L’utilisation du lait dans la société traditionnelle de la Montagne limousine.
Nous sommes dans un territoire qui connaît deux mots pour traire : justar à l’Ouest et mólzer à l’Est.
Oh, nous ne sommes pas sur les riches planèzes auvergnates ni dans les gais bocages normands. Les troupeaux de vaches du pays n’étaient pas uniformes comme aujourd’hui : ferrandaises, marchoises, limousines, charolaises, et quelques brettes (normandes) chez les mieux lotis, sans parler de ces vaches à la robe disparate, le tout dans un même troupeau. Toutes étaient traites, sans distinction de race.
Revenons à notre préoccupation du jour : le lait et comment il était transformé et consommé. Le lait une fois trait était passé dans lo colador, « le couladou » / passoire pour filtrer le lait, et mis à reposer pour permettre à la crème de monter à la surface. Cette crama / crème régulièrement collectée allait dans lo topin cramier, « lou toupi cramier » / le pot à crème (ça ressemble à un vinaigrier) avec son petit robinet au bas du récipient pour vider le lait.
Lorsqu’il y avait assez de matière on faisait le beurre. Beurre fait à la baratte (allez visiter le musée d’Ussel ou le domaine de Banizette si vous voulez voir la diversité de ces engins) ou à la main. Bien brassé – il faut extraire au maximum l’eau du beurre – pour avoir un bon produit.
Nous n’en avons pas encore fini avec le beurre. L’eau du beurre, la gaspa, le rier-burre / le babeurre était réchauffé et égoutté dans una fata / une toile pendue sous l’escalier pour faire un excellent fromage : lo matau, le gaspier. Après séchage, on avait un fromage blanc consommé salé ou sucré (un pauc de matau, dau vin e dau miau... comme dit la chanson) ou additionné de poivre et de fines herbes, affiné dans le foin : lo copin, « lou coupi ». Ce fromage en boule (séchage dans une toile oblige) n’est qu’un proche parent du Gaperon, ce fromage au poivre et à l’ail des Limagnes d’Auvergne (Je lance un appel aux producteurs laitiers du pays pour refaire ce petit fromage!).
Le lait, écrémé, réchauffé, recevait un petit morceau de presor / présure (caillette de veau séchée) pour permettre la prise du lait. Devenu « dur » le caillé était coupé au couteau pour une séparation plus rapide du petit lait / lo mesgin, « lou mégi ». Ce caillé était mis dans un moule, salé et retourné plusieurs fois pour un meilleur égouttage.
Le lendemain, la calhada / le caillé était posée sur un plateau en bois couvert de paille, la calhadiera, la seita, la chesta. Une fois sec, le fromage allait à la cave dans une maie pour terminer son affinage caractérisé par l’apparition sur la croûte, de fleurs rouges ou jaunes et l’arrivée daus artisons, daus clissons / des acariens, tous signes prometteurs d’un bon formatge.
Et le petit lait alors ? Le petit lait servait à faire las crespas de blat negre, était parfois bu et bien souvent utilisé dans la bachada daus ganhons / la pâtée des porcs.
Et le lait tout seul ? Il allait dans la plupart des plats : soupe, pommes de terre, châtaignes, et même pour la blanchida / lait froid avec du pain l’été (consommé pendant les foins).
Jan Mari Caunet, IEO