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Paroles de paysans

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Date
dimanche 1 décembre 2024 11:07
Numéro de journal
89
Auteur(s)
Michel Rouault
Marc Poulet
André et Rosette Bessette
Visite(s)
50 visite(s)

Les agriculteurs sont à nouveau dans les rues pour crier leur désarroi. Ronds points investis et panneaux retournés ou camouflés, c'est la signature du traité de libre-échange avec le Mercosur qui a déclenché cette nouvelle fronde agricole. Le malaise du monde paysan ne date pas d'hier. Il y a neuf ans, une enquête menée auprès de tous les agriculteurs de la commune de Tarnac, faisait apparaître les difficultés de la profession : l'isolement, la perte d'autonomie par l'intégration dans des filières industrielles, les prix, etc. À IPNS, nous avons décidé de retrouver certains des paysans alors interviewés et d'échanger sur leur situation, presque dix ans plus tard. Une enquête que nous poursuivrons dans notre prochain numéro.

 

À Tarnac en 2015, un premier diagnostic est posé

C’est au terme de nombreux échanges avec 13 agriculteurs tarnacois que Guillaume Maigron, en 2015, a fait le point sur le monde agricole d’alors afin de mieux comprendre sa situation de l’intérieur, et de la faire toucher du doigt au public de la Fête de la Montagne qui s’était déroulée les 25, 26 et 27 septembre de la même année à Tarnac. Voici les enseignements qui ressortaient de cette enquête.

 

De la solidarité à l’isolement

La solidarité ancestrale, puis le travail communautaire, semblent s’être maintenus jusque dans les années1980, voire 1990, permettant de faire face à l’isolement croissant d’agriculteurs de moins en moins nombreux. Un processus inéluctable qui s’explique notamment par une augmentation des superficies entraînant des charges de travail plus importantes et la généralisation du crédit bancaire pour mécaniser ces tâches.
Selon la sensibilité politique, des résistances persistent cependant à l’échelle locale. Ainsi, les paysans de Saint-Merd-les-Oussines participent-ils tous ensemble aux corvées de foin et de paille, et ceux de Nedde œuvrent-ils de concert pour ensiler. À La Villedieu, jusque dans la décennie 1990-2000, certains cultivent encore les mêmes parcelles à plusieurs. Une mutuelle « coup dur » a vu le jour, sans pouvoir cependant résister bien longtemps à la logique des assurances.
Dans le même temps, apparaissent des initiatives visant à s’organiser ensemble et régulièrement. Le début des années 1970 voit par exemple la création d’une CUMA (Coopérative d’utilisation du matériel agricole) par les néo-ruraux de Faux-La-Montagne, La Villedieu, Saint-Martin-Château et Royère-de-Vassivière. L’occasion, pour les participants, de pouvoir passer ensemble une soirée par mois qui perdurera jusqu’en 1985. Sur Felletin, c’est un Groupement d’intérêt économique (GIE) pour l’achat groupé de petit matériel agricole qui procure la possibilité de s’organiser collectivement et régulièrement.

 

L’engraissement : du modèle extensif à la filière industrielle transalpine

« C’est une question importante sur le Plateau. De nos jours, on ne sait plus finir nos bêtes ! » Ainsi s’exprimait un éleveur en 2015. Précédemment, l’agriculteur faisait naître et élevait des veaux « sous la mère », puis fabriquait du beurre avec le surplus de lait. Mais la terre de Tarnac n’est pas celle de la plaine. Face à la difficulté de cultiver sur place de manière rentable, les compléments alimentaires qu’il faut acheter à l’extérieur sont nécessaires à l’engraissement des jeunes bovins. C’est la double peine : d’une part, une impasse financière qui a conduit à la perte d’autonomie des éleveurs, ainsi que du savoir-faire traditionnel en termes de culture des céréales sur les lieux ; d’autre part, l’envoi des veaux dans la filière industrielle italienne. Une aberration pour un produit de qualité à l’origine.
Des expériences ont alors été menées localement pour produire de la luzerne, du méteil, du maïs, ou pour faire de l’enrubannage. Mais sans succès probants. Quant à envisager l’idée d’un label « veau du Plateau, fini aux hormones en Italie », l’idée n’était bien sûr pas très porteuse… Quelques éleveurs se sont alors orientés vers une observation plus fine permettant de réduire notamment les intrants, mais qu’ils ont eu très peu l’occasion de transmettre en dehors des proches ou des voisins.

