension a lieu). Face à l’opposition des habitant.e.s, l’industriel s’est retiré de lui-même.Plus récemment, c’est le Bois du Chat, sur la commune de Tarnac, qui symbolise sur notre territoire la résistance face à l’appétit des industriels de la forêt. La coupe est suspendue, dans l’attente d’un plan de gestion que l’on espère différent (voir page 20 de ce numéro d'IPNS).
À Égletons, le combat a commencé depuis longtemps, sous l'impulsion d'AssoCitra, la petite association de riverains et riveraines. Après une pétition, beaucoup de tractage et cinq recours en justice différents, les moyens de lutte ne sont certainement pas épuisés. Piveteau Bois deviendra-t-elle vraiment la plus grande scierie de France ? Affaire à suivre.
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L’avalanche des projets de centrales d’aérogénérateurs industriels et l’opacité dans laquelle ils sont mis en œuvre a de quoi sidérer n’importe quel·le habitant·e de la Montagne limousine. Et ces dernier·ères n’ont pas fini de se mobiliser pour, déjà, juste avoir accès à ce qui se trame près de chez elles et eux, et tâcher de comprendre qui décide de ces implantations. Y a-t-il un plan général quelque part ? Pourquoi maintenant et si massivement ? Et ensuite : va-t-il y avoir le temps de réfléchir un minimum à leur pertinence avant de se retrouver au milieu d’un semis géant de machines de plus de 100 m de haut ?
Plusieurs mouvements, à différentes échelles, conduisent à la multiplication des projets sur les trois départements limousins. Le premier est celui de l’impulsion européenne et nationale donnée à la production d’énergie d’origine éolienne. Dernier en date, le plan pluriannuel de l’énergie d’Emmanuel Macron (avril 2018) prévoit un doublement de la puissance éolienne terrestre d’ici 2028.
Un deuxième mouvement est celui des promoteurs. Ces entreprises qui installent et exploitent des centrales d’aérogénération surfent sur les programmes de lutte contre le réchauffement climatique et, regroupés dans France énergie éolienne (FEE), savent se rendre utile auprès des décideurs et planificateurs dans la conception des plans de développement.
Un troisième mouvement concerne les évolutions du cadre juridico-administratif : depuis 10 ans, différents textes, de la loi NOTRe aux lois sur la transition énergétique, rendent ce cadre de plus en plus favorable aux implantations (lire page 9 : Des ZDE au SRADDET : les communes perdent la main). À l’inverse, les procédures de contestation sont amputées (cf. encadré). Dans le même temps, la baisse des dotations financières de l’État aux communes rendent celles-ci plus enclines à donner suite aux promesses de recettes fiscales annoncées par les promoteurs.
Le quatrième mouvement est technologique. En effet, les nouvelles machines commencent à produire avec des vitesses de vent moindres. C’est ainsi que le Limousin, du point du vue du vent, a vu passer la proportion de sa surface favorable à l’aérogénération industrielle de 15 % à 80 % entre le schéma régional éolien de 2006 (seuil à 5,5 m/s à 80 m de hauteur) et celui de 2013 (seuil à 4,3 m/s à 80 m de hauteur). De plus, l’augmentation de la taille des mâts et des pâles permet d’aller chercher du vent plus haut et d’aller prospecter dans des zones aux gisements de vent jusqu’alors moins intéressants.
Le dernier mouvement est celui qui pousse à concentrer les nouvelles implantations dans les zones jusqu’à maintenant peu dotées. Vu des bureaux d’études, la détermination des zones favorables est simple. Il suffit d’empiler des calques de cartes thématiques définissant, chacune selon son critère (vent, sécurité aéronautique, habitat, biodiversité, patrimoine et paysage), des zones « défavorables », « favorables à fortes contraintes », « favorables à contraintes modérées », ou « favorables », et d’en tirer une liste de communes « favorables ». À l’échelle nationale, ce sont les Hauts-de-France, la Bretagne, les vallées et crêtes méditerranéennes qui sont sorties gagnantes de ce jeu de cartes.
À l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine (cf. carte page 9), ce sont les quatre départements de l’ex-Poitou-Charentes qui ont tiré le gros lot… jusqu’à la saturation. Au point qu’en décembre 2020, les présidents de leurs conseils départementaux respectifs, dénonçant « un développement anarchique » dans « un vide juridique total », ont menacé d’attaquer les arrêtés d’autorisation et de soutenir les associations qui s’opposent à l’aérogénération industrielle. Ils réclament une meilleure répartition territoriale des centrales.
Les forêts des Landes étant sujettes aux incendies et les pilotes de canadairs refusant de faire du slalom entre des mâts ou de terminer hâché·es comme de vulgaires rapaces (la Région espère cependant à terme lever ces contraintes), tous les regards se tournent vers le Limousin et ses 70 MégaWatt (MW) installés, contre 805 MW en Poitou-Charentes et quasiment 0 dans l’ex-Aquitaine. Selon le collectif qui a déposé un recours contre le SRADDET (cf . page 9), la Région prévoit ainsi l’installation à terme de 288 aérogénérateurs en Creuse (contre une trentaine aujourd’hui), 217 en Haute-Vienne et 207 en Corrèze.
Si ces mouvements qui se conjuguent ont pour conséquence une offensive sans précédent des promoteurs de centrales d’aérogénération en Limousin, nul trace, en revanche, d’une planification territoriale fine à l’échelle locale et à l’écoute des communes et des habitant·es. Forts de ces mouvements de fond qui les favorisent, les promoteurs passent aux cartes détaillées, ciblent les communes dites « favorables » et délimitent des polygones sur des crêtes à plus de 500 m des habitations. Vient ensuite le démarchage des propriétaires des parcelles visées et des conseils municipaux.
Aux premiers, les promoteurs proposent des baux aux montants alléchants (plusieurs milliers d’euros par an). Montants qui dépassent très largement en quelques années la valeur d’achat de la parcelle visée, mais permettent de s’affranchir des coûts autrement plus importants de la remise en état du site à la fin de vie de la machine. Peu au fait des enjeux liés aux aérogénérateurs industriels et pris dans la communication des promoteurs (leur unique interlocuteur), nombre de propriétaires ne mesurent pas la portée et l’impact de leur décision personnelle, qui de fait ressort plutôt de l’intérêt public. Situation qui fait dire à un participant d’une réunion publique à Gentioux qu’il y a là « un abus de jouissance du droit de propriété ».
