cyclisme

  • Abécédaire du cyclisme limousin

    francis duteilÀ Saint-Yrieix-la-Perche, le 15 mai 1967, Francis Duteil victime de la loi du milieu.

    Pour prendre le départ du traditionnel Prix de la Place de la Nation à St Yriex, Francis Duteil, étoile montante du cyclisme périgourdin, a posé les béquilles qui l’ont aidé à aller jusqu’à son vélo. Un an aupravant, le lundi de Pâques 1966, à Nontron, il a été victime d’un très grave accident en course, percuté par une voiture arrivant à contresens ; il en gardera des séquelles toute sa vie. Bien avant d’être guéri, il a repris tant bien que mal l’entraînement et même la compétition tout en ayant encore besoin de béquilles. Les meilleurs régionaux sont au départ, notamment le groupe des limougeauds réunis autour de l’ex-professionnel Hubert Fraisseix, ami de Raymond Poulidor avec qui il a débuté la compétition. Avec ses alliés, Fraisseix a mis sur pied ce que le règlement appelle une « entente en course », prohibée entre coureurs de clubs différents, pour les amateurs de cyclisme les plus au fait des mœurs du peloton, cette alliance est qualifiée de « mafia » : le groupe fonctionne comme une équipe, avec mise en commun des efforts de tous et partage les gains. Mais, « les affaires étant les affaires », les mafias ne font pas de sentiment avec ceux qui ne font pas allégeance. Ainsi, peu après le départ de la course de St Yriex, Duteil attaque et s’échappe avec Fraisseix dans sa roue qui refuse obstinément de le relayer mais le saute sur toutes les primes, et, à l’arrivée, Fraisseix l’emporte sans vergogne. Même les spectateurs les plus ignorants des pratique du peloton ont, ce jour là, compris l’inélégance (c’est un euphémisme) du procédé.
    Francis Duteil n’eut pas un mouvement de révolte, qu’il savait vain ; il était depuis longtemps informé de ce fonctionnement puisque son père Marius fut, avant lui, un des meilleurs coureurs régionaux (champion de Limousin 1947). Il se rassurait en sachant que Fraisseix, obligé de partager ses gains avec ses alliés, avait gagné moins que lui, et en se disant qu’il prendrait bientôt le dessus sur ces alliances âpres au gain ; ce qu’il réalisa dans les années qui suivirent, notamment lorsqu’il écumait les plus belles courses du Limousin, du Poitou-Charentes et d’Aquitaine avec Michel Dupuytren, Yves Nicolas et Marc Durant. Rappelons qu’il a été deux fois champion de France amateur en 1976 et 1979. Aujourd’hui, Hubert Fraisseix a 86 ans, et il évoque avec une certaine fierté cette époque où « il était le chef » et « c’était lui qui faisait le partage ». Il ajoute que c’est à ce moment-là qu’il a compris qu’il était un meneur d’hommes, qu’il avait des qualités de manager, et il affirme que cette expérience lui a beaucoup servi quand il est devenu chef d’entreprise, domaine dans lequel il a connu la réussite.

     

    À Yssandon, les grimpeurs étaient à l’honneur.

    Depuis la tour du Puy d’Yssandon, on a un point de vue remarquable sur le bassin de Brive, qui s’étale en contrebas. Yssandon, bourg proche d’Ayen, a vu se dérouler, chaque dernier week-end d’août, de 1966 à 1985, une course cycliste réputée pour la difficulté de son parcours. Réservée aux coureurs régionaux, contrôlée par l’UC Brive, elle a vu des coursiers de belle renommée inscrire l’épreuve à leur palmarès.
    Les brivistes sont les plus nombreux : J.P. Borderie, Raymond Cluzant, Guy Massias, Guy Le Solliec, Pascal Peyramaure, encore junior, en 1984, et J.C. Broussole, sont tous montés sur la plus haute marche du podium. Plusieurs coureurs de la Dordogne figurent également au palmarès : Patrick Duteil (CC Périgueux), Francis Galy (Sarlat), Robert Bibié (CCP) et Stoïkovitch (Bergerac). Marc Lagrange, le creusois de la Souterraine, et le limougeaud (UVL) Guy Biojout font figure d’exception.
    Parmi ces vainqueurs, seul Pascal Peyramaure a connu le professionnalisme : avec Z Peugeot en 1988 et 1989 et Mosoca en 1990. La course d’Yssandon est un bon exemple de ces multiples courses organisées en Limousin, des années 1960 aux années 1990, qui ont permis à de très nombreux cyclistes de pratiquer leur sport prés de chez eux et, pour les meilleurs, de débuter leur carrière.

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : H comme Valentin Huot

    valentin huotJe me souviens de Paris-Limoges 1954 : Valentin Huot, le régional (de Dordogne) gagne cette classique  longue de près de 400 km, au nez et à la barbe des meilleurs professionnels français et belges (2e : Van Geneugden, 3e : Sabbadini). Auparavant, il s'était seulement illustré dans des compétitions régionales. Il faut rappeler que, dans les années 50 et jusqu'en 1963, la Dordogne faisait partie du comité du Limousin de cyclisme, avec les trois départements de la future région Limousin. Les journaux régionaux célébrèrent donc la victoire d'un coureur local, ce qui n'était jamais arrivé depuis les débuts de l'épreuve, et donna un écho formidable à ce succès.

    Je me souviens du Tour de France 1956, durant lequel Georges Briquet – le plus célèbre radio-reporter de l'époque (originaire de Limoges) – prononçait “huotte“ et narrait les exploits en montagne de Valentin, rivalisant avec Bahamontès et Gaul. Notre dordognaud termina 3e du Grand Prix de la Montagne.

    Je me souviens des championnats de France de 1957 et 58, qui permirent à Valentin Huot de se vêtir deux ans de suite du maillot tricolore. Son premier titre, remporté au sprint face à Rohrbach, donna lieu à une polémique accusant Huot d'avoir profité du travail de son compagnon d'échappée. Par contre, son deuxième sacre national ne souffrit, lui, d'aucune réserve. À Belvès, en Dordogne, tout près de chez lui, il l'emporta au finish sur un parcours très sélectif, devant Raphaël Géminiani et Francis Mahé. C'était vraiment la consécration pour Valentin, qui confirma son niveau en terminant 6e du championnat du monde à Reims.  Jouant la 3e place au sprint face à Darrigade, alors que Baldini l'emportait devant Bobet.

    Dans l'abondant palmarès de Valentin Huot, nous nous contenterons d'évoquer le Grand Prix du Midi Libre en 1960. Ce coureur était un individualiste, se pliant difficilement à la discipline d'équipe. Ce qui explique que, malgré 6 participations au Tour de France, il ne courut jamais dans l'équipe nationale, mais toujours dans l'équipe régionale “Sud ouest“. Il a arrêté sa carrière en 1964, devenant fraisiculteur à Manzac sur Vern, tout près de Creyssensac, son lieu de naissance (1929). Dans les environs de Vergt, capitale de la fraise en Dordogne.

    Je me souviens de sa tentation pour l'écriture : en 1999, Huot publia un livre de souvenirs : Clous et vélo percé, sous-titré Noblesse du pauvre. Présenté comme un ouvrage sportif original, il aborde beaucoup de sujets, comme “le dopage, l'âme de la vertu face à l'arbre de la science“. On voit avec ces citations qu'il n'hésitait pas à énoncer des phrases ronflantes ! Il raconte aussi une histoire difficilement crédible : à l'issue d'une étape de Tour de France disputée sous la canicule, il était tellement déshydraté qu'il avait bu 40 litres d'eau minérale dans la soirée ! 

    Valentin Huot : un personnage haut en couleurs, un petit qui n'avait pas peur des gros, s'est éteint le 21.11.2017 à 88 ans.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : I Comme Interval training

    Ce terme, correspondant en français à “entraînement fractionné“, a été introduit dans le cyclisme au début des années 60, en adaptant des pratiques venues de l’athlétisme. Pour ses partisans, ce type d’entraînement, qui alterne temps de travail en intensité et temps de récupération active, était jugé plus efficace et moins contraignant que les longues sorties foncières. Depuis, la technicité de l’entraînement s’est considérablement développée, ce qui aboutit actuellement aux compteurs sur le vélo, répertoriant et quantifiant de très nombreux paramètres : pulsations cardiaques, puissance développée, temps mis sur telle ou telle ascension, dénivelé, etc …

     

    Pour les sceptiques, l’entraînement classique sur les routes accidentées du Limousin soutient la comparaison avec la préparation dite “scientifique“. En effet, on y retrouve naturellement l’alternance entre temps de travail (les montées) et temps de récupération (descente et plat), avec de surcroît le plaisir esthétique : contemplation d’un paysage varié, stimulant la curiosité. 

    L’entraînement traditionnel, basé sur des sorties foncières assez longues, à allure modérée, convenait très bien lorsqu’il y avait de nombreuses compétitions ouvertes aux différentes catégories. Un adage affirmait que “le meilleur entraînement, c’est la course“. Il est sans doute encore valable, mais les courses se font rares, et il devient nécessaire de se préparer sérieusement pour les aborder. De là découle la nécessité d’un entraînement très technicisé, également favorisé par la fascination de beaucoup pour ce qui apparaît nouveau, moderne, et de surcroît scientifique.

     

    Italiens 

    salviniL’Italie, au même titre que la Belgique et la France, a vu naître et se développer, tout au long du XX è siècle, la compétition cycliste. Les “campionissimi “ successifs (Girardengo, Binda, Bartali, Coppi) et les classiques prestigieuses telles Milan-San Remo et Tour de Lombardie sont les principaux marqueurs de cette culture cycliste.

    Les travailleurs italiens ont été souvent conduits à fuir le pays pour des raisons politiques (le fascisme) ou économiques (la misère, notamment dans le sud) pour s’installer en France ou en Belgique.

    Nombre d’entre eux sont venus en Limousin, avec par exemple des tailleurs de pierre, en Creuse sur les flancs du Maupuy ou la région de Sardent. La compagnie creusoise “Le chat perplexe“ a publié un livre intitulé “Cogner le granit“ (Les Ardents Editeurs, 2015). L’ouvrage reprenait le titre du spectacle présenté auparavant sur de nombreuses scènes. On y retrouve la vie quotidienne de ces ouvriers italiens, avec sa rudesse, et leur farouche volonté d’intégration dans la société creusoise.

    Plusieurs d’entre eux ont pratiqué le cyclisme, notamment au sein de l’A.C.C. (Amicale Cycliste Creusoise), le grand club de Guéret. Les frères Bravin - Roland, Dino et Jean-Paul – les Martin, Dante Battaïni sont de ceux-là. Ailleurs en Creuse, Armand Salvini (Aubusson) et les Bastianelli (Evaux-les-Bains), allongent cette liste, sans doute inncomplète.

    La présence de jeunes d’origine italienne dans les pelotons limousins confirme le recrutement populaire des coureurs cyclistes. Ce sont généralement des fils de paysans ou d’ouvriers. S’ils pratiquent le vélo par passion, il y a aussi l’espoir de gagner de l’argent, pour les plus performants d’assurer une ascension sociale.

     

    Itinéraires 

    Le parcours des coureurs cyclistes sur route a beaucoup évolué au cours des décennies. Deux facteurs essentiels ont dicté cette évolution : l’état des routes et la circulation automobile. Au début du XX è siècle, seules quelques routes importantes bénéficiaient d’un bon revêtement. Ainsi, les parcours des courses y étaient-ils cantonnés. C’était l’époque des “ville à ville“, le plus souvent en aller-retour : Limoges – Saint Léonard et retour,, disputé de 1905 à 1998, en est une belle illustration. Dans la première moitié du siècle, on relève aussi : Limoges-Séreilhac, Limoges-Saint Junien, Limoges-Bellac, Limoges-Nontron. Toutes ces courses étaient disputées sur des routes où la circulation automobile était faible. Il arrivait malgré tout des accidents de la circulation, comme en 1908, au cours de Limoges-Nontron. Vers Dournazac, deux compétiteurs s’écrasèrent, au détour d’un virage, sur une charrette à ânes, en travers de la route. Ainsi,, dans ces années-là, les accidents étaient plus causés par des animaux vagabondant que par des automobiles. Par la suite, les choses évoluèrent. Les grands circuits empruntant les routes nationales perdurèrent jusqu’au début des années 60, puis se virent interdire l’utilisation de ces routes. C’était la fin du passage par la côte des Jordes (RN 120, au sud de Tulle), par Saint Antoine des Plantadis (RN 20 au nord de Brive), ou par Razès (même RN au nord de Limoges). Dommage pour ces “juges de paix“, où se faisait généralement la décision dans les grandes courses régionales.

    Depuis les années 80, l’organisation des courses sur route nécessite des mesures de sécurité tellement drastiques, dues à l’augmentation constante du trafic automobile, qu’elle a conduit de nombreux organisateurs au découragement. Quelques compétitions empruntant de grands parcours subsistent encore, ainsi que diverses courses sur petits circuits, à l’organisation plus facile.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : J comme Marcel Jourde

    Le samedi 20 avril 2019, eut lieu à Royères (87) la 3è édition de la “Marcel Jourde, randonnée cyclotouriste vintage“. Ouverte à tous les participants munis d’un vélo antérieur à 1987, ou d’un vélo Jourde, quelle qu’en soit l’année, la manifestation a rassemblé 90 cyclistes venus honorer le souvenir de Marcel Jourde (1923-2016), dans cette commune, berceau de sa famille.  Très connu comme créateur de vélos à son nom (années 70-90), ce dernier a été pendant 70 ans, simultanément ou successivement, acteur et témoin de l’activité cycliste limousine. 

     

    Les années compétitions (1938-1949) 

    Passionné de vélo dès son plus jeune âge, Marcel commence à participer à des courses cyclistes en 1938, alors qu’il travaille dans un garage automobile de Royères, apprenant la mécanique et la soudure.

    La période de la guerre puis l’occupation ne sont évidemment pas favorables à son activité sportive.Malgré cela, et au prix de multiples interruptions d’entraînement, il obtient des résultats probants (1er à Royères en 1942, 2è du championnat de Haute-Vienne en 1943). Après la Libération, il poursuit sa carrière dans de meilleures conditions et s’illustre tant sur route – il est un excellent grimpeur – que sur piste, au vélodrome André Raynaud, où, malgré son petit gabarit, il est remarqué pour ses qualités d’adresse et de sprinter. 

    Il remporte sa plus belle victoire en 1949, dans le “Paris-Roubaix limousin“, en l’occurrence Limoges-Saint-Léonard et retour. Cette épreuve marque alors chaque année l’ouverture de la saison cycliste, et ce depuis 1905. Disputée sur ses routes d’entraînement, il y brilla aussi en 1946, 47 et 48. 

    Après 1949, il arrête la compétition pour se consacrer à son foyer fondé avec Marie - qui l’accompagnera et le secondera toute sa vie – ainsi qu’à son activité professionnelle. 