 

Et à quel « PRIX » tout cela ?

Si autrefois, lors de la veillée devant le cantou, les petits calculs pour la foire du lendemain ne correspondaient jamais à la réalité du marché, la situation ne s’est toutefois pas améliorée : « Avant, mon père vendait sa viande à 21 francs, c'est-à-dire le même prix qu’aujourd’hui, témoigne un participant en 2015, sauf que tout le reste a augmenté depuis, tant le matériel que les produits, sans parler de la vie courante. Qui s’engraisse dans la filière ? La somme des prélèvements effectués ne correspond-elle pas, plus ou moins, à celle des subventions dont nous sommes devenus dépendants aujourd’hui ? Les primes mériteraient d’être considérées autrement : non pas comme des aides aux agriculteurs, mais comme des aides aux consommateurs permettant de réduire le prix de la viande en boucherie. »
Quant au recours à l’emprunt bancaire, il englobe le tout d’une exploitation et les contraintes financières qui vont avec, sans lui permettre un développement progressif. Ce qui donne corps à l’adage : « Le paysan vit pauvre et meurt riche. »

 

La répartition des terres

Pour les quinquagénaires, soit les deux tiers des agriculteurs de Tarnac en 2015, il s’agissait de la problématique principale. Certaines terres permettaient l’installation de nouveaux cultivateurs, mais les propriétaires préféraient les laisser en friches ou y planter du sapin. D’où la difficulté de s’installer sur ce type de terrain qui nécessitait un énorme travail de remise en état. Il existe pourtant des moyens légaux de récupérer ces espaces abandonnés, à savoir les lois Mitterand (allocution de 1991).
Par ailleurs, les anciens agriculteurs cherchent à agrandir les propriétés de ceux qu’ils connaissent déjà, plutôt que de favoriser de nouvelles installations, un choix plus sécurisant pour le paiement des fermages.
Surtout, l’une des difficultés en termes d’installation consiste à réunir un capital important, sans pour autant espérer le valoriser, ni même envisager de vivre correctement de son travail. Les jeunes qui ne sont nés ni dans le milieu agricole, ni dans la région, n’investissent plus. Peut-être serait-il imaginable de permettre plusieurs installations diversifiées au sein d’une même exploitation. Ce qui faciliterait une mutualisation du matériel et de l’entraide.

 

Synthèse réalisée par Michel Rouault

 


 

Marc Poulet : « Le système des demi-vaches, c’est la seule solution sur notre territoire. »

marc pouletAgriculteur encore en activité, et qui voue à son métier une véritable passion, Marc Poulet est un personnage haut en couleurs. Il nous reçoit dans son petit coin de paradis, au Parneix, sur la commune de Tarnac.

 

« J’avais des rêves de gamin, se souvient-il. Jeune homme, je travaillais dans une grosse ferme, mais ce n’était pas mon truc. Je voulais un ensemble, tout seul, avec de grands espaces. Et je suis au seul endroit de la région où j’ai trouvé ce que je cherchais en location. Ce fut compliqué, car les candidats étaient nombreux à vouloir cette ferme de 90 hectares presque à l’abandon. J’ai démarré avec le tiers du terrain. Une clairière au milieu des bois, c’était ça Le Parneix. »
Marc envisage alors l’achat d’un cheptel, mais se différencie de son père dans sa conduite. « Lui, explique-t-il, s’est engouffré dans le système des années 1980, où l’on récupérait tout ce qu’il y avait comme terres pour les regrouper en grandes exploitations. La conséquence des années 1960 qui ont vu arriver les engrais chimiques et les tracteurs. Auparavant, le travail était fait à la main et reposait sur l’expérience des Anciens. Mes grands-parents m’ont expliqué tout cela. Dans le village, il y avait quand même trois fermes, le contact était bon avec les voisins qui racontaient leur vie comme elle était : un travail dur, mais payant. Quand ils voulaient acquérir un terrain, ils faisaient des économies. Et je sentais qu’ils étaient heureux, parce qu’ils ne devaient de l’argent à personne. Sans compter que la famille faisait bloc. »

