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Après le temps des forêts, la filière-forêt-bois esquive le temps du débat

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Date
samedi 1 décembre 2018 14:22
Numéro de journal
65
Auteur(s)
François-Xavier Drouet
Visite(s)
3814 visite(s)

Le documentaire Le temps des forêts de François-Xavier Drouet est sorti dans les salles le 12 septembre 2018, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs. Ce film interroge les transformations du monde forestier et de la filière bois, qui tendent de plus en plus à épouser le modèle agricole intensif productiviste. François-Xavier Drouet nous propose un retour sur les réactions que son film a suscitées, dans les salles et en dehors.

 

J’avais deux objectifs en réalisant ce film : sensibiliser le grand public aux enjeux de la gestion forestière d’une part, susciter un débat au sein de la filière forêt-bois d’autre part. Le premier objectif est plus ou moins atteint : le film a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de spectateurs et a reçu un large écho dans les médias nationaux. Près de 300 projections débats ont été organisées, devant des publics très variés, en zones urbaines comme au cœur de régions forestières. Des liens se sont tissés et plusieurs initiatives locales sont nées suite à ces rencontres.

 

film le temps des foret

 

Levée de boucliers

Pour ce qui est de créer un débat chez les professionnels, c’est plus mitigé… Quelques jours avant sa sortie, le film a fait l’objet d’une levée de boucliers d’une partie de la filière. La Fédération Nationale du Bois (FNB) a publié un communiqué en réaction, dénonçant un film “à charge“ et “négatif “, sans prendre le temps de répondre aux questions posées par le film. Ce court texte a circulé en interne chez ses adhérents et sur les réseaux sociaux, avec même des appels au boycott du film de la part d’industriels piqués au vif. La coopérative Alliance Forêt Bois a elle carrément demandé à mon producteur d’être retiré du montage. Ces réactions ont malheureusement dissuadé bon nombre de professionnels de voir le film, craignant de se voir clouer au pilori… Une enseignante d’école forestière m’a ainsi confié s’être rendue à reculons à la projection. Elle est pourtant revenue sur son a priori au terme de la projection, reconnaissant que le film posait plus de questions qu’il n’apportait de jugements définitifs.

 

Les hommes et femmes qui composent la filière-bois forêt forment un monde bien plus complexe et contradictoire que ne le laissent penser ceux qui les représentent.

 

La réaction la plus épidermique est venue de l’interprofession France-Bois-Forêt1, pour qui “les 440 000 professionnels de la filière, qui œuvrent, chaque jour, en forêt et au sein des entreprises de la filière sont blessés par certains raccourcis qui laisseraient à penser que nous faisons mal notre travail“. Ce texte fait semblant d’ignorer que les critiques portées à l’industrialisation de la forêt sont formulées dans mon film... par des professionnels eux-mêmes ! 

En prétendant s’exprimer au nom de tous pour susciter un esprit de corps, les instances de la filière cachent les fractures en son sein, qui sont profondes. Comme me l’a écrit un gestionnaire : “Je pense qu'on est beaucoup de forestiers à être plus blessés par le sort qu'on réserve à nos forêts et par les compromis que ce monde fou nous demande de faire, que par le film ... Si les ténors de la filière voulaient bien voir ça en face on s'occuperait enfin des vraies blessures“. J’ai ainsi reçu de très nombreux témoignages de soutien au terme des projections de la part de professionnels, du bûcheron jusqu’au scieur, même si tous n’épousent pas le point du vue du film dans sa totalité. Plusieurs salariés de coopératives forestières sont même venus me voir  pour me dire le bien qu’ils pensaient du film, malgré les avis de leur hiérarchie. Celle-ci a-t-elle conscience de tels décalages ?

 

le temps 4Communication de crise

Autre instance prétendant parler au nom de tout le monde, Fransylva, se revendiquant comme le “Syndicat des propriétaires du Limousin“, bien qu’il ne réunisse qu’à peine 6 % d’entre eux. Dans un communiqué savoureux, il justifie toutes les dérives présentées dans le film. L’utilisation des produits phytosanitaires en forêt ? “Nécessaire“. L’explosion du bois-énergie ? “Une saine valorisation“. La monoculture du douglas ? “Une bonne réponse“. L’exportation de grumes en Chine ? “Valorisante“. Quant aux effets négatifs de la mécanisation, on y lit que les nouvelles machines exercent moins de pression au cm² qu'un sabot de cheval ou même un pied humain… Cet argument rituellement seriné par la filière, basé sur une approche très partielle de l’impact sur le sol, a été démenti par plusieurs études2 … et par le bon sens. 

