Suite à notre article sur les achats de bois limousin par les industriels chinois (voir IPNS n°44), plusieurs lecteurs ont manifesté leur incrédulité : ”Mais pourquoi les Chinois font-ils venir leur bois d’aussi loin ?” ; ”Comment font-ils pour que ce soit intéressant économiquement ? Renée Nicoux, maire de Felletin et sénatrice de la Creuse, avait interpellé le ministre de l’agriculture en juin dernier de cette question. Elle rappelait que ”depuis 2005, la Chine est le premier importateur mondial de grumes avec des besoins en constante progression. Or, si l’Europe, et notamment la France, est historiquement un exportateur de bois, l’explosion de la demande provenant de ce pays n’est pas sans poser de graves questions. En effet, les négociants qui exportent vers la Chine peuvent compter sur des prix très attractifs et des volumes d’écoulement conséquents. À titre d’exemple, en 2010, la France représentait 20 % du marché des importations de grumes de chêne par la Chine et ce taux devrait encore augmenter à la suite des mesures de protection prises par la Russie.” Et la sénatrice de poursuivre : ”Ce phénomène a clairement des conséquences sur l’activité locale et le coût de la matière première. Les premières victimes sont bien évidemment nos scieries et entreprises de transformation qui rencontrent de plus en plus de difficultés à s’approvisionner. Nombre d’entre elles seront prochainement contraintes d’arrêter totalement leurs activités, faute de matière première abordable et d’assurance de pérennité de la ressource. Ce phénomène se ressent clairement dans nos territoires et notamment en région Limousin où les professionnels du secteur ont le sentiment de voir leur forêt se faire piller.”
Dans sa réponse, publiée le 19 septembre 2013, le ministre de l’agriculture a confirmé cette tendance. Si seulement 15 % de la récolte de bois commercialisée sont exportés, ”le poids de la destination chinoise dans la valeur des exportations a fortement augmenté, passant de 6 % à 16 % entre 2010 et 2012. Néanmoins, la valeur des exportations de bois ronds vers la Chine a légèrement baissé en 2012, mais la diminution s’explique surtout par la baisse des exportations de feuillus (- 30 %) alors que les exportations de grumes de résineux s’accroissent.” Le ministre ne semble guère partager les craintes de la sénatrice : ”Pour certaines qualités et essences de bois difficilement valorisables par l’industrie française, la demande chinoise a des effets positifs sur la filière. En effet, elle contribue localement à une consolidation des prix et des mises en vente accrues de bois par les propriétaires et les gestionnaires forestiers.” Il reconnaît néanmoins qu’un ”tel déplacement vers l’étranger d’une partie de la transformation des bois ronds a nécessairement des conséquences négatives en termes de valeur ajoutée, d’emplois et de quantité de produits connexes disponibles pour l’industrie de la trituration et de la production d’énergie.”
Quant à l’équilibre économique des achats de bois français par les Chinois, il s’explique simplement par le fait que les containers China Shipping que l’on a vu partir du plateau avec des grumes limousines n’étaient évidemment pas arrivés vides... En l’occurence les Chinois livraient des cercueils confectionnés dans leur pays. Votre prochain cercueil sera certainement estampillé “made in China“... garanti en bois du Limousin ! Ca sent le sapin pour la filière...
Michel Lulek