     

    Les années Blondin 

    Marque cycliste BlondinPierre Blondin était un champion cycliste alsacien dans les années 20-30. Il fabriquait des vélos à son nom. Réfugié à Limoges durant la guerre, il y poursuit cette activité. C’est pourquoi le logo en losange des cycles Pierre Blondin porte Limoges et Strasbourg comme lieu de fabrication, indiquant même que le champion alsacien a été vainqueur de plus de 200 courses. 

    Dès 1946, Marcel Jourde travaille au magasin Blondin, rue Jules Guesde à Limoges, jusqu’à sa fermeture en 1958. Il en est le mécanicien, précis et efficace, ses qualités de soudeur peuvent ainsi s’épanouir. Il prépare des vélos de compétition, une bonne partie des cyclistes limougeauds – notamment du CRCL – courent sur des machines Blondin. Les vélos de cyclotourisme ont aussi du succès : les automobiles, comme les cyclomoteurs étant rares, le vélo (de loisir ou utilitaire) est très pratiqué. A cette époque, Marcel construit un magnifique tandem, sur lequel il fait de belles randonnées avec son épouse. Cette même machine a roulé au cours des 3 éditions de la “Marcel Jourde“. Et les cycles Blondin existent toujours à Strasbourg.

     

    Les difficultés des années 60

    Après avoir quitté la rue Jules Guesde, Marcel est contraint momentanément de retourner au métier de mécanicien auto. En 1963, il pense avoir retrouvé un emploi lui convenant mieux, lorsque son ami Robert Frugier l’embauche dans son magasin de cycles, route de Bellac. Là sont commercialisés les vélos Mercier. Marcel y fait de l’excellent travail, fabriquant à nouveau des cadres qui équipent de nombreux cyclistes limougeauds. Mais les “qualités“ gestionnaires de M.Frugier entraînent une déliquescence de l’entreprise, que Marcel quitte au début des années 70.

     

    Les cycles Jourde 

    cycle jourdeAlors qu’il approche la cinquantaine, poussé par des amis fidèles, Marcel se décide à travailler à son compte. C’est l’ouverture du magasin-atelier de la rue Boileau, dans lequel il fabriquera des milliers de vélos, cela jusqu’à sa retraite en 1990. Dans ce travail, il faisait étalage de remarquables compétences ; qu’il s’agisse des soudures de cadres, de la finition, de la peinture, la mise au point des vélos est méticuleusement réalisée. Sans aucune publicité, sa réputation s’étend. Les meilleurs champions régionaux, Francis Duteil, Michel Dupuytren, Marc Durant, Yves Nicolas, Eric et Luc Leblanc courent sur des vélos construits sur mesure par Marcel, qui adaptait la taille et la géométrie du cadre à la morphologie de chacun. Du côté cyclotouriste, de très belles et efficaces randonneuses sortent de l’atelier, ainsi le vélo qui permit à François Alaphilippe, de participer à Paris-Brest-Paris au milieu des années 70. Dans toutes les créations de Marcel Jourde, on retrouve une constante : l’amour du travail bien fait, caractéristique des artisans maîtres de leur art. 

    Pendant toutes ces années, le magasin de la rue Boileau était remarquable, tant par la qualité de l’accueil du couple Jourde, que comme lieu privilégié d’échange d’infos ou de commentaires concernant les manifestations sportives.

    De nombreux vélos Jourde ont été présentés à l’occasion de la randonnée vintage évoquée plus haut.. Leurs propriétaires roulent encore sur ces montures, ou les ressortent pour cette occasion. Dans tous les cas, elles forcent l’admiration de ceux qui sont sensibles à la qualité et au savoir-faire de cet artisan d’exception qu’était Marcel Jourde.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : K comme Léon Kervasse

    Si la carrière cycliste de Léon Kervasse est évoquée dans cet article, c’est d’abord parce que son patronyme débute par une lettre rare. Mais aussi parce que ce périgourdin, licencié à la Pédale Faidherbe, a eu un parcours plus qu’honorable, c’est un des bons coureurs du Limousin dans les années 50. Avec plusieurs victoires chaque année de 1950 à 1956, on peut se faire une idée de son niveau quand on constate une 8è place d’un Tour de la Corrèze (remporté par Valentin Huot, v. IPNS n° 65) et une 4è place du Championnat du Limousin (gagné à Périgueux en 1956 par Yves Gourd).

    Évoquer son appartenance à la “Pédale Faidherbe“ permet de rappeler la cohabitation de ce club avec le “Cycle Club Périgourdin“, tous deux dans la capitale périgourdine. Et ce jusqu’en 1962 avec la disparition du Comité du Limousin ; la Dordogne fournissait alors beaucoup des meilleurs éléments du cyclisme régional. Ainsi en 1947, le C.C.P. fut champion du Limousin des sociétés, devant l’autre club périgourdin. Autre illustration de cette même domination : de 1946 à 1962, 10 titres de champion du Limousin seniors, sur 17, reviennent à un licencié de Dordogne, contre 10 de clubs haut-viennois, 2 corréziens et un seul creusois. Voici la liste exhaustive de ces lauréats.

    Pour la Dordogne :

    • 1946 : Commery (Périgueux)
    • 1947 : Marius Duteil (Périgueux), père de Francis (IPNS n° 6o)
    • 1948 : Mounet (Périgueux)
    • 1950 : Jacques Vivier (Ribérac)
    • 1954 et 1956 : Yves Gourd (Eymet)
    • 1957 et 1961 : Dory (Bergerac)
    • 1958 : Joseph Amigo (Sarlat)
    • 1962 : Melchior (Lalinde)
    • Pour la Haute-Vienne :
    • 1949 : André Bernard (UVL)
    • 1951 : Marcel Guitard (UVL)
    • 1955 : Raymond Hébras (UVL)
    • 1960 : Maurice Réjasse (CRCL)
    • Pour la Corrèze :
    • 1952 et 1953 : le même coureur, Georges Gay (UC Bas-Limousin)
    • Pour la Creuse :
    • 1959 : Raymond Poulidor (AC Creusoise)

     

    cycliste

     

    Kilomètre(s)

    La compétition cycliste consistant, toutes disciplines confondues, à parcourir le plus rapidement possible une distance donnée, il n’est pas surprenant de retrouver l’unité de mesure, le kilomètre, dans beaucoup de conversations cyclistes.

    Petit inventaire :

    • Le kilomètre départ arrêté : sur piste, une discipline très spectaculaire qui nécessite un effort total et une préparation spécifique pour développer en même temps puissance et vélocité. Le champion du monde 2019 est un aquitain : Quentin Lafargue, et le record du monde appartient à un français, François Pervis, en 56 sec. 30, soit 63,9 km /h!
    • Le kilomètre Rustines : dans les années 60, c’était une épreuve de vitesse réservée aux jeunes de 17 à 20 ans. Elle se déroulait sur route, afin de pallier l’absence de vélodrome, et devait permettre de détecter les talents de sprinters. A Limoges, l’épreuve se déroulait avenue de Naugeat, la vétusté du vélodrome André Raynaud empêchant d’y envisager des compétitions. Roger Desport, du CRCL, s’y illustra en remportant 4 années de suite le titre régional (de 1964 à 1967).
    • Des kilomètres, en avoir ou pas ? “combien as-tu de kilomètres ?“ Telle est la question maintes fois posée d’un cycliste à l’autre. En effet, bien que les méthodes d’entraînement aient beaucoup évolué, et privilégiant maintenant l’intensité plus que l’endurance, les cyclistes, compétiteurs ou cyclotouristes, continuent à comptabliser les kms parcourus depuis le 1er janvier.
    • Un bon coureur régional parcourt facilement 10 à 15000 km dans l’année, certains beaucoup plus, d’autres moins. Le temps libre ayant progressé au fil des décennies, les cyclistes de niveau régional, ou départemental (ceux qui participent aux compétitions UFOLEP par exemple) font actuellement plus de kilomètres que n’en parcouraient les coureurs de l’élite (1ère catégorie) dans les années 60-70.
    • Démarrer au kilomètre : un classique de la tactique cycliste ; alors qu’un sprint se prépare, que tout le monde s’observe, un audacieux attaque à l’amorce du dernier km, prenant 50 ou 80 m d’avance. En poursuiteur, il essaie de conserver quelques mètres jusqu’à la ligne d’arrivée. Ce genre d’attaque peut réussir si les adversaires ne parviennent pas à s’organiser pour répliquer immédiatement. Il faut donc que l’attaquant ait bien évalué les forces en présence et leur propension à s’unir ou se surveiller.
    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : L comme Luc Leblanc

    De la carrière de Luc Leblanc, on retient avant tout son titre de champion du monde sur route pro, conquis le 28 août 1994 à Agrigente, en Sicile.

    Cet exploit eut un grand retentissement au plan international, mais encore plus en France et a fortiori en Limousin. Il est vrai que dans notre région, nous avons eu seulement trois champions du monde de cyclisme, dans trois disciplines différentes :

    • Sur piste, André Raynaud (Racing club limousin) fut champion du monde de demi-fond (course derrière grosse moto) le 3 septembre 1936 à Zurich. Les épreuves de demi-fond se courent sur 100 km, parcourus en 1h30 environ, calculez la moyenne ! Malheureusement, André trouva la mort sur la piste d'Anvers le 20 mars 1937 : il chuta à la suite de l'éclatement d'un boyau, une moto le percuta et roula sur lui.
    • En cyclo-cross, André Dufraisse (Union vélocipédique limousine) revêtit cinq fois le maillot arc-en-ciel, de 1954 (à Galarate, en Italie) à 1958 (le 23 février à Limoges). Cette discipline bénéficiait à l'époque d'une très grande popularité, comme c'est encore le cas en Belgique et aux Pays-Bas aujourd'hui.
    • Et, sur route pro, Luc Leblanc.

     

    Curieusement, ces trois champions sont natifs de trois communes très proches au nord de Limoges : Vaulry, Razès et Nieul. On peut ajouter à cette liste le creusois de Paris, Octave Dayen, champion du monde sur route amateur en 1926 ; il fut aussi le partenaire d'André Raynaud dans les six jours et les courses à l'américaine.

     

    Luc LeblancLe titre de champion  du monde de Luc Leblanc, aussi remarquable soit-il, ne doit pas faire oublier beaucoup d'autres résultats qui le placent parmi les plus grands cyclistes français. Né en 1966, Luc avait démontré chez les amateurs, d'abord à l'UVL, puis en 1986 au CRCL, des qualités hors du commun. À 19 ans, en 1985, il enlève le circuit Monts et Barrages, et termine 2ème du championnat du Limousin à Bujaleuf, après une bataille homérique avec les deux anciens, Jean-Claude Laskowski 1er, et Michel Dupuytren 3ème. En 86, il participe à de nombreuses épreuves nationales et internationales avec l’Équipe de France, ce qui ne l'empêche pas de gagner le Tour de la Corrèze ainsi que celui du Périgord. Dès ses débuts professionnels en 1987, il brille en terminant 2ème du championnat de France à Lugny, le titre allant à Marc Madiot, et la 3ème place à Martial Gayant. 

    Au Tour de France, il termine 5ème en 1991, après avoir porté une journée le maillot jaune à Jacca, en Espagne. 4ème au classement final du Tour 94, il remporte l'étape de Hautacam devant Indurain et Pantani. En 96, il termine 6ème, avec une victoire d'étape aux Arcs. En 1992, il s'empare du titre de champion de France à Avize, devant Thierry Marie et Colotti. En 1997, il s'adjuge le Tour du Trentin, et en 98, pour sa dernière année, il termine 2ème du championnat de France à Clermont-Ferrand, derrière Jalabert et devant Virenque.

    En dépit de ce palmarès remarquable, le parcours de « Lucho » a un goût d'inachevé. Sa brutale fin de contrat chez Polti, une équipe italienne qui l'évince au profit de Virenque, accélère sa fin de carrière. Sa défaillance sur le Tour de France 91, alors qu'il portait le maillot jaune, aurait pu être anodine, mais les conséquences en furent aggravées par le lâchage de ses coéquipiers. Son expérience malheureuse avec l'équipe « Le Groupement » en 95, et ses pépins physiques récurrents, dus aux séquelles de l'accident dont il fut victime étant enfant, ont également nui à la progression de ses résultats.

    Enfin, son tempérament très affectif et sa sincérité, qui pouvait quelquefois confiner à la naïveté, l'ont handicapé, dans ce monde très dur du sport professionnel, dominé par le culte de l'argent et les égos boursouflés. 

    Après avoir cessé la compétition, il a participé à la direction technique de plusieurs équipes amateurs, dont 23 La Creuse, en continuant à annoncer la création d'équipes pros qui n'ont jamais pu se concrétiser. Il est resté proche du milieu cycliste, consultant sur RMC, et auteur d'articles ou d'interviews dans différents périodiques. Il a participé avec l'ARPAD (association des amis de Raymond Poulidor et d'André Dufraisse) à l'organisation des obsèques du premier nommé, au cours desquelles il a pris la parole pour saluer la mémoire du plus célèbre des Miaulétous.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : M Comme Mafia

    Ce terme – qui désigne à l’origine une société secrète sicilienne – s’est appliqué par extension à de multiples organisations caractérisées par la solidarité, le secret et l’enrichissement résultant d’activités illicites. On parle ainsi de mafia de la drogue, de mafia russe, bulgare ou japonaise.

    En cyclisme, tous ceux qui s’intéressent de près aux compétitions, surtout lorsqu’elles sont d’un bon niveau, avec des enjeux financiers importants, savent que des mafias déterminent largement le déroulement des épreuves.

    Il s’agit de groupes de coureurs, venant d’équipes différentes et théoriquement adversaires, qui s’entendent pour partager les prix et primes distribués, ainsi que les places sur les podiums. Cette pratique contrevient au règlement qui prohibe les ententes en course, sauf entre coureurs du même club.

    Après l’arrivée, tous ceux qui sont « dans le coup » (ou « la combine ») se partagent à égalité la cagnotte alimentée par les gains obtenus par chacun des membres du groupe. Ainsi ceux qui ont obtenu les meilleurs classements, comme ceux qui ont fait un obscur travail d’équipier, perçoivent la même somme. Généralement, le montant partagé est augmenté de la somme versée au pot commun par le vainqueur – en plus de ses gains du jour – pour avoir été favorisé dans la victoire. Le règne des mafias a souvent été dénoncé comme étant une des causes de la désaffection du public pour le cyclisme. Lorsque dans une course existe une seule mafia, qui rassemble les meilleurs coureurs du lot, cela conduit à un déroulement insipide, et un dénouement sans surprise. Il n’en est pas de même lorsqu’il y a un ou plusieurs groupes à la bagarre ; on peut assister alors à une compétition très intéressante, avec de nombreuses attaques et luttes spectaculaires.

