Il faut tout d’abord revenir un peu en arrière, il y a près de 80 ans. Un fait de guerre... encore ! Mais non, vous allez voir, pour une fois, c’est marrant. Le 4 juin 1944, en pleine occupation, avait lieu le Tour cycliste du Limousin. Et plus encore, les meilleurs coureurs français de l’époque se baladaient au milieu des Allemands et des résistants. Remarquons au passage que le 4 juin, c’était 2 jours avant le débarquement en Normandie. Durant l’étape qui devait ramener les sportifs à Limoges, entre La Croisille et Linards, voilà-t-y pas que la course est arrêtée par un barrage de maquisards FTP au lieu-dit « Les Quatre Routes de Saint-Méard ». Les gaillards, un peu armés tout de même, obligent tout le monde à descendre, suiveurs compris. Ils dévalisent les vélos et quelques voitures, laissant les coureurs repartir dans la voiture-balai ! La majorité plutôt à pied, il leur restait tout de même 40 kilomètres à parcourir. Cet « attentat » - diront les Allemands et les collabos - ces « réquisitions » - diront les résistants - aura à Limoges une portée symbolique très forte, attestant de l’audace grandissante du maquis. Par cette opération il faisait la démonstration de sa force, il régnait réellement en maître autour de Limoges, qui n’était plus « qu’une citadelle assiégée ». Les vélos serviront, entre autres, à équiper les agents de liaison au rôle de plus en plus nécessaire. Pas vraiment un drame n’est-ce pas ? Voilà pour l’histoire... qui ressurgit 76 ans après.
En effet, dans notre coin, vit un certain Pierrot, qui est un touche-à-tout. Quand vous allez chez lui, il dit même :
« Touchez à rien ! » Ce Pierrot-là a donc plusieurs cordes à son arc parmi lesquelles une grande affection pour la Résistance et un amour très ancien pour les vieux vélos. Un de ses amis - dont le père fut un résistant notoire - apporte un jour à Pierrot une vieille bécane qui aurait vécu l’épisode de 1944. Quelqu’un lui avait dit que quelqu’un savait de source sûre, que ce vélo rouillé, gardé longtemps dans une grange, n’avait jamais été rendu à son propriétaire. Passionnant ! Nous allions avoir un vélo historique dans un musée de la Résistance, à Peyrat-le-Château ou à Limoges. Il fallait quand même vérifier. Pierrot me demande si je connaissais un spécialiste des vieux vélos. Justement, à 200 m de chez Pierrot vit un passionné de cyclisme qui est né précisément en 1944. Un peu jeune pour avoir connu le modèle donc. Reconnaître précisément le modèle, repérer des détails techniques, c’est une affaire de connaisseur. L’idéal serait de retrouver un ancien coureur de juin 1944, mais vous comprendrez que… La bécane devenue vieux clou, aurait tout de même résisté 80 ans au moins, c’est la seule certitude. Donc, finalement l’histoire fait flop. Le vélo se trouve bien dans une sorte de musée, il faudrait demander à Pierrot. Mais en ce moment, ce dernier est occupé par une croisade de protection des hérissons. Évidemment, par ces quelques lignes, j’ai quelque peu marché sur les plates-bandes de notre ami Jean-François Pressicaud, que les lecteurs d’IPNS connaissent bien pour son abécédaire du cyclisme limousin (qui arrive à sa fin...). Mais je n’ai pas pu résister. Tout le monde ne peut pas être résistant !
On ne voit pas assez précisément l’engin pour affirmer qu’il est de 1944. Néanmoins, la selle n’est certainement pas d’origine, le garde-boue arrière et le feu rouge non plus (dixit notre spécialiste vélocipédique, J.-F. Préssicaud).
Emile Vache