Voici un petit livre d'à peine 90 pages qui renferme sous son modeste format une qualité de propos et d'analyse qui mérite largement les 8,50 € qu'il coûte !
A l'origine un entretien avec Guingouin réalisé en août 2002 par Francis Juchereau et qui constitue la première partie du livre. Plutôt que de revenir sur la période de la guerre et de la résistance, Georges Guingouin prend prétexte de quelques épisodes de sa vie, avant ou après la guerre, pour transmettre quelques enseignements qu'il a pu tirer de son "chemin de Résistances". Il avoue son admiration pour Pierre Leroux et pour toutes les expériences coopératives qui eurent lieu en Limousin : "Ces réalisations traduisent la grande ligne politique d'émancipation de l'homme par les travailleurs associés énoncé par Karl Marx. Nous y retrouvons aussi la marque du grand combat de Jean Jaurès pour la création de la coopérative ouvrière d'Albi". Leroux, Marx, Jaurès : en se référant aux "pères fondateurs", Guingouin réaffirme la vivacité de son espoir en l'homme, et ne rend que plus sévères ses jugements sur leurs fils putatifs qui de Staline aux apparatchiks du PCF (Maurice Thorez, Jacques Duclos, Jeannette Vermeersch, Waldeck-Rochet, Plissonnier et Marchais en prennent pour leurs grades !) trahirent la confiance que le peuple avait mis en eux. Ce qui nous vaut quelques maximes qui prennent toute leur force d'avoir été éprouvées par l'événement : "Ce n'est pas le bruit - parole ou bavardages - qui montre, au fond, la valeur des individus : ce sont les actes". Ou, à propos de la pratique du secret au sein du parti communiste : "Ce phénomène du secret des sphères de pouvoir s'inscrit dans l'histoire de l'humanité. Dans les premières sociétés humaines historiques les groupes dirigeants étaient sacrés. Puis dans les sociétés modernes la fonction dirigeante perdit son caractère sacré : le secret remplaça le sacré". Interrogé sur le mouvement altermondialiste comme réponse aux grands problèmes de l'heure, Guingouin répond : "Il y a un foisonnement, c'est certain. Du moment qu'en haut il y a échec, à la base il y a recherche".
Dans une seconde partie, Gérard Monédiaire, tente de décrypter ce qui peut expliquer le cheminement d'éternel résistant de Georges Guingouin. En suivant son itinéraire, il propose en fait une réflexion générale sur "les rapports, toujours problématiques, entre liberté individuelle et immersion dans une époque donnée, en l'occurrence le XXème siècle". On ne saurait trop conseiller le lecteur intéressé, ou peu informé de l'itinéraire de Guingouin, de se reporter chez le même éditeur aux ouvrages déjà parus de Michel Taubmann (L'affaire Guingouin), Gérard Monédiaire (Georges Guingouin, premier maquisard de France) et Georges Guingouin lui-même (Quatre ans de lutte sur le sol limousin).
Michel Lulek