    Le phénomène des mafias était fortement lié à la période des compétitions nombreuses et « bien payées » des années 1950 aux années 1990, rassemblant les meilleurs régionaux. Pour la plupart des amateurs de vélo, ce système était de notoriété publique, même si les groupes bravant l’interdiction des ententes en course voulaient lui conserver un caractère occulte. À ceux qui reprochaient à ce système de fausser le déroulement – et la conclusion – des courses, ses défenseurs rétorquaient que, pour entrer dans la mafia, il fallait d’abord faire ses preuves, en démontrant, individuellement, ses qualités propres. Aujourd’hui, en Limousin comme ailleurs, les compétitions de haut niveau réunissent les plus brillants cyclistes dans des clubs bien structurés ne laissant guère de place à des ententes contre nature entre éléments de clubs concurrents. Ce constat est renforcé par le fait que l’argent ne se gagne plus, ou presque plus, par les prix et primes de l’épreuve, mais par la rétribution versée par l’équipe tout au long de l’année.

     

    anquetil

     

    M comme Martini

    Ce nom d’apéritif est celui sous lequel est connu le critérium cycliste de Felletin, dont les vingt éditions, de 1950 à 1970, ont drainé un énorme public sur les bords de la Creuse. Il était disputé sur le circuit dit de « la chapelle » : les coureurs, venant du Masbet, tournaient devant la chapelle vers le Pont-Roby. Lors des premières éditions, les concurrents montaient la rue Sainte-Espérance, avant de tourner à droite vers le Masbet. Mais, sur le conseil de Louison Bobet, le sens de rotation fut inversé pour rendre le parcours moins acrobatique.

    Les plus grands noms du cyclisme de l’époque figurent au palmarès. Qu’on en juge dans cette liste de vainqueurs du Martini :  Vivier (1954), Bergaud (1955), Gérard Saint (1959), Joseph Groussard (1960), Vanlooy (1961 et 63), Elliot (1962), Poulidor (1964), Anquetil (1965), Simpson (1966), Bellone (1968), Altig (1969), Jan Janssen (1970). 

    L’édition 1964, année de l’apogée de la rivalité Poulidor-Anquetil, avait attiré 10 000 spectateurs payants ! Presque quatre fois plus lors du championnat de France professionnel 1967, sur un circuit allongé passant par Saint-Quentin-la-Chabanne, qui enregistra 34 000 entrées payantes. Désiré Letort, brillant vainqueur, fut privé de son titre après un contrôle antidopage positif. La dernière manifestation professionnelle d’importance organisée par l’Union Cycliste Felletinoise fut le critérium des As (course derrière derny- cyclo moteur) en 1972. Malgré la victoire de Poulidor, l’organisation fut déficitaire et le club se contenta par la suite d’organiser des compétitions de bon niveau réservées aux amateurs.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : M Comme Mazeaud

    Mazeaud (Fernand)

    Nous avons rarement l’occasion d’évoquer dans cette rubrique les événements cyclistes des années antérieures à 1940. Si nous rendons hommage aujourd’hui à un champion des années 1926 à 1938, Fernand Mazeaud, c’est parce qu’il a dominé le cyclisme limousin dans ces années-là. C’est aussi parce que Marius DUTEIL (père de Francis, IPNS n° 60), qui connut comme coursier, à la fois l’avant et l’après guerre 39-45, nous avait confié ceci : parmi tous les coureurs qu’il avait affrontés ou côtoyés, Fernand Mazeaud était celui qui l’avait le plus impressionné. Il avait, affirmait-il, une « classe de champion du monde ». 

    Dès ses débuts en 1926, Fernand Mazeaud, alors licencié à l’Union Cycliste Limousine (UCL), collectionne les victoires. Il remporte notamment l’éliminatoire du trophée France-Sport, réservé aux coureurs de 16 à 18 ans, gagnant aussi

    « la première course » pour les moins de 18 ans du département.

    En 1927, sous ses nouvelles couleurs du RCL., il va s’imposer une dizaine de fois, en particulier à la finale du Trophée Le Chemineau, puis à l’éliminatoire du Trophée France-Sport. Il confirme en 1928 et 1929, toujours au RCL, en remportant par exemple à deux reprises la classique Limoges – Saint - Léonard et retour.

    En 1930, il passe au Cyclo Club Limousin, où il restera jusqu’à sa fin de carrière en 1938. Dans son abondant palmarès, nous avons glané quelques résultats marquants :

    − En 1931, il est champion départemental sur route, pour la 5e fois consécutive. Il gagne à Blois et termine 12e du Championnat de France indépendants et amateurs.

    − En 1932, outre de multiples victoires, il termine 4è à Aurillac et 4e de Clermont-Ferrand-Aubusson.

    − En 1933, victoires à Brive, Aurillac et Figeac.

    − En 1934, il remporte le Prix de la Ville et des commerçants de Limoges. Il est alors considéré comme le meilleur régional, à l’égal de son coéquipier André Dumont (futur vainqueur de Paris-Limoges 1938, sous les couleurs de Confolens).

    − Jusqu’en 1938, il sera le coureur le plus représentatif du CCL, en remportant par exemple une dizaine de victoires lors de sa dernière année de compétition. Dans un paysage cycliste bien différent de celui d’après-guerre, par le nombre et la nature des compétitions, Fernand Mazeaud aura déposé son empreinte de façon durable.

     

    Mazeaud (Claude) 

    claude mazeaudCe corrézien, né à Vignols en 1937, a mené une très belle carrière de 1955 à 1972, principalement comme indépendant s’illustrant dans les critériums, avec les pros. Après avoir hésité entre la musique et le vélo – son frère Gil est un accordéoniste et chef d’orchestre réputé en Limousin et Aquitaine – Claude débute en 1955 au VC Arédien (Saint-Yrieix-la-Perche) et s’impose très rapidement comme un des meilleurs coureurs régionaux. Dès sa deuxième année de compétition, il se montre capable de se hisser au niveau des pros dans de nombreuses courses, comme le Bol d’Or des Monédières.

    Il connaît un arrêt en 1957 et 1958, en raison de son service militaire en Algérie. À son retour en 1960, il devient membre de l’UC Brive, puis ayant retrouvé rapidement le coup de pédale, redevient un des meilleurs limousins.

    En 1961, alors au CC Lindois (Lalinde, Dordogne), il devient champion de France des indépendants, devant Jean-Claude Lebaude. Aussi en 1962, est-il recruté dans l’équipe professionnelle Mercier, et prend une licence à l’UV Limousine, cette dernière se targuant d’être « le club aux trois champions de France » : Dufraisse, cyclo cross, Poulidor, route pros, et Mazeaud.

    Il passe deux années chez Mercier, puis termine sa carrière pro en 1964, chez Margnat-Paloma, avec un goût d’inachevé, n’ayant jamais été aligné au départ d’un grand tour. Reclassé indépendant, il fait un passage au CC Bordelais en 1965, avant d’intégrer de 1966 à 1972 le CC Lindois, parallèlement à l’équipe des indépendants chez Peugeot. Pendant toutes ces années, il collectionne les victoires. 

    • les Boucles du Bas-Limousin (1962),
    • Oradour-sur-Vayres (1962 et 63),
    • Montastruc et Plouay (1966),
    • le tour du Béarn (1969),
    • le circuit de l’Argoat (1970) et celui du Gard (1971),
    • le prix de Fougères (1972).

    À la lecture de ces résultats, qui ne constituent qu’une part minime de son palmarès, on constate que Claude ne s’est pas cantonné au Limousin ou à l’Aquitaine. Il a remporté de nombreuses courses hors de ses bases, particulièrement en Bretagne, où il allait souvent courir, en équipe avec le breton Le Bihan.

     

    Jean-François Pressicaud 
  • Abécédaire du cyclisme limousin : N Comme Nicolas

    À la lettre D de notre abécédaire (IPNS n° 60), nous avions évoqué la « formidable équipe du Limousin », qui – dans les années 1970 et au début des années 1980 – sous la conduite de Francis Duteil, avec Michel Dupuytren et Marc Durant, « collectionnait les victoires et les places d’honneur au niveau national ». Les hasards de l’ordre alphabétique avaient conduit à moins insister sur la présence dans le groupe d’Yves Nicolas ; il figure néanmoins sur la photo qui illustre l’article, celle des Limousins de l’équipe de France amateur sur le Tour du Limousin 1978. La chronique d’aujourd’hui va mettre à l’honneur celui qui fut un des meilleurs coureurs régionaux de la décennie 1970, une période dorée pour le cyclisme limousin.

    yves nicolasYves a débuté en 1970 au CRCL (Cyclo Racing Club Limousin), club où il restera jusqu’en 1977, l’abandonnant l’année suivante en compagnie de Michel Dupuytren pour l’ACLBP (Association Cycliste Limoges Bussière-Poitevine), scission du CRCL, et rejoignant en 1979 l’UC Briviste. Dès ses débuts en compétition, il obtient d’excellents résultats : 4e du challenge du Limousin cadets (1972), il remporte le Premier Pas Dunlop en 1973. Il éclate véritablement en 1974. Cette année-là, il s’adjuge 11 victoires, terminant 8e au championnat régional à Brive, au parcours très accidenté. Son résultat l’installe d’emblée parmi les meilleurs régionaux. Ce même championnat est une épreuve qu’il affectionne, dans laquelle il collectionne les places d’honneur :

    • 2e en 1977 à Cornil, derrière Duteil
    • 2e en 1978 à Faux-la-Montagne, derrière Dupuytren
    • 3e en 1979 à Rochechouart, derrière les deux précédents
    • 2e en 1980 à Sarran encore une fois derrière Dupuytren
    • À Sardent en 1981, il est enfin vainqueur, devançant Bouyat et Lagrange

    Sélectionné à quatre reprises pour le championnat de France, il y obtient sa meilleure place en 1978, 9e. Il en garde pourtant des regrets car ce jour-là, une petite erreur d’inattention le prive de l’échappée finale à trois, dans laquelle il aurait pu jouer le titre au sprint.

    Yves Nicolas était bon sur tous les terrains : grimpeur de qualité, il possédait aussi de solides aptitudes de rouleur, tout en étant un sprinter très efficace. Mais ce qui en faisait un coureur sortant de l’ordinaire était son sens tactique : il « sentait » la course, c’est-à-dire qu’il était capable à tout moment de réagir aux opportunités de l’épreuve, tout en économisant ses forces. Il savait se projeter dans la bonne échappée, et se désintéresser des tentatives vouées à l’échec.

    Dans le duo qu’il formait avec Michel Dupuytren, c’était généralement lui qui dirigeait la manœuvre. Dans le cyclisme sur route, la tactique est un facteur de réussite au moins aussi important que la force brute. Il est bien dommage que dans le cyclisme professionnel actuel, les coureurs soient privés de leur pouvoir de décision et d’initiative au profit des directeurs sportifs qui – grâce aux oreillettes – se comportent comme des généraux en campagne. Yves Nicolas n’avait ni directeur sportif ni même d’entraîneur pour lui dicter sa conduite, ce qui ne l’a pas empêché de se bâtir un palmarès impressionnant. Le nombre de ses victoires suscite l’admiration : 10 victoires en 1978, 14 en 1980… Mais le plus remarquable est sa régularité aux places d’honneur : en 1976, il termine 46 fois dans les dix premiers, et en 1978, on le retrouve 34 fois dans les cinq meilleurs.

    On peut aussi noter que des courses très réputées l’ont vu triompher : les Boucles de la Haute-Vienne, où il a gagné plusieurs étapes et deux fois le classement final, les Boucles du Bas-Limousin en 1980 et 1982, le Circuit Monts et Barrages, le Tour du Lot-et-Garonne en 1978. Il a de plus brillé avec l’équipe du Limousin au Tour d’Ampurdan (Espagne), où il termine à la 2e place (1980). Yves Nicolas demeure ainsi un des fers de lance du cyclisme régional des décennies 1970 et 1980. Cette période dorée voyait les clubs organiser de multiples épreuves : 1970 par an pour le CRCL et des dizaines pour les autres clubs (UVL, UC Briviste, AC Creusoise, VC Aubusson, VC Ussel, VC Tulle...). À partir de ce vivier, le petit comité du Limousin a compté dans ses rangs un double champion de France (Duteil), trois professionnels (Marc Durant, Frédéric Brun, Alain de Carvalho), sans oublier plusieurs coureurs du même niveau restés amateurs, sans doute pour préserver une part de plaisir dans la pratique sportive. Yves Nicolas et Michel Dupuytren étaient de ceux-là.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : O Comme Oradour

    LES 3 ORADOUR

    Trois communes de Haute-Vienne portent ce nom, chacune a apporté sa contribution à l’histoire du cyclisme limousin.

     

    oradour

     

    La plus connue est bien sûr Oradour-sur-Glane, commune martyre, malheureusement dans toutes les mémoires. Après la guerre, les ruines du bourg furent conservées en l’état pour témoigner et un nouveau village fut édifié à proximité. Le président de la République Vincent Auriol en a posé la première pierre en 1947 et la vie est progressivement revenue à Oradour. Pour marquer ce renouveau, les autorités locales décidèrent d’organiser un grand prix cycliste, dénommé « Prix de la Renaissance ».

    Première édition en 1953, sur 140 km d’un grand circuit, vainqueur Brun, un crack de la Dordogne. Mais la formule passait trop peu dans le bourg, ce qui n’attirait pas les foules. Aussi, à partir de 1958, on revint à un critérium de 100 km en 70 tours, les spectateurs avaient ainsi tout loisir d’admirer les champions les plus connus de l’époque. De 1958 à 1979, 22 éditions ont connu des vainqueurs prestigieux : Stablinski, Anquetil, Poulidor, victorieux 4 fois. Janssen, Godefroot, Karstens et Zootemelk figurent aussi au palmarès. Après 1979, la grande époque des critériums étant passée, la course ne fut plus organisée, à l’exception de 1988, sans lendemain. Pendant deux décennies, l’épreuve a attiré à Oradour des milliers de spectateurs, venus de toute la région. Le spectacle proposé leur permettait de côtoyer de grands champions qui s’illustraient dans le Tour de France et les grandes courses classiques. La mondialisation du cyclisme, entamée dans les années 1980, se poursuit aujourd’hui, elle a rendu caduques de telles manifestations. Eymoutiers, Peyrat-le-Château, Felletin, Ussel, et beaucoup d’autres ont aussi disparu. Seule Dun-le-Palestel a su perdurer en Limousin. 

    La réputation d’Oradour-sur-Vayres ne dépasse guère les limites régionales, Charente et Dordogne comprises. Beaucoup voient dans les fêtes de la Saint-Christophe, dernier week-end de juillet, la plus grande fête foraine du Limousin, dont le Grand Prix cycliste constitue un des sommets. De 1932 à 2020, à l’exception de la guerre, ont eu lieu 88 éditions. Même en 2020, année perturbée par le covid, la course eut lieu mais à une date inhabituelle, le 15 août. Jamet, de Bourg-en-Bresse, en sortit vainqueur. On relève de grands noms au palmarès de ce Grand Prix, surtout des Néo-aquitains. Ainsi, en 1934 et 1939, le confolentais André Dumont s’imposa. Il avait entretemps gagné le Paris-Limoges. Au fil des années, on remarque la double victoire de Marcel Guitard (IPNS n°64), celle de Vivier en 1953 (qui connut deux victoires d’étapes sur le Tour de France, dont 1952 à Limoges). On note aussi le succès d’Eugène Fourgeaud, le champion local, en 1954. Claude Mazeaud (IPNS n°71) a réussi le doublé en 1962-1963, comme Barjolin (71-74) et De Carvalho (76-84). De nombreux futurs ou ex-pros, ont inscrit leur nom au palmarès, tels Pinault, Brun, Michel Larpe (85-86). Plus récemment, citons, Mespoulède Vimpère et Mickaël Larpe, quadruple vainqueur (2012 à 2016).