Du côté des conseils municipaux et intercommunaux (majoritairement de petites communes rurales aux moyens d’expertises réduits), les propositions financières sont aussi tentantes. Il leur est demandé, en échange, des droits d’usage de chemins communaux et des permis pour l’installation de mâts de mesure. C’est la fameuse phase de « pré-faisabilité », terme qui laisse entendre que tout est encore réversible. Or à ce stade, si des propriétaires ont donné leur accord, il n’y a plus de retour en arrière possible.
Le pouvoir bascule alors vers les préfectures et leurs services techniques, et ensuite, peut-être, le rapport de force que peuvent instaurer des habitant·es y pourra quelque chose.
Ainsi, de projets en projets, l’histoire se répète : au stade de la « pré-faisabilité », un élu défavorable ou des habitant·es sortent le projet de l’ombre, se réunissent en association qui font vite beaucoup d’adhérent·es et interpellent les élu·es qui, souvent, reviennent sur leurs décisions. Mais il est parfois trop tard. Et l’affaire est portée sur le terrain judiciaire (le cas de 70 % des projets en 2017, selon l’ADEME).
En Creuse, le collectif Alerte éoliennes 23 tâche depuis 2017 de recenser précisément les projets d’implantation de centrales dans le département (liste détaillée sur le site de Stop-mines 23). À ce jour, il a recensé 202 machines : 35 en exploitation, 33 autorisées ou en construction, 35 en instruction à la préfecture et 101 en projet. Toujours en Creuse, la quinzaine d’associations locales a tenté, au printemps 2019, de se fédérer dans un collectif SOS Éole 23. Des désaccords internes ont freiné la dynamique et amoindri l’ampleur d’une manifestation en janvier 2020 à Guéret. Mais une réunion ce printemps, rassemblant une quarantaine de personnes, a relancé le mouvement. Une nouvelle manifestation est prévue le 10 octobre à Guéret avec aussi des collectifs de l’Indre (sous réserve de l’autorisation de la préfecture). Par ailleurs, pas à pas, des liens se tissent avec des collectifs de la Montagne limousine.
À Gentioux-Pigerolles, l’Association de défense du vivant des paysages du plateau de Gentioux a relevé l’avancement de trois projets de centrales sur la commune et de deux autres alentour. Du côté de Bugeat, c’est l’association Mille Vents Debout pour la protection du plateau de Millevaches qui bataille sur une centrale de 6 à 9 aérogénérateurs sur les communes de Bonnefond, Bugeat, Gourdon-Murat et Pérols-sur-Vézère. Les deux associations ont averti les habitant·es de leur commune respective par des tracts avant les élections municipales et ont organisé des réunions d’information au mois d’août. Résultat : le thème est devenu incontournable dans les campagnes électorales et les élu·es sortant·es fortement interpellé·es sur leur soutien aux projets de centrales.
Quant aux réunions publiques, elles ont rassemblé large dans leur nombre et leur composition. Cinquante personnes sur la place de Gentioux et plus de cent cinquante dans le foyer rural de Bugeat, salle où le promoteur avait déjà organisé ses propres réunions d’information. Des participant·es surtout avides d’informations et remonté·es contre le manque de transparence de leurs élu·es. Mais aussi prêt·es à s’approprier la complexité du sujet, de l’urgence de lutte contre le réchauffement climatique à la composition du mix énergétique français. Depuis, la nouvelle équipe municipale de Gentioux-Pigerolles, « plutôt défavorable aux projets en l’état » a envoyé à ses habitant·es une lettre d’information détaillée sur l’état d’avancement des projets et ouvert cinq permanences hebdomadaires jusque fin septembre pour « recueillir leurs avis, questions et propositions ».
C’est d’ailleurs à ce thème que veut s’atteler, en lien avec le Syndicat de la Montagne limousine, le tout nouveau collectif pour la maîtrise citoyenne de l’éolien sur la Montagne limousine, créé en mars 2020 par une vingtaine de personnes représentant 9 projets de centrales sur le territoire du Parc naturel régional (dont le bureau a voté, en décembre 2019, une délibération - non contraignante - contre l’implantation d’aérogérateurs industriels dans la zone de protection spéciale du Parc). Le collectif a fait sa première apparition publique au camp d’été du Syndicat et des Gilets jaunes en juillet à Lacelle. Dans ses cartons : un séminaire public sur la question des énergies renouvelables, locales, durables, etc. à l’échelle du Plateau afin d’aboutir à des recommandations.
C’était un peu la démarche en 2018 d’un groupe départemental de travail et de réflexion en Corrèze. Réunissant au « niveau départemental des représentants des collectivités, des associations et des organismes professionnels concernés à la fois par l’avenir du territoire et de l’environnement », il s’était donné pour but de « rédiger un document réunissant les observations de terrain des participants ainsi que des analyses relatives au développement des projets éoliens conduisant à des recommandations pour la Corrèze ». Le document d’information qui en est ressorti est très riche d’expériences concrètes (L’Éolien en Corrèze, document d’information, 22 mai 2018).
Tout ceci laisse penser que l’automne sera chaud sur le sujet, à moins qu’un moratoire de quelques années sur les projets en cours permette aux différentes parties prenantes d’élaborer localement et collectivement une position pertinente sur la question de l’énergie (production et consommation) et des éventuelles infrastructures à envisager.
Cette carte a été réalisée à partir d’un recensement d’initiatives fait par Vincent Magnet, du Réseau des alternatives forestières. Vous connaissez d’autres initiatives qui n’apparaissent pas sur cette carte ? N’hésitez pas à nous en informer en écrivant à Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Écoute l’arbre et la feuille, association pour la réhabilitation de nos bois et le respect de l’environnement (ARBRE), réunit des fonds pour les consacrer à l’achat de bois et forêts afin de les mettre à l’abri de l’exploitation extrême (coupes à blanc) et de les protéger. Un premier achat est en train de se finaliser : un bois humide, mélange de plusieurs milieux différents avec entre autres de très vieilles saulées, à Saint-Léger-Magnazeix dans le nord de la Haute-Vienne. Mais la zone d’intervention de l’association est à la croisée des trois départements de la Haute-Vienne, de la Creuse et de l’Indre.
Association loi 1901 gérée par un conseil d’administration collégial, le GMHL développe depuis plus de 20 ans des actions autour de l’étude, la préservation et la diffusion des connaissances sur les mammifères, reptiles et amphibiens du territoire. Elle a acheté de la forêt dans les Monts d’Ambazac, dans le cadre d’une démarche de préservation des chauves-souris.
