Les professionnels de l’exploitation forestière le savent bien : à situation humide, chantier forestier compliqué, parfois même impossible. Le contexte local complique encore l’affaire, en particulier la pente, le type et la profondeur de sol ou encore la présence de sources et ruisseaux.
Se poser la question de l’adéquation des outils pour la sortie des bois, la “vidange“ en jargon de forestier et surtout aussi de la période d’intervention la plus judicieuse, peut éviter bien des soucis à tous.
Apparemment, tel n’a pas été le cas pour un récent chantier de débardage de grumes dans une belle sapinière de la forêt de la Feuillade située sur Faux-la-Montagne sous le Puy de la Meule.
Et pourtant, toutes les circonstances étaient réunies pour ne pas intervenir à cette période entre mi- octobre et début novembre : fort épisode pluvieux persistant, pente forte jusqu’à 35%, sols limono-sableux profonds (> 1 m), nombreuses sources et ruisseaux bien alimentés.
Au final, on constate des centaines de m3 de sables et limons chahutés par un débusqueur à chaînes et repris par les écoulements, un cours d’eau submergé par la boue et rempli de sable, des pistes et chemins, en partie communaux, ruinés. Tout cela pour sortir en urgence quelques centaines de m3 de bois ; combien au juste, ce serait intéressant de le savoir. Mais les usines de sciage ne pouvaient pas attendre dans ce monde décidément trop pressé. Stocks de bois des usines à zéro juste avant l’hiver, des machines à rentabiliser, tels sont probablement les motifs de ce désastre.
Ce chantier a été stoppé par les élus alertés par des agriculteurs obligés de retirer leurs bêtes des parcelles. Car à l’aval du chantier la qualité de l’eau du cours d’eau s’est brusquement dégradée.
La police de l’eau ne put que constater l’ampleur des dégâts, pouvant même difficilement accéder à la zone dévastée. Une sorte de mélasse boueuse accumulée sur 50 à 60 cm d’épaisseur sur la piste garantissait seulement d’une chose, celle de remplir ses bottes ou d’y rester enlisé.
Que faire après tout cela ? Interdire toute reprise du chantier jusqu’à nouvel ordre bien sûr. Réaliser si possible en urgence un bac de décantation doublé d’un filtre à paille à l’aval immédiat pour piéger sables et limons et limiter ainsi les impacts sur le cours d’eau.
Après un tel chantier, compte tenu de la pente et de l’érosion hydrique, c’est plus d’une dizaine de tonnes de sol par hectare et par an qui peut être érodée et envoyée vers l’aval à chaque forte pluie.
De nombreuses questions se posent alors :
Qui va payer les travaux d’atténuation?
Quel risque réel de sanction pour l’exploitant ?
Qui va en supporter les conséquences immédiates, sur quelles parcelles et pour combien de temps ?
Quant au propriétaire forestier, quels gains pour lui et quelle perte de fertilité de ses parcelles ?
Et pour les habitants, quelles réactions avoir face à tout cela?
Vincent Magnet