    Souhaitons que les contraintes sanitaires disparaissent en 2021, ce qui permettrait à Oradour-sur-Vayres de retrouver sa fête foraine et sa course cycliste, deux manifestations emblématiques de ce gros bourg de 1 500 habitants, ancien chef-lieu de canton.

    Oradour-Saint-Genest a aussi eu son critérium jusqu’en 1973, qui était  l’archétype d’un cyclisme rural particulièrement développé dans l’après-guerre. La course cycliste organisée à l’occasion de la fête patronale, un de ses fleurons, rassemblait de nombreux spectateurs. Ce cyclisme rural a presque complètement disparu : de 400 courses organisées en Limousin dans les années 1970, on est passé à moins de 50 en 2020.

    Cette quasi disparition a de multiples causes, dont la plus déterminante semble la fin de la société rurale traditionnelle, dans laquelle la fête patronale occupait une place centrale. Fête foraine et course cycliste ont disparu, au profit d’autres divertissements. Les difficultés d’organisation, avec problèmes de sécurité, coût des assurances, manque de bénévoles ont aussi contribué à la désaffection. 

    Et enfin, à la fois cause et conséquence, la perte de notoriété du cyclisme est spectaculaire. Des années 1950 à 1990, le cyclisme était un des sports les plus populaires bénéficiant d’une très large place dans la presse, il n’a plus droit aujourd’hui qu’à des entrefilets.

    Et c’est ainsi qu’un seul de nos 3 Oradour organise encore aujourd’hui sa course cycliste annuelle.

     

    Jean François Pressicaud

     

  • Abécédaire du cyclisme limousin : P Comme Poulidor

    jean pierre parenteauP comme Poulidor, bien sûr. Mais la carrière de Raymond a été retracée dans de multiples publications. Aussi nous contenterons nous d’en évoquer l’aspect le plus méconnu: ses débuts, avant le service militaire (années 1954 à 56). Grâce à la popularité du cyclisme d’alors et à la multitude d’épreuves bien dotées, Raymond a rapidement pris conscience de ses possibilités. Après avoir tenu la dragée haute aux meilleurs mondiaux dans les critériums de l’été 56, il avait remporté la dernière épreuve de la saison au Palais/Vienne (avec 6’ d’avance). Ensuite c’est l’armée avec la conviction que le cyclisme pouvait lui assurer une promotion sociale inespérée. La suite est connue.

    Nous avons retenu 3 autres P, a dont les carrières s’échelonnent de l’après-guerre aux années 80 : Jacques Pras, Jacques Pradeau et Jean Pierre Parenteau. Ce dernier et Pras, bien que charentais, ont participé à tant de courses limousines qu’ils apparaissent comme des vedettes du cru. 

    Jacques Pras : vainqueur d’étape du Tour de France. Licencié pendant la majorité de sa carrière à Angoulème, il a écumé les épreuves limousines de 1946 à 63, avec des victoires probantes: Prix du Popu (50), St Léonard , St Mathieu, Piégut et Allassac. Son grand titre de gloire reste une victoire lors de l’étape Nantes–La Rochelle du Tour 48 (Bartali victorieux), où il règle une échappée, devant Lambrecht, nouveau maillot jaune.

    Jacques Pradeau est lui un pur Limousin. Débutant en 1952 à l’UVLimousine, il y restera jusqu’en 58, passera à La Souterraine en 60, puis l’UVL en 62, et  fin de carrière au CRCL de (64-66). Il est remarqué dès les premières années pour ses qualités de sprinter-rouleur, réalisant une exceptionnelle saison 54 : 14 victoires et nombreuses places d’honneur.

    C’est surtout dans les années 60 qu’il va s’épanouir. 1961: il remporte une très belle victoire - devant les pros – aux Boucles du Bas-Limousin à Brive. 1962: il est 17 fois victorieux et empoche à nouveau le titre régional des sociétés. 1963 : la Hte-Vienne est rattachée au Poitou. Il aligne 22 victoires durant la saison, dont le titre de champion des indépendants. Il brille aussi avec les pros : 4è à Oradour-Sur-Glane. 1965: encore victorieux à 14 reprises, mais l’année suivante, il se casse la clavicule dans un sprint de la « Route du Vin » (Aude).  Cette chute, combinée à un grave accident du travail, met fin à la carrière de Jacky. Il demeure un des plus brillants coureurs limousins de l’ époque.

    Jean Pierre Parenteau : ce charentais né en 1944 a été licencié toute sa carrière à Nersac. Il a commencé à s’illustrer sur les routes limousines à partir de 1965, jusqu’en 86, avec un intermède professionnel de 1970 à 75. Dès 67, il avait été surnommé « le petit Merckx », en raison de sa boulimie de courses et victoires (80 au total jusqu’en 69). L’attaque à outrance caractérisait son style. Il allait avec sa « Floride », de course en course, souvent deux fois dans la même journée (après-midi, nocturne).

    En 1967, il remporte 8 courses limousines. Sa victoire à Bussière-Galant est emblématique: échappé en solitaire, il couvre seul les 110 km sans jamais être rejoint, malgré le vent violent et la poursuite engagée par les meilleurs. Il ne tarde pas à confirmer au niveau national: en 1968, il remporte 2 étapes du Tour du Limousin (3è du général), termine 3è du Tour de l’Avenir et participe à l’épreuve sur route des J.O de Mexico. En 69, il s’impose à la Route de France, termine 3è du Tour du Limousin, gagnant la dernière étape. Puis, la même année, passe pro chez Peugeot, où il restera jusqu’en 75. Toutefois, son activité n’est pas à la hauteur de ses années amateur. Il doit se contenter d’un rôle d’équipier, remportant tout de même le Tour de l’Aude (1973), participe à 3 Tours de France et autant de Vueltas. Il se fait ainsi remarquer dans le Tour 73, malgré une fracture de la clavicule dès le premier jour, n’abandonnant qu’à la 7è étape. Jacques Augendre rend hommage à son courage dans Le Monde. Retour chez les amateurs en 76 et réveil du coureur increvable des débuts, recommençant à aligner les victoires. En Limousin seulement, on relève 6 victoires en 76, 5 en 79, 7 en 81. Les places d’honneur abondent: 10 fois 2è en 76. Il s’impose dans des épreuves prestigieuses, comme St Laurent sur Gorre et Le Grand Bourg (1980). En 1986, à 42 ans, il termine encore 2è à Oradour sur Vayres et Bénévent, ce qui met brillamment un terme à une carrière bien remplie.

     

    Jean François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : Q pour Question, pourquoi une rubrique vélo dans IPNS ?

    IPNS, dès ses premiers numéros, s’est fait l’écho de l’actualité dans la Montagne limousine, mais a aussi présenté de nombreux articles sur l’histoire et la culture régionales, dont le cyclisme est une des composantes, au même titre que la pêche à la ligne ou les danses traditionnelles. Au long du XXe siècle, les courses ont bénéficié d’une grande popularité. Les photos d’archives montrant la densité des foules regroupées aux arrivées ou au vélodrome de Limoges sont très convaincantes. En campagne, la course cycliste constitue souvent le clou de la fête patronale. En ville, beaucoup de compétitions ont lieu dans les quartiers ouvriers, ainsi à Saint-Junien le 1er mai avec le « Prix des syndicats ».

     

    velodrome

     

    Cette popularité était démontrée par la place importante réservée au cyclisme dans la presse régionale. Les exploits des champions limousins étaient magnifiés par les chroniqueurs sportifs, les compétitions annoncées avec force détails, résultats et commentaires paraissaient dès le lendemain.   

    Après des débuts balbutiants, les compétitions cyclistes ont vraiment démarré dans la première décennie du XXe siècle. La mise en service en 1904 du vélodrome de Limoges est déterminante, les plus grands champions de l’époque venant s’y produire. Le demi-fond, derrière moto, est très apprécié du public. Sur route, c’est l’époque des ville à ville, aller-retour : Limoges-Séreilhac, Limoges-Saint-Léonard... La guerre va donner un coup d’arrêt brutal à l’activité cycliste.

    À partir de 1919, la reprise est difficile, de nombreux cyclistes ayant été tués. Les routes sont en mauvais état et les dirigeants rares. Progressivement, toutefois, l’activité va reprendre. À  côté des petites courses, de grandes épreuve existent avec souvent un kilométrage impressionnant : de 195 km pour « Le chemineau » (1926) à 350 km pour Paris-Bourganeuf ou 365 km pour Paris-Limoges, dont les affluences laissent rêveur : 20 000 spectateurs pour le final de 1938.

    Le vélodrome déploie aussi une grande activité. On y assiste à l’éclosion de nombreux talents, comme celui du Creusois Octave Dayen ou du Haut-viennois André Raynaud, lequel deviendra champion du monde de demi-fond en 1936  à Zurich.

    Contrairement à ce qui s’était passé en 14-18, guerre et occupation n’arrêtent pas l’activité cycliste, même si elle est contrariée. Les conditions sont difficiles : matériel rare, de mauvaise qualité et ses prix prohibitifs, routes mal entretenues, certains itinéraires interdits. Malgré tout, des courses sont organisées. Parmi elles, le Tour de Haute-Vienne du 4 juin 1944 a marqué les mémoires. Des maquisards stoppent la course au carrefour de Saint-Méard. L’officier du maquis annonce aux concurrents – dont des vedettes nationales – que leurs vélos et les voitures suiveuses sont réquisitionnés sur ordre du Colonel Guingouin. Ils restent libres de rejoindre le combat des résistants ou de regagner Limoges dans le camion-balai.

    Après 1945, malgré pénuries et restrictions, de nouvelles compétitions sont créées, d’autres renaissent et le nombre de pratiquants progresse. Le cyclisme limousin est alors bien vivant, attirant des coureurs de toute la France et révélant de remarquables talents : Dufraisse, Poulidor, et bien d’autres. En revanche, après l’embellie d’après-guerre, le vélodrome – qui avait reçu le nom d’André Raynaud, décédé accidentellement sur la piste d’Anvers en 1937, connaît une activité déclinante. 1957, c’est le dernier Paris-Limoges qui voit la fin de cet équipement.

    À partir de 1955, c’est la vogue des critériums souvent évoqués dans cet abécédaire. Ces courses de tous niveaux ont un grand succès, confirmant la popularité de ce sport. 1968 voit la naissance du Tour du Limousin.

    1975-1995 constitue la période faste pour le cyclisme régional. Après bien des noms réputés, ce sera au tour de Luc Leblanc de briller : il est sacré champion du monde pro en 1994. Pourtant, le visage du cyclisme change radicalement. Les « petites courses » disparaissent, devenues difficiles à organiser du fait de la circulation automobile envahissante. Depuis, cette évolution se poursuit. Difficultés administratives, coûts d’organisation, désaffection du public, n’incitent pas les organisateurs à maintenir leurs épreuves. La révélation publique du dopage porte un coup très dur au prestige du sport cycliste qui voit sa place dans les médias décroître. Devenu de plus en plus technique et exigeant, il perd son caractère originel d’aventure.

     

    Jean François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : R pour trois champions limousins

    andre raynaudAndré Raynaud, champion du monde, fauché en pleine gloire.

    Lorsqu’André Raynaud revint à Limoges après la conquête du titre arc-en-ciel de demi-fond (vélodrome d’Oerlikon, en Suisse, 3.09.1936), il fut accueilli comme un chef d’armée romaine au retour d’une campagne victorieuse. Une foule immense l’accompagna de la gare à la mairie, où le maire, Léon Betoulle, l’accueillit. Le lendemain, même chose de la mairie au siège du RCL, son club. 

    André, né à Cieux en 1904, avait débuté au RCL en 1923, obtenant d’excellents résultats dès l’année suivante. Il effectua son service militaire à Paris, où il put bénéficier des conseils de Paul Ruinart au Vélo-Club de Levallois, une véritable académie du cyclisme. Champion de France sur route en 1926 (amateurs et indépendants), il devait se consacrer progressivement à la piste. Associé au creusois Octave Dayen, il remporte les 6 Jours de Paris en 1929 puis ceux de Marseille en 1930. Sa carrière s’est terminée tragiquement par un accident mortel sur la piste d’Anvers, le 20 mars 1937. Il est inhumé au cimetière de Vaulry.

     

    Henri RabauteHenri Rabaute, champion de France, mais un goût d’inachevé. 

    Henri, né à Limoges en 1943, a commencé sa carrière de façon fracassante, remportant avec une facilité étonnante le titre de champion de France des débutants (coureurs de 17 ans), à Saint Etienne en 1960.

    Son parcours est ensuite jalonné de nombreux succès – comme le Tour le la Corrèze en 1962, mais aussi de périodes moins brillantes. Son assiduité à l’entraînement n’était pas à la hauteur de ses grandes qualités. Heureusement, il fut appelé à participer au Tour d’Italie 1967, dans l’équipe Peugeot. Il s’y révéla excellent grimpeur, étant le seul Peugeot à pouvoir aider son leader Merckx dans les Dolomites. Dans la foulée, il termina 21 è du Tour de France, s’illustrant dans le Puy de Dôme (second de l’étape), derrière Gimondi, mais devant Jimenez.

    Les années suivantes, il participa encore aux grands tours, de France (1968 et 1970), d’Italie (1968) et d’Espagne (1969 et 1970), où ses résultats furent cependant moindres. Encore chez Peugeot en 1971, il termina sa carrière pro dans l’équipe Sonolor Lejeune en 1972.

    Il participa encore à quelques courses amateurs en 1974, avant d’arrêter totalement le vélo. Eloigné des milieux cyclistes, il décédera de maladie en 2000, à 57 ans. Bien qu’il ait eu une carrière assez brillante, ceux qui l’ont connu pensent que sa classe naturelle aurait dû lui permettre des performances encore plus remarquable, avec plus de continuité.

     

    maurice rejasseMaurice Réjasse, champion du Limousin, la puissance et la constance.

    Né en 1929, Maurice a commencé la compétition cycliste à seulement 20 ans. Il s’était auparavant forgé un corps d’athlète en pratiquant divers sports, dont la lutte. La puissante musculature de ses cuisses le rapprochait plus de la silhouette des sprinters sur piste que des longilignes routiers actuels.

    Maurice s’est illustré au plus haut niveau régional (amateurs et indépendants) pendant plus de 15 ans. Sa victoire au championnat du Limousin 1960 à Lalinde, est une démonstration de ses  qualités de rouleur : à la fin d’un circuit de 180 km, le peloton de tête était encore constitué d’une vingtaine de coureurs, se préparant pour le sprint final. C’est alors que Réjasse jaillit à 4 km de l’arrivée, prit une centaine de mètres d’avance, et – en poursuiteur – conserva son maigre avantage jusqu’à la ligne. Il démontra encore son aptitude à rouler vite et longtemps en remportant à quatre reprises (1954, 60, 61, 63) le Prix Roger Auclair de Guéret, une des rares courses contre la montre dans la région. La classique de début de saison, Limoges-Saint Léonard et retour, figure également cinq fois à son palmarès, entre 1951 et 1961, épreuve dont il détint longtemps le record. Maurice n’était pas seulement un rouleur, mais aussi un coureur complet, capable de gagner sur tous les terrains. Après son arrêt de la compétition, il a continué à animer entraînements et préparation physique des coureurs du CRCL, son club de toujours. 