L’association de défense des biens communs de Ceyvat, La Chave, Maneyraux et Salagnat, sur la commune de Saint-Médard-la-Rochette, est née de la réaction d’habitants de la section de Ceyvat face à un projet d’aménagement forestier destructeur pour le site, projet qui a été abandonné. Pour les habitants de Ceyvat, la section doit rester une réserve pour la biodiversité.
En projet, ce centre pédagogique pour les propriétaires forestiers sera également un lieu de découverte de la forêt pour les écoles et groupes. Il est installé en bord de Vienne autour d’une parcelle de 30 hectares en feuillus et résineux anciens et d’une zone humide de 3 hectares au lieu-dit Chez Thivaud.
Créée en mai 2020, cette association basée à Rochechouart a pour vocation de travailler dans toute la France. Son objet est de sauvegarder du patrimoine forestier géré dans le respect des écosystèmes et de la biodiversité, de procéder à des acquisitions citoyennes de terrains en mobilisant l’épargne de particuliers sensibles à ce sujet, de constituer des refuges animaliers, d’informer et de sensibiliser les citoyens.
Le CoFEL a pour objectif de promouvoir et de développer une gestion douce de la forêt. Il regroupe des professionnels indépendants qui gèrent les forêts de propriétaires, majoritairement privés, en rédigeant les documents de gestion, en établissant des diagnostics et itinéraires sylvicoles adaptés, en encadrant les travaux, en marquant et en organisant les coupes et ventes de bois, etc. L’association organise des animations diverses pour faire connaître et favoriser une gestion forestière respectueuse de l’environnement ainsi que les multiples usages de la forêt, auprès de tous les publics (propriétaires, habitants, élus, écoles…).
Saint-Léonard de Noblat : Arbogest (CoFEL)Saint-Marc à Frongier : Loïc Bonnot (CoFEL)Gentioux : Julien Cassagne (CoFEL)Champagnat : Rémy Gautier (CoFEL)Saint-Julien le Petit : Alice de Gournay (CoFEL)Saint-Avit le Pauvre : Hans Kreusler (CoFEL)Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.Coordonnées des membres : http://www.collectif-fel.org
En cours de structuration sous la forme d’une association ou d’un groupement forestier citoyen, plusieurs habitants de Saint-Goussaud et environs ont déjà organisé diverses réunions d’information et de débat sur le sujet. Le projet concerne le secteur Bersac, Laurière, St-Sulpice-Laurière, St-Léger-la-Montagne, Jabreilles (en Haute-Vienne) et St-Goussaud (en Creuse).
Ce projet est en cours d’émergence.
Suite à l’acquisition en novembre 2019 d’une forêt de 10 hectares à La Vialle (Saint-Moreil), un premier chantier collectif a permis de redonner vie à une ancienne pêcherie, de ré-ouvrir un ancien chemin communal, de produire collectivement du bois de chauffage et de renforcer les liens grâce à la force du « faire ensemble ». De nombreux projets sont en cours de construction en lien avec cette forêt, avec l’envie de mener une sylviculture douce et de viser la pérennité du couvert forestier.
Créée en octobre 2019 à l’initiative de plusieurs propriétaires forestiers désireux de proposer une alternative de gestion sylvicole à la pratique dominante sur la région, l’association a l’ambition de regrouper un maximum de propriétaires et de parcelles – petites et grandes – autour des principes suivants : sylviculture à couvert continu, maintien de la biodiversité tout en permettant la production de bois de qualité, éviter les coupes rases et la monoculture. Sous la forme d’une association syndicale libre de gestion forestière, elle veut faire émerger localement une véritable culture forestière visant à vivre avec la forêt, promouvoir le rôle social de la forêt en favorisant un travail épanouissant et rémunérateur pour l’ensemble de la filière. Son action se concentre sur 33 communes du sud-est creusois.
Créée en février 2019 par le botaniste mondialement connu Francis Hallé et une douzaine de scientifiques, naturalistes et citoyens amoureux de la nature, dont quelques Limousins (d’où son siège social à la mairie d’Eymoutiers), l’association a pour objet général la défense des forêts primaires dans le monde. Elle est engagée actuellement dans un projet de renaissance d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest. Un projet qui s’étendra sur 70 000 ha et 800 ans. L’objectif est de reconstruire sur les espaces de grande superficie que nécessite le système forestier (faune sauvage et flore) des ressources vitales de biodiversité et de les transmettre aux générations futures. Totalement innovant par ses dimensions spatiales et temporelles, ce projet complexe fait actuellement l’objet de discussions avec l’Union Européenne et l’Unesco.
Contacts : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. et https://www.facebook.com/FrancisHalle.ForetPrimaire
Ce « groupement forestier écologique » regroupe des particuliers pour acheter des forêts gérées de manière durable sur le plan économique, écologique et social. Engagé dans une sylviculture à couvert continu (futaie irrégulière), Avenir forêt réalise une gestion forestière rentable en favorisant la biodiversité et en préservant les écosystèmes forestiers. Aujourd’hui Avenir forêt regroupe 162 associés qui possèdent collectivement 425 hectares de forêts diversifiées entre Ussel (Corrèze), Aurillac (Cantal), Gourdon (Lot), Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), Nontron (Dordogne) et Limoges (Haute-Vienne).
Constituée en juin 2018 en réaction à la multiplication des coupes rases et des abattages d’arbres de bord de route, l’association Faîte et Racines organise ses activités en plusieurs branches : achat de forêts financé par la collecte de dons, essentiellement auprès de particuliers ; animations dans l’espace public autour de la thématique forestière ; formations (sylviculture, sorties naturalistes, principes de gestion forestière douce) et mise en route d’une scierie mobile associative dans le secteur d’Argentat.
Créée en 2017, L’École des Renardes a pour vocation de former à la charpente traditionnelle dans une approche globale de la pratique du métier. La géométrie descriptive, l’usage des outils, la taille et le levage des charpentes sont abordés mais aussi le matériau bois, sa provenance et son choix. Une équipe de quelques artisans s’est réunie pour faire tourner cette école à petite échelle et à majorité féminine. Actuellement, afin d’approfondir le volet forêt de la formation, elle a pour projet d’acquérir un massif en sud Corrèze et d’y transmettre les bases de la sylviculture douce.
Une commission « forêt » s’est mise en place au sein du Syndicat de la Montagne limousine. Elle s’intéresse plus particulièrement à la zone du plateau de Millevaches.