 

La rupture familiale

« Se trouvant à l’étroit, mon père a décidé de partir s’installer ailleurs. Climat trop froid, hiver trop long, territoire montagneux… Moi, je suis resté là, avec mes idées d’antan, à savoir une petite exploitation autonome, en partant de rien du tout. Les banques ne voulaient pas me prêter sans caution. Alors, j’ai démarré avec un tout petit capital que j’avais économisé. C’est là que j’ai trouvé Le Parneix, en mauvais état. Or, si l’on veut faire de la bonne viande, il faut lui donner de la bonne herbe. »
« Je suis parti avec du mouton. Il permet un roulement plus rapide que le bovin, qui, lui, nécessite en outre un plus gros capital. J’ai acheté du matériel avec une aide bancaire pour commencer à défricher, sachant que ce n’était pas sur la ferme que j’allais amortir l’emprunt contracté. J’ai alors fait de l’entreprise à l’extérieur. Et aujourd’hui, le gros matériel que j’ai, ce n’est pas la Politique Agricole Commune (PAC) qui me l’a payé ! Il me fallait aussi trouver d’autres travaux agricoles saisonniers pour pouvoir travailler toute l’année. Tout m’intéressait, même les tâches les moins faciles, ce qui me permettait de parfaire mon expérience chez les autres. J’adaptais mon matériel au fur et à mesure. J’allais avec dans les tourbières que je connaissais par cœur, aussi bien ses zones porteuses que les endroits qui ne l’étaient pas. »

 

De l'ovin au bovin

« Installé en 1981, j’ai vite compris qu’avec les moutons, on ne pouvait pas faire de la viande uniquement à l’herbe. Il faut y ajouter des compléments alimentaires. Sans compter les problèmes posés par les prédateurs, grands corbeaux, renards, et aujourd’hui le loup. Or, je pense que les animaux doivent pouvoir sortir à l’extérieur, comme nous. En tant qu’employé chez les autres, je voyais les vaches, et je me demandais comment elles en étaient arrivées en un aussi bon état. En discutant, j’ai compris que, quand on voyait un beau troupeau, il y avait derrière une génération qui avait bien œuvré. Et on remarquait aussi l’état du terrain environnant. C’est ainsi, qu’au début des années 2000, je me suis lancé dans l’élevage du bovin de La Montagne limousine (appellation plus justifiée que Plateau de Millevaches selon Marc Poulet). Ma centaine d’hectares ne suffisant pas, j’ai trouvé à relouer 105 hectares supplémentaires à Chabannes, en bon état, et avec un troupeau de vaches dessus. C’était le moment de faire le pas. Les Anciens disent toujours : une vache que tu amènes de l’extérieur ne sera jamais chez elle. Seule sa descendance le sera. J’avais envie de voir ces belles bêtes au milieu de mes champs. »

 

À la recherche de demi-vaches

« Il n'y a pas assez de nourriture de qualité sur le Plateau pour les grosses limousines, compte tenu de leur grand gabarit... On ne fait pas de bons veaux ainsi. Moralité, le système est à modifier... C'est ce que disent les Sud-Corréziens quand ils montent sur le Plateau pour acheter des bovins de plus petite taille (500 à 600 kg au lieu de 800 kg et plus), ce qu'on appelle les demi-vaches, plus faciles à nourrir et suffisamment légères pour les zones porteuses des tourbières qu’il faut entretenir. Et ils avaient raison. J’ai alors ramené au Parneix les génisses de bonne souche du troupeau et me suis concentré sur les demi-vaches. La génétique est importante, mais elle se fait aussi toute seule. Taureaux et vaches doivent être adaptés ici pour faire derrière un produit qui marche. »

 

