On ne va pas vous refaire l’histoire des épidémies. Douze numéros d’IPNS n’y suffiraient pas. Nous nous contenterons de dire que c’est la sédentarisation des populations – à l’époque néolithique (vers - 8 000 av J.C.) – qui a déclenché une suite ininterrompue de grandes épidémies. Celle de 1348, dite de la « mort noire » (grande peste), aura tout de même fauché entre 30 et 50 % de la population européenne, durant cinq ans, soit environ 25 millions de victimes. Quant à l’introduction de la variole aux Amériques, elle généra chez les peuples Amérindiens, encore plus de déclin démographique que les innombrables violences et répressions. La première véritable pandémie, donc une épidémie présente dans le monde entier, fut la fameuse « grippe espagnole », qui n’avait rien d’une grippe et rien d’espagnol non plus, en 1918-1919, et qui fit 30 millions de victimes. Des chiffres effrayants, n’est-ce pas ? Qui sont évidemment à comparer à ceux de la pandémie actuelle. La liste interminable des fléaux montre une chose : plus les hommes et les produits se déplacent et vite, plus les épidémies aussi.
Dans nos campagnes reculées, jusqu’aux progrès essentiels des vaccinations au XXe siècle, les épisodes étaient plus courts et localisés. La « différenciation sociale » était assez facile, les hommes étaient peu nombreux et dispersés. Les « mauvaises fièvres » pouvaient toucher un village, et pas son voisin à 5 km, parfois même une seule famille dans le village. Les chroniques et annales fourmillent de notations de ce genre. Tous les ans, en Limousin par exemple, mais pas partout, sévissaient l’une ou l’autre des mortalités : pleurésies, dysenteries, catarrhes. La majorité était en réalité liée à ce que nous appelons aujourd’hui les maladies infantiles, alors mortelles. Ainsi, à propos de l’une d’entre elles qui frappa le nord de la province : « Au mois de février 1657, les maladies se mirent furieusement dans le Poitou, le Limousin, et la Marche. C’étaient des enrhumures, avec des maux de côté. » Le mal ne faisait pas de distinction sociale, gagner l’île de Ré étant trop long et aléatoire. De cette même maladie (je ménage le suspense) moururent François Fauconnier, lieutenant de Basse Marche, « laissant bonne renommée et réputation de bien », et en même temps, Jean Chastenet, sénéchal de Montmorillon, « de contraire réputation à l’autre ». La grande faucheuse ne faisait donc aucun cas des mérites. Plus tard, vers Rameaux, cette fois plus au sud, Jacques Séguy, de Badefols, mourut du même mal, appelé « mal populaire » ou « mal à la mode ». Nous y voilà : on désignait donc ces terribles fléaux par des noms amusants, pas d’acronymes, codes et chiffres comme aujourd’hui, ce qui ne changeait pas grand chose au résultat. Dans ce cas, il s’agissait banalement de la coqueluche. Une effrayante mortalité, mais courte et localisée. Vous avez donc peut-être été touchés un jour par ces « maux à la mode ». Espérons que le coronavirus ne deviendra pas… à la mode.
Peut-être pourrait-on se passer des immeubles flottants, des séjours avec piscine aux Maldives, des cerises du Chili à Noël, des jouets chinois en plastique, etc. ? Je suis pessimiste : plus les sociétés humaines ont de connaissances, moins elles retiennent les leçons.