Conservatoire des espaces naturels de Nouvelle-AquitaineLe Conservatoire est déjà propriétaire d’environ 400 hectares de forêts en Limousin, qui sont laissées pour la plupart en évolution naturelle. Il est intéressé par toute information sur des sites forestiers subnaturels (feuillus ou mixtes âgés de 80 ans ou plus) qui seraient à vendre, pour créer des zones refuges. Si vous en connaissez, vous pouvez contacter le responsable de l’antenne creusoise (Yvan Grugier : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) ou corrézienne (Mathieu Bonhomme : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.).
Nous nous sommes rencontré·es pendant nos études aux Beaux-arts de Toulouse (isdaT) et lors de projets collectifs. Nous sommes uni·es par des expériences de vie collective et un désir de créer un lieu de travail, de rencontre et de partage : nous voulons ouvrir un espace où partager des idées, des opinions et des moyens de production artistique et artisanale.
Le collectif est né du sentiment que notre avenir devrait se jouer en commun, que nous devions apprendre à vivre autrement. Nous pensons que ce réapprentissage de l’autonomie et de l’indépendance ne peut se faire que dans des espaces autres, et par la force additionnée de toutes nos individualités. L’association s’équipe petit à petit de machines pour le travail du bois et du métal, de petit outillage, de matériel informatique, d’ustensiles de cuisine et autres équipements mis en commun afin de faciliter nos efforts quotidiens et notre travail personnel, ainsi que de permettre à nos ami·es, voisin·es, et aux personnes de passage d’en profiter. Dès sa création, notre association a eu pour objectif de rénover collectivement une maison et de l’aménager pour en faire un espace de vie, de travail, de partage et d’accueil. Dans une démarche de convivialité, d’inclusivité et d’entretien du lien social, nous voulons développer ce qui peut participer au vivre-ensemble de la ville : fonder un lieu d’échanges et de rencontres, une cantine hebdomadaire ouverte à tous.tes, des ateliers de création artistique et artisanale, des résidences, et une programmation de spectacles, expositions, conférences, et fêtes.
En janvier 2021 nous avons signé un contrat de prêt à usage avec les propriétaires d’une grande maison inhabitée depuis plus de 15 ans à l’entrée de la ville de Meymac, en Corrèze. Grâce à leur générosité, nous avons pu nous installer gratuitement dans cette maison et y vivre sans crainte d’expulsion. Le bâtiment principal avoisine les 400 m² sur trois niveaux, il est accompagné d’une grange de 100 m² sur deux étages et entouré d’une petite bande de terrain qui en fait tout le tour. Nous sommes quelques un·es à y habiter à l’année depuis septembre 2021 ou à venir régulièrement. Au début, nous nous sommes concentré·es sur la rénovation des espaces de vie afin que la maison soit rapidement habitable : une grande cuisine, un salon avec poêle à bois, une salle de bain, quelques chambres et un dortoir. Pour faire tout cela, et pour remplir cette grande maison complètement vide, nous avons aussi eu besoin d’un grand espace d’atelier de construction que nous avons installé dans la grange. Sans chauffage hors du salon et sans eau chaude, l’hiver a été un peu rude et on s’est dit qu’il nous fallait vite des espaces où organiser des événements, faire venir du monde pour faire découvrir la maison, le collectif, et nous réchauffer un petit peu. Aussi la grande salle du rez-de-chaussée est devenue la pièce publique, où l’on a organisé des cantines prix libre tous les dimanches midi pendant l’hiver, et où on continue d’organiser tous nos événements, une à deux fois par mois. Ces derniers ont presque toujours lieu les week-ends, et vous pouvez retrouver notre programmation sur Instagram ou en vous inscrivant à notre newsletter (pour cela, envoyez-nous une demande par mail).
Petit à petit la maison a retrouvé son allure : les murs sont nettoyés, enduits, repeints ; les parquets massifs ressortent de sous leur couverture de linos défraîchis ; la maison s’aère, elle respire, la moisissure s’en va. À mesure que le confort s’améliore, de nouveaux ateliers voient le jour, de nouvelles chambres aussi, et même récemment une bibliothèque/infokiosque (elle aussi publique). Au moment où nous écrivons cet article, c’est l’été, et la maison ne désemplit pas. D’un week-end d’événement à une semaine de chantier, on a à peine le temps de se dire au revoir et de refaire les 20 couchages des dortoirs que de nouvelles personnes arrivent. Ça nous change de cet hiver où on était rarement plus de 5 et c’est super ! Merci encore à tous.tes celleux qui sont passé·es ou qui passeront pour visiter, nous rencontrer, nous aider sur un chantier, faire la fête, ou juste prendre des vacances. Le rythme d’avancée des chantiers est effréné et on efface chaque jour du tableau des tâches à accomplir. En même temps, il reste de quoi faire avant l’hiver et le retour du froid : pas mal de travaux d’isolation ; de récolte, stockage et découpe de bois de chauffage ; des chambres à aménager pour de nouveaux résident·es permanent·es ; un atelier de menuiserie à reconstruire sur notre chape de chaux toute fraîche, etc... Il faudra aussi refaire la couverture du toit, mais pour l’instant c’est hors de nos moyens. On a d’ailleurs lancé un financement participatif (les dons sont défiscalisables), si vous voulez nous soutenir le lien est dans l’encart “Appel au don”, et chaque participation compte beaucoup pour nous !
Si tout cela vous rend curieux·se, n’oubliez pas que la maison est ouverte à tous.tes celleux qui veulent la visiter, pendant les événements mais aussi en dehors ! Il y a même des places en dortoir, il faut juste nous prévenir à l’avance pour y dormir. Et aussi : si vous avez des idées, des propositions, des envies, que vous voulez utiliser la pièce publique pour organiser un atelier ou autre, n’hésitez pas à nous en faire part. On espère vous rencontrer vite au 15 avenue Limousine, ou ailleurs !
Marina : « Native du plateau de Millevaches, j’ai repris une partie de l’exploitation familiale pour pouvoir m’installer en brebis limousines avec aujourd’hui 200 mères. Je fais aussi partie d’un groupement pastoral avec une estive de 4 mois sur une tourbière du Plateau. Installée depuis 1 an, j’ai encore beaucoup de projets pour faire vivre la montagne qui vit en moi depuis 23 ans maintenant. »
Sarah : « Éleveuse associée avec Denis, notre ferme en polyculture élevage produit des céréales et des agneaux en agriculture biologique. Chaque année, grâce au groupement pastoral de Peyrelevade, nos brebis estivent sur les communaux de Peyrelevade et les parcelles du conservatoire des espaces naturels du Limousin afin de préserver les tourbières et les landes. »
Lise : « Installée avec Fabrice à Tarnac depuis 4 ans, notre ferme “Revenons à nos moutons“ est située à 900 m d’altitude. Bergère et berger, nous gardons nos brebis 6 mois de l’année sur les espaces naturels du plateau de Millevaches (landes et tourbières du Longeyroux), notre système d’élevage est pastoral. Nous élevons des agneaux d’herbe de qualité que nous vendons en vente directe en caissette. »
Partageant des valeurs communes, nous avons voulu nous regrouper en collectif pour construire un projet.