Zéro hectare en propriété

« Mon père avait 200 hectares qui ont fâché toute la famille. La terre ne se partage pas, l’argent oui. C’est plus facile. En agriculture, la solution est peut-être là, car s’endetter toute une vie pour acheter du terrain… Si quelqu’un avait des fonds pour acheter une grosse ferme, je lui conseillerais de les mettre ailleurs. Je comprends les collègues qui se suicident. On n’a pas envie de voir ce qui va se passer quand on arrive au bout du bout. Une ferme, cela peut tourner du jour au lendemain, puisque ce sont les politiques qui commandent, en France comme en Europe. »
Le devenir de l'exploitation ?
« Mon propriétaire ne la vendra jamais. Si je prends ma retraite demain, elle sera dispatchée. Le système des demi-vaches, la plupart n’y croient pas. Ils n’ont pas compris que c’est la seule solution possible sur notre territoire. Je vendrai ce qui est à moi, c'est-à-dire les bâtiments en structures légères que j’ai montés, mais scellés dans le sol et que je n’aurai pas le droit de démonter. Pour cet ensemble en état, avec de bonnes clôtures, il y aura beaucoup de candidats. Tout va partir à l’agrandissement au bénéfice d’une famille installée depuis longtemps, et qui pourra sécuriser le versement du fermage. »
« La solution pour moi, une Exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL). J’ai demandé à ma propriétaire de faire un bail au nom de ma société, liant ainsi mon entreprise aux terres en question. Alors, ma préférence serait d’installer un jeune, dans le cadre d’une culture bio en espérant qu’elle perdure. Aujourd’hui, ma charge de travail a diminué, et malgré une tentative d’association il y a une dizaine d’années pour faire de la vente directe de viande, j’ai l’impression de connaître les meilleurs moments de ma vie. »

 
Propos recueillis par Michel Rouault

 


 

André et Rosette Bessette : « Maintenant, ils vous mettent la tête sous l’eau dès le départ »

Après 13 années de professorat à l’Ecole d’enseignement Technique Michelin de Clermont-Ferrand, André Bessette, rejoint par Rosette en 1969, décide de tourner la page et vient s'installer sur le Plateau.

 

andre bessette« Dans les années 1970, l’agriculture, ça marchait bien ! Or, au Freycinet, mes oncles avaient une ferme et arrivaient à la retraite, et ce, sans successeur. En outre, les terres étaient groupées. Les grands-parents ont acquis la moitié du hameau qui était à vendre en 1930, et dont le sol était bon. » André passe alors le Brevet d’études professionnelles agricoles (BEPA) par correspondance afin de pouvoir bénéficier des aides de l’époque, et opère son retour à la terre le 1er avril 1979.
« On a démarré tout doucement, en achetant des moutons parce que l’investissement tournait rapidement, mais ça ne fonctionnait pas comme maintenant. Aujourd’hui, on dit aux jeunes : il vous faut tant de vaches et telle surface de terrain, un gros tracteur et du matériel. Donc il sera nécessaire que vous gagniez tant pour rembourser le crédit… Ce qui est complètement aberrant. Alors que nous, on produisait, et en fonction des résultats de nos ventes, on se disait : Bon, on peut investir dans ceci ou cela, et on faisait un emprunt. On s’en est bien sortis comme ça. Alors que maintenant, ils vous mettent la tête sous l’eau dès le départ. Et je pense que c’est une volonté politique de faire démarrer maintenant plein pot alors que nous, on a fait notre progression dans la durée. »

 

Les prix, le nerf de la guerre.

« Pour les évaluer, les Anciens se réunissaient sous le manteau de la cheminée la veille de la vente. Aujourd’hui, la question ne se pose même plus, parce qu’on ne discute plus les prix au niveau des maquignons qui n’existent pratiquement plus. Tu mets les bêtes au Groupement, et tu prends ce qu’on te donne. De toute façon, les gens n’ont plus le temps de marchander. Restent les ventes au cadran, mais peu y vont. Il faut déjà avoir les véhicules pour emmener les bestiaux, et c’est presque une journée de perdue. En outre, on ne peut pas intervenir, sauf à dire oui ou non à la fin. »

 

L’adage du paysan qui vit pauvre et meurt riche ?

