Il s'agit d'un roman d'aventures, situées à l'époque de la Gaule indépendante, vous savez “nos ancêtres“ (qui cinq siècles auparavant étaient des migrants). Le récit se développe comme dans un “film de route“ (refusons le terme anglais). Film parce que le texte est très évocateur, de route parce qu'il s'agit d'un voyage. Une autre lectrice dit ainsi : “Lire J.P.J, c'est redécouvrir qu'une phrase peut être belle et efficace, longue et rythmée, poétique et même vulgaire“.
Ce premier tome est l'histoire de deux jeunes frères, plongés brutalement dans le monde des hommes, à la suite de l'assassinat de leur père, roi des Turons (Touraine). Ils sont confiés, de force, à un ambacte, sorte de guerrier professionnel, de la tribu des Bituriges (Bourges). Alors qu'ils sont encore des adolescents, et portent donc les cheveux longs (la tonsure signe l'entrée dans l'âge d'homme, donc Vercingétorix et sa chevelure ?...), ils vont participer à de nombreuses aventures guerrières. Ils doivent rejoindre à Argentate (Argentat), les Arvernes et les Lémovices (Limoges), qui ont mis le siège devant Uxellodunon (puy d'Issolud) occupé par les Ambrones (des Belges!) et les Ausques (Auch). Géographiquement, c'est plutôt tiré par les cheveux, justement. Venant du Berry actuel, ils franchissent la Cruesa, se dirigeant vers la vallée de Dordonia. Si vous suivez bien, vous devinez où on veut en venir. Regardez donc la carte, ils vont traverser le Plateau de Millevaches. L'amusant est que les noms des rivières datent d'après l'an 1000, même s'ils ont une racine celtique. Comme dunon tiens : qui voulait dire en gaulois “forteresse“, et qu'on retrouve dans Dun, Dognon, Donjon... et peut-être Domps. Outre l'épopée, l'intérêt de ce récit se trouve dans la description – assez fidèle – des relations sociales et tribales chez les Gaulois, et de leurs liens très forts avec la nature.
“Forêts, collines, méandres des rivières : rien ne différait vraiment du pays de Neriomagos... Désormais nous ignorions le nom des cours d'eau, chaque virage du chemin nous réservait ses secrets“. Ils cheminent alors vers le sud, où la nature peut prendre une allure tour à tour séduisante ou effrayante. “Sur les lisières, les pieux sacrés portaient les effigies de dieux qui nous étaient inconnus... par temps clair, on voyait se dresser au loin les contreforts bleu sombre d'une montagne, il s'agissait du Cemmène* “La traversée du Plateau est pleine de poésie : “la montagne a reculé au fur et à mesure, de jour en jour, elle a pris ses aises, a haussé ses murailles de nuages, étalé ses épaulements en travers de l'horizon“. Pour la petite troupe de guerriers, il faut faire vite, et à Argentate, les ennuis commencent. A Uxellodunon, le jeune Bellovèse meurt de terribles blessures. Et le mystère va s'épaissir… car il n'est pas mort ! Il reste alors quelques centaines de pages.
Cette histoire permet de découvrir la civilisation gauloise, les mœurs, les traditions, ainsi que la complexité des rivalités tribales. C'est bien, mais il faut du courage. A consommer avec modération, comme la cervoise.
Jean Philippe Jaworsky