     

    Jean François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : S : trois champions limousins

    Daniel Samy

    Né en 1943, il  a eu la plus belle carrière des trois, seul à être passé professionnel. Débutant en 1962, il grimpe rapidement les échelons jusqu’au haut niveau régional. 

    En 1965 - la Haute-Vienne est alors rattachée au comité du Poitou - il s’adjuge le titre de champion du Poitou sur route, devant son camarade de club Daunat. L’année suivante, le Limousin redevenu comité, les deux mêmes coureurs dominent le championnat régional à Bellegarde en Marche. Samy, passé à l’UVL, s’impose à Brive en 1967. 

    Dans la foulée, il termine 3e de la Route de France. Au Tour de l’Avenir, disputé en Equipe de France, il participe activement à la victoire finale de son coéquipier Christian Robini.

    Ces bons résultats lui permettent de passer pro chez Peugeot, où il retrouve Rabaute (IPNS° 76) et Daunat. Il y effectue deux saisons dans un rôle d’équipier, participant au Tour d’Italie 1968 (76e), mais il ne parvient pas à se rendre indispensable. 

    Aussi va-t-il retrouver les rangs amateurs au sein du club  auvergnat de Saint-Eloy-les-Mines. Jusqu’en 1978, où il signera à l’AC Limoges-Bussière Poitevine, il écume les courses amateurs de haut niveau, sur un jour (Egletons, Chevanceaux, Lusigny, Cénac et Saint Julien en 1974, etc …) ou par étapes (deux du Tour de Saône-et-Loire 71, une du Tour du Limousin 73). A la fin des années 70, il rejoint les rangs des cyclosportifs et vétérans, au sein desquels il poursuivra les courses jusqu’à la fin des années 80.

     

    Lucien Sautier

    Né en 1944, il a couru principalement dans son département d’origine, la Dordogne, et départements limitrophes. Licencié au CC Périgourdin, de ses débuts en 62 à 72 (une seule année au CRC Limousin en 68), il terminera sa carrière au RC Mussidan (24). Après des débuts prometteurs, il est obligé de cesser la compétition pendant quelques mois pour raisons de santé. Revenu à un excellent niveau en 67, il éclate l’année suivante, devenant champion du Limousin sur route à Chéronnac. Cette même année, il remporte une étape de la finale nationale du Trophée Gitane, et d’autres succès, dont Hautefort (24). 1969 sera encore meilleure avec 16 victoires, dont la première étape d’Angoulème-La Rochelle. En 70, il se montre tout aussi performant, terminant 2e du challenge d’Aquitaine, et remportant d’autres victoires prestigieuses, comme le Prix du Commerce de Périgueux. De belles performances suivront jusqu’en 1977, où à 33 ans, il arrête sa carrière. Mais sa passion sera la plus forte, au tournant des années 2000, il courra à nouveau dans la catégorie vétérans, avant de trouver une mort brutale en 2012, à 68 ans.

     

    Daniel Savary

    Il débute en cadet au CRCL en 1964, progressant régulièrement jusqu’à atteindre la 1ère catégorie en 1968, année où il termine 5e à du challenge du Limousin junior. En 1971 à Ussel, il confirme son statut dans l’élite régionale par un titre senior. 

    Emigré au CSM Puteaux en 1972-73 – un des plus grands clubs français – il obtient de bons résultats. A Eymoutiers en 1972, il renouvelle sa victoire de l’année précédente. Mais, fin 1973, il subit un contrôle anti-dopage positif, qui lui vaut une suspension d’un an. Revenu en 75 sous les couleurs de Bussière-Poitevine, il retrouve son niveau antérieur, avant de passer à l’UC Brive (78). L’année suivante, il est à nouveau contrôlé positif après une victoire aux Boucles de la Haute-Vienne. Après sa suspension, il ne peut renouer avec le succès et jette l’éponge en 1981.

     

    livre daniel raymondaud

    Sources de documentation

    Le site « Cyclisme en Limousin », animé par Daniel Raymondaud, permet de retrouver tous les cyclistes limousins depuis le début du XXe siècle, avec palmarès, épreuves disputées, dates et résultats. 

    Daniel fut un excellent coureur régional avant de devenir président du CRCL (1999-2004). A l’occasion du centenaire du club, il a publié un ouvrage intitulé : CRCL, 100 ans, 1904-2004. Richement illustré, ce livre retrace l’histoire du club, année après année, et plus largement celle du cyclisme en Limousin. Daniel vient de publier (mai 2021) un nouvel ouvrage : Championnats du Limousin de cyclisme (1946-2017): 52 champions. Pour ce faire, il a épluché toutes les archives du Populaire du Centre, et ce qui subsiste des archives du Comité régional FFC. Il donne notamment les classements et déroulements, mais aussi les biographies et palmarès des meilleurs cyclistes de la période. Il reproduit enfin l’épopée de l’équipe du Limousin dans la route de France 1952.

    Pour en savoir plus : site  https://www.cyclisme-en-limousin.fr/ 

    ou mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

    ou encore : Rétro vélo Dordogne, Véloquercy, Vélo 19, Mémoire du Cyclisme.

     

    Jean François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : T comme Thimonnier

    Passionné de vélo

     

    Né en 1948, Christian Thimonnier a débuté en compétition en 1966, en remportant sa première victoire à Saint-Symphorien-sur-Couze (87). Il disputait encore régulièrement des épreuves à la fin des années 90, continuant depuis à courir occasionnellement. Il est un fleuron des belles années du cyclisme limousin car il a toujours évolué au haut niveau régional. Il a aussi pratiqué le cyclotourisme, et fait montre de grandes qualités comme éducateur et dirigeant de club.

     

    Le compétiteur

    thimonnierLa route est la discipline de base de Christian, qu’il a pratiquée sans interruption tout au long de sa carrière. Mais il a également concouru en cyclo-cross et parfois sur la piste (pendant une soixantaine d’années, il n’y a pas eu de vélodrome en Limousin).

    Jusqu’en 1969, Christian évolua au CRCL, s’illustrant particulièrement en 1967 avec une quinzaine de victoires dont le prix Roger Auclair, difficile épreuve contre la montre, organisée à Guéret. En 1969, il est champion du Limousin des sociétés à Chéronnac, avec ses camarades de club Lebourg, Laroudie et Sansonnet. 

    En 1970, il rejoint l’AS.Saint Junien et aligne sept victoires durant la saison, dont le Challenge du Limousin seniors. Il participe au Tour du Limousin, à des réunions sur piste au Blanc (36) et réalise une belle saison de cyclo-cross. Il poursuit sur cette lancée les trois années suivantes, mais marquera le pas en 1974. En 1975, il passe à l’UVL, dont il devient rapidement le meilleur élément. Jusqu’en 1978, il collectionne victoires et places d’honneur, tant sur route qu’en cyclo-cross (2è du Championnat du Limousin 77), avant de quitter brutalement le club en 1978 ; cette rupture marque la fin de sa carrière au plus haut niveau.

    Il rejoint en 1980 la fédération travailliste FSGT, qui se développe en Haute-Vienne, sous la houlette d’Yves Perchet. Il domine outrageusement les compétitions avec son compère J.M.Rochefort.

    Des années 90 jusqu’à aujourd’hui, il continue à courir à l’occasion sous les couleurs de l’US Condat, puis Saint Denis des Murs (93/94) ou du CRCL.

     

    L’éducateur et dirigeant

    En 1980, Thimonnier fonde l’UC Condat/Vienne, où il réside, il présidera le club pendant 11 ans. Dès cette date, Christian et son équipe de dirigeants axent l’activité du club sur la formation des jeunes, avec une école de cyclisme très performante, qui conquiert le titre de championne de France à deux reprises (1991 et 97). L’UCC a – depuis – toujours poursuivi sur cette lancée formatrice, qui se traduit par un nombre de licenciés FFC actuels autour de la centaine. Aujourd’hui, Christian continue son activité d’éducateur bénévole, en tournant avec les jeunes sur le vélodrome de Bonnac la Côte.

     

    Le cyclotouriste

    Notre ami a aussi pratiqué le cyclotourisme, autre forme de cyclisme, sans classement, mais néanmoins très athlétique. Membre du Cyclo-club de La Tour à Piégut-Pluviers (24), près de son berceau familial de Pensol (87), il a effectué de nombreuses randonnées, principalement dans les départements de Dordogne, Charente et Haute Vienne. Il pratique même le tandem avec son épouse.

    Malheureusement, le cyclotourisme est associé au drame de sa vie : le décès accidentel de son fils Cyril, en 2011, tué par un chauffard, alors qu’il roulait de nuit pour préparer Paris-Brest-Paris Randonneur. Cette épreuve, c’est 1200 km d’une seule traite, si ce n’est quelques rares et brefs arrêts. Cyril avait été un très bon coureur régional : champion du Limousin cadets (1989), il brilla aussi en cyclo-cross, et remporta Limoges-Saint Léonard et retour (1992). En 1994, décidant de donner la priorité à sa vie professionnelle, il s’exila à Chartres, où il continua la pratique du vélo. En 2011, participer à Paris-Brest-Paris était un pari avec son père, un destin tragique l’empêcha de le réaliser.

     

    Christian est une belle figure du cyclisme limousin, apprécié et reconnu pour son amour du vélo, sa disponibilité, sa connaissance du milieu cycliste, ainsi que pour les relations amicales entretenues avec tous, débutants ou anciens. 

     

    Jean François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : U comme union

    Le terme « union » est très utilisé dans l’intitulé des clubs cyclistes, au point qu’on se croirait presque dans le domaine politique ! Pour le plus connu des clubs limousins dont le titre commence par « union », l’Union Vélocipédique limousine, le terme semble approprié puisque le club résulte de la fusion en 1940 de l’UCL et du VCL. Pour d’autres, en revanche, cette utilisation masque une réalité plutôt désunie. Ainsi en est-il pour l’Union Cycliste Felletinoise, créée en 1954 à la suite d’une dissidence au sein du Vélo Club Aubussonnais. De même, la création de l’UC Corrézienne dans les années 1960 visait elle à concurrencer le VC Tulliste.

     

    uc felletin

     

    Sans prétendre être exhaustif, nous passons en revue les principaux clubs limousins se revendiquant le l’union.

    • l’UV Limoges est, avec le CRCL, le club qui a l’histoire la plus riche. Et c’est le seul qui, actuellement est sociétaire de la Nationale 2. Dans un palmarès très riche, nous pouvons mettre en exergue les 6 titres de champion du Limousin sur route glanés par le club. André Bernard en 1949, Marcel Guitard en 1951, Raymond Hébras en 1955, Daniel Samy en 1967, Éric Leblanc en 1983 et Yann Moritz en 2008. En 1962, l’UVL se présentait comme le club aux 3 champions de France, avec André Dufraisse en cyclo-cross, un fidèle du club, et deux recrues de marque, Raymond Poulidor, champion professionnel sur route et Claude Mazeaud, champion des indépendants. Par ailleurs, l’UVL a toujours été un club organisateur de belles compétitions : de Paris - Limoges (de 1928 à 1957) aux Boucles de la Haute-Vienne, organisées chaque année dans plusieurs localités du département, en passant par de multiples courses de villages, les dirigeants du club ont toujours assuré un déroulement sans anicroche de toutes ces épreuves.
    • L’Union Cycliste Briviste : créée en 1950 pour unifier les précédents clubs de la ville, l’UC Briviste a une histoire bien remplie. Beaucoup de belles organisations, comme les Boucles du Bas Limosin, le Prix de la Libération à Brive, les Prix d’Objat, d’Allassac et de nombreuses courses de villages. Des licenciés qui ont souvent fait partie des meilleurs limousins. Deux titres de champion du Limousin sur route sont venus récompenser des coureurs de l’UC Brive : Yves Nicolas en 1981 à Sardent et Thierry Ferrer en 1990 à Felletin. Michel Dupuytren, Marc Durant, Alain Buffière ont fait partie de la grande équipe de l’UC Briviste des années 1970-80.
    • L’UC Felletin : après sa création en 1954, il est d’abord un organisateur de grandes courses : le critérium Martini qui réunissait les meilleurs cyclistes professionnels mondiaux au début du mois d’août, après le Tour de France. Et même le championnat de France professionnel en 1967 (gagné par Désiré Le tort, déclassé ensuite pour contrôle antidopage positif). L’UCF a aussi eu dans ses rangs beaucoup de coureurs de haut niveau : de Michel Jamot (champion du Limousin 1969) à Mickaël Guichard (champion du Limousin 2014) en passant par Alain Saillour (champion du limousin 2003) et beaucoup d’autres, l’UCF a brillè sur toutes les compétitions régionales et parfois nationales. Elle n’a pas pour cela abandonné sa fibre organisatrice puisque c’est le club qui a organisé le plus de championnats régionaux, neuf, dont sept à Felletin même.
    • L’Union Cycliste du Bas-Limousin :  regroupant les cyclistes de la région d’Argentat et de Beaulieu sur Dordogne  le club a été très actif dans les années 1950 avec la présence en son sein de Georges Gay, champion du Limousin en 1952 et 1953, membre de la glorieuse équipe du Limousin sur le Route de France 1952, et qui fut professionnel de 1954 à 1959. Il participa à 4 tours de France.
    • L’Union cycliste Dorachonne : petit club, organisateur de quelques courses au Dorat et alentour, avec quelques licenciés, il subit une mue importante à la fin des années 1990, en devenant l’UCD Nord 87. La particularité du club consistait à accueillir en pension des coureurs anglo-saxons (anglais, écossais, irlandais, australiens, néo-zélandais) désireux de venir découvrir le cyclisme français. C’est ainsi que, de 1998 à 2005 des Richardson, Collins, Wright, Clarke, Rosenbrier, Everett, Smith, O’Callaghan et d’autres se sont illustrés sur les routes de la région.
    • L’Union Cycliste Corrézienne : ce club avait dans les années 1970 et 80 une bonne équipe de compétiteurs et organisait nombre d’épreuves. Alain de Carvalho, qui allait plus tard devenir professionnel, fut champion du Limousin en 1974 à Brive sous les couleurs de l’UCC.
    • L’UC St Léonard : succédant à l’US St Léonard qui fut surtout active dans les années 1950 et au début des années 1960, l’UC St Léonard, sponsorisée par l’entreprise de déménagements de l’ex pro Hubert Fraisseix, rassembla de bons coureurs dans les années 1970 et 80 : Brégaint, Lagarde, Peter, Berron et bien d’autres. C’est aussi le club qui organisait la semaine limousine à St Léonard, Bujaleuf et d’autres localités du secteur.