Le constat de la filière lainière française était totalement déprimant : achat de la laine par des grossistes à des prix dérisoires (0,10 €/Kg de laine, ce qui ne paie même pas le tondeur), peu d’entreprises locales de transformation, exportations massives en Chine… Nous trouvions cela aberrant. La laine est un produit noble et fait partie intégrante de l’élevage des brebis. Ainsi, trois valeurs principales nous ont réunies autour de la transformation de la laine :
La tonte et le tri : la tonte se déroule une fois par an, généralement au mois de mai. Nous demandons à des tondeurs professionnels de venir tondre nos brebis et mutualisons ces chantiers afin de partager le travail. Ce sont des moments festifs et collaboratifs. Nous trions notre laine le jour même, au fur et à mesure que le tondeur nous apporte les toisons. Le tri est une étape primordiale pour la qualité du produit fini. Nous ne sélectionnons que les parties de la toison les plus nobles (épaule, flanc, cuisse) et gardons le reste (ligne de dos, cou, rein) pour des grossistes ou pour du paillage chez des maraîchers biologiques.
Lavage, teinture et fabrication : c’est à Saugues, en Haute-Loire, que nous confions ensuite le lavage et le cardage de notre laine, à Laurent Laine laverie biologique, puis la fabrication de nos produits en feutre, à l’Atelier de la bruyère. Nous créons nous-mêmes les colliers et boucles d’oreille en feutre. Les sacs sont fabriqués par Delphine, couturière sur la Montagne limousine, et les bérets par Aurélie, de Simone et compagnie, entreprise locale également. La plupart de nos produits ne sont pas teints et conservent la couleur naturelle de nos brebis : blanc, marron et bigarré. Quant à la teinture de certains articles, notamment les chaussons, est réalisée par la filature Terrade, située à Felletin.
Nos chapeaux, accessoires et textiles faits main en laine feutrée sont fabriqués dans le Massif central et sur la Montagne limousine, à partir de laine de nos brebis limousines uniquement issue de nos trois élevages. Malgré son apparente rusticité, notre laine, par sa douceur et sa résistance, est très adaptée à une transformation en feutre.
"Apprendre à voir". Ainsi se termine l'avant-propos de Jean Mottet pour "L'arbre dans le paysage"; et dans ces simples mots réside l'ambition qui a uni les auteurs de cet ouvrage collectif, d'abord rassemblés par le colloque de Saint-Yrieix-la-Perche en Limousin en septembre 2001.
Spécialistes du paysage et du cinéma, historiens de l'art, scientifiques et responsables politiques interrogent l'arbre, motif chargé par d'innombrables représentations, et son évolution dans notre culture visuelle. Au regard de ces multiples points de vue, l'arbre devient forme médiatrice du paysage qui nous invite, à travers cette figure "primitive", à repenser notre rapport au monde.
Cette réflexion évolue également, et cela est remarquable, en prise directe avec le paysage, celui du Limousin (textes de Luc Bouvarel, Jean-Michel Desbordes, Marcel Villoutreix, Axel Guestem et Henri Cueco qui témoignent de problématiques environnementales et paysagères réelles).
Jean MOTTET est maître de conférences d'études cinématographiques à l'Université François Rabelais de Tours et chargé de cours à l'université Paris I-Panthéon-Sorbonne. Il oriente ses recherches vers la théorie du paysage au cinéma et en peinture. Il a récemment publié "L'invention de la scène américaine. Cinéma et paysage" (ed. L'Harmattan, 1998) et dirigé l'ouvrage collectif "Les Paysages du cinéma" (ed. Champ Vallon, 1999).
Une Rencontre-Dédicace avec Jean MOTTET autour de son livre "L'arbre dans le paysage" aura lieu dans le cadre de la manifestation Lire en Fête, au Centre national d'art et du paysage de Vassivière en Limousin le dimanche 20 octobre 2002 à 16h00.
Philippe Simon agriculteur installé à Saint-Moreil depuis 17 ans nous fait part de ses commentaires.
Mi-octobre 2001 : 3 associations locales se rencontrent dans une petite ferme creusoise pour organiser une manifestation culturelle sur le thème des chants du monde. Tous les présents sont des “migrants”.
Sur un bout de table, daté du 28 septembre 2001, le journal présent dans quasiment toutes les fermes :
La Creuse agricole et rurale est ouvert à la page : “actualités”. Un article de Philippe Chazette, traite de la crise bovine. Alléchant…
Je jette un œil distrait à cette littérature : ce fameux paragraphe me saute aux yeux… Ambiance xénophobe… sans grand rapport avec le titre.
Le reste est à l’avenant : sans occulter le grave problème voire l’impasse dans lequel est plongée l’agriculture, le discours est corporatiste - représentation agricole oblige - les “bons et vrais” agriculteurs sont face aux multiples méchants, les risques d’une réaction violente incontrôlée sont perceptibles, la faute c’est les autres !...
Article révoltant ? Ecœurant ? Plutôt triste, voire tragique !…
Réagir ? Oui bien sûr!... mais que faire ? Je me sens souvent démuni devant des actes, paroles ou écrits dont j’ai du mal à croire qu’ils peuvent exister tant ils me paraissent étrangers aux valeurs d’une société évoluée.
Tout d’abord résister à la facilité de ne pas vouloir connaître l’autre. L’incompréhension mutuelle amènent ceux qui brûlent des pneus devant des préfectures à dénigrer ceux qui brûlent des voitures en banlieue, elle amène ceux qui n’arrivent plus à vivre des fruits de leur travail à ne pas accepter chez d’autres des aspirations différentes.
Ensuite, comprendre les impasses actuelles et dénoncer leurs solutions dérisoires : pour sauver l’agriculture les consommateurs doivent manger plus et notament de la viande mais aussi plus de vin quand les viticulteurs ont des stocks, plus de tomates avant qu’elles ne finissent sur les autoroutes !… (Extrait de l’article de M. Chazette : “…regagner des volumes de consommation est la solution la plus efficace, la plus indolore et la moins coûteuse pour régler une partie de nos problèmes…”).