« Souvent, il y en a qui vivent pauvres et qui meurent pauvres, parce que certains mettent la clef sous la porte. Et ça veut aussi dire que quand on meurt riche, c’est que, à la retraite, tu as vendu tout ce que tu as et que tu te retrouves avec un capital. Mais tu n’en as jamais disposé auparavant. Et puis, à ce moment là, tu paies des impôts… »
« L’esprit a changé chez la plupart des nouveaux agriculteurs. La méthode de travail n’est plus la même. De nos jours, l’agriculteur doit prendre l’ordinateur et faire ses calculs. Là, je vais manger de l’argent si je fais ça, alors je fais autre chose. C’est malsain. Quand on fait quelque chose, on s’investit à fond. Il ne faut pas laisser pousser les ronces, les orties et tout ce qui s’ensuit. Les clôtures fixes ne sont presque plus à l’ordre du jour, elles ont fait place à la clôture électrique. C’est facile, lorsque la végétation a repoussé l’année suivante, on avance les piquets et la batterie. Comme je dis, si les bords en veulent, il faut qu’ils s’approchent du milieu. Et c’est une tendance qui s’est accentuée depuis 10 ans. En entretenant, avec une petite surface, on gagnait autant qu’avec une plus grande qui a été négligée. Nous, on avait 75 hectares de SAU (Surface agricole utile), maintenant, proportionnellement, il nous en faudrait nettement plus de 100. Quand on plantait la charrue dans le champ, on récoltait ce qu’on avait semé. Maintenant, ce n’est plus du labeur physique, c’est du travail intellectuel, de bureau, de gestion des primes ».
« Ils vont quand même bien dans les champs, le reprend Rosette, il ne faut pas généraliser. Si tu exploitais aujourd’hui, tu ferais comme eux. » « Certes, admet André, mais ça me chagrine. Je reconnais cependant que des choses vont bien, il ne faut pas dire. Certains autour de nous ont encore ce qu’on appelle une conscience professionnelle. »
« L’isolement des travailleurs de la terre s’est aggravé. La superficie des exploitations augmente et les journées n’ont que 24 h. Après, il faut savoir se raisonner et ne pas entrer en compétition avec le voisin, aussi bien en termes de surface que de renouvellement de matériel. »

 

La gestion du foncier

Le 1er janvier 2007, l’heure de la retraite a sonné pour André. « En général, souligne t-il, les propriétaires terriens qui ne vivent pas ici sont déconnectés de la réalité et surestiment la valeur de leurs biens. Ils préfèrent aussi louer ceux qui se libèrent à de grosses exploitations, plus sécurisantes en termes de paiement des fermages. En 2007, nous avons loué nos terres et vendu le cheptel et le matériel à Isabelle. Dix ans plus tard, elle arrête pour raisons familiales. La relocation a été plus compliquée : trop grand ! trop petit ! Et pas à vendre ! Finalement, nous nous retrouvons avec… cinq fermiers. »

 

Quid de la transition générationnelle ?

L’installation des jeunes s’opère plus ou moins à plusieurs, avec de la diversification. « La vente de viande en direct en est une, précise André, mais c’est un autre métier, gourmand en main d’œuvre et en temps. La viande est un produit qui ne peut pas attendre, sans compter les problèmes d’abattage, les impératifs sanitaires et la recherche de débouchés. La conserverie de l’OACAS de Tarnac ne peut être qu’une partie de la solution. Sans oublier qu’il faut produire toute l’année pour ne pas perdre les clients. Sans doute ont-ils fait des études de marché. Autre possibilité de diversification, le maraîchage. Beaucoup nous ont contactés à ce sujet, mais sans réaliser qu’ils sont sur le plateau de Millevaches qui n’est pas le meilleur endroit pour cela. Tout le monde ici a son petit jardin. Il faut pouvoir bénéficier des marchés d’une grande ville ! Beaucoup de jeunes qui sont arrivés ont sans doute voulu fuir la ville. Aussi, peut-être acceptent-ils un mode de vie qui leur permet de vivre leur rêve, mais ils ne doivent pas rêver leur vie… Certains se préparent bien, d’autres arrivent un peu léger, avec des animaux mais sans terres pour les accueillir, certains même veulent apprendre aux autochtones comment cultiver ! »
Quant au syndicalisme agricole… « Je suis contre, affirme André. Je défendrai un agriculteur ou un salarié qui a besoin de l’être, mais pas sous une bannière. Les syndicats, eux, défendent leurs fonds de commerce ! » Et les CUMA (Coopérative d’utilisation de matériel agricole) ?
« Il faut du sérieux dans la façon de se servir des outils spécifiques. Et plus c’est grand, plus c’est compliqué. »

 

Photos : Rafaël Trapet
Propos recueillis par Michel Rouault
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