IPNS, dès ses premiers numéros, s’est fait l’écho de l’actualité dans la Montagne limousine, mais a aussi présenté de nombreux articles sur l’histoire et la culture régionales, dont le cyclisme est une des composantes, au même titre que la pêche à la ligne ou les danses traditionnelles. Au long du XXe siècle, les courses ont bénéficié d’une grande popularité. Les photos d’archives montrant la densité des foules regroupées aux arrivées ou au vélodrome de Limoges sont très convaincantes. En campagne, la course cycliste constitue souvent le clou de la fête patronale. En ville, beaucoup de compétitions ont lieu dans les quartiers ouvriers, ainsi à Saint-Junien le 1er mai avec le « Prix des syndicats ».
Cette popularité était démontrée par la place importante réservée au cyclisme dans la presse régionale. Les exploits des champions limousins étaient magnifiés par les chroniqueurs sportifs, les compétitions annoncées avec force détails, résultats et commentaires paraissaient dès le lendemain.
Après des débuts balbutiants, les compétitions cyclistes ont vraiment démarré dans la première décennie du XXe siècle. La mise en service en 1904 du vélodrome de Limoges est déterminante, les plus grands champions de l’époque venant s’y produire. Le demi-fond, derrière moto, est très apprécié du public. Sur route, c’est l’époque des ville à ville, aller-retour : Limoges-Séreilhac, Limoges-Saint-Léonard... La guerre va donner un coup d’arrêt brutal à l’activité cycliste.
À partir de 1919, la reprise est difficile, de nombreux cyclistes ayant été tués. Les routes sont en mauvais état et les dirigeants rares. Progressivement, toutefois, l’activité va reprendre. À côté des petites courses, de grandes épreuve existent avec souvent un kilométrage impressionnant : de 195 km pour « Le chemineau » (1926) à 350 km pour Paris-Bourganeuf ou 365 km pour Paris-Limoges, dont les affluences laissent rêveur : 20 000 spectateurs pour le final de 1938.
Le vélodrome déploie aussi une grande activité. On y assiste à l’éclosion de nombreux talents, comme celui du Creusois Octave Dayen ou du Haut-viennois André Raynaud, lequel deviendra champion du monde de demi-fond en 1936 à Zurich.
Contrairement à ce qui s’était passé en 14-18, guerre et occupation n’arrêtent pas l’activité cycliste, même si elle est contrariée. Les conditions sont difficiles : matériel rare, de mauvaise qualité et ses prix prohibitifs, routes mal entretenues, certains itinéraires interdits. Malgré tout, des courses sont organisées. Parmi elles, le Tour de Haute-Vienne du 4 juin 1944 a marqué les mémoires. Des maquisards stoppent la course au carrefour de Saint-Méard. L’officier du maquis annonce aux concurrents – dont des vedettes nationales – que leurs vélos et les voitures suiveuses sont réquisitionnés sur ordre du Colonel Guingouin. Ils restent libres de rejoindre le combat des résistants ou de regagner Limoges dans le camion-balai.
Après 1945, malgré pénuries et restrictions, de nouvelles compétitions sont créées, d’autres renaissent et le nombre de pratiquants progresse. Le cyclisme limousin est alors bien vivant, attirant des coureurs de toute la France et révélant de remarquables talents : Dufraisse, Poulidor, et bien d’autres. En revanche, après l’embellie d’après-guerre, le vélodrome – qui avait reçu le nom d’André Raynaud, décédé accidentellement sur la piste d’Anvers en 1937, connaît une activité déclinante. 1957, c’est le dernier Paris-Limoges qui voit la fin de cet équipement.
À partir de 1955, c’est la vogue des critériums souvent évoqués dans cet abécédaire. Ces courses de tous niveaux ont un grand succès, confirmant la popularité de ce sport. 1968 voit la naissance du Tour du Limousin.
1975-1995 constitue la période faste pour le cyclisme régional. Après bien des noms réputés, ce sera au tour de Luc Leblanc de briller : il est sacré champion du monde pro en 1994. Pourtant, le visage du cyclisme change radicalement. Les « petites courses » disparaissent, devenues difficiles à organiser du fait de la circulation automobile envahissante. Depuis, cette évolution se poursuit. Difficultés administratives, coûts d’organisation, désaffection du public, n’incitent pas les organisateurs à maintenir leurs épreuves. La révélation publique du dopage porte un coup très dur au prestige du sport cycliste qui voit sa place dans les médias décroître. Devenu de plus en plus technique et exigeant, il perd son caractère originel d’aventure.
Jean François Pressicaud