     

    Jean François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : V comme Vivier

    coppi vivierUn surdoué qui n’aimait pas le vélo.

     

    Jacques Vivier, né en 1930 près de Mareuil sur Belle (24), et décédé en octobre 2021, a connu une carrière relativement brève (1949-1958) mais entièrement brillante dès ses premières années de compétition, et progressivement déclinante jusqu’à son arrêt en 1959 pour se lancer dans l’exploitation forestière.

     

    Champion du Limousin

    Débutant un peu par hasard dans le cyclisme lors d’une course de village en 1949, il prend rapidement conscience des ses possibilités. Il est conseillé, au sein du club de Ribérac, par Marius Duteil, marchand de cycles à Mareuil et excellent coureur. Champion du Limousin 1947, Marius poursuit une longue carrière entamée avant la guerre (1933) et qui se termina seulement en 1955. Par ailleurs, Marius est le père de Francis, deux fois champion de France amateur (1976 et 1979) sous les couleurs du CRC Limousin. 

    Alors qu’il n’en est qu’à sa deuxième année de compétition, Jacques Vivier devient en 1950 champion du Limousin. Sa carrière était lancée, marquée par des performances retentissantes. Vainqueur en 1951 de la Route de France, une épreuve à étapes internationale créée par Jean Leuillot à destination des jeunes coureurs, il se distingue aussi cette année là par le titre de champion de France militaire et par une victoire de prestige au tour de Cantal. 1952 constitue sans doute l’apogée de sa carrière. Au début de saison, il participe à Paris – Côte d’Azur (ancêtre de Paris – Nice). Cette épreuve, organisée par Jean Leuillot et réunissant la plupart des meilleurs coureurs mondiaux, permet au néophyte qu’est Jacques de faire étalage de toute sa classe. Il termine 4éme de l’étape contre la montre, derrière Bobet, Barbotin et Impanis et le lendemain, lors de la dernière étape, il se classe 3éme après une longue échappée et remporte le classement du meilleur grimpeur.

    Vivier confirme dans le Tour de France, au cours duquel il remporte l’étape de Bordeaux à Limoges. Magnifique victoire, devant le public limousin qui applaudit son jeune champion, il séduit même Fausto Coppi, qui l’a incité à attaquer vers Chalus, ils font ensemble leur tour d’honneur au stade de Beaublanc, lieu d’arrivée de l’étape.

     

    Une évasion en forêt...

    Après ces débuts en fanfare, Jacques marque le pas en 1953 : s’il obtient une belle 2éme place au Bol d’Or des Monédiaires derrière Coppi, cela ne compense pas la déception du Tour de France, où il abandonne à la 12 éme étape sans avoir obtenu de résultat notable. En 1954, sa victoire le 14 juillet à Vannes dans la 7éme étape du Tour de France, devant François Mahé et Forlini ramène Vivier au premier plan. Il confirme en l’emportant dans le critérium de Felletin et du Macaud – Eymoutiers. Les années suivantes sont rythmées par ses participations au Tour de France (abandon en 1955 et 56), au Tour d’Italie 1953 (abandon) et au Tour d’Espagne 1955 (abandon 15éme étape). Il l’emporte aussi dans différentes épreuves régionales : Lubersac 1955, Piégut – Pluviers 1956, Sant Martial de Volette 1957 et Montpon en 1958, année où il let un terme définitif à sa carrière cycliste. Ainsi, un début de carrière qui semblait annoncer un parcours glorieux n’a pas eu véritablement de suite. Après ses succès initiaux, il s’est progressivement satisfait de quelques victoires régionales tout en obtenant les contrats rémunérateurs que sa popularité autorisait. 

    Doué pour le cyclisme, il n’aimait pas particulièrement ce sport et pensait avant tout à sa reconversion (réussie) dans l’exploitation forestière. Sa popularité a été remarquable, à un moment où le cyclisme bénéficiait d’une très grande reconnaissance du public et des médias, le public applaudissait les champions et la presse magnifiait leur parcours. Jacques Vivier n’a pas voulu rester longtemps prisonnier de cette popularité ; il s’set évadé vers un métier moins bruyant, les arbres et la forêt.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : W comme Walryck et Wlazlick

    Entre ces deux coursiers, bons régionaux, il y a de nombreux éléments de rapprochement :
    - leurs patronymes, très proches, au point qu’ils ont souvent été confondus dans les articles de la presse régionale,
    - leur origine polonaise,
    - la période où ils ont couru : les années 50 et le début des années 60.
    Pour ne pas les confondre, il faut surtout noter que Daniel a toujours été licencié à Périgueux (Pédale Faidherbe puis CCP) alors que Simon a effectué toute sa carrière au VC Aubusson.

     

    daniel walryckDaniel Walryck

    Débutant en 1952 à la Pédale Faidherbe, Daniel éclate vraiment en 1954, où il gagne notamment à Hautefort et aux 3 Cerisiers. En 1955, il se classe plus de vingt fois dans les dix premiers, avec des victoires à St Médard d’Excideuil, Excideuil et Ste Aulaye. En 1956, il atteint le meilleur niveau régional ; il se distingue par une 8e place au championnat du Limousin, disputé à Périgueux sur un parcours de 170 km qui voit Yves Gourd (AS Eymet) l’emporter.
    En 1957, Daniel, 1er à Terrasson et Cherveix-Cubas, obtient la 2e place au Prix Charles Clément à Limoges, derrière Émile Delmas de Sarlat. 1958 est encore un bon cru, avec une 2e place au Prix de la Victoire à Brive, derrière René Dufour et une 3e place au Prix Charles Clément. En 1959, il termine 2e du Tour de la Corrèze, devancé par le méridional Gilbert Salvador ; Jean Dotto termine 8e. Après 1960, sa carrière va se terminer progressivement.
    En résumé un beau parcours, marqué par de nombreuses victoires, encore plus de places d’honneur et des résultats probants, en particulier face aux professionnels.

     

    simon wlazlick1955Simon Wlazlick

    Simon, né en 1936, a eu beaucoup de mérite, car il a mené sa carrière sportive malgré l’énorme travail qu’il avait à assurer à la ferme familiale puis dans la sienne propre. Sans appui dans sa famille, il trouva heureusement des soutiens dans son club du VC Aubusson, et particulièrement auprès de son président René Adenis.
    Ayant commencé à courir dans quelques épreuves dés 1950, il apparaît sur le devant de la scène en 1954 avec sa victoire au 1er Pas Dunlop départemental puis régional. C’était l’officieux championnat de France des débutants, réservé aux coureurs de 17 ans. Aujourd’hui, Simon confesse qu’il aurait dû être mis hors course, car il allait avoir 18 ans dans l’année, et il était toujours de nationalité polonaise ! Cette même année, il l’emporte à Glénic et Villosanges. En 1955, il gagne à Magnat l’Étrange (où il s’imposera à quatre reprises), à St Chabras, St Fiel, Lavaveix les Mines et Anzème. Il termine 2e du Prix Roger Auclair (épreuve contre la montre à Guéret) derrière Besnard, et également avec le VCA, 2e du championnat du Limousin des sociétés (avec Roffet et Novacek) derrière l’UVL mais devant le CRCL, le VC Arédien et le CC Lindois.
    En 1956, bien que classé en 1er catégorie, il s’impose à 7 reprises et multiplie les places d’honneur. C’est l’année où il gagne à Mérinchal devant Raymond Poulidor, qui casse sa pédale dans le sprint et évite de justesse une chute grave grâce à un spectateur très réactif. 1957 est du même niveau, avec notamment une 9e place dans un très dur championnat du Limousin à Brive, remporté par le bergeracois Dory. Pour des raisons professionnelles, les travaux à la ferme étant à la fois chronophages et source de fatigue, ses résultats s’espacent ensuite. Il refait une belle saison en 1963 et termine en 1964. Cette dernière année, à Bellegarde-en-Marche, il remporte toutes les primes et se classe finalement 6e ; il avait besoin d’argent pour payer ses cotisations à la MSA ! Les résultats de Simon et sa profession le rapprochent de Raymond Poulidor né lui aussi en 1936. Mais, alors que Raymond a très vite voulu échapper à la ferme, Simon, qui a été un éleveur reconnu pour la qualité de son travail, a fait passer la ferme avant le vélo.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : X comme Xaintrie

    veloLa Xaintrie est cette petite région du sud-est de la Corrèze, qui est la seule partie du département située sur la rive gauche de la Dordogne. Elle est limitrophe du Cantal et du Lot. On y compte une vingtaine de communes. Dans les trois quarts d’entre elles se sont disputées des courses cyclistes, des années 1950 aux années 2000. Grâce aux archives de « Cyclisme en Limousin », le blog de Daniel Raymondaud, on peut avoir un panorama de ces courses de Xaintrie.

     

    Des organisations en nombre très variable selon les communes

    Certaines communes ont organisé des épreuves presque chaque année alors que d’autres ont eu des rendez-vous plus espacés avec les amateurs de vélo. Les communes les plus fidèles au cyclisme sont Saint-Privat (36 éditions de 1957 à 2009) et Beaulieu-sur-Dordogne (34 compétitions de 1952 à 1997). Dans la suite du tableau se situent Camps (25 épreuves de 1960 à 2005, avec une éclipse entre 1976 et 1993) et Rilhac-Xaintrie (22 éditions de 1957 à 1992). Vient ensuite Saint-Cirgues-la-Loutre avec 15 épreuves de 1957 à 1999. Servières-le-Château et Goulles font moins bien avec respectivement 13 éditions (de 1954 à 1978) et 11 (de 1952 à 1979). Dans la catégorie des courses rares, on compte Darazac (9 éditions), Auriac, Mercœur et Sexcles (8) et Saint-Julien-aux-Bois (4). Saint-Geniez-Ô-Merle ferme la marche avec 2 épreuves seulement en 1981 et 1982. La plupart des compétitions avaient lieu pendant les mois d’été, principalement au mois d’août. D’abord parce que les dates correspondent aux fêtes patronales dans ces communes. Mais cela permet aussi d’avoir au départ des courses des concurrents de toute la France, particulièrement de la région parisienne, qui profitent de leurs vacances pour participer aux belles épreuves de la Xaintrie. De nombreux coureurs viennent néanmoins des clubs organisateurs : UC Brive et VC Tulle. Beaucoup d’autres sont licenciés dans les clubs des département limitrophes : Cantal et Lot.

     

    Les circuits : des grandes boucles aux« tourniquets »

    Dans les années 1950, et encore dans les années 1960, les concurrents parcouraient de longues boucles qui les éloignaient du lieu de départ. Ainsi, à Darazac, jusqu’en 1973, la course empruntait trois boucles de 25 km. Ensuite, l’augmentation de la circulation automobile, les difficultés d’organisation (liées à la sécurité) et le souci de permettre aux spectateurs de suivre le déroulement de la course ont conduit à raccourcir les circuits. Ce sont généralement des « tourniquets » (petites boucles à couvrir de nombreuses fois, dans le jargon cycliste) qui sont proposés aux coureurs. Ainsi, à Beaulieu-sur-Dordogne, on passe dès 1962 aux 100 tours de la vieille ville (80 km au total). À Saint-Privat, on passe à partir de 1965 à un circuit de 3,8 km à parcourir 20 fois.

     

    Des courses réservéesaux coureurs de série régionale

    La plupart des courses de Xaintrie sont ouvertes aux 3e et 4e catégories, ou catégories B et C, ou série régionale, selon la dénomination du moment. Les coureurs de l’élite, 1e catégorie ou série nationale, n’ont été admis que dans les années 1950 et 1960. Ainsi, à Beaulieu, les 1e catégorie ont droit de cité jusqu’en 1969, à Saint-Privat aussi. Argentat fait exception avec 6 éditions sur 7 ouvertes aux 1e catégorie, ce qui donne un palmarès prestigieux : Georges Gay en 1953 (Trèfle argentais, 145 km, qualificatif pour le championnat du Limousin), Jean Rioux en 1962, Yves Nicolas en 1979, coureurs qui s’imposent avant Fernand Farges et Claude Aigueparses en 1980 et 1981.

     

    Débutants et vieilles gloires

    Les courses de série régionale, largement majoritaires, ne sont pas inintéressantes. Elles donnent l’occasion à des débutants doués d’acquérir de l’expérience dans la compétition et de prendre conscience de leurs qualités. Alain De Carvalho, Jean Luc Masdupuy, David Moncoutié et Sylvain Georges, sont tous devenus professionnels après avoir gagné en Xaintrie à leurs débuts. Les courses régionales sont aussi l’occasion pour ceux qui subissent le déclin dû à l’âge, de continuer la compétition à un niveau inférieur. François Douhet et Christian Magimel en sont l’illustration. Au palmarès des différentes courses de la Xaintrie, on relève de nombreux vainqueurs appartenant à des clubs extérieurs au Limousin : les Cantalous, Lotois et Parisiens. Chez les Limousins, des noms reviennent souvent : dans les années 1950, Jean Marie Bouzou (UC Brive) et Jean Rioux (VC Tulle). Dans les décennies suivantes, les frères Boyer, les Sarladais du VC Tulle, ont fait une ample moisson de places d’honneur et de victoires. Christian Boubert (VC Tulle, puis UC Brive) s’est pour sa part illustré dans les années 1970 et 1980.
    Beaucoup d’autres remarques concernant ces courses de Xaintrie seraient sans doute pertinentes, mais elles déborderaient des limites de cette chronique. Ce qui doit être retenu, c’est la vitalité et la popularité du cyclisme dans les campagnes des années1950 au début des années 2000. La Xaintrie en est un excellent exemple, mais beaucoup d’autres petites régions du Limousin (ou de la Dordogne) pourraient en attester.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Abécédaire du cyclisme limousin : Z comme Zech

    Gilles Zech, un aquitain deux fois champion du Limousin. Dans les années 1950, et pendant les deux décennies qui ont suivi, les clubs cyclistes avaient un recrutement régional, et même principalement local. Seuls, les clubs parisiens (ACBB, Puteaux,…) avaient les moyens d’attirer les meilleurs coureurs provinciaux.
    Les choses ont commencé à changer vers 1980 ; les clubs, grâce à des soutiens financiers privés et publics en croissance, ont étendu leur recrutement aux régions limitrophes, et, pour les plus puissants, à tout le territoire français et même à l’étranger.

    gilles zechCette évolution a notamment été marquée à l’UC Felletin, devenue à la fin des années 1990 le club phare du Limousin avec une équipe regroupant les meilleurs régionaux et des coureurs de très bon niveau en provenance d’autres comités. Gilles Zech est l’un de ceux-là.

