A propos de l’émission de France 2 du dimanche 8 janvier consacrée au Plateau “des” Millevaches.
S'il vous arrive encore d'allumer votre poste de télévision, peut être avez-vous toujours l'idée que les programmes diffusés par les chaînes un tant soit peu publiques ont la volonté de vous traiter de meilleure façon que les programmes de celles qui ne le sont pas.
Cela a sans doute été vrai jadis, mais les choses ont bien changé. Pour ceux qui continueraient d'en douter, France 2 a su avec talent en faire la démonstration un dimanche du mois de janvier, en direct de Beaumont du Lac, à 13 heures trente précises, et remettre à l'heure les pendules de nos illusions cathodiques.
La prouesse technique sera c'est vrai admirable : faire pénétrer en direct chez l'habitant, mairie, habitation, café… " au plus près des gens " comme le précisera l'animateur, des caméras de télévision, précédées du dit personnage, qui engagera avec eux la conversation. Ceux qui suivent le tour de France savent, et c'est bien fait pour eux, ce que cela représente en nombre de caméras, techniciens, cars régie, antennes paraboliques et autres satellites qui se trouvent mobilisés, immobilisés même, pour l'occasion. Et l'on s'attendait donc à ce que le contenu soit à la hauteur d'un évènement si habilement créé par la télévision elle-même.
Et c'est bien de cela qu'il va s'agir pendant 30 minutes : de la Télévision se mettant elle même en perspective, se donnant en vain spectacle, sans guère de soucis autre que celui de se mordre la queue, dans une succession de situations propres à satisfaire les différents registres à l'aide desquels le journaliste-présentateur-amuseursympa entendait " vous donner la parole ".
Spectacle plat, formaté, convenu, pour tout dire navrant dans lequel les intervenants sont figés dans un décor qui n'est plus le leur mais celui imposé par la mise en scène, malheureusement dépossédés de l'essentiel de leur substance et à ce stade contraints bon gré mal gré de se plier aux " exigences du direct ". Le présentateur est chez lui, c'est son émission, il sait le mettre en évidence, et il n'y aura plus que des " invités " dans leur propre village, invités à se conformer à ce qu'on devine être les consignes de la production.
Arrêt sur image :
A moi il me semblait que cet exceptionnel là venait sous mes yeux de s'achever à l'instant. Je me serais trompé ? Peut être que je ne regarde pas assez la télévision et ne vois pas l'exceptionnel où il faut le voir. Je n'aurais pas fait tant d'histoires avec tout ça, si après le malaise ne m'était venu quelque chose qui doit approcher la colère.
C'est que encore une fois la parole qui pourrait, qui devrait être juste, précise, chaleureuse, utile ou que sais-je d'autre, est confisquée, détournée sans vergogne. La télévision ne fonctionne plus avec d'autres règles qu'en de rarissimes occasions, soumise qu'elle est au besoin de porter au loin les choses de la façon la plus consensuelle, la plus insignifiante possible, de ne s'écarter jamais du sens commun, et d'être à ce point conforme qu'aucune forme n'existe plus.
Ni aucun sens.
Nous le savons bien, mais savons nous que faire, ou même ne pas faire, avec ?
Jacques Malnou