La porcherie industrielle de Domps n'arrête pas de défrayer la chronique. Elle avait pourtant le triomphe facile le 9 juillet 2002. Avec l'appui des organisations professionnelles, de l'administration et d'un commissaire enquêteur à la botte des firmes bretonnes - ès qualité "en cochonnerie"- elle obtenait l'autorisation d'agrandir ses ateliers. Sa production pouvait atteindre plus de 8 000 porcs à l'année. Avec force trompettes et tambours de ses affidés, ses fournisseurs promettaient la réalisation d'une fabuleuse station expérimentale de compostage. Le lisier mélangé avec de la paille et séché devenait inodore et produisait un compost de fertilisation commercialisable. "Touche pas à ma porcherie", c'est un modèle pour l'empire limougeaud de Madrange.
Mais patatras, au mois de janvier 2005 voilà nos cochons à nouveau hors la loi. La municipalité d'Eymoutiers, découvre dans sa forêt sectionnale de Souffrangeas un important dépôt de lisier mêlé à du compost sur le bord d'une piste forestière. Le coupable de l'infraction est vite trouvé, la porcherie industrielle "modèle" est mise en demeure de renvoyer le produit dans son dépôt de compostage. Au mois d'août un nouveau dépôt de lisier et de compost est découvert sur d'autres parcelles sectionnales et en proximité des périmètres de captage d'eau potable.
Depuis plusieurs mois la porcherie industrielle de Domps est aux abois. Elle est submergée par son lisier comme le signale un rapport effectué par un bureau d'études, de surcroît breton lui aussi. Il écrit en juin 2005 : "les risques de débordement des fosses et de toutes les conséquences dommageables pour l'hygiène et l'environnement sont à craindre. Un débordement des fosses entraînerait un écoulement direct vers le fossé et vers le ruisseau situé en contrebas : la Combade, affluent de la Vienne. C'est la raison pour laquelle diverses mesures, qui n'avaient pas été prévues dans le dossier soumis à l'enquête, ni dans l'arrêté préfectoral, doivent être mises en place de façon urgente".
"La situation anormale de l'insuffisance de l'installation de compostage" appelait des mesures exceptionnelles. Puisque l'on "considère que l'intégralité du lisier produit par les animaux ne peut pas être traité par la station de compostage", le simple bon sens exigeait la réduction de la production de manière à l'ajuster à la capacité de compostage.
Et bien non, c'est tout le contraire que propose le rapporteur. Avec toute une panoplie d'arguments techniques, il fait la démonstration que le nouveau lisier à moitié ou mal composté ne présente pratiquement plus aucun risque. Ce lisier faussement composté peut donc être répandu sans danger pour la sur-fertilisation des sols ou pour l'environnement ! Alors une seule solution : ne craignons pas d'étendre et de surcharger le plan d'épandage. Et pour rester dans la logique industrielle : aussitôt dit, aussitôt fait. Et les tas de lisier se multiplient dans la campagne.
Mais la perversion de ces mesures exceptionnelles ne s'arrête pas là. Pour couronner le chantage de son outrecuidance le lobby industriel porcin s'est drapé dans la couverture de l'autorité administrative. Et pas n'importe laquelle, s'il vous plaît. Sans barguigner il en appelle à la casquette de Monsieur le Préfet de Région. Celui-ci a concocté un arrêté préfectoral, le 11 août 2005.
Un véritable modèle du genre dans l'habileté et la subtilité du langage administratif sous tutelle des lobby industrialo-agricoles. Avec un luxe de prescriptions d'une prudence pateline mais néanmoins soumises aux entortillages du bureau d'étude breton il autorise la porcherie industrielle à poursuivre ses activités.
Pendant dix huit mois jusqu'à l'automne 2006 elle peut épandre son superflu de lisier sur les communes de Chamberet, Domps et Eymoutiers. Dans son langage casuistique le préfet parvient même à faire oublier ce qu'est le lisier.
A l'exception du considérant cité plus haut, dans son arrêté préfectoral il n'est question que "d'effluents liquides" ou de "percolat". A croire que ses doctes rédacteurs ont lu dans le marc de lisier l'art et la manière de garantir "la protection de l'hygiène et de l'environnement". Face à cette supercherie administrative, des élus ont déjà réagi pour manifester leur désaccord.
Des communes ont délibéré pour refuser l'extension du plan d'épandage. Le syndicat intercommunal Monts et Barrages dénonce l'activité de la porcherie de Domps comme contraire à sa charte de développement. Il rappelle en outre à Monsieur le Préfet que "l'autorisation du premier arrêté avait déjà été prise dans un climat de large contestation de la population". Et on doit s'étonner que dans les considérants de l'argumentation de l'arrêté préfectoral, il ne soit fait aucune référence à la charte du Parc Naturel Régional. Il est vrai que pour sa rédaction le lobby porcin n'a pas cessé de faire pression pour aligner les normes de la charte sur ses seules revendications .
D'ores et déjà, le président de l'association Sources et Rivières du Limousin a déposé le 5 octobre un recours auprès du tribunal administratif. Il lui demande "d'annuler l'arrêté préfectoral,(…) d'ordonner la suspension de l'activité de la SARL Madrangeas Vialle tant que la station de compostage n'est pas rendue opérationnelle".
Aujourd'hui c'est à l'opinion publique de se mobiliser pour enjoindre le préfet de revenir sur son arrêté. Comme il se doit de respecter l'engagement qu'il a pris au nom de l'Etat pour la création du Parc Naturel. La population du Millevaches n'a pas à payer les dégâts de l'incurie de l'exploitant ou celle de ses fournisseurs et de son suzerain limougeaud. Il doit exiger que la porcherie industrielle de Domps réduise sa production à la mesure de ses capacités de compostage, et fasse la preuve de son fonctionnement d'ici à deux ans.
Alain Carof