Depuis la loi sur l’eau de 1992, la France a instauré une gestion de l’eau par grands bassins hydrographiques. Au nombre de six, chaque bassin est géré par une Agence de l’eau qui a en charge la réalisation et le suivi de son SDAGE : Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux. Le Limousin et le plateau de Millevaches en particulier, situés sur une ligne de partage des eaux, se trouvent sur un territoire de “tête de bassin versant“, à cheval entre le Bassin Loire-Bretagne, incluant une grande partie de la Haute-Vienne et de la Creuse, et le Bassin Adour Garonne, incluant la Corrèze et l’extrême sud de la Haute-Vienne. La Directive Cadre Européenne sur l’Eau (DCE) adoptée en 2000 demande aux Etats membres la mise en œuvre d’une gestion concertée de la ressource en eau et leur impose une obligation de résultat ayant pour objectif “d’atteindre le bon état de toutes les eaux à l’horizon 2015“. Pour répondre à ces obligations, la France doit réviser son premier SDAGE qui date de 1996.
En 2004 un état des lieux a été réalisé sur les six sous-bassins que compte le Bassin Loire Bretagne. En 2005 le comité de bassin, constitué de représentants de l’ensemble des acteurs, a commencé à travailler autour des 15 grandes questions de la première consultation publique. Issu de ces travaux, le SDAGE décrit, pour une période de 6 ans, la stratégie adoptée pour retrouver un bon état des eaux en tenant compte des facteurs naturels, techniques et économiques, sur chacun des sous-bassins. Il aborde tous les sujets qui font la gestion de l’eau : aménagement des cours d’eau, pollutions, maîtrise des prélèvements d’eau, protection de la santé, préservation des zones humides, du littoral et de la biodiversité, inondations, etc. C’est un document opposable devant la loi qui propose un programme de mesures chiffrées et localisées.
Premier constat, le principe “pollueur -payeur“ n’est absolument pas pris en compte dans la nouvelle tarification des redevances payées à l’agence. Ce sont les ménages qui supportent la majeure partie des redevances alors que la lutte contre les pollutions agricoles et industrielles dépasse 50 % des dépenses prévues dans le projet de SDAGE ! Deuxième constat, le nouveau projet de SDAGE devait préserver les têtes de bassin mais de fortes contradictions existent entre les objectifs attendus dans le document du SDAGE et les moyens mis en oeuvre pour les atteindre à travers notamment le programme de mesures. La fragilité des têtes de bassins, leur vulnérabilité face aux pollutions actuelles, ne pourra attendre la dépollution complète (?!) de toutes les masses d’eau en aval. Il faut agir simultanément sur les deux fronts : celui de l’aval et celui de l’amont des cours d’eau. On devrait appliquer dans le SDAGE un “principe de précaution“ sur les têtes de bassin.
Réduire le phosphore et l’eutrophisation
Le SDAGE prévoit de poursuivre la réduction des rejets directs de phosphore. Les plans d’eau identifiés comme étant un réel problème sont ceux de plus de 50 ha. Le SDAGE fait abstraction totale des territoires sensibles, à forte densité de plans d’eau, construits en majorité sur des petits cours d’eau comme sur le bassin Vienne Creuse (17 000 plans d’eau recensés), pourtant identifiés comme une des causes majeures de la forte dégradation de la qualité des masses d’eau. Il faut donc interdire le rejet de tous phosphates industriels et domestiques dans les dispositifs d’assainissement d’ici à 2015 et mettre en place des mesures spécifiques sur les territoires de tête de bassin à forte densité de plans d’eau quelle que soit leur taille, à partir du moment où ils compromettent la restauration physique et fonctionnelle des cours d’eau.
Maîtriser la pollution par les pesticides
Le SDAGE demande assez timidement la promotion des méthodes sans pesticides, la formation des professionnels, la prise de conscience des utilisateurs. Mais il ne fixe aucun objectif chiffré à atteindre en 2015 pour réduire l’usage des pesticides, aucune mesure stricte concernant la protection de la qualité des eaux à proximité des aires de captage d’eau destinée à l’alimentation en eau potable. Il faut donc restreindre ou interdire l’utilisation de pesticides par arrêtés préfectoraux aux zones amont des têtes de bassin versant, en raison de leur grande vulnérabilité aux pollutions de surface et de l’absence de nappe profonde permettant une réserve d’eau potable. Un programme chiffré annuel visant la réduction de 50% des pesticides en 2015, en agriculture et dans les espaces publics doit être mis en place sur l’ensemble des territoires. Il faut enfin interdire tout usage de pesticides dans les périmètres rapprochés des captages.
Réduire les pollutions organiques
Bon nombre de petites collectivités en milieu rural n’ont pas construit les stations d’épuration collectives définies dans leur plan de zonage d’assainissement, du fait de la complexité de réaliser des petites unités et de la disparition des financements de l’Agence de l’eau. En conséquence, les rejets continuent de polluer. Il faut donc aider à l’amélioration de la collecte et du traitement des eaux usées collectives, quelle que soit la taille des agglomérations, dans les zones de tête de bassin (en raison de leur grande vulnérabilité aux pollutions de surface) situées en amont des zones de captage d’eau destinée à l’alimentation en eau potable.
Préserver les zones humides
Les zones humides prennent une place importante dans le projet de SDAGE par leur intégration dans les documents d’urbanisme. Sur les territoires des SAGE (Schéma d’aménagement et de gestion des eaux), des inventaires précis peuvent être réalisés. Hors SAGE ces inventaires restent à la bonne volonté et à la charge financière des collectivités. Il faut donc imposer à toutes les collectivités d’identifier les zones humides et de définir les zones humides d’intérêt environnemental ou stratégique pour la gestion de l’eau, en vue de leur intégration dans les PLU (Plans locaux d’urbanisme).
Bernadette Freytet
responsable du CPIE Creuse et membre des Verts
Pour en savoir plus : www.eau-loire-bretagne.fr