Enfin, chez nous en Limousin comprendre notre histoire pour rebondir aujourd’hui :
N’en reste-t-il plus rien ? Le tout économique et la pensée unique ont-ils tout rasé ?
Aujourd’hui, une nouvelle génération de migrants “en retour” vient s’installer sur la montagne limousine et recréer un brassage, un métissage avec les forces vives du pays qui permettront après un combat contre l’inertie ambiante de construire ensemble une nouvelle ruralité.
L’enjeu : “Limousin terre d’accueil” est bien porté :
Alors mettons au placard l’intolérance, le radicalisme et biens d’autres valeurs désuètes et rêvons :
Monsieur Chazette, je vous souhaite bonne route et peut-être qu’un jour, au cours d’une rencontre dans une ferme pour étudier comment sortir de la crise bovine, vous jetterez vous aussi un oeil distrait à la littérature posée au coin de la table, et un paragraphe d’IPNS vous sautera aux yeux : “…amitié, solidarité, responsabilité et réalisme nous permettront de sortir de l’impasse et de progresser ensemble pour gérer notre planète autrement et de manière viable, en nous appuyant sur l’unité qui nous rassemble et la diversité qui nous enrichit. Nous devons apprendre à évoluer et nous organiser dans un cadre complexe. L’enjeu est aujourd’hui de rendre la complexité amicale, de l’apprivoiser avec patience, pas à pas.” (Plate-forme pour un monde solidaire et responsable).
À l’automne 2016, à la suite des démantèlements de la “jungle“ de Calais et de camps parisiens, des demandeurs d’asile sont relocalisés en Haute-Vienne. En complément des CADA (Centres d'accueil pour demandeurs d'asile) et d’un CAO (Centre d'accueil et d'orientation) déjà en place, de nouvelles structures sont ouvertes. Un CAO provisoire est ainsi créé à Saint-Léger-la-Montagne, dans les Monts d’Ambazac, dans un centre de vacances du comité d’entreprise de la SNCF. L’arrivée de ces réfugiés fait grincer des dents : des réfugiés à la télé, oui, mais pas devant sa porte… Un collectif local de solidarité avec les migrants commence à se constituer pour répondre à ces inquiétudes. Quelques semaines plus tard, une quarantaine de personnes arrive sur Limoges dans des locaux de l’Afpa, rue de Babylone, servant également de CAO.
Début novembre 2016, une cinquantaine de personnes, représentant des associations, des syndicats, ou des partis politiques, et quelques électrons libres, décide de mettre en place un collectif de soutien aux migrants. Son nom, Chabatz d’entrar, “finissez d’entrer“, reprend la traditionnelle formule d’accueil occitane. Le collectif tente de prendre contact avec les responsables du CAO de la rue de Babylone, mais il est perçu avec une connotation trop politique et se voit refuser l’entrée du centre. Des réfugiés viennent néanmoins à quelques réunions et manifestent leur besoin de suivre des cours de français, même s’ils bénéficient déjà de cours au CAO. Ce n'est pas assez à leur goût car ils ont soif d’apprendre rapidement la langue pour se débrouiller dans leur quotidien et s’intégrer comme on leur demande si bien… Un groupe se forme pour animer des cours de français et du soutien scolaire, pour jeunes mineurs scolarisés, à la bibliothèque municipale de Limoges. Très vite les membres “réguliers“ du collectif se retrouvent confrontés au problème de l’hébergement. Une première tentative de réponse, avec plus ou moins de succès, se concrétise par des hébergements chez des tiers, des nuits d’hôtels payées grâce au soutien financier de l’association des sans-papiers et de l’argent récolté lors de manifestations organisées par le collectif.
Novembre 2017, l’assemblée générale de Chabatz d’entrar réunit une soixantaine de personnes. Sont dégagées des perspectives, dont la plus urgente est de se faire entendre sur la place publique sur la question de l’hébergement d’urgence. La décision est prise, si rien ne se passe après la trêve hivernale (fin mars), d’ouvrir un lieu pour dénoncer les carences de l’État. Pour préparer cette manifestation et étayer ses demandes, des membres du collectif maraudent dans les rues de Limoges. Il suffira d’une seconde maraude pour rencontrer trois familles avec des enfants dans la rue. Le 115 est contacté : “Désolé, il n’y a pas de place, nous vous mettons sur la liste d’attente“. Les membres du collectif ne peuvent repartir chez eux en laissant ces familles dehors. La raison humaine l'emporte sur la raison politique. Une solution temporaire est trouvée, puis des nuits d’hôtels sont payées, mais le bas de laine s’épuise très vite. Le problème de l’hébergement devient de plus en plus crucial et fragilise le groupe. Si le collectif n’a pas vocation à se substituer aux défaillances des pouvoirs publics, nombre de ses membres sont pris au dépourvu face à la détresse de ces personnes qui dorment à la rue. Diverses possibilités d’ouverture d’un squat sont alors étudiées et un lieu retient particulièrement l’attention : les locaux inoccupés depuis huit ans de l’ancien Centre régional de documentation pédagogique (CRDP), installés sur le campus de la faculté de Lettres. Les locaux sont suffisamment spacieux pour accueillir un nombre important de personnes et pas trop dégradés pour permettre une vie quotidienne presque normale.
Le 11 mai 2018, au nez et à la barbe de voisins bienveillants qui appelleront aussitôt la police, les militants aident les premières familles à s’installer dans ce squat, ce qui leur permet de ne pas dormir dans la rue, à la gare ou dans un jardin public. Tant bien que mal, le lieu a été aménagé pour que les occupants y trouvent un minimum de “confort“ et de repos. Le lieu a été investi progressivement et au bout de quelques temps l’occupation est complète sur trois étages jusqu'à accueillir plus de 70 personnes exilées dont un tiers d’enfants de tous âges.
