Après la disparition des cabines téléphoniques1, puis la fin des nouveaux abonnements à la téléphonie fixe
RTC2 en 2018, c’est désormais l’ADSL qui est en sursis. Fin janvier, Orange a présenté son plan de fermeture du réseau téléphonique en cuivre, qui sera entièrement démantelé d’ici 2030. Soi-disant « trop coûteux à entretenir », « trop vieux », « trop lent », ce bien commun, financé par les contribuables pendant des dizaines d’années, va être liquidé sans état d’âme. L’opérateur espère tirer un bon prix de ce million de kilomètres de câbles de cuivre sur le marché des matières premières secondaires, mais aussi faire de grosses économies à l’avenir en diminuant le coût d’entretien du réseau3 et en continuant à supprimer du personnel4.
Un peu partout sur le territoire, des milliers de câbles de fibre optique sont déployés et l’obligation de souscrire à un abonnement « fibre » plus onéreux pour pouvoir se connecter à Internet à la maison et utiliser un téléphone fixe est déjà une réalité pour dix millions de foyers en France… Cela deviendra progressivement le cas pour tous les autres dans les prochaines années.
Comme d’habitude, on veut nous faire croire que ce changement est naturel et inéluctable (le cuivre, c’est le passé ; la fibre, c’est le futur), alors que l’orientation de la technologie dans telle ou telle direction est toujours un choix politique, uniquement dicté par la recherche perpétuelle du profit. Car personne n’a besoin de la fibre, mis à part l’État, les opérateurs de télécommunication et les industriels qui misent entièrement sur elle (et sur sa jumelle « sans fil », la 5G) pour faire revenir la croissance à deux chiffres et faire advenir la société ultra-connectée et ultra-contrôlée de leurs rêves : smart cities avec leurs caméras de surveillance biométriques à tous les coins de rue, véhicules électriques et autonomes qui communiquent entre eux, téléadministration, télétravail, télémédecine, téléenseignement, télé-justice et donc encore et toujours plus de robots, de millions d’objets connectés inutiles, d’algorithmes biaisés, de pétaoctets de données personnelles collectées et – de facto – de souffrance au travail, de chômage de masse, de pauvreté subie, d’émission de gaz à effet de serre, de pollution des milieux naturels, de destruction de la biodiversité... Bref, vous voyez le topo. « Toujours plus vite, toujours plus fort, toujours plus loin (et toujours plus de dividendes pour les actionnaires5) », le leitmotiv viriliste du capitalisme industriel et de ses apôtres reste invariablement le même depuis deux siècles et le mythe du Progrès en marche relègue toujours davantage de personnes en marge. Sortiront-elles de leur torpeur à temps, pour se coaliser contre les marchands de tapis connectés ?
Ygor