L'annonce de la baisse du nombre de contrats aidés a provoqué une onde de choc dans le monde associatif. Mais pour l'instant, l'État ne semble toujours pas réagir. Un responsable associatif témoigne.
À l'heure où nous écrivons ces lignes, nous ne pouvons que nous inquiéter de la position de l'État quand aux emplois aidés, en particulier dans le département de la Creuse. Les signaux sont malheureusement trop contradictoires et globalement négatifs pour bon nombre des associations concernées.
Pourtant, lors de l'annonce de la réduction drastique du nombre de contrats aidés passant de près de 350 000 à environ 200 000, il avait été assuré que les territoires rencontrant des difficultés spécifiques (quartiers ou territoires ruraux) continueraient à bénéficier de ces emplois. Certes ce n'était pas la première priorité parmi les différentes formes d'intervention dans le cadre de l'urgence sociale, mais l'on pouvait s'attendre, suite aux discours rassurants qui avaient été prodigués aux associations locales s'inquiétant du renouvellement des CAE, à des reconductions ou des créations plus nombreuses. Pour l'instant il n'en est rien.
Rappelons que le dispositif des Contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) permet à des chômeur-euse-s en difficulté de pouvoir trouver un emploi au sein d'une association ou d'une collectivité, celle-ci bénéficiant alors d'une aide de l'État pour assurer la rémunération de la personne concernée. On évaluait le nombre de CAE en activité en Creuse à environ 400. Contrairement à ce qui a pu être dit pour justifier la diminution du nombre de CAE, le dispositif permettait à la grande majorité de ses bénéficiaires, particulièrement dans le milieu associatif, de sortir de l'isolement et de retrouver une vie sociale. Pour ce qui a pu être évalué par des organismes aussi sérieux que la Dares1 : “Six mois après leur sortie de CAE, 74 % des anciens bénéficiaires trouvaient que le contrat aidé leur avait permis de se sentir utiles et de reprendre confiance, et cela particulièrement pour les bénéficiaires d’un contrat non marchand.“
Espérons que le travail du collectif de mobilisation CAE 23 (dont nous publions ici la lettre au préfet de la Creuse) qui se réunit régulièrement (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) permettra de reconquérir une partie des emplois perdus. L'exemple d'actions menées sur d'autres territoires, relayées par le Collectif des associations citoyennes (www.associations-citoyennes.net), permet un certain optimisme. Le travail que font les associations sur le territoire est pourtant l'un des éléments indispensables à son développement et au maintien des solidarités locales. Un contrat aidé, c'est un investissement de 9 500 euros par an et par personne, pour lutter contre l'isolement et la désocialisation. Souhaitons que les positions strictement idéologiques qui ont présidé à la décision de s'attaquer aux emplois aidés soient revues dans les meilleurs délais.
1 Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail :
“Les contrats aidés : quels objectifs, quel bilan ?“ Mars 2017. http://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2017-021v2.pdfdf
- Des contrats qui sont avant tout “utiles“ avant d'être “aidés“
Lettre au préfet de la Creuse du collectif mobilisation CAE 23
Monsieur le Préfet,
Le Collectif “Mobilisation CAE 23“ regroupe une cinquantaine d'individus et de structures, majoritairement associatives, issues de secteurs d'activités variés contribuant à la vitalité de la Creuse, et utilisatrices de contrats aidés (CAE, Emplois d'Avenir, Emplois associatifs...). Elles se rassemblent depuis octobre pour sensibiliser les acteurs du territoire à la contribution majeure au développement local qu'elles représentent et à la perte immense que signifierait la suppression de tout ou partie de leurs emplois (via la suppression des emplois aidés) et conséquemment de la baisse voire de la disparition des services qu'elles offrent.
Les chiffres exacts restent inaccessibles pour nous mais on dénombre environ 400 emplois menacés à court terme en Creuse. Rappelons que l'emploi associatif (même s'il n'est pas le seul utilisateur de contrats aidés, loin s'en faut) représente dans notre département près d'un emploi sur 6. Chaque emploi permet de façon indirecte la scolarisation d'enfants dans les écoles creusoises en proie à des fermetures de classes, le maintien de commerces de proximité vitaux pour l'animation et l'attractivité de nos villages, une contribution non négligeable au marché foncier, de location et d'achat, et fournit une clientèle aux artisans locaux.
Au delà des chiffres, l'application de la baisse voire de la suppression de ces contrats aidés reste largement floue. Certains secteurs d'activités semblent pouvoir être préservés tandis que d'autres reçoivent une fin de non-recevoir catégorique.
Devant ces interrogations majeures sur leurs emplois et leur pérennité, les structures du collectif souhaiteraient recevoir des explications et des perspectives claires applicables à l'ensemble des organisations. En effet, le traitement au cas par cas tend à développer des stratégies individuelles promptes à mettre en concurrence des services et des activités qui contribuent tous au bien-vivre sur notre territoire. Dans ce jeu, les petites structures souffrent d'un net désavantage, notamment en termes d'accès à l'information et le Collectif souhaite répondre par la solidarité là où les structures seraient mises en concurrence dans un secteur pourtant majoritairement non marchand.
Notre demande est donc celle de la mise en place de règles connues et semblables pour tous. Nous voudrions étudier avec vous et vos services la possibilité d'un moratoire, voire même les modalités de la pérennisation de ces contrats, qui sont avant tout “utiles“ au territoire creusois avant d'être “aidés“. Dans un contexte de mise en place d'un “plan d'action pour la Creuse“ suite à la rencontre d'élus locaux et du Président de la République, nous pensons être à même de contribuer à l'élaboration de ce plan par le biais de propositions constructives, sur le plan de l'emploi, mais aussi sur d'autres champs sur lesquels nos structures détiennent une expérience et une expertise.
C'est pourquoi nous sollicitons auprès de vous un rendez-vous afin de discuter de la question vitale des emplois aidés et également de vous remettre nos contributions pour un “plan d'action pour la Creuse“.