Cette rengaine est pourtant reprise par l’Office national des forêts, qui a publié en interne des “éléments de langage“ à destination de ses cadres et porte-parole, dans le cas où ils seraient interpellés au sujet du documentaire. Malmené dans le film par la voix de ses agents de terrain, l’établissement s’y livre à une véritable opération de communication de crise ! Le cas des dizaines de suicides de forestiers suite aux incessantes restructurations qui secouent l’office y sont ramenés à des “drames personnels“ et “intimes“, qu’il est irresponsable “d’instrumentaliser“. Ni responsables, ni coupables donc.

 

Langue de bois

On l’aura compris, ces réactions officielles de la filière tiennent plus de la “langue de bois“ que du débat raisonné. Qu’en a-t-il été des discussions en salles de cinéma? Elles ont souvent été très riches et révélé des positions plus nuancées que ces exercices de communication. Les séquences ayant fait le plus réagir les professionnels sont sans doute celles montrant les dégâts sur les sols de travaux forestiers. Je montre par exemple un entrepreneur de travaux forestiers travaillant par temps de pluie, provoquant des torrents de boue sur une parcelle très pentue. On m’a plusieurs fois reproché de ne montrer que “les 1 % qui travaillent mal“ et de jeter l’opprobre sur les autres. Cette posture est révélatrice. Plutôt que d’interroger le système qui conduit à ces dérives, comme j’ai tâché de le faire, on jette la responsabilité à quelques errements individuels pour s’épargner la remise en question collective. Heureusement, de nombreux acteurs admettent que si le film est un regard, et ce qu’il montre de la réalité est forcément partiel, les faits qu’il dénonce sont difficilement contestables et doivent interroger. Dans bien des cas, les discussions furent très animées entre forestiers, se prolongeant parfois sur près de deux heures ! Beaucoup ont profité de l’espace public de la salle de cinéma pour faire entendre une parole qui dépasse rarement les discussions d’après chantier à la cantine. 

 

Ouvrir une brèche

Comment expliquer cette omerta qui pèse sur ce secteur ? C’est un monde où il est mal vu d’exprimer sa sensibilité, et surtout de s’exprimer publiquement sur la filière quand on en fait partie, comme s’il ne fallait pas trahir le “secret de famille“. C’est un monde très masculin, où on joue des muscles, où l’on conduit des grosses machines. Un monde très segmenté, où chacun est indépendant, isolé au fond de sa forêt, de sa bagnole ou derrière son ordinateur. Un monde sans tradition de mobilisation collective, sauf peut-être chez les fonctionnaires de l’Office nationale des forêts, bien que la culture militaire au sein de l’établissement et le devoir de réserve auquel sont soumis les agents assermentés n’incite pas à la prise de parole.

Les hommes et femmes qui composent la filière-bois forêt forment un monde bien plus complexe et contradictoire que ne le laissent penser ceux qui les représentent. En réalisant ce film, j’ai souhaité ouvrir une brèche pour tous ceux qui questionnent le modèle productiviste en forêt. A eux de ne pas se laisser voler la parole par ceux qui prétendent parler en leur nom.

 

François-Xavier Drouet

1 - http://www.fnbois.com/wp-content/uploads/2018/09/180919_FBF_Communiqu%C3%A9-de-presse.pdf
2 - http://cecd.be/images/pdf/CompactionPression.pdf


Une série à suivre sur Télé Millevaches

En attendant la sortie du DVD au printemps, des compléments au film sont disponibles gratuitement sur le site de Télé Millevaches. On y retrouve plusieurs portraits de forestiers filmés dans le cadre du tournage du long-métrage mais coupés au montage. Intitulée Le temps des forestiers, cette série va s’étoffer dans les semaines à venir. 
http://telemillevaches.net/videos/le-temps-des-forestiers
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IPNS - 23340 Faux-la-Montagne - ISSN 2110-5758 - contact@journal-ipns.org
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