Dimanche 6 mai 2007 : Nicolas Sarkozy devient par la volonté majoritaire des électeurs, Président de la République. La pilule est amère pour celles et ceux qui, sur le Plateau ou ailleurs, aspirent à une autre société que celle de la compétition à outrance, du travail érigé en religion, de la servitude volontaire aux dogmes du marché et de la soumission à l'autorité.
Dans la nuit, en divers endroits du Plateau, surgirent des slogans et des proclamations de révolte et de refus que l'on pouvait découvrir le lendemain sur des panneaux de signalisation, des arbres ou sur le macadam. Bouteilles jetées à la mer qui appelaient à réagir, à s'organiser, à résister, dépassant souvent la seule réaction au scrutin du jour. Messages vite disparus par l'action de la maréchaussée, qu'ont capté ici ou là, en Creuse, en Corrèze ou en Haute-Vienne les objectifs photographiques d'IPNS.
Le lundi 7 mai 2007, Gilles Clément, le "jardinier planétaire" que nos lecteurs connaissent bien (Cf. IPNS n°9) et qui exposa et travailla sur le pays de Vassivière en 2004, expliquait dans un communiqué pourquoi il décidait d'arrêter toute collaboration avec ses clients publics et privés en France. Nous reproduisons son texte ici.
"Un projet qui nous engage dans la mécanique de destruction de la planète"
Par son vote du 6 mai 2007 la France a choisi le projet qui nous engage tous dans la mécanique de destruction de la planète :
- où la santé des entreprises prime sur la santé des individus.
- où la population assujettie à la Bourse règle son action sur les fluctuations du marché.
- où le CO2, coté en Bourse par le biais des droits à polluer, devient une valeur sûre.
- où la pollution en général est une monnaie d'échange.
- où le développement durable sert de caution aux pratiques non écologiques.
- où l'on instaure le biocarburant issu de cultures dévastatrices, exigeantes en intrants polluants, constituées de plantes manipulées génétiquement, excluant la diversité de territoires immenses et monotones, en laissant entendre qu'il s'agit d'actions respectueuses de l'environnement.
- où la question du transport et de ses pollutions n'est pas remise en cause.
- où l'option déterministe du dirigeant le plus en vue de ce nouveau gouvernement conduit à une discrimination systématique ne laissant émerger que les disciples performants de l'Ordre Marchand.
- où le racisme de société devient une règle discriminatoire ordinaire.
- où la peur instituée renforce la puissance des gardiens de l'Ordre.
- où la France perd son existence, devient une étoile supplémentaire sur le drapeau étatsunien tandis que disparaît une étoile sur le drapeau de l'Europe.
Le Jardin Planétaire, pays sans frontière et sans drapeau, sans nécessité de guerre, armé de la seule volonté des passagers de la Terre, se présente comme un projet général intéressant le jardin dans sa plus modeste comme dans sa plus vaste dimension, couvrant l'espace urbain comme l'espace rural, interpellant le politique dans sa fonction la plus modeste ou la plus étendue. Il sollicite l'ensemble des acteurs de la société sur le rôle de chacun pour :
- exploiter la diversité sans la détruire.
- donner à tous les êtres une chance d'avenir selon un processus non discriminatoire de l'évolution, non déterministe et non arbitrairement sélectif.
- engager une politique de non accumulation de biens surnuméraires et polluants.
- développer les énergies douces et autonomes.
- élaborer une mondialisation nouvelle non inféodée à l'Ordre Marchand.
- créer un réseau de projets locaux éclairés par une vision élargie et tolérante où les constituants naturels et culturels issus du brassage planétaire dictent les règles d'une économie locale.
- instruire une exploitation biologique du sol, favoriser les complexes écologiques industriels de recyclage de l'énergie.
- développer des pratiques visant à maintenir ou renforcer la qualité biologique des substrats : eau, air, sols.
- en toutes circonstances favoriser l'invention de la vie, l'expression de sa diversité.
- envisager le développement imprédictible du Jardin comme une possible source de renouvellement et chaque jour s'en étonner.
Considérant le Jardin Planétaire comme l'essentiel de mes préoccupations, considérant que les actions nécessaires à son émergence ne trouvent aucune chance d'expression dans le projet de société choisi par la France le 6 mai 2007, refusant de porter ma caution aux agissements du gouvernement en place, je décide d'orienter mes interventions, mes efforts et toute mon énergie à la mise à bien du projet Jardin Planétaire, en écartant de mon champ d'action ce pays qui est le mien, pour un temps que je souhaite court.
En conséquence j'annule la totalité des engagements pris auprès des services publics et privés sur le territoire français à l'exception des services non officiels où, de façon avérée, s'établit la résistance.
Gilles Clément
La Vallée (Crozant, Creuse) le 7 mai 2007