    Né en 1971 à Bayonne, Gilles commence la compétition cycliste en catégorie cadets en 1987 au CC Marmande ; il y restera jusqu’en 1992 ; après avoir pratiqué son sport en dilettante, il va prendre conscience de ses possibilités et donner une nouvelle orientation à sa carrière en passant en 1993 à Mérignac VC ; il y réalise une brillante saison marqué par une victoire d’étape au tour de Nouvelle Zélande.
    En 1994 et 95, il est licencié au FC Oléron ; en 1994 il s’impose, entre autres, à Hautefort, à Coux et Bigarôque, à Tonneins. En 1995, il devient champion d’Aquitaine à Biron, et collectionne les victoires : Tonneins, Bayonne, Bayonne-Pau, etc. Il termine 2éme et meilleur grimpeur du tour de Yougoslavie.
    En 1996, de retour au CC Marmande, il devient champion d’Aquitaine contre la montre par équipe ; il l’emporte à la 2éme étape du tour de la Corrèze, dont il est sacré meilleur grimpeur ; il gagne au Mont Pujols et à Hautefort. Un problème de genou va le contraindre à une année blanche en 1997. En 1998, il signe à « l’UC Felletin-23 la Creuse », une équipe qui regroupe la quasi-totalité des coureurs élite du Limousin. Il s’impose à huit reprises, en particulier au tour des Landes, aux Monts de Livradois, au tour du Blayais, au sommet de l’Aubisque dans le tour du Béarn. Il revêt le maillot de champion du Limousin à Bourganeuf, devant 6 de ses coéquipiers.

    En 1999, toujours à « l’UC Felletin-23 la Creuse », il réalise à nouveau une très belle saison, avec des victoires à Montastruc, au Mont Pujols, à Bayonne - Pampelune, à la 1ére étape du tour de la Gironde et à la Ronde du Chasselas à Lusignan le Petit.
    À Chaptelat, il renouvelle son titre de champion du Limousin, malgré une crevaison à 10 km de l’arrivée, devant 6 de ses coéquipiers. En 2000, il gagne à Cenac St Julien, à Nedde, et une étape du tour du Nivernais - Morvan.

    En 2001, il gagne à Bressuire et poursuit sa moisson de victoires : Montendre, tour des Coteaux d’Albret, tour du canton des Deux Sévres, Lagorce - Laguirande. En 2002, il s’impose au tour du canton de Saint Ciers et termine 2 éme à Puy l’Evêque. En 2003, après avoir gagné à Guéret (prix de la Trinité) et à Buxerolles, il est victime d’une lourde chute à Saint Ciers (double fracture de la mâchoire ; ce sera un des facteurs qui le conduira à mettre un terme à sa carrière en fin de saison.
    Il continuera ensuite dans le cyclisme comme entraineur des juniors aquitains. Ses années de compétition au plus haut niveau amateur auront marqué les mémoires des supporters cyclistes, ses facultés de grimpeur et de sprinter (surtout en côte) ont suscité l’admiration des spectateurs et le respect (et la crainte) chez ses adversaires.

     

    Avec cette lettre Z se clôt notre abécédaire du cyclisme limousin. Un « Dictionnaire du cyclisme en Limousin » vient de paraître sous les signatures Kevin Car, reporter sportif au Populaire du Centre, pratiquant et passionné de cyclisme, et Bernard Verret, retraité de la rubrique sportive du Populaire du Centre et auteur de « Poulidor champion » et « Poulidor, sa vraie vie ».Beaucoup plus copieux et documenté que notre modeste abécédaire, il fourmille d’informations précieuses sur le cyclisme en Limousin. La source principale de documentation reste le site de Daniel Raymondaud, « Cyclisme en Limousin » et les deux livres qu’il a publiés : « CRCL 100 ans 1904 - 2004 » et « Championnats du Limousin de cyclisme, de 1946 à 2017 ».
    L’abécédaire est terminé, mais vous pouvez nous faire part de vos réflexions, vos informations, vos interrogations sur le cyclisme en général et en Limousin particulièrement.

    Jean-François Pressicaud
  • L’histoire cocasse d’un vélo résistant

    Le lecteur pensera : mais c’est quoi un vélo résistant ? Ou encore, le résistant, c’est plutôt celui qui monte dessus, non ? Je répondrai : les deux mon général. Voici pourquoi.

     

    le velo de 1944Il faut tout d’abord revenir un peu en arrière, il y a près de 80 ans. Un fait de guerre... encore ! Mais non, vous allez voir, pour une fois, c’est marrant. Le 4 juin 1944, en pleine occupation, avait lieu le Tour cycliste du Limousin. Et plus encore, les meilleurs coureurs français de l’époque se baladaient au milieu des Allemands et des résistants. Remarquons au passage que le 4 juin, c’était 2 jours avant le débarquement en Normandie. Durant l’étape qui devait ramener les sportifs à Limoges, entre La Croisille et Linards, voilà-t-y pas que la course est arrêtée par un barrage de maquisards FTP au lieu-dit « Les Quatre Routes de Saint-Méard ». Les gaillards, un peu armés tout de même, obligent tout le monde à descendre, suiveurs compris. Ils dévalisent les vélos et quelques voitures, laissant les coureurs repartir dans la voiture-balai ! La majorité plutôt à pied, il leur restait tout de même 40 kilomètres à parcourir. Cet « attentat » - diront les Allemands et les collabos - ces « réquisitions » - diront les résistants - aura à Limoges une portée symbolique très forte, attestant de l’audace grandissante du maquis. Par cette opération il faisait la démonstration de sa force, il régnait réellement en maître autour de Limoges, qui n’était plus « qu’une citadelle assiégée ». Les vélos serviront, entre autres, à équiper les agents de liaison au rôle de plus en plus nécessaire. Pas vraiment un drame n’est-ce pas ? Voilà pour l’histoire... qui ressurgit 76 ans après.
    En effet, dans notre coin, vit un certain Pierrot, qui est un touche-à-tout. Quand vous allez chez lui, il dit même :
    « Touchez à rien ! » Ce Pierrot-là a donc plusieurs cordes à son arc parmi lesquelles une grande affection pour la Résistance et un amour très ancien pour les vieux vélos. Un de ses amis - dont le père fut un résistant notoire - apporte un jour à Pierrot une vieille bécane qui aurait vécu l’épisode de 1944. Quelqu’un lui avait dit que quelqu’un savait de source sûre, que ce vélo rouillé, gardé longtemps dans une grange, n’avait jamais été rendu à son propriétaire. Passionnant ! Nous allions avoir un vélo historique dans un musée de la Résistance, à Peyrat-le-Château ou à Limoges. Il fallait quand même vérifier. Pierrot me demande si je connaissais un spécialiste des vieux vélos. Justement, à 200 m de chez Pierrot vit un passionné de cyclisme qui est né précisément en 1944. Un peu jeune pour avoir connu le modèle donc. Reconnaître précisément le modèle, repérer des détails techniques, c’est une affaire de connaisseur. L’idéal serait de retrouver un ancien coureur de juin 1944, mais vous comprendrez que… La bécane devenue vieux clou, aurait tout de même résisté 80 ans au moins, c’est la seule certitude. Donc, finalement l’histoire fait flop. Le vélo se trouve bien dans une sorte de musée, il faudrait demander à Pierrot. Mais en ce moment, ce dernier est occupé par une croisade de protection des hérissons. Évidemment, par ces quelques lignes, j’ai quelque peu marché sur les plates-bandes de notre ami Jean-François Pressicaud, que les lecteurs d’IPNS connaissent bien pour son abécédaire du cyclisme limousin (qui arrive à sa fin...). Mais je n’ai pas pu résister. Tout le monde ne peut pas être résistant !

     

    On ne voit pas assez précisément l’engin pour affirmer qu’il est de 1944. Néanmoins, la selle n’est certainement pas d’origine, le garde-boue arrière et le feu rouge non plus (dixit notre spécialiste vélocipédique, J.-F. Préssicaud).

     

    Emile Vache
  • Le vélo au quotidien

    Le velo au quotidienDéjà auteur de trois livres sur le vélo, dont Le vélo à la reconquête des villes, bréviaire de révolution tranquille (L’Harmattan, 2009), Nicolas Pressicaud récidive avec Le vélo au quotidien, sous titré « pour une nouvelle culture cycliste au service des citoyens (éditions Libre et Solidaire, 2021).

     

    Actuellement enseignant, mais auparavant consultant spécialisé dans les « mobilités douces », Nicolas Pressicaud a accumulé des connaissances techniques et développé une réflexion qui se sont affinées et élargies au cours des années. Dans la préface, Olivier Schneider, président de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), exalte le vélo comme « un outil incroyable de résilience face aux crises ». Son association a créé le baromètre des villes cyclables qui fait référence en la matière et elle est à l’origine de nombreuses manifestations (toujours pacifiques et non violentes) à ce sujet. Ainsi, à Montpellier, en 2018, après que le maire ait déclaré que « faire une infrastructure cycliste pour qu’elle soit utilisée par deux personnes, ce n’est peut-être pas l’idéal », les cyclistes manifestent sur le thème « Je suis un des deux »... et sont 1 500 à se retrouver !

     

    À la ville comme à la campagne

    Nicolas a travaillé avec deux associés, un Allemand et un Néerlandais, ce qui lui a permis d’aller étudier dans leurs pays, ainsi qu’en Belgique et au Danemark, comment étaient résolus les problèmes de déplacements doux. La comparaison avec la France n’est pas à l’avantage de celle-ci. S’il y a eu des progrès dans les années récentes, il reste une bonne marge d’amélioration. Le livre présente une analyse précise, complète et détaillée des aménagements techniques et de l’environnement culturel et politique indispensables pour faire progresser l’utilisation du vélo. Même si la majorité des analyses et propositions concerne les villes, le vélo en campagne n’est pas oublié. Le stationnement, les véloroutes et le VAE (vélo à assistance électrique) concernent aussi le monde rural. Même dans les petites villes, là où il y a des commerces et des services publics, il peut être utile de prévoir des possibilités de stationnement sécurisé. C’est encore plus important aux abords des gares (SNCF ou routières) où chacun devrait pouvoir se rendre à vélo et y parquer sa monture. Le développement des véloroutes, des itinéraires balisés empruntant des routes à faible circulation permet aux randonneurs cyclotouristes de visiter en profondeur nos campagnes. Celles qui existent en Creuse ont été particulièremen fréquentées au cours de l’été 2020. L’arrivée du VAE facilite les déplacements domicile-travail et différents déplacements utilitaires, tout en permettant aux utilisateurs d’avoir une activité physique.

     

    Revitalisation commerciale

    Au-delà du seul vélo, Nicolas Pressicaud réfléchit globalement sur l’aménagement du territoire. Après avoir énuméré les nécessaires mesures de régulation automobile et recensé les possibilités d’associer train et vélo, il dégage deux axes principaux d’intervention. D’abord s’appuyer sur l’architecture historique des centre-ville pour en écarter le plus possible l’automobile (circulation et stationnement) et permettre ainsi que se développent la marche, le vélo, les jeux d’enfants et la nature. Ensuite permettre la revitalisation commerciale des centres urbains. Pour cela il est souhaitable que les commerces alimentaires soient situés en centre-ville comme c’est le cas en Allemagne. Parmi les moyens pour y parvenir, l’implantation de parkings à vélos près des magasins est très utile.

     

    Cultures nationales et vélo

    Dans la progression souhaitable du vélo, les associations jouent un rôle fondamental. Les associations de collectivités, comme le Club des villes et territoires cyclables, ou Vélos et Territoires, favorisent la circulation des informations et la confrontation des expériences diverses. Les associations d’usagers sont encore plus importantes. La FUB, qui regroupe les associations militantes, fournit à ses membres des informations et des supports matériels de promotion du vélo. Elle dispose aussi d’une cellule d’assistance juridique et d’une revue Vélocité.

    Un chapitre particulier du livre est consacré à une « réflexion sur les cultures nationales et leur rapport au vélo ». C’est, à première vue, le développement le plus surprenant de l’ouvrage, mais comme l’argumentation déployée est fournie et étayée, il faut prendre au sérieux la thèse soutenue, qui établit un lien entre la culture nationale dominante et la pratique du vélo. Les pays de culture protestante du Nord de l’Europe seraient naturellement plus ouverts au vélo que les pays latins et catholiques. Voilà un beau sujet de débat !

    D’autres pistes originales sont explorées comme la place de la nature et des animaux en ville, et le rôle que commence à jouer le vélo dans le développement des pays d’Afrique.

    Au total, un ouvrage dense, qui ouvre de multuples pistes de réflexion et montre que le vélo peut être un indicateur de transformations où l’écologie, le collectif et le sens pratique auraient la place qu’ils méritent dans un monde plus viable et respectueux de l’environnement.

     

    Jean-François Pressicaud
  • Poulidor et les autres ou l'age d'or du cyclisme en Limousin

    veloLe 2 juillet 1956, Simon Wlazlick, du Vélo-club d’Aubusson, et Raymond Poulidor, de la Pédale Marchoise, tous deux âgés de 20 ans, se disputent au sprint la première place du prix de Mérinchal. Alors que Wlazlick a déjà nettement pris l’avantage sur Poulidor, ce dernier, en plein effort, perd une pédale qui s’est dévissée. Déséquilibré, il ne contrôle plus sa trajectoire, traverse la route et va s’écraser sur les machines agricoles exposées devant un atelier. Heureusement un spectateur, Norbert Tailhardat, le ceinture et lui évite une chute qui aurait pu le priver de la carrière que l’on sait. Participant à la journée du livre de Felletin, au cours de laquelle il dédicace avec beaucoup de succès son livre autobiographique «Poulidor, par Raymond Poulidor» aux éditions Jacob-Duvernet, il rencontre Simon Wlazlick et exprime son souhait de retrouver son «sauveur», dont il n’a aucune nouvelle depuis 1956. C’est ainsi que le 21 octobre 2004, Raymond Poulidor, Simon Wlazlick et quelques dirigeants des clubs cyclistes d’Aubusson et Felletin sont reçus à Mérinchal par la municipalité pour les retrouvailles du grand champion avec M. Tailhardat qui par son réflexe courageux lui a évité une grave chute. Cette rencontre constitue une nouvelle occasion d’évoquer en 2004 la place du cyclisme dans la vie sportive régionale et, au-delà, dans la société limousine.

    Le passage du Tour de France en Limousin les 13 et 14 juillet 2004 a donné lieu à un hommage spécial à Raymond Poulidor dans sa ville de Saint Léonard de Noblat. Quarante ans après le célèbre duel avec Anquetil sur les pentes du Puy de Dôme, on pu vérifier l’inusable popularité du champion limousin. L’étape cyclosportive Limoges-Saint Flour disputée le 11 juillet par 8000 concurrents a démontré avec éclat que le cyclisme, sous de nouvelles formes, conserve énormément de vitalité.

    Le centième anniversaire du CRCL (Cyclo racing club de Limoges) a été marqué par diverses manifestations, notamment une «randonnée des anniversaires » sur le parcours de l’étape du Tour de Saint Léonard à Guéret. Elle était organisée par le CRCL et les clubs de Felletin (50 ans), Aubusson (70 ans) et l’AC Creusoise. L’occasion de retrouvailles marquées par l’émotion et la convivialité et la présentation par le président du CRCL de l’ouvrage «CRCL – 100 ans. 1904-2004». Il retrace 100 ans de cyclisme à Limoges et dans tout le Limousin.

