Je suis né dans le Morvan en 1975 et toute ma vie j’ai entendu les gens se plaindre des coupes à blanc d’abord parce qu’elles abîmaient des paysages qui semblaient être là depuis des temps immémoriaux, ensuite parce que ces coupes s’accompagnaient souvent de chemins abîmés par le débardage d’un important volume de bois.
Très tôt on m’a expliqué que la forêt morvandelle était autrefois exploitée sans coupes à blanc, par la technique du taillis fureté, et que les coupes à blanc étaient une pratique relativement récente liée à l’enrésinement de la forêt morvandelle.
Comme bon nombre de Morvandiaux et Morvandelles, cette pratique m’a toujours choqué par sa brutalité : il est surprenant de vouloir gérer une forêt en la détruisant. Car raser tous les arbres d’une forêt en quelques jours est une méthode radicale, qui consiste quoi qu’on en dise, en une destruction d’un écosystème existant. Certes la coupe à blanc est généralement suivie d’une plantation, donc d’une reconstruction, mais elle fait bien passer l’écosystème forestier par une phase de disparition, temporaire dans le cas d’une plantation à l’identique, ou définitive dans le cas d’un changement d’essence, notamment dans le cas de l’enrésinement.
Je me suis toujours dit qu’il devait bien y avoir une autre façon de faire, une sylviculture sans coupes à blanc, qui s’appuie sur la régénération naturelle. Lorsque j’ai appris le métier de forestier, j’ai découvert qu’une telle sylviculture existait bel et bien : la futaie irrégulière, ou la futaie régulière par régénération naturelle progressive.
Je pense que dans un territoire classé « parc naturel régional », qui plus est situé en zone de montagne, c’est ce type de sylviculture qui devrait prévaloir.
Mais on en est encore loin, et le débat entre ceux qui vivent de la production de bois et les autres est vif ! De plus en plus de forestiers sont convaincus pour de multiples raisons de l’intérêt d’une sylviculture sans coupes rases, mais un certain nombre considère que le droit de raser sa forêt fait partie du sacro-saint droit de propriété...
Depuis que je suis né j’entends ceci : « Mais que fait le Parc ? À quoi cela sert d’avoir un parc naturel régional si celui-ci n’est pas capable d’empêcher qu’on rase des forêts ? » Et la réponse est simple : il n’en a absolument pas le pouvoir !
Plus que jamais, la population presse les élus d’agir. C’est pour cela que le Parc a décidé de s’engager pour mieux réguler ces coupes et parvenir à renverser la situation actuelle : la coupe rase ne devrait plus être la règle mais l’exception.
Mais un tel projet a besoin de bases scientifiques et techniques solides. Aussi afin d’objectiver ce débat, j’ai souhaité saisir notre conseil scientifique. Le résultat est remarquable, je remercie vivement toutes celles et tous ceux qui y ont contribué ; on voit ici tout l’intérêt pour les parcs de disposer d’un conseil scientifique.
Sylvain Mathieu, président du Parc naturel régional du Morvan