Guy Dubrulle : Elle prend tous les visages et concerne tous les âges. Si 80% des personnes concernées ont un niveau d’étude équivalent au brevet des collèges ou au CAP, nous avons aidé des Bacs+5 connaissant de longues périodes de chômage. Quant aux retraités vivant dans la pauvreté, leur nombre ne cesse de croître. Globalement, les demandes sont en augmentation et nous avons à faire à des dossiers de plus en plus durs et coûteux alors que les dons que nous recevons stagnent. Cela nous conduit à faire des choix et à diminuer nos interventions auprès de chacun. C’est-à-dire que nous ne les aidons plus à payer les factures d’électricité et d’eau. C’est aussi parce que nous considérons que cela relève de l’Etat et il a de plus en plus tendance à se reposer sur nous.
Paulette Lagedamont : Le constat est à peu près semblable. Nous accueillons des moins de 25 ans qui n’ont droit à aucune aide, des personnes âgées, des mères élevant seules leurs enfants mais aussi des familles dont les parents sont en fin de droits.
G.B : Nous avons le cas de personnes âgées avec de petites retraites qui ont du mal à faire face aux dépenses quotidiennes et qui lorsqu’elles ont un problème de santé, ne peuvent pas payer les frais médicaux. A Ussel, ce sont des jeunes qui ne trouvent pas de travail proche de chez eux mais ne veulent pas s’éloigner de leur famille. Bien souvent ils sont en fin de droit et ne peuvent plus payer les factures d’électricité de leur logement mal isolé et chauffé avec des convecteurs électriques. J’ai en mémoire le cas d’agriculteurs qui rencontraient de gros problèmes de trésorerie. Je pense à des éleveurs de bovins viande qui doivent payer tous les mois des charges très lourdes alors qu’ils n’ont qu’une à deux entrées d’argent par an, lorsqu’ils vendent leurs bêtes. Ils font appel à nous lorsque la situation devient intenable et qu’ils ne peuvent plus payer leurs factures.
Il y a aussi des nouveaux habitants qui viennent ici pour changer de vie et parce que l’immobilier est moins cher. Ils achètent une maison et se lancent dans leur projet sans se rendre compte que le plateau de Millevaches peut être usant avec son climat, les distances à parcourir au quotidien, l’isolement. Lorsqu’ils ne peuvent plus payer et que la vie devient trop dure, ils finissent par repartir.
P.L : Dans la majorité des cas, ce sont les assistantes sociales qui nous envoient des personnes sans autres précisions que le type d’aide à leur apporter (dons de vêtements ou colis alimentaires), ce qui fait que nous ne connaissons pas la nature des difficultés qu’elles rencontrent. Et puis, lorsque nous discutons avec elles, c’est très rarement de leurs problèmes. Elles ne se confient pas.
G.B : Si à Ussel nous pouvons encore agir à temps, ce n’est plus le cas sur des secteurs comme Sornac, Bugeat ou Treignac. Nous n’y intervenons que lorsque les personnes sont déjà dans une grande difficulté. Il faut comprendre qu’il nous est difficile de nous rendre dans les campagnes car les bénévoles doivent à chaque fois effectuer de nombreux trajets, consommateurs de temps et de carburants. Et tout ceci se fait à leurs charges car les dons que nous recevons sont destinés aux personnes nécessiteuses.
Enfin, il est très difficile de repérer les personnes dans la pauvreté, même pour un voisin ou un élu. Elles ont leur fierté, se replient sur elles-mêmes et ne font appel à l’aide qu’au tout dernier moment. Et là, ... pour certaines situations, c’est du Zola!
P.L : Nous rencontrons nous aussi des difficultés pour nous déplacer et nous ne sommes pas suffisamment de bénévoles. Lorsque les personnes ne peuvent venir à nous, ce sont les assistantes sociales qui viennent chercher les colis pour les distribuer à qui en a besoin.
Propos recueillis par Frédéric Thomas