     

    Les temps héroïque (avant 1914)

    Au cours des premières années du siècle se mettent en place les compétitions sur route et les réunions sur piste au vélodrome du Grand Treuil à Limoges. Sur des routes pierreuses et poussiéreuses, montant de lourdes machines, les compétiteurs réalisent des moyennes étonnantes. C’est le temps des compétitions «aller-retour»: Limoges-St Junien, Limoges- Nontron, Limoges-Bellac. La première édition de Limoges-St Léonard a lieu en 1905, l’épreuve survivra jusqu’en 1998, la circulation automobile a fini par la condamner.

    Au vélodrome, doté d’un anneau en ciment en 1904, alors qu’il avait été construit en 1895 avec une piste en terre battue, les meilleurs pistards français et internationaux s’affrontent dans les épreuves classiques : vitesse, individuelle, poursuite, américaine (en relais, par équipe de deux) et déjà la très spectaculaire demi-fond (derrière moto).

     

    L’entre deux guerres

    cyclistesLes courses sur route et sur piste se développent parallèlement. La majorité des coureurs s’adonnent aux deux activités. Sur route s’organisent les grandes épreuves de ville à ville avec notamment Paris- Limoges dont la première édition date de 1927. C’est une course de niveau international ; à son palmarès figurent beaucoup de grands noms comme Antonin Magne qui l’emporte en 1929, deux ans avant sa première victoire dans le Tour de France. On assiste aussi à de belles compétitions départementales comme le Tour de la Corrèze ou le Circuit de la Creuse.

    Sur la piste, la figure emblématique régionale c’est André Raynaud, champion du monde de demi-fond à Zurich en septembre 1936. Il décèdera quelques mois plus tard lors d’une chute à la suite de l’éclatement d’un boyau au vélodrome d’Anvers. Originaire de Vaulry, dans les monts de Blond, il a brillé dans toutes les disciplines du cyclisme sur route (champion de France des indépendants en 1926) et surtout sur piste. Brillant en poursuite il réussit particulièrement dans les épreuves de «six jours» (vainqueur à Paris en 1929 et Marseille en 1930) et dans les autres épreuves à l’américaine (en relais, par équipe de deux), et finalement en demi-fond, spécialité très populaire et spectaculaire. Après sa victoire au championnat du monde, il fut accueilli à son arrivée à la gare de Limoges par une foule énorme qui l’accompagne jusqu’à l’Hôtel de Ville où Léon Betoulle, le maire, lui offrit une réception.

     

    Les années 40

    Pendant les années de guerre et d’occupation, le cyclisme continue tant bien que mal sur route et sur piste, s’adaptant aux circonstances avec plus ou moins de facilité. La rareté et la mauvaise qualité du matériel, le mauvais état des routes s’ajoutent aux contraintes résultant de la défaite de 1940. Il y eut malgré tout des épreuves importantes qui attirent des coureurs professionnels de toute la France, comme Vichy-Limoges en 1942 et 43. En juin 1944, le tour de la Haute Vienne est stoppé par la résistance à La Croisille sur Briance. Le Cyclisme ne peut pas ou plus ignorer les combats qui se préparent pour la libération du territoire.

    Dès la saison 1945, l’activité cycliste reprend. Les coureurs, bridés pendant les années noires sont impatients de reprendre le cours de leur carrière sportive, ou de l’entamer pour les plus jeunes. Tout le rayonnement du cyclisme limousin pour les deux décennies à venir se met en place. De belles organisations, des coureurs nombreux et ambitieux attirés par des dotations intéressantes, des marques de cycle régionales (Blondin, Elans, Simoun, Royal-Fabric, Rochet) ou nationales (Peugeot, Terrot, Mercier) financent des «écuries».

     

    La période dorée : 1950-1970

    Le cyclisme régional prend un nouvel essor, le comité du Limousin regroupe les trois départements. Auquel s’ajoute l’apport important de la Dordogne avec un grand nombre de courses organisées mais aussi de clubs (Périgueux, Sarlat, Bergerac, Lalinde, Ribérac ou Montpon) et des coureurs de qualité.

    crcl 2004Sport d’été déjà le plus prisé dans les années d’avant guerre, la popularité du cyclisme ne cesse de grandir. Les épreuves se multiplient à tous les niveaux, les journaux consacrent une place prépondérante au vélo. La présentation des compétitions durant toute la semaine et souvent deux pages entières de résultats le lundi, alors que le nombre de pages des journaux était plus réduit qu’aujourd’hui. Il faut dire que la réussite des coureurs limousins au plus haut niveau a de quoi susciter l’enthousiasme. Qu’on en juge: en 1951 et 52, les limousins dominent la Route de France.

    Une belle épreuve internationale destinée aux jeunes coureurs aussi importante que le Tour de l’Avenir à partir de 1960. En 1951, Jacques Vivier de Ribérac l’emporte. En 1952 l’équipe du Centre rafle le classement individuel, le classement par équipe et celui du meilleur grimpeur. L’équipe était composée de trois coureurs du CRCL, deux coureurs de l’UVL (union vélocipédique de Limoges), de deux corréziens et d’un creusois. L’épreuve comportait 14 étapes, avec départ à Caen et arrivée à Aurillac et l’ascension des grands cols pyrénéens.

    En cyclo-cross, une discipline extrêmement populaire, dont les circuits se rapprochaient par leurs difficultés de ceux du VTT actuels. André Dufraisse de l'UVL remporte cinq titres consécutifs de champion du monde et sept titres de champion de France. Il remporte son dernier titre de champion du monde à Limoges en 1958 au stade Beaublanc, haut lieu du sport. Théâtre des exploits du Limoges Foot ball club dès son accession en ligue professionnelle, le stade de Beaublanc prend le relais du vélodrome "André Raynaud" démoli en 1958 après plus de 50 ans au service du cyclisme et du rugby. Les modes sportives changent et Beaublanc partage ses heures de gloire avec le foot d'abord puis le basket et le CSP dans les années 1980.

    La fin des années 50, c'est le début de la carrière en fanfare de Raymond Poulidor. En 1956 il a tout juste vingt ans et avant son départ au service militaire il réussit quelques performances remarquable face aux professionnels ; il est 6° au bol d'or des Monédières et 2° à Peyrat le Château derrière le champion de France Bernard Gauthier. En 1959, au retour d'Algérie, il confirme tous les espoirs en devenant champion du Limousin et en brillant dans tous les critériums de l'été. Passé pro en 1960, il remporte le Bordeaux-Saintes ; sélectionné pour les championnats du monde en Allemagne de l'Est il termine 5°.

    En 1961 il remporte Milan-San Remo et devient champion de France à Rouen. La suite est faite de résultats exceptionnels, de belles victoires, mais aussi de beaucoup de malchances qui lui vaudront d'être le champion de la popularité. Il poursuivra sa carrière internationale au plus haut niveau jusqu'en 1977 à 41 ans! Trois fois 2° du Tour de France, 5 fois 3° il totalisera 183 victoires professionnelles dont le Tour d'Espagne en 1964, Paris-Nice en 1972 et 1973 devant le grand Mercks, le Dauphiné Libéré en 1969 et la Flèche Wallonne en 1963. 30 ans après sa popularité est toujours aussi grande, à tel point qu'aujourd'hui encore c'est "allez Poupou" qui constitue l'encouragement le plus fréquemment entendu par les cyclistes de tous âges et de tout niveau.

     

    Les raisons du succès

    La popularité du cyclisme en Limousin avec son apogée dans les années 50-60 se poursuivant jusqu'à la fin des années 70 peut nous conduire à nous interroger sur les composantes d'un tel succès. En premier lieu sur le plan strictement sportif l'éclosion et l'épanouissement de tout un panel de champion ont été largement favorisés par les très nombreuses compétitions de tous niveaux qui ont permis à ces jeunes sportifs de débuter leur carrière près de chez eux et de continuer à progresser dans des courses plus relevées tout en restant dans leur environnement habituel.

    En second lieu, le cyclisme est en adéquation avec la société rurale. Les campagnes n'en sont qu'au début de la révolution agricole qui va les vider d'une bonne partie de leurs habitants. La course cycliste constitue encore pour quelques années le point culminant de la fête patronale. Les coureurs locaux y affrontent ceux qui parfois viennent de loin et ils comptent de nombreux supporters. Le vélo encore utilisé par la majorité de la population comme moyen de déplacement, chacun peut apprécier à leur juste valeur les efforts des coureurs et comme la fête est une occasion unique dans l'année de s'amuser et de dépenser les courses sont bien dotées en prix pour le classement final et en primes au cours de l'épreuve. Les petits clubs sont nombreux dans la campagne limousine.

    Un bon exemple c'est la Pédale Marchoise dont le siège est à La Forêt, un village de la commune de Montboucher. Il a été le premier club des frères Poulidor. André Lopez président et cheville ouvrière du club organisait de nombreuses épreuves tout autour de Bourganeuf, notamment dans les villages qui n'étaient pas chef-lieux de communes. A la Forêt il y avait deux courses par ans, Millemilanges de St Goussaud, Pont de Murat de St Dizier Leyrenne, Puy la Croix de St Pardoux Morterolles. Mais le vélo reste très populaire en ville. La circulation automobile bien moins dense qu'aujourd'hui autorise l'organisation de belles épreuves au coeur de la cité, ou encore des arrivées dans la ville après un parcours en campagne.

    Des foules considérables viennent assister à ces événements sportifs, on y venait facilement en famille. Les courses urbaines sont très souvent parrainées par une firme commerciale et en prennent le nom : prix Dony, Arya ou Conchonquinette pour les magasins de vêtement ; elles peuvent aussi être financées par des collectivités et/ou des associations de commerçants.

    L'interpénétration des catégories est une autre caractéristique des compétitions de cette époque. Alors que nous sommes habitués depuis plus de trente ans à une séparation très nette entre professionnels et amateurs, l'existence de la catégorie des indépendants qui pouvaient courir aussi bien avec les pros qu'avec les amateurs permettait aux organisateurs de courses d'aligner au départ des professionnels prestigieux et des coureurs régionaux. Il faut se souvenir que le Tour de France malgré toute sa notoriété n'était pas la grosse machine que nous connaissons aujourd'hui. Sur les 120 participants de l'époque contre 200 à présent, près de la moitié était français. Les belges, hollandais, italiens, espagnols et suisses constituaient la majeure partie des autres.

    Seuls quelques individus représentaient la Grande Bretagne, l'Allemagne, le Portugal, l'Autriche ou les pays scandinaves. Les pays de l'Est ne connaissaient pas le professionnalisme pour des raisons idéologiques, alors que le continent américain et l'Australie n'envoyaient pas de coureur en Europe occidentale.

    Pendant l'été et surtout pendant le mois d'août, des critériums regroupent les coureurs qui ont participé au Tour de France ; ils bénéficient de primes de départ proportionnelles à leur notoriété. Les coureurs d'autres régions, professionnels ou indépendants venaient s'installer quelques jours ou quelques semaines en Limousin pour disputer le maximum d'épreuves pendant leur séjour. Les plus connus étaient les marseillais et les azuréens. Hébergés dans une des auberges rurales qui offraient à cette époque, pour un prix modique un gîte et des repas de qualité, ils sillonnaient la région pour se rendre au départ des épreuves de la région. Ils n'avaient pas de longs déplacements à faire car même en se limitant à la montagne limousine des critériums se déroulaient à Peyrat le Château, Eymoutiers, Aubusson, Felletin, Ussel, Meymac, Peyrelevade, Treignac. A Eymoutiers en 1959 cinq vainqueurs du Tour de France sont au départ du 17° grand prix de Macaud. Le Bol d'or des Monédières organisé à Chaumeil par le célèbre accordéoniste Jean Ségurel drainait des milliers de personnes chaque année sur les pentes du col de Lestards. Les plus grands coureurs mondiaux figurent à son palmarès.

     

    Les changements depuis 25 ans

    Depuis la fin des années 70 la place du cyclisme a beaucoup régressé dans le sport régional et surtout national. Bien sûr le Limousin a eu Luc Leblanc champion de France professionnel, puis champion du monde à Agrigente, vainqueur d'étapes et porteur du maillot jaune sur le Tour de France. Mais cela ne compense pas la baisse du nombre des épreuves et la modification des pratiques du cyclisme.

    Raymond Poulidor et Jean Francois PressicaudEntre 1970 et 80 on assiste à la disparition progressive des critériums. Pour des raisons économiques d'abord, les contrats des coureurs professionnels sont de plus en plus onéreux, mais aussi pour des impossibilités pratiques. Car, même à prix d'or, il devient impossible de réunir les grandes vedettes du Tour. Ils ont d'autres épreuves à préparer ou sont pressés de rejoindre leur lointain pays d'origine. Les vedettes ne sont plus françaises ou belges. Par ailleurs les habitudes ont changé. Alors qu'antérieurement le prix d'entrée sur le circuit payé par le spectateur suffisait à équilibrer financièrement l'opération, cette pratique a été abandonnée. Le dernier critérium creusois, de Dun le Palestel est gratuit, les soutiens publicitaires en assurent le financement.

    La diminution du nombre d'épreuves entraîne une baisse du nombre de coureurs licenciés. Parallèlement la place du cyclisme dans les pages sportives des journaux régresse régulièrement. L'influence de la télévision a été déterminante. Le Tour de France et les grandes classiques comme Paris-Roubaix ont beaucoup d'audience. Les courses professionnelles de moindre importance et à fortiori les compétitions régionales n'attirent plus que des passionnés en petit nombre.

    Et pourtant les pratiquants du cyclisme sont de plus en plus nombreux. Mais ce sont de nouvelles formes qui s'imposent : le VTT d'abord, surtout sous forme de loisir, mais aussi de compétition. Les épreuves de masse, les cyclosportives comme la Raymond Poulidor, la limousine André Dufraisse, ou l'Ecureuil réunissent des pelotons impressionnants (500 à la Poulidor, 1500 à la Dufraisse ou l'Ecureuil, jusqu'à 12000 à l'Ardéchoise) de participants de tous âges et de tous les niveaux.

    En revanche le vélo utilitaire a quasiment disparu depuis 40 ans. Avec la paralysie de la circulation automobile, des efforts sont faits pour développer le vélo urbain. Après La Rochelle dans les années 70 la ville de Lyon lance actuellement une expérience de prêt gratuit de vélos pour les déplacements dans la ville. Le succès de ces pratiques est très variable.

     

    Et l'avenir

    Pour ce qui est de la compétition, on peut penser que l'activité actuelle va se maintenir en Limousin. Il reste de belles épreuves et nous avons des jeunes coureurs prometteurs comme le nouveau champion du Limousin Sylvain Georges de Mainsat. La pratique de loisir avec une tonalité plus ou moins sportive possède beaucoup d'atouts qu'il s'agisse du VTT ou de la route. Les routes de la campagne limousine sont nombreuses et en bon état. La circulation automobile reste faible et le relief varié peut convenir à des pratiquants de toutes catégories. Le cyclotourisme devrait avoir un bel avenir parallèlement au développement d'un tourisme vert diffus axé sur la nature et le patrimoine. On peut donc penser qu'il y aura des cyclistes sur les routes limousines et qu'ils seront encore pendant longtemps encouragés par des "Vas y Poupou".

     

    Jean-François Pressicaud