Le collectif ne se satisfait pas pour autant de cette solution précaire qui n’est pas si simple à vivre pour les habitants. Alors, il continue ses actions : rencontre avec le secrétaire général du préfet qui, droit dans ses bottes, déclare que la préfecture n’a pas pour vocation de reloger des personnes qui sont en situation irrégulière ; conférence de presse ; courrier au doyen de la faculté de Lettres ; rencontre de la région Nouvelle-Aquitaine (propriétaire des locaux). Celle-ci se dit fort embêtée car elle a le projet de réaliser dans ces bâtiments un pôle de formation sanitaire et social et, évidemment, prévoit de commencer les travaux très rapidement. Néanmoins, elle souhaite rassurer le collectif : “Nous ne vous expulserons pas… Nous souhaitons une solution d’hébergement pour tous afin que vous puissiez libérer les lieux. Aussi, il nous est nécessaire de connaître le nombre de familles vivant au squat, etc.“ Le collectif laisse venir et ne fait aucune réponse très précise. De leur côté, les représentants de la région, dont Monsieur Vincent, conseiller régional, tente de rassurer – “La région souhaite une solution humaine à une situation inhumaine.“ – tout en évitant de prendre tout engagement écrit quant à la revendication du collectif : la création d'au moins 200 places d’hébergement en Haute-Vienne.
Le 14 août 2018, la Région dépose finalement une requête en référé auprès du tribunal administratif de Limoges demandant l’expulsion en urgence des occupants (y compris durant la trêve hivernale !) arguant que “l’urgence est constituée par le projet de réhabilitation du bâtiment“, que “le bâtiment est occupé […] dans des conditions particulièrement précaires“ et que “l’occupation est illégale en raison de l’absence de tout titre et droit de ses occupants“. Le 29 août, le tribunal administratif décide que la demande en référé, donc en urgence, ne se justifie pas. Il estime que le projet de pôle de formation sanitaire et social que la région veut implanter dans le bâtiment n’est pas suffisamment avancé pour que l’expulsion des migrants soit ordonnée.
Depuis ce premier procès, le collectif n’a cessé de se mobiliser, invitant le préfet de la Haute-Vienne et ses services, le président de Nouvelle-Aquitaine, le président du conseil départemental, le président de l’agglomération de Limoges, le maire de Limoges et le directeur du SIAO (Service intégré de l'accueil et de l'orientation) à une table ronde “pour discuter de la possibilité qu’un ou des lieux d’hébergement pérennes soient installés, permettant de répondre tout à la fois à la nécessité de l’hébergement inconditionnel, en proposant également l’accompagnement social indispensable“. La seule réponse de ces autorités a été de faire passer une commission de sécurité le 12 octobre 2019...
Ce squat en plus d’être un lieu de vie, a permis de développer de nombreux ateliers et activités. L’association PAN! (Phénomènes Artistiques Non !dentifiés) y organise un café-géo permettant de raconter les trajectoires de vies des migrant.e.s. Des étudiants proposent une cantine collective à prix libre pour les étudiants et militants et gratuite pour les résidents du CRDP. Yamina, une algérienne de 40 ans, témoigne : “C'est trop bien parce que malgré la différence d'âge, on est à l'aise ici. Il y a tout, comme pour les autres. On a des cours de français, des activités sportives et même du théâtre pour les enfants. S'il y a un autre endroit mieux que ça, on ira, mais sinon, on reste ici !“ Un Camerounais complète : “On a trouvé une enceinte familiale. Et un partage pour tous. Nous qui vivons ici depuis un certain temps, c'est comme si on était coupé du monde. C'est comme si la société nous repoussait. Mais des hommes de bonne volonté, de bonne moralité, sont venus ici pour nous aider. Ça nous réconforte.“
Évidemment la région Nouvelle-Aquitaine a de nouveau demandé au tribunal administratif de se prononcer sur l’expulsion des résidents du CRDP. Le procès a eu lieu le 5 avril 2019. Alors que lors du premier procès l’avocat de la Région n’avait pu démontrer l’urgence des travaux projetés, il produit cette fois un dossier de 416 pages pour prouver l’urgence de la rénovation des lieux dans le cadre de “l’université du futur“ pour installer 950 étudiants en septembre 2020. Le tribunal décide le 10 avril que les lieux doivent être libérés sous quinze jours, bien qu'il n'y ait aucune solution de relogement pour les occupants du CRDP. Le collectif tout comme les occupants ont l'impression de s'être faits “balader“ par la région et déplorent l'absence des collectivités locales et de l’État sur le dossier : “Il n'est pas possible de mettre 30 enfants, 60 adultes à la rue tout simplement parce que les collectivités locales et l’État n'assument pas leurs responsabilités. Il y a une mission d'hébergement , et quand on appelle le 115, le 115 est plein !“
La menace d'expulsion n'est pas facile à vivre pour les résidents comme Amelia. Persécutée en Angola, elle est arrivée en France il y a 3 ans et vit au CRDP depuis septembre 2018 avec ses 4 enfants : “On a créé une intimité avec les gens ici, avec cet endroit, avec les étudiants. On sait qu'un jour on va partir d'ici, mais c'est une tristesse, c’est une angoisse qui reste dans nos cœurs. On ne sait pas où on peut aller. Cela fait 9 mois que j’appelle le 115 et qu'ils disent qu'ils n'ont pas de place. La région veut récupérer cet endroit. Où est-ce qu'on va aller ?“ Un sursis d'un mois est généreusement accordé par la Région, ce qui repousse l'expulsion au 25 mai. 75 personnes (dont 25 enfants) allaient se retrouver à la rue. C'était sans compter avec la détermination du collectif Chabatz d'entrar qui vient donc d'installer tout ce monde rue du Pont-Saint-Martial. Mais pour combien de temps ? La question de l'hébergement d'urgence reste toujours posée.
Dimanche 18 mai 2003, à quelques kilomètres de la gare d’Eymoutiers, en pleine nature, au bord de la Vienne, le long de la voie ferrée Limoges-Ussel, et au pied de la centrale électrique de Charnaillat aujourd’hui désaffectée, tout était parfait pour un pique nique champêtre au milieu de la végétation luxuriante et exubérante de notre printemps mouillé. Dans ce cadre merveilleux ils étaient une centaine de militants convaincus et combatifs, rassemblés autour du collectif de défense des services publics qu’IPNS a déjà présenté dans son numéro 2. On retrouvait là des représentants syndicaux de la Poste, des collectivités territoriales, de la SNCF, de l’EDF, de l’Equipement, des militants d’ATTAC, des élus et de simples citoyens. Ils avaient choisi ce pique nique citoyen dans un lieu hautement symbolique pour contester la politique de nos gouvernants qui veulent soumettre les services publics à l’impitoyable régulation du libéralisme.
Charnaillat c’est une centrale hydroélectrique que l’EDF a barré de son potentiel énergétique au profit du développement de l’énergie nucléaire que l’Etat et le Parlement s’apprêtent à revaloriser en allongeant de dix à trente ans la durée de vie des 58 centrales nucléaires. Elles sont obsolètes au bout de trente ans. Alors que faire de cette accumulation de déchets ? Et c’est un nouveau risque de Tchernobyl en perspective.
