L'hommage d'Armand Gatti à Georges Guingouin.
Dans un tableau gigantesque intitulé "Le Cyclope", Paul Rebeyrolle avait rendu par la grâce de la peinture, un grandiose hommage à son ami Guingouin.
Il manquait au "premier maquisard de France" un monument de la même trempe, tracé cette fois avec des mots, que seul un poète pouvait construire. C'est chose faite avec un poème fleuve de plus de 120 pages qu'Armand Gatti vient juste de terminer et qu'il a bien voulu nous confier pour que nous en publions ici un (court) extrait.
Ce texte, fort, heurté, imprégné d'Histoire et de luttes, est scandé de mots qui reviennent régulièrement, et d'abord (d'où le titre de l'oeuvre) les cinq noms que porta Guingouin durant la Résistance : Lo Grand comme l'appelaient les gens du pays, Le Chêne qui disait sa puissance, L'Orage nom que lui donnèrent les déserteurs russes faits prisonniers après la bataille du Mont Gargan, Bootstrap nom de guerre que lui attribuèrent les parachutistes anglais du 3ème SAS, et Raoul, son nom de maquis. Gatti explique que ces cinq noms de Résistance furent "les clefs de gamme" de l'épopée de Guingouin. Ce sont aussi les clefs de gamme de son hommage à la "Résistance guérillère" et à son héros. Les combats maquisards sont "comme notes de musique d'une symphonie à inventer" que Gatti, au fil des lignes invente, installe dans la puissance des mots, des phrases et de la mélodie qui rythme ce texte. On l'entend déjà, ce poème symphonique, dans le vent qui souffle l'hiver sur le plateau, dans le balancement des arbres de la forêt de la Berbeyrolle où Gatti rencontra pour la première fois Raoul-Le Chêne-L'Orage-Bootstrap-Lo Grand.
Cinq fois Georges Guingouin
Jaillissant
comme un bouquet de fleurs roses de bruyère
dit que les combats du maquis
sont un parfum
dont les arbres portent la verticalité
Les mille sources du Plateau
se mettent aussitôt à chanter
La Corrèze
La Creuse
La Vézère
et la Vienne en sont la portée
avec comme clef :
- les vieilles hêtraies, les futaies ouvertes
- les couvertures des tourbières avec lesquelles s'abriter de l'intempérie
- les châtaigniers qui avaient plus d'une fois sauvé des familles de paysans de la famine
- la main de l'industrie qui se levait dans le paysage en signe de complicité
- les gorges où les ruisseaux crient la solitude de la pierre
- les traits d'eau dans les sous bois mousseux donnant naissance à des pactes secrets
- deux mille excavations qui disent encore les mines d'or petits reliefs évocateurs des luttes des travailleurs que recouvrent maintenant des friches boisées.
Les sources y sont tutoiement continu.
Le Limousin restera-t-il
la symétrie des pays de la Longue Marche
dont les troubadours médiévaux disaient déjà
qu'en lui
le moindre jardin
valait mieux que la richesse et l'argent
sur une autre terre
Ô Georges Guingouin
Avec ton nom multiplié en Raoul, (lo) Grand,
l'Orage, le Chêne, Bootstrap
les acacias des quatre rivières
élisent en quatre saisons ta présence
Le vent dans les arbres n'est-il point l'univers
qui parle ?
Pour le maquisard
le chêne de la Berbeyrolle était
le psalmiste, en chants de la nature,
dans lequel
s'agrandissait
une façon d'être sur terre
Qu'est-ce qu'un maquisard ?
une bouteille jetée à la mer
Le poème de Gatti "Les cinq noms de Résistance de Georges Guingouin" sera publié à l'automne aux éditions Le Bruit des Autres à Limoges.