En accompagnement à cette manifestation, Peuple et Culture vient d’éditer un livre consacré au même thème, une sorte de petite encyclopédie du cinéma de cette année-là, largement éclairée et enrichie par des regards et des textes journalistiques, politiques ou littéraires qui reflètent l’air d’un temps où se heurtèrent tant de choses : le monde et une France encore très provinciale, les choses et les idées, la liberté et le conformisme...
Les auteurs de ce livre insistent sur le fait qu’il faut bien parler des années 68, car le mouvement qui culmina en France en mai 68, déborde largement et l’année et le pays. De même, ils prennent le partie de ne pas s’arrêter à l’arbre étudiant et parisien qui cacherait la forêt ouvrière et nationale qui se mit en grève en mai : “Nous ne sommes pas les seuls à estimer qu’il faut parler des “années 68“ et pas de l’année 68. Contrairement à ce que laissent entendre tous ceux qui veulent liquider l’héritage de mai 68, pour comprendre ce qui se passe en France à ce moment-là, il faut revenir à ces années soixante dans lesquelles émerge une culture internationaliste de la contestation, dans la foulée de la décolonisation, autour de la question du Viet-Nam...“
A Tulle même, comme le rappelle Manée Teyssandier, présidente de Peuple et Culture, qui avait 20 ans cette année-là, “quasi tout le monde était en grève“. Ce dont elle se souvient le plus ? “Que tout le monde parlait à tout le monde et que les paroles n’étaient pas vaines. Une liberté de la parole mais aussi des corps soudain, de la manière de bouger, d’être, de se sentir au monde que je devinais n’être pas liée seulement à ma propre jeunesse mais à la jeunesse que donnait à chacun et à tout ce mouvement. Je me souviens que tout devenait politique et que c’était une joie.“
Quatre ans plus tôt, le chroniqueur du Nouvel Observateur Roger Vailland publiait un “Eloge de la politique“ que nous aurions pu mettre en éditorial de notre dossier sur les municipales de ce numéro d’IPNS :
“Et nous voici de nouveau dans le désert. Mais je ne veux pas croire qu’il ne se passera plus jamais rien. Que les citoyens n’exerceront plus leur pouvoir qu’en mettant un bulletin dans l’urne pour désigner comme souverain (à leur place) un monsieur qui a une bonne tête à la télévision. Que le seul problème sur lequel le citoyen aura à se prononcer (par référendum) sera l’itinéraire d’une autoroute ou la puissance d’une centrale électrique. J’en ai par-dessus la tête qu’on me parle de planification, d’études de marché, de prospectives, de cybernétique, d’opérations opérationnelles : c’est l’affaire des techniciens. Comme citoyen, je veux qu’on me parle politique, je veux retrouver, je veux provoquer l’occasion de mener des actions politiques (des vraies), je veux que nous redevenions tous des politiques.“
“Les années 68 au cinéma“, 130 pages illustrées, 12 euros.