La ligne de chemin de fer Limoges-Ussel est sans cesse menacée comme les autres dessertes ferroviaires du Limousin et du Massif Central considérées comme trop faibles en rentabilité. Et pourtant après la tempête de 1999, des promesses se sont multipliées pour la moderniser afin de désenclaver le massif forestier du Millevaches. A grand coup de subvention, de tapage médiatique et de coûts faramineux, la gare à bois de Bugeat - Viam a surgi de sa tourbière. Elle est aujourd’hui pratiquement inopérante. Dans sa version de février le diagnostic territorial de la charte du PNR Millevaches ne la mentionne même pas dans les dessertes structurantes de l’économie du territoire ! Et pendant ce temps là le lobby des routiers obtient de surcharger et d’allonger ses camions, en détruisant les chaussées de notre réseau routier, à la charge de nos impôts territoriaux.
Les militants de ce pique nique citoyen nous invitent tous à entrer en résistance pour que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ne transforme pas nos services publics à la française en vulgaire marchandise à croquer par les loups de la Banque Mondiale et du FMI. Alors faisons comme eux : « agissons localement pour que le monde ne devienne pas une voie sans issue comme Charnaillat ».
Les creusois n’ont pas attendu le rassemblement de Charnaillat pour entrer en résistance. Ils s’y sont tous mis à l’initiative de la majorité du Conseil général : élus, militants syndicaux, politiques, socioprofessionnels et associatifs creusois. Dès le 6 mai 2003 ils tenaient des assises départementales de l’Ecole et des Services Publics pour demander l’arrêt du démantèlement des services publics dans le département. Ensemble ils ont préparé un MANIFESTE qu’ils ont signé et publié le 21 mai 2003 pour l’adresser au Président de la République et au Premier Ministre.
Ce manifeste rappelle que « la Creuse, département rural par excellence, a besoin d’un haut niveau d’équipements et de services publics pour répondre aux attentes des usagers et réduire la fracture territoriale…
.. Aujourd’hui, nous, citoyens, entendons prendre notre avenir en main, marquer notre refus de subir passivement les décisions de l’Etat et c’est la raison pour laquelle nous décidons collectivement d’entrer en résistance face aux menaces qui pèsent sur notre département…
.. Ensemble, nous exigeons une concertation avec les services de l’Etat pour engager une réflexion à plus long terme autour de la question des services publics…
.. Ensemble, nous revendiquons une réelle péréquation financière, garante d’une société solidaire et non d’une société marchande. C’est la condition indispensable pour envisager de façon sereine l’avenir de notre département ».
Creusois, et pourquoi pas Limousins, nous pouvons tous rejoindre et signer ce manifeste pour entreprendre un large débat sur l’invention de services publics pour vivre, se former et travailler sur nos territoires ruraux fragiles.
Le gouvernement prévoit une relance du programme nucléaire français avec la construction d'un nouveau réacteur dénommé EPR. Le problème de la gestion des déchets hautement radioactifs (qui concerne toujours le Limousin et l'Auvergne) n'est pas réglé pour autant. Pourtant la majorité des Français souhaite qu'on ne construise plus de réacteurs nucléaires et qu'on réoriente la politique énergétique dans le sens de la maîtrise de l'énergie et des énergies renouvelables. C'est techniquement possible et la plupart des autres pays européens ont déjà fait ce choix.
Pour demander le respect de la volonté de la population, pour favoriser le débat sur les modes de transition possibles, pour rappeler l'importance des choix énergétiques sur notre futur, pour aller dans le sens d'un monde plus sain, respectueux et vivable pour tous, un groupe de trois personnes soutenu par plusieurs associations (Agir pour l'Environnement, Réseau Sortir du Nucléaire, Coordination Nationale contre !'Enfouissement des Déchets radioactifs) a entrepris un jeûne à durée indéterminée à compter du 21 juin 2004.
La demande du Collectif creusois contre le nucléaire est sans ambiguïté : vivre sans nucléaire.
61 % des Français ne souhaitent pas de nouveaux réacteurs nucléaires (27 % y sont favorables). Le pourcentage de refus des nouveaux réacteurs est sans cesse croissant, et ceci d'autant plus que les autres pays européens ont tous arrêté de construire des réacteurs (à l'exception de la Finlande).
Concrètement, le collectif demande que le conseil des ministres retire du projet de loi d'orientation sur l'énergie toute ouverture possible pour la construction d'un nouveau réacteur, quel qu'il soit. Il demande que soit par contre prévu un plan d'accompagnement pour la reconversion industrielle d'Areva, et notamment dans la seule maintenance de la gestion des déchets. Les députés doivent s'engager publiquement à s'opposer au vote de cette loi d'orientation sur l'énergie, si la possibilité d'un futur réacteur nucléaire, quel qu'il soit, est maintenu dans le projet.
Sans aucune concertation des populations, le choix contestable de l'enfouissement en grande profondeur sera décidé dans un avenir proche. Seront enfouis, sans réversibilité possible, des déchets à très haute toxicité et à durée de vie de plusieurs centaines de milliers d'années, au mépris des données géologiques (failles, séismes, eau chaude, etc).
Décision technocratique de lobbies financiers puissants avec en perspective une gestion européenne de ces déchets dans le cadre d'Euratom (traité et commission européenne).
90 % des Français souhaitent que l'on oriente la recherche dans le domaine de l'énergie dans le sens des énergies renouvelables (6 % sont pour le thermique, 4 % pour le nucléaire).
Concrètement, le collectif demande que les ministres prévoient dans le budget 2005, un profond remaniement des budgets de recherche avec une inversion des priorités. Dans le domaine nucléaire, seule la recherche sur l'avenir des déchets radioactifs et le démantèlement des réacteurs doit être maintenue. Il faut également prévoir des crédits pour la reconversion des chercheurs de ce domaine. Les crédits doivent être ventilés :
Ces revendications n'ont rien d'extrêmes : elles ne font que demander à ce que la France soit au même niveau que les autres grandes puissances industrielles qui sont toutes en phase de reconversion industrielle pour celles qui ont misé, par erreur, sur le nucléaire.
Nos ministres et nos députés feraient bien, avant de nous répondre, de se renseigner auprès de leurs homologues des autres pays pour ce rendre compte de la pertinence de ces revendications.
Jean-Pierre Minne